Floursies : la fontaine St Eloi et l’aqueduc de Bavay

La Fontaine St Eloi de Floursies (bassin circulaire de 2,90 m de diamètre, d’1 m de profondeur et lavoir rectangulaire)
La Fontaine St Eloi de Floursies : Saint Eloi sculpté dans la pierre avec une date 640
La Fontaine St Eloi de Floursies

La source, qui se trouve au centre du village, était le point de départ de l’aqueduc alimentant Bavay en eau. La fontaine fut construite par les Romains vers l’an 150 et dédiée à la déesse Flore. Les dalles du lavoir datent de l’an 350. Christianisée dès le haut Moyen Âge elle fut consacrée à Saint Eloi . Remaniée au XVI e siècle, elle est inscrite MH par arrêté du 4 octobre 1932.

Cet aqueduc souterrain draine les eaux de la source du Bois de la Garde de Beugnies, située au lieu-dit Fosse Amère. « À l’extrémité aval de ce drain, les eaux sont captées par une autre source qui fait relais et communique avec la rivière Tarsy par un ruisseau, à une cinquantaine de mètres de la Fontaine dite de Floursies. Mais il faut surtout réaliser que la mise en service de ce drainage eut pour effet de provoquer l’assainissement et la disparition des marais que le débordement des eaux de la source de la Fosse Amère, entretenait en permanence sur une grande partie du terrain… ». (Maurice Gravelini , Restitution de l’Aqueduc de Bagacum (Bavay), p. 7, 8 et 9.

Floursies porta au Moyen Age le nom gracieux de Fontaine-Fleurie.

L'Ingénieur Claude Masse et son Mémoire sur Bavay en 1731 par Monsieur Lucien Lemaire

Mémoires de la Société Archéologique de l’arrondissement d’Avesnes 1912 BNF Gallica

La commune opinion est que cette ville fut réédifiée sous l’empereur Tibère, à ce que l’on déduit de quelques inscriptions au jardin des Pères de l’Oratoire. Il , ne faut ajouter aucune foi à une histoire particulière de Bavay, écrite en gothique, qui est aux trois quarts fabuleuse, mais il est sans contestation: que Bavay a été très fameux au 1er siècle, puisqu’en 1731 que moi, Massa, j.e levais la carte de ce pays-ci, j’ai reconnu en divers endroits les vestiges d’un aqueduc, qui conduisait les eaux de la fontaine de Floursies, qui est à plus de 10.000 toises de Bavay, et ou il y a trois sources considérables. Ce qui est sûr c’est qu’on découvre en divers endroits, dans les terres hautes, le sommet des voûtes de l’aqueduc, que le vulgaire appelle buises, surtout à l’Hermitage du bois de Louvignies, marqué à la carte ,28 ; l’on a défait ces voûtes depuis quelques années, ; mais au village du Vieux-Mesnil 33, qu’on a marqué au profil ci-joint de la lettre D, il reste tout à l’entrée, à l’Est de l’Eglise, au bord d’un grand chemin, quantité de morceaux de gros murs de- cet aqueduc, bâti d’un excellent mortier de sable graveleux que l’on allait chercher loin. Les parties et massifs de ces murs étaient fondés sur pierres brutes. Dans d’autres parties, où le terrain baissait, on voit des fondations de piles d’arcades. Au bout de ce village, du côté du Sud, au commence- . ment d’une grande plaine, il y a aussi les vestiges d’un grand mur, où passait cet aqueduc. (Apparemment que c’étaient quelques portiques allant du village du Vieux-Mesnil a celui de Boussières) (1).

(1) L’on a marqué sur la carte de Bavay le canal ou route de r aqueduc jusqu’à la rivière de Sambre, (autant qu on l’a pu découvrir) par une ligne de points routes doubles et l’on a mis sur cette carte les lettres aussi en rouge B. C. D. E. I et G pour que l’on ait une idée des endroits où cet aqueduc passait par rapport aux vestiges que l’on découvre aux différents endroits.

On y voit paraître le sommet de cet aqueduc, qui s’enfonçait entre ces deux villages, dans terre en quelques endroits, pour attraper le niveau de, 8 à 10 pieds, à ce que disent les habitants ; et dans les vallons, il y avait apparemment des arcades dont les fondations ont été entièrement arrachées. Mais au commencement du village de Boussières, marqué 34, l’on trouve, à la partie la plus haute, beaucoup de vestiges en descendant du côté de la Sambre et un grand nombre de ces piles, qui étaient communément de 18 à 20 et 22 pieds de distance. Les dés de ces piles ou massifs avaient 7 à 8 pieds de largueur, et l’on en voit encore des vestiges de fondations jusqu’à la rivière de la Sambre, 38. Dans la partie la plus basse, qui est en prairies, j’ai vu l’emplacement des piles, dont un paysan m’a assuré avoir aidé à achever d arracher les fondements, il y a quelques années, et il en reste encore à hauteur du rez-de-chaussée. Cet, aqueduc passait devant l’église du village de Boussières 84, où il y a encore beaucoup de fondations. On voit, a peu près au milieu de la rivière de la Sambre, au chiffre 38, le reste d’une pile, qui déborde de 2 ou 3 pieds la superficie de l’eau et que l’en dit être d une maçonnerie très dure. Aoi sommet du petit coteau de l’autre coté de la rivière paraissent au chiffre 38 les vestiges d’un gros mur, qui était la continuation de cet aqueduc, d’où commençait, selon toute apparence, le pont et arcade qui portait le conduit et canal jusqu’aux vestiges d?s arcades sus-dites. Il aurait pour le moins 80 pieds de hauteur. C’est une absurdité et une ignorance des gens du peuple de dire que cet aqueduc passât sous la rivière. Ils donnent pour raison qu’il y a de la maçonnerie, qui était la fondation d’une pile à l’autre, ou bien les débris de, l’aqueduc, qui sont tombés dans le fond que le peuple n’avait pas pu arracher, ce que l’on a été obligé de faire, quand l’on a rendu la Sambre navigable. Il est incontestable que dans tous les endroits bas et dans les vallons, qu’il y coule un ruisseau ou non, les constructeurs de l’aqueduc avaient fait des arcades pour conduire l’eau de niveau, surtout au fond du château d’Audignies 32, et à celui au Nord du village du Vieux-Mesnil 33, où il passe un ruisseau. Mais l’on ne voit point de vestiges des piles, parce que le peuple, pour profiter des terres qu’elles occupaient, tant prairies que labourables, ont tout arraché. Les parements de ces piles étaient de grès en forme de moellons piqués, de 6 pouces de hauteur et 4 pouces de plat sur 7 à 8 pouces de queue plus ou moins, avec des bandes qui les traversaient de 2 à 3 briques ou carreaux plats d’environ 8 pouces de longueur sur 7 è de largeur et un pouce d’épaisseur. Il se trouve à Bavay et dans ses environs des carreaux de terre cuite de 15 pouces d3 longueur sur 10 de largeur et 2 d’épaisseur, avec quoi était bâti cet aqueduc. Il était entremêlé de boutisses et panneresses, de même que de bandes ou chaînes plates de ces dites briques dans la construction des piles massives de cet aqueduc, aussi bien qu’aux murs du château et aux autres édifices. C’était la véritable manière dont construisaient les Romains dans leurs ouvrages publics, comme j’ai vu en différents endroits de leurs amphithéâtres et murs de ville ; ca,r ils ne se fiaient pas beaucoup à la solidité de la pierre de taille, qui est sujette à se dégrader et il s’éclater. Il se trouve pourtant, en différents endroits, de grosses pierres bleues et grises, autour de Bavay, surtout beaucoup de grès, à l Est de cette ville et le long de la rivière de l’Hogneau, dont les anciens auraient pu se servir et dont ils ont fait tous leurs parements et murs de ville.

A l’égard des dimensions de l’aqueduc, je n’en dirai rien de positif qu’au rapport des ouvriers, qui ont aidé a en défaire des parties. On en a mis un plan à la figure 3, à la colonne à droite, et le profil à la figure 4. Il avait ordinairement 3 pieds de hauteur, 17 à 18 pouces de largeur : les murs des, côtés mesuraient 3 pieds de hauteur, 17 à 18 pouces de largeur ; les murs des côtés mesuraient 3 pieds d’épaisseur ; le canal était recouvert par une grosse pierre bleue ou de grès de 5 a 6 pieds de longueur sur un pied d’épaisseur. Le pavé était fait de gros carreaux de terre cuite ou de briques toutes d’une pièce, avec un petit ourlet aux extrémités, sur lequel portait un enduit d’un excellent ciment, fait de briques et de cailloux pilés, de sable graveleux détrempé avec une excellente chaux faite de pierres dures, puisque l’on a beaucoup de peine à défaire cet enduit, qui est plus dur que la. pierre même. Ce canal était porté sur un massif de maçonnerie excellente de pierres brutes dures ; les pierres baignaient dans un bon mortier fait de sable, de gravois et de pierres broyées, toute la masse portée sur une saule de pierres brutes, enfoncée plus ou moins, selon que le terrain le requérait, pour conduire l’eau de niveau, c’est-à-dire avec une pente raisonnable, depuis sa source 44 jusqu’à Bavay, où l’on découvre encore les vestiges du canal ou conduit, qui écoulait les eaux des bains et réservoirs dans le ruisseau dei Louvignies. Je n’assure point positivement ces dimensions, n ‘en ayant vu que des parties par-ci par-là ; le surplus n’est que sur le rapport des gens du pays.

L'aqueduc de Floursies à Bavay, notice descriptive et essai de reconstitution par René Jolin 1955 (Archives Départementales du Nord BH 05671)

En 1731, l’ingénieur Claude MASSE écrivait dans son Mémoire sur la ville de Bavay : « … Il est probable et sans contestation que Bavay a été très fameux au premier siècle, puisqu’en 1731 que je levais la carte de ce pays-ci, j’ai reconnu en divers endroits les vestiges d’un aqueduc qui conduisait les eaux de la fontaine de Floursies, qui est à plus de dix mille toises de Bavay, et où il y a trois sources considérables … ».

