L’Avesnois est une terre d’histoire qui fut le théâtre de nombreuses guerres.
Après avoir été sous l’autorité du Comté du Hainaut, la région sous domination du duché de Bourgogne devint un champ de bataille opposant les hennuyers et les troupes françaises de Louis XI. En effet dès 1470 celles-ci envahirent les marches septentrionales du Hainaut, commettant de nombreuses exactions dans les villages et dévastant notamment en 1477 les villes de Landrecies et d’Avesnes-sur-Helpe, avant de se retirer.
La région ensuite aux mains des Habsbourg d’Autriche, puis des Habsbourg d’Espagne fut régulièrement attaquée par la France qui rêvait se l’approprier. Elle fut témoin de ces cycles de bataille composés de campagnes militaires, de passages de troupes irrégulières, d’invasions françaises, de sièges, de villages occupés, brulés voire abandonnés.
Ces années furent des années de dénuement pour notre territoire, notamment celles entre 1521 et 1548, marquées par les conflits ouverts entre l’empereur Charles Quint et le roi François Ier, auquel succéda son fils Henri II en 1547.
Le traité de Vervins, signé le 2 mai 1598 mit fin à la guerre franco espagnole opposant les rois Henri IV et Philippe II. Cependant cette paix ne rétablit point la tranquillité dans la partie méridionale du Hainaut et sur la frontière correspondante de France, si longtemps agitées par les guerres. En effet ces deux peuples étaient nourris d’animosité réciproque et de ce sentiment émanait une haine invétérée qui se manifesta alors principalement par des excursions sur le territoire ennemi où rien ne fut respecté, pas plus les personnes que les propriétés. Ces scènes de pillages et de luttes sanglantes furent en général l’œuvre de soldats licenciés, de libertins, de vagabonds, de repris de justice, tous gens de sac et de corde.
De plus ces expéditions épouvantables furent soudaines et absolument imprévues obligeant les malheureux campagnards à être toujours sur leurs gardes. C’est dans ce contexte que les habitants de notre région envisagèrent de renforcer les forteresses et les châteaux, voire d’en construire d’autres.
Ils commencèrent donc à la fin du XVI et au début du XVII à organiser partout des moyens matériels de résistance et à ériger leurs églises en églises fortifiées lorsque le village ne disposait pas d’autre défense. Ils s’occupèrent si activement de se soustraire aux périls permanents d’une telle situation que les campagnes se trouvèrent alors hérissées de forteresses et de fortifications de toute sorte. Ils entourèrent les églises et les cimetières de grosses murailles flanquées de quelques tours solides et environnées de fossés. Ils garnirent les tours des églises extérieurement de planches étagères sur lesquelles ils déposèrent des pierres et autres matériaux qu’ils lancèrent au besoin sur les assaillants. Ils établirent partout, sur les clochers, des échauguettes, sorte de guérites couvertes où des sentinelles furent postées, avec charge de veiller, jour et nuit, au salut commun. Dès que ces guetteurs apercevaient quelque chose de suspect, ils alertaient, soit en frappant sur une cloche soit en sonnant du cornet, les habitants qui se rendaient en hâte à l’église pour s’y mettre en sécurité et pour concourir à la défense commune. Source : Tous ces détails sont tirés des Mémoires particuliers et locaux, corroborés par la tradition populaire. Cf Chronologie historique des seigneurs d’Avesnes par Adrien Joseph Michaux pages 437 à 439.
Les églises apparaissaient souvent comme le dernier lieu de retranchement pour les paysans pauvres et les habitants laissés à la merci des soldats et des pillards. Elles étaient donc conçues comme un système défensif à part entière, permettant alors à la communauté villageoise menacée de s’y réfugier.
Rappelons ici en préambule, qu’en vertu du droit canonique resté en vigueur jusqu’en 1789, le clergé assurait l’édification et l’entretien du chœur de l’église tandis que les villageois et éventuellement le seigneur local prenaient en charge la construction et l’entretien de la nef.
C’est également ces « communautés d’habitants » qui spontanément fortifièrent leur église. Ces communautés rurales accrurent en effet au XVI siècle leur importance en même temps que l’autorité des seigneurs et des abbés s’amoindrissait. Dès cette époque, les paysans prirent soin de distinguer l’assemblée paroissiale, tenue à l’intérieur de l’église et présidée par le curé, et l’assemblée des habitants qui se tenait devant le porche.
Ces églises ont, à notre grande joie, traversé le temps et se présentent de nos jours comme un patrimoine unique, conjuguant architecture religieuse et architecture militaire.
Concernant l’architecture militaire, on peut distinguer deux formes de défense.
La première consiste en un donjon de brique et de pierre rajouté à l’espace liturgique. La seconde concerne l’église, percée de meurtrières et cantonnée de tours ou d’échauguettes. D’un point de vue architectural on peut donc observer d’une part les églises à donjon et d’autre part les églises qui en sont dépourvues. Ces dernières présentent dès lors d’autres éléments de fortification comme des tourelles, clochers-porche, mâchicoulis, bretèches, meurtrières, échauguettes ou autre.
En période de paix, les églises furent restaurées et certaines équipées d’un système défensif amélioré. Plus précisément, les années 1670-1680 furent l’occasion pour les communautés rurales d’entamer des réparations sur des édifices largement endommagés.
Inventaire des églises fortifiées :
On en recense une vingtaine. Certaines ont bien conservé leur aspect originel, d’autres ont subi des modifications plus ou moins importantes et enfin quelques unes ont essuyé de telles transformations, d’altérations si ce n’est de démolitions, qu’il est impossible de nos jours de les imaginer dans leur configuration initiale.
Il est temps maintenant de les décrire. Notons tout d’abord que très souvent la partie religieuse construite en belles pierres blanches bien taillées contraste avec la rudesse de la silhouette massive des donjons en brique. Il faut distinguer l’église, édifice religieux comportant chœur, nef et bas côté unique, et la forteresse. Nous nous limiterons aux caractéristiques architecturales essentielles de cette dernière.
Remarques :
Nous verrons que ces églises fortifiées offrent des éléments significatifs.
Pour l’essentiel de ces édifices, c’est le clocher qui s’apparente le plus à une tour fortifiée d’allure plus ou moins massive. Ces églises à Donjon, véritables forteresses, sont pour la plupart percées de meurtrières dont le but était d’offrir aux défenseurs un poste de tir à couvert. Elles étaient aussi aménagées sur plusieurs étages en salles fortes et salles de refuge. Elles étaient pour certaines flanquées de tour ronde.
Pour d’autres, c’est le cimetière qui entouré d’un mur participait à la défense du village. Pour rappel certaines enceintes étaient à créneaux et leur dimension était impressionnante comme par exemple à Marbaix.
Par contre, seule l’église de Neuville-en-Avesnois est pourvue d’échauguettes sur deux angles, lesquelles contribuaient à améliorer le guet.
La porte principale devait être certainement bardée de fer et renforcée par un gros madrier. Elle était probablement protégée de l’intérieur par l’aménagement d’assommoirs défendant l’accès aux salles de refuge.
Notons enfin que ces différents aménagements en fortifications représentaient une lourde dépense pour la communauté villageoise. Or celle-ci disposait en général de moyens relativement modestes. Les parties fortifiées, essentiellement les donjons comme nous l’avons vu, étaient donc d’aspect rustique, conçues dans un but uniquement de défense avec ses épaisses murailles sans ouverture. La communauté rurale a voulu ériger contre l’église mais en dehors d’elle une sorte de château fort communal. Les hommes du XVI siècle appelaient d’ailleurs le donjon « le Fort ».