Au siècle précédent les relations de VINCHANT (1) et du jésuite BUCHERIUS (2) sont empreintes de l’admiration qu’ils ont éprouvée devant les vestiges imposants de cet immense ouvrage, qui par un parcours tantôt aérien, tantôt souterrain, amenait à Bavay les eaux pures des sources de la rive droite de la Sambre.

Malheureusement, ces vestiges eux-mêmes ont presque complètement disparu de nos jours et il a fallu beaucoup de travail et de patience aux nombreux chercheurs qui se sont acharnés à retrouver les traces de l’aqueduc. C’est en utilisant les résultats de leurs recherches, complétés par les données que peut nous fournir l’étude des cartes et des photos aériennes (3) de la région, que nous allons essayer de faire revivre cet ouvrage bien digne de la grandeur romaine.

Mais auparavant, nous voudrions remercier ici M. le Chanoine BIÉVELET, directeur des fouilles de Bavay, qui, par ses conseils éclairés et l’abondante documentation qu’il a mise à notre disposition, a grandement facilité notre tâche.

(1) F. VINCHANT, Annales du Hainaut, Mons, 1648.

(2) BUCHERIUS, Belgium Romanum, Liège, 1655.

(3) Ces photos, provenant de 1’Institut Géographique National, nous ont été aimablement communiquées par M. GANDILLOT.

ORIGINES DE L’AQUEDUC.

Si nous examinons une carte de la région, nous constatons que les sources les plus proches de Bavay, à part celles qui se trouvent à la lisière de la Forêt de Mormal, sont à un niveau inférieur aux 150 mètres du piton sur lequel est bâtie la ville, et par conséquent qu’elles pouvaient difficilement être utilisées pour l’alimenter en eau.

Les sources de la Forêt de Mormal toute proche ne semblent pas avoir été captées. Sans doute ne répondaient-elles pas aux conditions de salubrité d’une eau potable (1). Aussi les Romains n’ont-ils pas hésité à entreprendre des travaux considérables, pour chercher au loin l’eau dont ils avaient besoin. C’est ainsi que plusieurs sources de la rive droite de la Sambre, bien que situées à près de 20 km de Bavay, mais à un niveau convenable, ont été captées pour alimenter la ville

(1) VITRUVE, De l’Architecture, un chapitre du Livre VIII est consacré aux eaux potables.

LA FONTAINE SAINT-ELOI A FLOURSIES

La plus importante et la plus connue de ces sources est sans conteste la Fontaine Saint-Éloi, à Floursies (planche 1).

Son eau limpide remplit encore un bassin circulaire que nous pouvons admirer au pied de l’église. D’un mètre de profondeur et de 2.90 m de diamètre, il est entouré d’un pavement constitué par de larges dalles de pierre bleue du pays. L’ensemble est actuellement ceinturé par un muret de 90 cm de hauteur, surmonté, au-dessus de la rigole servant de déversoir, d’une ancienne statue de saint Éloi, qui a donné son nom à la fontaine.

Le niveau des eaux est approximativement à la cote 185 et le débit de la source est encore de près de 100 mètres cubes à l’heure.

Des vestiges de constructions romaines ont été retrouvés à proximité ; l’église, construite en pierres de remploi, nous montre un morceau de goulotte semi-circulaire, comme on en rencontre plusieurs exemples à Bavay.

SUR LE TERRITOIRE DE DOURLERS.

Rien ne permet de supposer que les sources voisines aient été captées. D’ ailleurs, dès son origine, nous perdons la trace de l’aqueduc et c’est le patient travail de CHEVALIER (2) qui nous permettra de le suivre jusqu’au « Mur des Sarrasins », restes d’un pont qui lui permettait de traverser la vallée du Ruisseau de la Braquenière

A 500 mètres au nord de l’église de Dourlers, ces ruines bordent un chemin vicinal sur une vingtaine de mètres. Elles sont constituées par le remplissage intérieur d’un mur, dont les parements extérieurs ont disparu. Larges d’un mètre, elles s’élèvent à près de deux mètres au-dessus du chemin, au niveau 175,35 (planches 2 et 3).

Plus à l’ouest, la base de ce mur affleure dans l’axe du chemin, sur près de soixante mètres.

De part et d’autre du Mur des Sarrasins, les sondages de CHEVALIER ont retrouvé le passage souterrain de l’aqueduc à Mont – Dourlers au passage de la route d’Avesnes, le long du chemin de la Croix, où la dénivellation qui en résulte est encore visible, et dans une pâture, au Trieux Gaillon. Tous ces points sont situés entre les courbes de niveau 180 et I75.

Le fond de l’aqueduc était constitué par des briques longues de 50 cm, larges de 40, avec des rebords latéraux hauts de 10 cm. Sur ces rebords étaient disposées des briques carrées, rainurées sur une face suivant leurs diagonales (3) et formant le parement intérieur du massif de moellons bruts et de mortier qui constituait le canal. Il était couvert de pierres plates d’environ 12 cm d’épaisseur.

(2) CHEVALIER Notice sur l’aqueduc romain de Floursies à Bagacum. 1833.

(3) CHEVALIER parle de briques triangulaires réunies par leur sommet, mais cette disposition nous fait plutôt penser à l’utilisation de briques rainurées semblables à celles dont nous avons découvert les débris à quelques kilomètres de là dans le Bois d’Ecuélin,

SUR LA RIVE DROITE DE LA SAMBRE.

En quittant le territoire de la commune de Dourlers, l’aqueduc vient buter contre une crête couronnée par le Bois de Saint-Rémy et le Bois d’ Éclaibes (planche 3). Le point le plus bas de cette crête est au niveau 180 à 5 ou 6 mètres plus haut que le fond de l’aqueduc Rien ne permet de déterminer si cet obstacle a été contourné ou traversé par une galerie.

On cite simplement le passage de l’aqueduc près du château d’Ecuélin et à l’est de la ferme de l’Hôpital, sans plus de précisions (4).

Nous avons fait des recherches sur le versant de la crête regardant le nord, le long d’un ruisseau qui prend sa source au sud d’Ecuélin. Nous y avons trouvé plusieurs pierres plates, semblables à celles qui couvraient l’aqueduc, et de très nombreux morceaux de briques rainurées (5) et de briques à rebords formant drain.

Il semble que l’on se trouve en présence des travaux de captage d’une des sources qui se trouvent sur ce versant ; rien ne prouve que l’ on retrouve la trace de la branche principale de l’aqueduc.

D’autres vestiges d’aqueducs ont été découverts à l’est d’Ecuélin, près d’Éclaibes.

En I880, M. DUPONT met à jour un regard en pierres calcaires sur le trajet d’un aqueduc, à proximité du Bois le Temple (6).

MINON (7) donne une description de cet aqueduc, dont il a pu voir des parties intactes bien que remplies de terre. Il avait à peu près la même section que celui de Dourlers, mais sa construction était moins soignée. Les rebords de la brique de fond étaient surmontés de six rangs horizontaux de briques. Le canal était fermé par des « agaises », plaques de schiste que l’on trouve dans la région.

(4) Mémoires de la Société Archéologique d’ Avesnes, 1886.

(5) Ces briques ont 25 cm de côté, 2,5 à 3 cm d’épaisseur et portent sur une face deux profondes rainures suivant les diagonales de la brique.

(6) Déjà en I786, Dom BÉVY, historiographe du Roi, avait fait une chute dans un tel regard, alors qu’il recherchait l’aqueduc de BAVAY (Mémoires de l’Académie de Bruxelles, tome IV, page 483)

(7)MINON, Hautmont et son Abbaye, P. 70.

Il semble cependant peu probable que l’on soit en présence d’une branche de l’aqueduc de Bavay. Il se trouve, en effet, à la lisière du bois, près de l’ancien étang d’Éclaibes, au niveau 168 c’est-à-dire bien trop bas pour que les eaux puissent rejoindre celles de Floursies, qui, dans la région, étaient encore au-dessus du niveau 170.

D’ailleurs cet aqueduc aurait dû, pour rejoindre celui de Floursies, traverser une vallée sur un ouvrage qui aurait eu une dizaine de mètres de hauteur. Or, on ne trouve aucun vestige d’un tel travail et personne n’en a jamais fait mention.

Nous avons donc laissé notre aqueduc entre Ecuélin et Limont Fontaine, grossi des eaux captées au passage. Il descend ensuite vers la vallée de la Sambre en suivant la ligne de faite qui domine la vallée du Ruisseau des Cligneux. Si ses restes ont été enlevés par les cultivateurs, dont ils gênaient les travaux, de nombreux débris de briques romaines jalonnent encore son passage jusqu’au « Mur de Saint-Rémy ». La photographie aérienne vient d’ailleurs à notre secours pour préciser le tracé de l’aqueduc dans cette région. Sur son passage, le sol, rendu peu propice à la culture par les nombreux débris qu’il renfermait, n’a été mis en valeur que tardivement. Les parcelles qui en résultent ont une toute autre direction que celles des alentours ; elles forment une ligne continue qui matérialise sur la photo le passage du canal souterrain qui constitue l’aqueduc (planche 4)

LE MUR DE SAINT-REMY.

Au sud-ouest de Saint-Rémy, le long d’un sentier qui, partant de la route de Maubeuge à Aulnoye, se dirige vers la Sambre, on retrouve le soubassement de l’aqueduc qui devient aérien.

C’est un mur de 55 mètres de long, large d’environ un mètre et arasé à la cote 154,30 Lui aussi, comme le mur de Dourlers et les autres vestiges que nous retrouverons plus loin, a été dépouillé de son parement et il ne reste que le remplissage intérieur, formé de pierres bleues, de débris de briques et de tuiles, liés par un mortier rosé (planche 2) .

A l’extrémité du sentier, à une centaine de mètres plus loin en direction de la Sambre, se trouve un massif important de forme irrégulière, en très mauvais état de conservation et par surcroît recouvert d’épais buissons qui rendent son exploration difficile.

C’est un ouvrage romain où l’on peut reconnaître une masse centrale d’environ 10 mètres de cote (8). Du côté de la route, il se prolonge par un massif allongé et plus étroit ; à l’opposé, du côté de la Sambre, un massif analogue descend vers le fond de la vallée sur une vingtaine de mètres. Et de nouveau, les prairies et les cultures font disparaître tout vestige de l’aqueduc, notamment dans la traversée de la vallée.

(8) Il s’agit sans doute du soubassement du « bassin très profond de forme quarrée » dont parle J. DE BAST dans son Second Supplément au Recueil d’Antiquité romaines et gauloises, Gand, 1813.

LE MUR DE BOUSSIÈRES SUR SAMBRE.

Faisant pendant au mur de Saint-Rémy, un ouvrage analogue se dresse dans la prairie Corbeau, au sommet du petit village de Boussières. Il s’agit du remplissage d’un mur, dont la section est cette fois trapézoïdale (planche 5). Son sommet actuel, à la cote 153,20 a 1.60 m de largeur ; le mur a 3,50 m de largeur à sa base et mesure 34 mètres de long. Ses traces sont visibles 60 mètres plus bas, près de la chapelle de Boussières, sur 5 mètres de largeur. Il se trouve exactement dans l’alignement du mur de Saint-Rémy. Sur l’axe commun de ces deux murs, de nombreux vestiges ont été signalés, aussi bien dans le village de Boussières que dans les prairies qui descendent vers la Sambre.

Il s’agit de fondations régulièrement espacées, ayant probablement servi de bases aux piles d’un pont qui enjambait la vallée.

MASSE (9) n’a vu que les emplacements des piles, dont un paysan lui a assuré avoir arraché les dernières fondations. Ces piles, distantes de 18 à 20 pieds, avaient une largeur de 7 à 8 pieds.

Les fouilles effectuées en 1895 par Ch HOUZEAU DE LEHAIE (10) ont confirmé ces dimensions : il a mis à jour les bases de piles rectangulaires de 3 mètres sur 5, construites avec grand soin en moellons taillés régulièrement.

Il devait y avoir plus de 150 de ces piles pour traverser la vallée ; l’une d’elles, plus importante que les autres et formée d’énormes pierres rectangulaires scellées au plomb, se trouvait dans le lit même de la Sambre. Elle a malheureusement été détruite lors de la canalisation de la rivière.

Dernièrement, une tranchée creusée le long de la rue du village a fait apparaître les fondations de trois piles, à 150 mètres environ au nord de l’église ; elles sont distantes d’environ 5,50 mètres et leur largeur est de plus de 2 mètres.

La photo aérienne nous donne quelques précisions supplémentaires sur le tracé de l’aqueduc. Nous voyons nettement le mur de Boussières, l’ombre de la haie qui borde le sentier du Mur de Saint-Rémy et les buissons qui recouvrent le gros massif situé un peu plus loin sur le même sentier (planche 4).

Dans l’axe ainsi formé, on remarque à la sortie de Boussières, deux haies parallèles limitant une zone où se trouvait le pont aqueduc et qui font penser aux espaces de 15 pieds de large, libres d’ arbres et de constructions, que les règlements romains imposaient le long des aqueducs, lorsqu’ils étaient aériens (11).

Ces deux haies s’incurvent à proximité de la rivière, laissant supposer que l’aqueduc formait un coude pour la traverser perpendiculairement au courant, afin de mieux résister à l’ action des eaux.

(9) MASSE, Mémoire sur Bavay.

(10) MINON, op, cit. p. 71.

(11) FRONTIN, Les aqueducs de Rome.

LES TOURNELLES DE VIEUX-MESNIL.

Au nord-ouest de Boussières, toujours dans l’axe de la traversée de la Sambre, nous retrouvons, quelques kilomètres plus loin, les vestiges de l’aqueduc. Ce sont les tournelles de Vieux-Mesnil. Elles se trouvent le long d’un sentier qui débouche en face des écoles de Vieux-Mesnil.

Ces massifs, au nombre de quatre, sont encastrés dans les fondations d’une maison. Ce sont sans doute les restes de quelques-unes des 42 piles qui, nous rapporte HEYLEN, permettaient à l’aqueduc de traverser la vallée du Ruisseau du Bois du Mesnil, au hameau de Manissart (planche 5). Larges de deux mètres et distants de cinq mètres, ces massifs s’élèvent à un mètre au dessus du sol, aux environs du niveau 149. Nous ne connaissons leur forme que par la description de MASSE : ils étaient formés « de rangs alternés de briques et de grais moellons piqués de 6 pouces sur 4 avec 7 à 8 pouces de queue ».

Si l’on remonte le sentier vers le sud, on retrouve, 84 mètres plus loin, un autre massif, haut de 1,50 m. et large de 4 m. Sa plus grande dimension, 7 mètres, est perpendiculaire à l’axe des tournelles.

Entre ce pont et le mur de Boussières, l’aqueduc était souterrain, sauf pour la traversée d’une petite vallée. Monsieur Henri GUILLAUME a retrouvé dernièrement la base d’une des piles de cet autre pont, dans le lit d’un ruisseau dévié par une crue.

DE VIEUX-MESNIL À BAVAY.

Une fois traversée la vallée du ruisseau du Bois du Mesnil, les traces de l’aqueduc sont presque inexistantes.

HEYLEN le fait passer à l’Est d’Hargnies, à travers le Bois de Louvignies, près du château d’Audignies, pour déboucher enfin par un canal de 6 pieds de haut et 2 pieds de large, dans les bassins du château d’eau de Bavay.

MASSE indique son passage à l’Ermitage du Bois de Louvignies et en deux points indiqués sur son plan de Bavay, au bord de la route de Louvignies. Il nous donne les dimensions de sa section, tout en faisant des réserves sur ces mesures, qu’il n’a pu contrôler : 3 pieds de haut, 17 à 18 pouces de largeur.

S’il lui semble « incontestable» que l’aqueduc a traversé la vallée là où se trouve le château d’Audignies, sur des arcades qui auraient été entièrement détruites et dont on n’a jamais trouvé trace, nous pensons plutôt que la construction d’un tel ouvrage n’était pas nécessaire. Il est, en effet, facile à un canal souterrain, en suivant la pente naturelle du terrain, de passer du Bois de Louvignies à Bavay.

La découverte par HENAULT (12) d’un aqueduc à proximité de la route de Maubeuge vient confirmer notre hypothèse, tant par sa section : 50 cm de haut et 40 de large que par son niveau : aux environs de la cote 150.

Si nous reportons sur une carte les points de passage signalés par HENAULT et de MASSE ! Nous constatons qu’ils se trouvent dans la bande de terrain située au-dessus de la cote 150 un peu au nord d’ Audignies entre Bavay et le Bois de Louvignies.

Le point d’arrivée de l’aqueduc n’a pas été retrouvé. Logiquement, le château d’ eau devait se trouver au sommet de la ville, c’est à dire sous les maisons qui se trouvent à la sortie de Bavay en direction de Maubeuge.

(12) Henault, Pro Nervia. tome 5, 2ème livraison.

PROFIL GÉNÉRAL DE L’AQUEDUC.

Nous avons donc parcouru les vingt kilomètres de cet aqueduc qui, partant de Floursies à la cote 184,50 débouche à Bavay aux environs de la cote 149 soit 35 mètres plus bas, par un parcours devenu bien imprécis. Tantôt aérien, tantôt souterrain (planche 6).

Sa pente n’était toutefois pas régulière. Sur la rive droite de la Sambre, elle était en moyenne de 2,8 pour 1000 amenant son radier à la cote 156 aux environs du mur de Boussières, après un parcours de plus de dix kilomètres.

A cet endroit devait se trouver un bassin pour casser la force du courant et évacuer le trop plein des crues, avant le délicat problème de la traversée de la vallée (13).

L’étude de la photo aérienne nous permet de placer ce bassin au coude brusque que fait l’aqueduc avant de s’engager dans la ligne droite de l’ouvrage construit dans la vallée.

Sur la rive gauche de la Sambre la différence des niveaux était plus faible et la pente, de 0,66 pour 1000 suffisante toutefois pour amener l’eau jusqu’à Bavay.

Le tableau ci-après donne les niveaux de quelques points de passage de l’aqueduc. Nous y avons indiqué également les niveaux du radier, calculés avec les pentes moyennes que nous venons de déterminer.

(13) Une telle disposition se retrouve près de Metz, sur la rive gauche de la Moselle, à l’entrée du pont qui traversait la rivière et dont on voit encore les arches à travers le village de Jouy aux Arches.

Distance de Bavay en Km Lieu Niveau du sol ou des vestiges Niveau probable du radier de l’aqueduc
20,5 Fontaine de Floursies 185 184,5
18 Mur des Sarrasins, Dourlers 175,35 177
Crête Nord de Dourlers 180
Château d’Ecuélin 173,3
10,5 Mur de St Rémy 155,2 156
8,6 Rives de la Sambre 127
7 Mur de Boussières 153,2 154
1,5 Tournelles de Vieux Mesnil 152,8 153
0 Aqueduc de M. Henault 150 150,10
Partie S. E. de Bavay 150 149

Un calcul approximatif du débit de l’aqueduc à Dourlers (14) donne 135 m3 / heure. En supposant qu’un débit analogue ait été fourni par les autres sources captées en cours de route à proximité d’Ecuélin, nous sommes bien près du débit de 250 m3 / heure que l’on trouve pour la section relevée par HENAULT à proximité de Bavay.

Par contre les dimensions citées par HEYLEN donneraient un débit de 650 m3 / heure, hors de proportion avec ce que nous avons calculé précédemment. Il semble que le canal dont parle HEYLEN soit plutôt une des nombreuses galeries qui sillonnent le sous-sol de Bavay pour l’évacuation des eaux usées.

(14) Voir les détails du calcul ci dessous.

La formule de Bazin donne une valeur approximative de la vitesse moyenne d’écoulement des eaux dans un canal ouvert.

V = vitesse en mètres seconde R = rapport de la section de la veine d’eau au périmètre mouillé γ = coefficient qui dépend de la nature des parois du canal, de l’ordre de 0,10 dans le cas considéré i = pente du canal Son application donne le résultat suivant :

Aqueduc de Dourlers Aqueduc à 1,5 km de Bavay Section donnée par Heylen
Largeur en mètres 0,30 0.40 0,60
Hauteur en mètres 0,35 0,50 1,80
Hauteur supposée de l’eau 0,20 0,40 1,20
Valeur de R 0,085 0,130 0,290
Pente de l’aqueduc 0,0028 0,00066 0,00066
Vitesse moyenne d’écoulement en m / sec 0,62 0,45 0,90
Déduction débits correspondants en m3 / heure 135 260 650

LA TRAVERSÉE DE LA SAMBRE.

L’ouvrage le plus important qu’ait nécessité la construction de l’aqueduc, a sans doute été celui qui permettait la traversée de la vallée de la Sambre. Or c’est sur cet ouvrage que nous sommes le moins bien renseigné et nous en sommes réduit à des hypothèses, basées sur les quelques données parvenues jusqu’à nous.

Nous ne pouvons guère retenir la solution d’un passage sous la Sambre au moyen de tuyaux de plomb ; les fondations que l’on retrouve dans la vallée font plutôt penser à la présence d’un pont en cet endroit.

Mais une difficulté surgit : la Sambre coule au fond de la vallée à la cote 127 et nous trouvons l’aqueduc de part et d’autre aux cotes 156 et 154 soit environ 28 mètres plus haut. Or les bases des piles retrouvées dans la vallée ont une section de 5 mètres sur 3 bien insuffisante pour élever à 28 mètres de haut les arcades qui eussent pu supporter le canal de l’aqueduc (planche 7).

C’est en remontant aux sources et en écoutant les conseils de VITRUVE (15) que nous pourrons faire une hypothèse plausible. S’il s’agit de traverser une vallée profonde, dit-il en substance, d’un réservoir situé au sommet de la pente on établira des conduites de plomb ou de poterie qui descendront jusqu’ à une certaine distance du fond de la vallée. Là, on les appuiera sur un ouvrage en maçonnerie horizontal et de grande longueur avant de remonter sur la pente opposée jusqu’au niveau convenable, en évitant ainsi les détériorations que causeraient aux conduites les changements de pente trop brusques.

Comment ces données ont-elles été appliquées? Supporté par le mur de Saint-Remy un canal de maçonnerie aurait amené les eaux dans un réservoir de chasse d’où une série de tuyaux de plomb formant siphon serait descendue jusqu’à un pont de hauteur modeste, jeté au travers de la vallée, pour remonter ensuite jusqu’ au niveau du mur de Boussières. Les niveaux auxquels sont arasés ces deux murs concordent avec cette hypothèse.

L’important massif qui se trouve à proximité du mur de Saint-Remy serait la base du réservoir de charge ; le massif qui le précède aurait servi de support au canal d’amenée des eaux : tandis que celui qui est à l’opposé aurait formé le plan incliné sur lequel était posé le faisceau de tuyaux de plomb qui descendait sur le pont enjambant la vallée (16). Les dimensions réduites des piles qui ont été retrouvées dans la prairie de Boussières s’adaptent bien à un tel pont, dont la hauteur aurait été seulement de l’ordre de 10 à 15 mètres.

DE BAST, dans son recueil des Antiquités romaines et gauloises, parle de tuyaux de plomb qui existaient en cet endroit et MINON (17) fait mention de débris de tuyaux de plomb retrouvés à Boussières : ces données confirment notre hypothèse. On objectera que l’installation d’un tel siphon aurait été bien dispendieux. Mais il ne faut pas oublier l’importance de Bavay, attestée par l’ampleur des monuments que l’on y trouve. D’ailleurs la proximité relative des mines des Cornouailles, exploitées par les Romains pour en extraire le plomb, a facilité l’approvisionnement des quelque 400 tonnes de tuyaux qui ont été nécessaires pour les conduites.

Peut-on enfin considérer comme une dernière preuve de notre hypothèse l’acharnement des hommes à détruire cet immense ouvrage, pour en arracher le précieux métal qu’il recélait ?

(15) VITRUVE, De l’Architecture, livre 8, chapitre 6.

(16) Cette disposition existe aux environs de Lyon, à St-Genis, à Beaumont et à Soucieu où les vestiges qui en restent sont encore très importants.

(17) MINON, op. Cit.

POIDS DE LA CANALISATION EN PLOMB.

On admet généralement que la section S m2 convenable pour écouler un débit Q m/sec. est donnée par la formule : S = 1,75 Q

Pour la traversée de la Sambre, le débit de 270 m3 / heure donne : Q = 0,075 m3 / sec

d’où : S = 0,13 m2

Si nous supposons que l’eau s’écoulait dans 3 tuyauteries parallèles, chacune d’elles aurait eu un diamètre de 23 cm.

D’après Vitruve, les tuyauteries de plomb avaient une longueur de 10 pieds (3,2 m environ) et leur poids était fonction de la largeur développée de la feuille de plomb qui formait le tuyau. Un tuyau fait avec une feuille de 100 doigts (1840 mm) pesait 1200 livres.

Pour les tuyaux que nous avons supposé être utilisés, la largeur de la feuille de plomb aurait été de 725 mm ou 40 doigts. Le poids de chacun des tuyaux aurait été de 480 livres. Pour couvrir la triple longueur de 1800 mètres qu’aurait eue la canalisation, il aurait fallu 1700 tuyaux, représentant un poids total de 816000 livres ou environ 400 tonnes.

Ce poids est bien inférieur toutefois à celui qui a été utilisé à Lyon dans un cas analogue et évalué à plus de 2.000 tonnes.

L'aqueduc de Floursies à Bavai par Charles CROIX (L'Avesnois préhistorique, gaulois, gallo‐romain et franc 1956) Archives Départementales du Nord BH 05632.

L’AQUEDUC DE FLOURSIES A BAVAI

Depuis la parution de la Notice sur l’aqueduc romain de Floursies à Bavay, lue en Sorbonne par P. Chevalier en 1892 et publiée par les soins de la Société archéologique d’Avesnes, de nouvelles découvertes ont, à plusieurs reprises attiré l’attention des chercheurs, de MM. R. Minon, M. Hénault, R. Jolin entre autres, sur cet important monument, dont rien ou presque ne subsiste aujourd’hui.
D’autre part, le Mémoire de Claude Masse, publié par la Société archéologique en 1912, apporte sur ce sujet d’importantes précisions. Ce savant ingénieur curieux et excellent observateur a pu, en effet, il y a plus de deux cents ans, recueillir des traditions oubliées depuis et observer des vestiges dont toutes traces ont maintenant disparu (1).

Nous avons pensé que cette question méritait une mise au point et qu’il y avait lieu de tirer parti de cette documentation pour compléter et rectifier la Notice de P. Chevalier. Nous étudierons successivement la section de Floursies à la Sambre, la traversée de ce cours d’eau par l’aqueduc et la section de la Sambre à Bavai.

Si, pendant longtemps l’agglomération de Bavai a pu se contenter de l’eau que lui fournissaient les sources de la région et les puits de la localité, il n’en fut plus de même dès que la cité eut pris l’important développement que l’on sait. Comme dit Cl. Masse : « Ce n’a pu être que l’opulence et la magnificence de la nation qui ont fait bâtir l’aqueduc …»

Les Romains furent amenés à capter les eaux des sources de Floursies et du bois Leroy et à les conduire à Bavai à l’aide d’un aqueduc d’une vingtaine de kilomètres (2), tantôt aérien, tantôt souterrain, dont les vestiges, déjà bien dégradés il y a deux cents ans, ont presque entièrement disparu.

Il existe à Floursies (3), à proximité de l’église, un bassin en maçonnerie de forme circulaire de 2 m 90 de diamètre intérieur. Tout autour, on remarque un mur d’enceinte de 1 m de haut et 0 m 85 de large auquel est adossée une banquette en pierre. On pénètre dans cette enceinte par une seule ouverture. Cette construction extérieure paraît récente.

La source est placée sous le vocable de saint Éloi dont l’image grossière est sculptée sur une pierre encastrée dans le mur et sur laquelle on lit : SAINT ELOY DCXXXX

Cette source donne naissance au ruisseau de Saint Éloi qui, réuni à ceux de Braquenière et des Marquais, forme la petite rivière du Tarsy (4) qui se jette dans la Sambre.

L’annaliste Vinchant affirme avoir vu cette fontaine entourée de constructions romaines en 1630 (5). On a seulement retrouvé, quelques années avant 1826, « des fondations cimentées et un pavé de larges dalles » dans une prairie au nord-est de l’église (6).

« On n ‘aperçoit plus, près de la fontaine, aucune trace de l’aqueduc qui en partait ; mais la terre, à quelque distance, en recèle encore de grandes parties … Le lit, dans les parties qui ont été découvertes, en était pavé d’épaisses et larges tuiles triangulaires. » (7).

L’aqueduc traversait le territoire de Floursies sur une longueur d’environ 800 m avant de parvenir sur celui de Dourlers où il a laissé des traces plus visibles.

On peut le suivre sur environ 3 km 800, notamment à Mont-Dourlers où il coupe la route d’Avesnes à Maubeuge et à 300 m de là, où on le repère à la sonde entre le chemin de Dourlers et le ruisseau du Tarsy. Plus loin, longeant le chemin de la Croix, il est indiqué par une dépression rectiligne de 130 m. (8). Les restes les mieux conservés sont connus sous le nom de mur des Sarrasins ou du Aydu (aqueduc), en bordure d’un chemin, à 600 m au nord du village. La maçonnerie est en pierres calcaires du pays reliées entre elles « par un mortier dans lequel sont encastrés de petits silex » (9). Cette muraille, disait Lebeau, il y a plus de cent ans, « dont les parements sont généralement tombés de vétusté, est tellement dégradée, surtout dans sa partie inférieure, qu’elle est à jour et ne s’appuie plus guère sur le sol qu’en quelques endroits. » (10).

« En prolongement, sur le même chemin, on voit, à fleur de terre, de grosses pierres bleues qui étaient les assises de ce mur et qui servaient à soutenir une partie de 1’aqueduc. »

Des traces ont encore été relevées au Trieux Gaillon dans une pâture, le long du chemin d’Eclaibes. La direction, sur ce point, peut être suivie à la sonde, d’après Chevalier (11).

En 1880, lors de l’ouverture d’une carrière, M. Dupond retrouva les vestiges d’un aqueduc dans la partie du bois d’Eclaibes qui fait face à Dourlers, à 120 m du calvaire de ce village (12).

Un second aqueduc, alimenté par les sources du bois Leroy et de direction générale est-ouest, passe au sud de l’étang du Moulin puis s’infléchit légèrement au nord, en longeant la rive occidentale de l’étang. Il reprend alors sa direction primitive jusqu’au sud du territoire de Limont-Fontaine où il rejoint celui de Floursies. C’est en cherchant l’aqueduc dans ces parages que dom Bévy, historiographe du roi, serait tombé dans un souterrain profond de 10 pieds, le 16 mai 1786, entre Eclaibes et le bois Leroy (13).

C’est à cette branche qu’appartenait un regard (lumen) ou puits en pierres calcaires, découvert en 1880 à la lisière du Bois du Temple (14).

D’autre part, le Père Boucher, qui paraît avoir visité l’aqueduc au XVIème siècle, mentionne, non loin de la ferme de l’Hôpital, à l’origine d’un ruisseau qui va se jeter dans la Sambre près de Bachant, un réservoir dans lequel les eaux convergeaient d’une dizaine de points (15).

Le passage n’est d’ailleurs pas très clair. Si on s’en rapporte à la carte établie par les services de l’armée vers 1730, sur laquelle figurent les « Vestiges de l’aqueduc des Romains », il n’est pas impossible qu’un aqueduc secondaire, parti des environs de la ferme de Beauchamp, ait passé au sud du château d’Ecuélin, puis non loin de la fourche de deux chemins d’intérêt commun, avant de s’infléchir vers le nord-est pour se terminer dans l’aqueduc principal.

L’aqueduc traverse le territoire de Limont-Fontaine sur deux kilomètres environ. On le désigne parfois dans le pays sous le nom de Buse des Sarrasins (16). On en découvre les restes, dit Chevalier, « le long du chemin de Limont à Ecuélin, à environ cent mètres au-dessus du ruisseau des Voyaux ». Tenant compte de l’altitude et des accidents du sol, il serpente à travers la campagne. Il est difficile d’en suivre la direction. On constate cependant qu’il s’incline vers l’ouest pour pénétrer sur le territoire de Bachant qu’il traverse sans traces apparentes sur une longueur de 1.800 mètres environ. « On constate seulement çà et là des restes que les cultivateurs, gênés dans leurs travaux, font disparaître s’ils n’en sont empêchés par la solidité de la maçonnerie » (17).

Sur le territoire de Saint-Rémy-du-Nord, l’aqueduc s’infléchit vers le nord-ouest. Un affleurement est encore visible à proximité de la route d’Aulnoye à Maubeuge, au lieu dit, la Cavée ou mur des Sarrasins, à l’ouest du village. Il se prolonge par un mur d’une soixantaine de mètres de long, large d’un mètre, dont le sommet est à la cote 154,30 et que longe une haie (18). Le revêtement extérieur et le soubassement, dit René Minon, sont composés de pierres bleues, de grès, de tuiles, d’une espèce de pierre poreuse provenant du bois d’Hautmont et qui semble appartenir à un ciel de carrière … Cette maçonnerie à l’air libre est infiniment supérieure à celle d’Eclaibes, tant pour le fini que pour la solidité du travail… (19) ».

On a pu étudier, en différents endroits de cette première partie du parcours, la construction de portions souterraines de l’aqueduc. A Dourlers, comme à Eclaibes, sa section se présente sous la forme d’un rectangle de 30 à 35 cm de base sur 40 à 50 ou 55 cm de hauteur. Le fond est formé de tuiles de 40 à 50 cm de long sur 40 cm de large. Les deux bords longitudinaux de ces tuiles sont redressés de 4 cm intérieurement et font une saillie de 0.01 sur les parois latérales. Sur les saillies de la tuile inférieure, s’élèvent les faces latérales constituées par 6 assises de briques en forme de triangle isocèle qui réunies à leur sommet, forment un carré de 30 cm de côté (20). Des moellons bruts, reliés par un mortier très dur, forment le revêtement extérieur.

La couverture du conduit souterrain variait suivant les matériaux fournis par la région traversée. Souvent peu soignée, semble t-il, elle est formée tantôt de tuiles semblables à celles du fond, mais sans rebords, tantôt de plaques de schiste (agaizes) comme à Eclaibes, tantôt de pierres bleues, comme entre Limont-Fontaine et Ecuélin (21).

La traversée de la Sambre s’opérait aux environs de la ferme Drapier. On a longtemps cru que les Romains avaient établi, à 200 m du cours d’eau, un vaste réservoir, d’où l’aqueduc aurait pris une direction souterraine « pour s’enfoncer sous le lit de la Sambre et reparaître au delà, sur une colline moins élevée et cela, en vertu de la loi physique des puits artésiens » (22). Comme on le verra plus loin, Piérart n’a fait qu’adopter une opinion qui avait déjà cours dans la première moitié du XVIIIe siècle. De son côté, P. Chevalier suppose qu’une forte pression de la masse liquide devait refouler 1’eau dans les tuyaux sous la Sambre et la forcer à monter sur la colline de Boussière (23). Des tuyaux de plomb, ajoute Piérart qui, selon toute apparence, avaient été disposés pour occuper, sous la rivière, l’intérieur du conduit … ont été retrouvés à différentes époques au fond de la vallée et d’énormes pierres s’y font encore remarquer au milieu des terrassements … La différence du niveau de cette rivière avec celui de la hauteur où se trouvent les ruines est de 26 mètres … (24).

En réalité, la traversée de la Sambre s’opérait, non par un conduit souterrain, mais par une maçonnerie aérienne qui franchissait la rivière sur des piliers, dont R. Minon découvrit les fondations sous une légère couche d’alluvions depuis la rivière jusqu’à la mairie de Boussières (25).

« La base de chaque pilier formait une pyramide tronquée rectangulaire de 5 m sur 3. La partie supérieure était un fût droit à section également rectangulaire… Les pierres des angles étaient finement taillées et ajustées avec un aplomb incomparable ».

Ces substructions furent mises au jour en avril 1895 par le Directeur de l’usine de la Vieille-Montagne, M. Ch. Houzeau de Lahaie et visitées à cette époque par MM. Jennepin, Minon et Hénault.

Le pilier qui était dans la Sambre fut détruit vers 1890. De la rive droite, il avançait de 5 m dans le lit du cours d’eau, laissant la rive gauche libre de maçonnerie (26). C’était un pilier à base carrée et à arêtes droites, formé de pierres rectangulaires, soit de 1 m 20 sur 0 m 65, soit de 0 m 60 sur 0 m 65. A l’assise inférieure, au centre de chaque pierre, était un trou de scellement – le trou de louve – de 0 m 07 au carré et de 0 m 10 environ de profondeur. En dessous, était un béton excessivement dur, dans la composition duquel entrait de la paille, comme dans une construction de même nature, à Hautmont.

Quant aux tuyaux de plomb qui, selon Piérart, auraient été trouvés, à différentes époques, au fond de la vallée, personne ne les a vus (27).

Ces conclusions ne font d’ailleurs que confirmer le Mémoire de l’ingénieur Claude Masse (28) (1731) cité plus haut. « L’on voit, à peu près au milieu de la rivière, dit Claude Masse le reste d’une pile qui déborde de 2 à 3 pieds la superficie (surface) de l’eau, que l’on dit être d’une maçonnerie très dure (29). Et, au sommet du petit coteau de l’autre coté de la rivière, paraissent les vestiges d’un gros mur qui était la continuation de cet aqueduc d’où commençait, selon toute apparence, le pont et arcade qui portait le conduit et canal jusqu’aux vestiges des arcades susdites … Et c’est une absurdité et ignorance du peuple vulgaire de dire que cet aqueduc passât sous la rivière » (30). Chose curieuse, la raison que donne Masse de cette croyance populaire est précisément la présence des fondations de la pile ou des débris de l’aqueduc « qui sont tombés dans le fond, que le peuple n’avait pas pu arracher, ce qu’on a été obligé de faire quand l’on a rendu la Sambre navigable ».

Les matériaux nécessaires à la construction des arches et des piles provenaient des carrières de Boussières, exploitées jadis sur la rive gauche de la Sambre et remises en exploitation vers 1830. Les anciennes carrières romaines furent dégagées aux environs de 1850 sous une couche d’alluvions et d’éboulis de 1m 50. Elles apparurent alors comme abandonnées : blocs à demi taillés, éclats, outils tels que masses, leviers, ciseaux, coins, semblables aux outils actuels. On découvrit en outre un four à chaux, aux parois noircies et dégradées, ainsi que de nombreuses monnaies romaines de bronze et d’argent (31).

Au delà de la Sambre, la direction générale de l’aqueduc est indiquée par deux haies qui délimitent une zone étroite, en partie utilisée par un chemin rural. Ces deux haies s’incurvent, remarque M. Jolin, pour venir aboutir au bord de la Sambre. « Il semblerait que le constructeur ait voulu traverser la rivière perpendiculairement au sens du courant ». (32).

A proximité de la rue principale de Boussières – qui indique la direction générale de l’aqueduc – à 200 m, environ de l’église près d’une chapelle, M. Jolin a repéré un affleurement dans une pâture à la cote 148,30 et, un peu plus loin, un mur de section trapézoïdale, arasé à la cote 153,20. Sa plus grande largeur à la base est de 3 m, tandis qu’au sommet elle est d’un peu plus d’1 mètre.

Dans le trajet de Boussières à Bavai, 1’aqueduc « s’enfonce parfois pour attraper le niveau de 8 à 10 pieds » au dire des habitants (33). D’autre part, Cl. Masse dit avoir vu ailleurs l’emplacement de piliers (34). « Un paysan m’a assuré, ajoute t-il, avoir aidé à achever d’arracher les fondemens, il y a quelques années et il en reste encore à hauteur du rez-de-chaussée », On admirait encore, en 1793 et même en 1813, au hameau de Manissart, les ruines de quarante deux piliers.

A Vieux-Mesnil, on peut suivre l’aqueduc à la sonde et on en voyait jadis les traces à découvert au centre du village, lieu dit le Champ de l’Ayduy (35). En 1731 subsistaient encore « au commencement de ce village, à l’est de l’église et au bord d’un grand chemin, quantité de morceaux de gros murs de cet aqueduc, bâti d’un excellent mortier ». Ces massifs reposaient sur des pierres brutes. Là où le terrain s’abaissait, on remarquait des piles d’arcades à l’extrémité du village vers le sud. A l’entrée de la plaine, il y avait d’autres « vestiges d’un grand mur ». C’était apparemment « quelques portiques », du village de Vieux-Mesnil à celui de Boussières.

Ailleurs les ruines des piliers, et auparavant des arcades, avaient elles-mêmes disparu « parce que le peuple, pour profiter des terres qu’elles occupoient, tant prairies que labourables, avoit tout arraché ».

Les parements de ces piliers étaient, dit Cl. Masse, « de grais en forme de moellons piqués … avec des bandes qui les traversaient, de deux à trois briques ou, carreaux plats, d’environ 8 pouces de longueur sur 7 et demi de largeur et un pouce d’épaisseur … qui étoit la véritable manière dont construisoient les Romains dans leurs ouvrages publics. » (36)

De ces ouvrages il ne subsiste aujourd’hui, nous apprend M. Jolin, que les ruines de quatre piliers appelés « tournelles », près de la route qui traverse le village, à 200 m de l’église, le long d’un sentier. Leur entraxe est de 7 m, analogue à celui des arcades supérieures du Pont du Gard, leur largeur d’environ 2 m. Elles sont arasées aux cotes 148,60, 149,30, 149,45 et 149,50.

Quatre vingts mètres plus loin, sur le bord du même sentier, une cinquième « tournelle », plus importante que les précédentes (4 m. de largeur à la base), est arasée à la cote 152,80.

Masse s’est aussi préoccupé du mode de construction de la canalisation sur le parcours de l’aqueduc entre la Sambre et Bavai (37). Il lui donne, au dire des ouvriers, mais sans pouvoir l’affirmer, 3 pieds de hauteur, 17 à 18 pouces de largeur. Le canal était recouvert par des dalles de pierre bleue ou de grès « de 5 à 6 pieds de longueur sur un pied d’épaisseur » (38). Le pavé était constitué par « de gros carreaux de terre cuites en briques, toutes d’une pièce, avec un petit orlet aux extrémités, sur lequel portoit un enduit d’un excellent ciment fait de briques et de cailloux pilez, de sable graveleux, détrempé avec une excellente chaux … » et plus dur que la pierre elle-même (39).

Le canal reposait sur un massif de pierres assemblées par un bon mortier et la masse entière portait sur une sole de pierres brutes, plus ou moins enfoncée en terre selon les lieux.

De Vieux-Mesnil, l’aqueduc se dirigeait vers le hameau de 1’Hermitage et traversait le bois Delhaye où, vers 1730, on découvrait encore dans les terres-hautes « le sommet des voûtes de l’aqueduc, que le peuple appelait buise (40) (buse, tuyau) ».

Du bois Delhaye, 1’aqueduc coupait la corne nord du bois du Chêne puis la ligne Bavai-Maubeuge, passait à l’est de la Cense du Sart et du château d’Audignies et atteignait le vieux chemin de Maubeuge, le long duquel Cl. Masse signale des vestiges de l’ouvrage. Dans cette partie du parcours, l’aqueduc devait se présenter sur arcades, notamment près du château d’ Audignies (41).

La destruction presque totale de ce magnifique monument dans la seconde partie de son trajet, n’a pas lieu de nous surprendre. Une voie longeait en effet l’aqueduc, sinon sur tout son parcours, du moins depuis Boussières. Elle existe encore aujourd’hui tantôt à l’état de sentier, tantôt sous une autre forme. Les habitants du voisinage désireux de développer leurs cultures, d’étendre leurs champs ou leurs pâtures, eurent toute facilité pour enlever et utiliser les matériaux mis ainsi à leur portée.

(1) Claude Masse, Mémoire sur la ville de Bavay (1731), dans M.S.A.A. t. X, 1912, p. 85. Plan de la ville et des environs. La Société archéologique possède, d’autre part, la photographie d’une des cinq planches de la carte établie par les services de l’armée vers 1730, sur laquelle figure le tracé de l’aqueduc.

(2) L’altitude de Floursies étant de 181 m et celle de Bavay de 145 m, la pente moyenne de l’aqueduc était de 0,0018 par mètre (P. Chevalier, Notice sur l’aqueduc romain de Floursies à Bagacum, Dubois Viroux, M.S.A.A. t. VI, 1904, p. 39. P.V. du 4 juillet 1892).

(3) Floursies, canton d’Avesnes Nord, à 8 km de la ville. La carte levée par les soins de l’armée en 1830, mentionne : « Flouresies, paroisse où il y a trois fontaines que les romains avaient conduit à Bavay par un aqueducq ».

4) Orthographe de la carte d’Etat Major.

(5) « L’on voit encor audit Fontaine-Florie une fontaine, près de laquelle sont les ruines des anciens bastiments, faits par les romains » (F. Vinchant et Ruteau, Annales de la province et comté d’Haynau, Mons, J. Havart. 1648, Ch. V, p. 28).

(6) I. Lebeau, Antiquités…1826, p. 21. « On remarque dans les murs de la petite église du lieu, d’autres pierres taillées qui ont visiblement appartenu à des édifices plus anciens ». D’après A. Dépret, on voit sur la façade de l’église (1755) « des pierres de dimension énorme dont quelques unes taillées en forme de conduite d’eau » (M.S.A.A. t. VIII, 1907, p. 267).

(7) I. Lebeau, op. Cit. p. 461.Les noms de rie et fâche d’el Ville, qui désignent le ruisseau de la fontaine Saint Eloi et le coteau qui le domine au nord, sont une présomption en faveur de quelque établissement gallo-romain.

(8) P. Chevalier, Notice… p.4.

(9) A. Houet, Histoire de Bavay, s. d. Imprimerie de l’Avenir libéral, p. 37.

(10) I. Lebeau, loc. cit. p. 450. On peut encore contrôler l’exactitude de cette constatation.

(11) Pour le détail du tracé de l’aqueduc dans cette région et les vestiges qui en subsistent. Voy. P. Chevalier, Notice… p. 4.

(12) M.S.A.A. t. V, 1901, p. 56 (P.V. du 1er mars 1880). M. Dupond fait don au musée de quatre tuiles, afin que le radier inférieur, les deux pariétales et la couverture réunis par le ciment, puissent représenter une section de cet aqueduc.

(13) Léon Mirot, Dom Bévy, Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 86, 1925. Dans une lettre à l’intendant de Hainaut, Faussabry, son subdélégué à Avesnes, démontre que Dom Bévy ne peut, ainsi qu’il l’a annoncé dans la Gazette de France du 26 mai 1780, être tombé dans une cavité de 10 pieds de profondeur ni avoir été enterré sous six pieds de terre en procédant, entre le bois d’Eclaibes et le bois Leroy, à la reconnaissance de l’aqueduc de Floursies à Bavai. Il qualifie de fable la prétendue aventure de ce religieux. (Lettre inédite trouvée par Michaux dans les papiers d’I. Lebeau. P.V. Du 7 novembre 1859)

(14) M.S.A.A. t. V, 1901, p. 57 (P.V. du 20 juillet 1880). L’auteur de la communication suppose qu’on trouverait des traces d’un autre conduit vers Semousies dont les quatre ou cinq sources devaient être utilisées par les Romains.

(15) Bucherius, Belgium romanum ecclesiasticum et civile, Liège, 1655, p. 502. « Rien, certes, n’enthousiasme le témoin autant que cet aqueduc prodigieux – immanis aquacductus – assez bien conservé en beaucoup d’endroits ; il arrive du sud sur quatre de nos lieues et part de dix sources éloignées de lui : la plus importante de ces sources semble être celle de Fleuresiy, du nom du hameau ; vient ensuite celle d’Eclaibes ; les autres sont dans les parages…».

(16) P. Chevalier, Dictionnaire, p. 78. On trouve le même à l’est de Beaumont, la campagne des buses, du nom des nombreux tuyaux de chêne qu’on y a trouvé.

(17) P. Chevalier, loc. cit. p. 7.

(18) Nous empruntons ces précisions à une communication de M. Jolin, ingénieur à Hautmont, présentée en juin 1951 à la Société archéologique d’Avesnes. Elle a pour titre Etude de la traversée de la Sambre par un aqueduc romain, grâce à la photographie aérienne. Ces photographies lui ont été fournies par la direction du Bureau aéronautique de la Recherche scientifique. Les recherches de M. Jolin sont, à notre connaissance, les premiers essais de prospection archéologique du terrain par l’aviation dans notre région.

(19) R. Minon, L’aqueduc romain de la rive droite de la Sambre à Bavai (M.S.A.A. t. VI, 1904, p. 63) et Minon Frères, Hautmont et son abbaye, Hautmont, Laffineur, s. d. p. 69.

(20) On pouvait voir en 1892, chez M. Piérart, de Dourlers, une cave pavée en briques triangulaires provenant des ruines de l’aqueduc (P, Chevalier, Notice… p. 5). M. Gravet offre en 1907 au musée, de la part de M. Dhaussy, instituteur en retraite à Ecuélin, une brique provenant des parois latérales de l’aqueduc, aux confins des territoires de Bachant, Ecuélin et Limont Fontaine, lieu dit le Camp Perdu. Le mortier tenant à ces briques est rougeâtre ; ailleurs, il est plutôt gris M.S.A.A. t. VIII, 1910, p. 135, P.V. du 2 juillet 1907). En 1840, on découvrit dans le bois du Quesnoy au sud d’Hautmont, un tombeau contenant huit sépultures dont le fond était tapissé de briques triangulaires comme celles qui se trouvent dans le corridor allant au jardin de la ferme de Boussières et provenant des ruines de l’aqueduc. ( Lettre de M. Deroisin à M. Crapez, maire de Bavai, du 31 mars 1840. A.S.A.A.). Autre exemple de l’emploi de ces briques rouges triangulaires dans un sépulture franque, à Mecquignies (Canton de Bavai) à l’entrée de la forêt de Mormal.

(21) R. Minon, L’aqueduc romain… loc. cit. p. 63 et A. Houet, op. cit. p. 38. A titre de comparaison, mentionnons les restes de l’aqueduc qui amenait à Famars les eaux du Rongneau, découverts à 1 km à l’E. d’Artres (hauteur à l’intérieur : 59 cm ; larg. 0 m39). De solides parois soutiennent la voûte sans cintre. Le tout est construit en fragments de silex liés avec du ciment blanc. De larges tuiles, disposées en forme de toit, soutiennent un autre lit de cailloux recouvert par un second toit de tuiles. Le chenal était tapissé, semble t-il, d’un crépis de mortier rouge (Bull. Soc. Sc. His. et Lettres du Nord. t. III, 1871, p. 264. Voy. Aussi M. Henault. Artres, L’aqueduc romain du Pont du Tapage, dans Pro Nervia, t. I, p. 197)

(22) I. Lebeau, Antiquités de l’arr. d’Avesnes (1826) dans Recueil de notices…(1859),p. 20 et Z. Piérart, Guide complet du touriste, 1862, p. 220, qui renvoie à sa Notice historique sur les communes de Floursies, Semousies, Saint Aubin et Dourlers, 1850, in 8° et aux Recherches historiques sur Maubeuge, son canton, 1851, p. 108.

(23) P. Chevalier, Notice… p. 8. « Il passe sous la Sambre et la maison d’école » dit-il dans son dictionnaire, 1881, p. 105. L’erreur est reproduite dans l’ouvrage de P.M. Duval, La vie quotidienne en Gaule, 1953, p. 62.

(24) Z. Piérart, op. cit. p. 220.

(25) Déjà en 1892, M. Levé avait combattu l’opinion de P. Chevalier qui estimait, après Piérart, que l’aqueduc passait sous la Sambre (M.S.A.A. t. VI, 1903, p, 37. P.V. du 4 avril 1892). En 1895, R. Minon reconnut dans le lit de la Sambre, à Boussières, « les restes des fondations des piliers qui servaient de support à l’aqueduc ». Ibid. p. 62. (P.V. du 1er octobre 1895).

(26) Dans la partie aérienne, la distance d’un pilier à l’autre était de 6 à 7 m.

(27) On a trouvé, dans le haut de Boussières, deux plaques de plomb tournées au tiers de cercle, de 2 cm et demi d’épaisseur et de 25 cm de flèche. Le champ de ces plaques, portait des lettres, peut être des chiffres de repère.

(28) Il est inutile d’insister sur l’importance de ce document, « le plus complet, le plus exact sur nos contrées que l’on puisse consulter, pour le début du règne de Louis XV »

(29) Ailleurs Masse dit qu’on voit, au milieu de la Sambre les restes d’une pile plus haute que l’eau. Elle devait avoir 30 pieds de hauteur et l’aqueduc, insiste t-il, ne passait pas en siphon, comme on l’a dit (le pied de Hainaut valait 0 m 293).

(30) Claude Masse, loc. cit. p. 94 et 116.

(31) Minon Frères, Hautmont… p. 64. Rappelons que des armes et des outils de pierre ont été retrouvés à proximité des carrières de pierre de Boussières. Des cavités existaient dans ces carrières. On les découvrit au cours de l’exploitation (Ibid. p. 27).

(32) Au sud de la Sambre, entre la route Aulnoye Maubeuge et la rivière, dans l’axe général de l’aqueduc, M. Jolin a repéré un buisson sous lequel se trouvent des substructions. L’axe de ce mur est aussi incliné sur le tracé général de l’aqueduc.

(33) Masse, loc. cit. p. 115.

(34) « Au commencement du village de Boussières (sans doute en venant de Bavay…), on trouve, à la partie la plus haute, nombre de vestiges en descendant du côté de la Sambre et un grand nombre de ces piles, qui étaient, communément de 18 à 20 de distance et les pieds de ces piles ou massifs avaient 7 à 8 pieds de largueur…» Masse, loc. cit. p. 116.

35) Voici ce qu’écrit Vinchant pour cette partie du tracé (loc. cit. ch. V, p. 28). « Vous y voyez, de plus, des aqueducs dignes de remarque, combien que ruinez, qui, commençant dans la ville, (de Bavai) du costé de l’Abbaye d’Hautmont, s’estendent plus de trois lieues outre la Sambre, jusqu’à Fontaine-Florie, dont les murailles et colonnes se voyent encor en divers endroits et notamment au Vieu-Mesnil, qui sont si artistement cimentez et colez par ensemble qu’il est presque impossible de les rompre; ils se nomment par les habitants murs d’Ay-Du, qui vaut autant que conduit d’eau; car l’eau se nommait Ay par nos ancêtres et Du signifie conduit ».

(36) Masse dit encore : « Il se trouve à Bavay et dans ses environs des carreaux de terre cuite de 15 pouces de longueur sur 10 de largeur et 2 d’épaisseur, avec quoi était bâti cet aqueduc. Il était entremêlé de boutisses et panneresses, de même que de bandes ou chaînes plates de ces dites briques dans la construction des piles massives de cet aqueduc, aussi bien qu’aux murs du château (les Bosses) et aux autres édifices ». (Cl Masse, loc. cit. p. 96). Les lignes de briques servaient surtout à assujettir au blocage les pierres de revêtement, à les relier entre elles, à maintenir les différentes couches du mortier intérieur, à y éviter des poussées ou des déplacements (C. Jullian, Histoire de la Gaule. t.V. p. 224 note).

(37) Cl Masse donne une coupe de l’aqueduc dans son plan de la ville de Bavay (1731), loc. cit. Fig. 3.

(38) Masse répète qu’il ne garantit pas l’exactitude de ces dimensions « n’en ayant vu que des parties par-ci par-là ».

(39) On a souvent analysé le ciment ou plutôt le mortier romain et on n’y a jamais trouvé d’élément original : de la chaux, du sable, du poussier de tuileaux, rien qui nous empêche d’en préparer du pareil. Et cependant, il nous serait difficile de produire un tel ciment, compact, prenant, imperméable, résistant à l’écrasement, que le temps durcit toujours et soude davantage aux pierres qu’il relie. « Le cimentier italien avait peut être une formule qui nous échappe, et très certainement un tour de main, des habitudes, une patience et une conscience professionnelles que nous ne retrouvons plus » (C. Jullian, op. cit. t. V, p. 224).

(40) Masse, loc. Cit. p. 115.

(41) Note de M. Hénault et R. Minon, loc. cit. p. 63.

Abréviations :

M.S.A.A. : Mémoires de la Société Archéologique d’Avesnes.

A.S.A.A : Archives de la Société Archéologique d’Avesnes.

P.V : Procès verbaux des séances de la Société Archéologique d’Avesnes.

B.C.H.N : Bulletin de la Commission historique du département du Nord.

Le grand aqueduc de Bavai par Henri Biévelet 1962 Revue du Nord Persée tome 176 pp. 357-373

Extrait de la Revue du Nord Persée tome 176 pp. 357-373

René Jolin avait publié en 1955, dans les Annales du Cercle Archéologique de Mons, t. 62, pp. 79 à 93 (avec 7 planches), une étude intitulée L’Aqueduc de Floursies à Bavai, notice descriptive et essai de reconstitution 1. On a récemment recueilli quelques données qui précisent ou complètent en plusieurs points cette étude (fig. 5, p. 372).

1° Le 25 août 1962, suivant les indications de R. Jolin, Jean Vaillant et Paul Haine mettaient au jour un aqueduc sur une longueur de 1,10 m. à Eclaibes, tout à l’est de la parcelle 100 (Le Planti) (fig. 2) 2. On est là près de la section de cet aqueduc qu’Alfred Dupond avait vue au cours de l’année 1880 3, et que René Minon, en 1895, a ainsi décrite dans Hautmont et son Abbaye, pp. 69 et 70 :

La section du canal à Eclaibes où il est encore intact est un rectangle de 34 cm. de base sur 55 de hauteur totale. Le fond se compose d’une tuile posée dans le sens de la longueur qui est de 46 cm. Les deux bords longitudinaux, qui sont redressés et ont 4 cm. intérieurement, font une saillie d’un cm. sur les parois latérales de sorte que, rigoureusement parlant, la coupe est formée de deux rectangles dont le plus petit n’a que 32 cm. de base sur 4 de hauteur.

Sur la saillie de la tuile inférieure, pour édifier les faces latérales^ sont 6 assises de carreaux triangulaires isocèles réunis à leur sommet et dont le côté inégal mesure 25 cm., les autres 20.

Ces assises atteignent avec le rebord 39 cm. ; au-dessus sont deux rangs de pierres du pays, qui représentent environ 16 cm. et ne sont reliées par aucun ciment; on les a comparées judicieusement à des pavés usés.

...L’aqueduc est comblé par de la terre éboulée, la maçonnerie est peu solide et se laisse entamer facilement.

Dans la section mise au jour en 1962 (fig. 2) le mortier est assez résistant. Il est rose dans les six assises inférieures, dont les matériaux sont des quarts de briques de 27 cm. X 27, brisées suivant les diagonales ; il est blanc dans les deux lits supérieurs, faits de pierres bleues

1. Cf. R. Jolin, L’aqueduc de Floursies à Bavai dans Actualités Industrielles du Nord. A. Grenier a parlé de cet aqueduc dans son Manuel d’Arch., 4e partie, i, i960, pp. 213 et suivantes, C’est à lui que nous avons emprunté le titre de cette note. Il suit, dit-il, l’étude de R. Jolin. dont il reproduit plusieurs planches. On n’en est que plus étonné en comparant à la pi. 6 de R. Jolin la fig. 70 du Manuel. Le dessinateur de cette figure a trahi le texte du Manuel. Il fait passer l’aqueduc non par Limont-Fontaine, Saint-Rémy et Boussières, mais par Bâchant et Pont-sur-Sambre. Le Manuel ne parle pas d’Eclaibes ni du bout d’aqueduc trouvé au nord d’Audignies, à proximité de la route de Maubeuge, vers la cote 150. Par contre il parle des vestiges, près de l’ancien château de Louvignies, d’un grand bassin qui « pourrait représenter le château d’arrivée des eaux de l’aqueduc de Floursies », p. 219. Cet ancien château de Louvignies est à la cote 133 ; l’agglomération bavaisienne, elle, se trouve entre la cote 150 et la cote 14s.

2. Propriété de l’obligeant M. Jean Bruno.

3. Mém. de la Soc. Archéologique d’Avesnes, t. V, 1901, pp. 56 à 57.

usées 4, et dans le blocage d’éclats de pierre qui consolidait le fond et les parois. Aucune trace de dépôt calcaire, ni sur les tuiles du fond, ni sur les quarts de briques des parois. La couverture est constituée par de larges dalles de pierre bleue posées sans mortier. Des pierres plus petites formaient couvre-joint sur les bords.

J. Vaillant et P. Haine, poursuivant leurs recherches, n’ont plus trouvé que d’abondants débris, malheureusement informes, de l’aqueduc ; leurs sondages auront du moins permis de préciser le parcours de celui-ci sur une bonne longueur. Depuis le Planti, il longe la rive ouest de l’Etang du Moulin, maintenant propriété de M. Jean Bruno, traverse les parcelles 76 et 213 et débouche sur le chemin communal en obliquant vers l’ouest, 130 mètres au sud de la mairie d’Eclaibes. De la parcelle 214, de l’autre côté de la route, et à travers les parcelles 209, 323, 28, 75, etc., il semble devoir rejoindre à 800 mètres de là et non loin de la limite de la commune une section d’aqueduc dont nos fouilleurs ont retrouvé de nombreux débris de briques et de maçonnerie dans la parcelle 4.

D’après Dupond, Pierre Chevalier 5 et Minon, l’aqueduc d’Eclaibes confluait à Limont-Fontaine avec celui qui venait de Floursies (fig. 5). R. Jolin avait jugé en 1955, p. 83, la chose peu probable, faute de pente suffisante ; mais les dernières découvertes, en lui permettant de relever les niveaux en amont du point de jonction possible, l’ont amené à conclure que l’aqueduc d’Eclaibes semblait bien être une des branches de l’aqueduc qui, partant de Floursies, alimentait Bavai, une autre venant d’Ecuéhn.

2° – L’entreprise Delsaux de Feignies exécutait en juillet de cette année 1962 un travail de voirie à Bavai dans la partie est du Vieux Chemin de La Longueville, à partir de la rencontre de cette rue avec la rue Notre-Dame. Elle posait des drains sous le côté nord du Vieux Chemin. Il fallait un regard au raccord de cette suite de drains avec ceux qui avaient été posés en 1956, sous l’autre partie du Vieux Chemin et dans la rue Notre-Dame. Les terrassements turent pour nous l’occasion de revoir, mais environ un mètre plus au nord, l’aqueduc que nous avions pu observer en 1956 6.

Dans sa partie inférieure, la seule qui subsistait, cet aqueduc était semblable à celui d’Eclaibes, mais large de 38 cm. et non de 32. Il constitue sans doute un branchement qui alimentait en eau un quartier

4. Usées comme le sont les éclats de pierre qui forment le revêtement des bouts de routes antiques que nous avons trouvés à Bavai.

5. Dans Notice sur V aqueduc romain de Flouries à Bagacum, 1892, p. 6.

6. J’ai rendu compte de cette découverte dans Égouts et Aqueducs Bavaisiens, Annales de la Soc. Royale d’Arch. de Bruxelles, t. 50, 1961, pp. 15 à 30, avec fig. de plans. Cf., sur les petits canaux à ciel ouvert trouvés un peu à l’est de l’ancien château de Louvignies, notre étude A la Fâche de la Bayette, Bulletin de la Sté Royale Belge d’Anthropologie et de Préhistoire, t. 67, 1956, PP. 55 et suiv., avec fig. et plans.

Depuis que ces notes ont paru nous avons trouvé sur un « aqueduc » dans des documents appartenant à la Société Archéologique d’Avesnes, qu’avait bien voulu nous communiquer son président M. Jean Mossay, une coupure- de journal ancien, qu’il ne nous a pas encore été possible de dater ; le titre même du journal n’était pas noté sur la coupure. Cf. le texte de celle-ci en appendice.

de la ville antique sur lequel nous restons toujours sans autre document que ce bout d’aqueduc.

3° – Au cours des premiers mois de cette année le service des Ponts et Chaussées de Maubeuge a fait rectifier et élargir par l’Entreprise Castin de Maubeuge la D. 307 qui va de Boussières à Vieux- Mesnil. Cette route débouche maintenant devant la cour de l’école de Vieux-Mesnil, toute proche de la mairie (fig. 3).

Bien qu’entre le « Mur de Boussières » et le massif de maçonnerie antique visible à Vieux-Mesnil, vers l’angle est de la parcelle 326, ils aient croisé l’aqueduc, en une section qui devait être souterraine, ces travaux ne nous ont apporté sur lui aucune donnée nouvelle 7.

Par contre, ils furent l’occasion de repérer les vestiges de piles ou tourneîles devenus bien peu apparents et dont certains risquent de disparaître tout à fait.

Heylen en 1783 8 parlait encore des 42 tournelles, vestiges du pont sur lequel l’aqueduc traversait la cuvette assez profonde de Manissard, hameau de Vieux-Mesnil, et qui provoquaient l’admiration de ceux qui les voyaient 9.

Dans la Haute Rue, Marius Deghaye 10 nous a aidés à retrouver les traces à même la rue de deux de ces tourneîles devant la maison voisine de la mairie, 296 du cadastre. Un peu au nord-ouest, au pied de la maison qui s’élève sur la parcelle 366, sont en partie visibles les restes d’une autre tournelle. Ceux d’une quatrième se montrent à l’angle sud-est de la parcelle 285. Sur la rive gauche du ruisseau du Bois du Mesnil, le long du Vieux Chemin de Bavai, V.C.O. 4, les vestiges de trois tourneîles sont visibles dans une pâture ; ceux d’une autre le sont à même le chemin, vers l’angle de la maison implantée sur la parcelle 257 A.

Avec sa longueur, 18 km. à vol d’oiseau, avec les ponts sur lesquels il traversait le ruisseau de Braquenière à Dourlers, la Sambre à Saint- Rémy, le ruisseau du Bois du Mesnil, à Vieux-Mesnil, et, sans doute aussi, pour la branche venant d’Eclaibes, le ruisseau du Glimour, à Limont-Fontaine, l’aqueduc de Bavai constituait un grand ouvrage d’art et l’on comprend l’admiration que provoquaient, Hya deux ou trois siècles, en ceux qui les voyaient, leurs vestiges encore au jour. Ces vestiges se réduisent aujourd’hui à peu de chose : de Bavai à la Sambre, ceux de Vieux-Mesnil et le mur de Boussières, de Floursies à la Sambre, le mur de Dourlers, dit des Sarrazins, et le mur de Saint-Rémy.

7. Deux données toponymiques sont à rappeler ici : le Chemin du Laiduy, dans le prolongement du V.C. 0.4 et, au N.E. de celui-ci, la Fâche de la Duy. Depuis les travaux de cette année le Chemin du Laiduy est hors d’usage. M. Jean Fontaine, maire de Vieux Mesnil, nous a promis de faire dégager les vestiges qui se trouvent sur le bord de la parcelle 326 et de les rendre accessi- sibles.

8. Dissertatio de Romanis monumentis, dans Mémoires de V Académie de Bruxelles, 4. 1785, pp. 482 et suivantes.

9. Ouvr. cité, p. 483 : Hic loci (Vieux-Mesnil) ad nostram usque aetatem ruinosa vestigia earum columnarum (tourneîles) mirantur spectatores.

10. M. Deghaye, lors de travaux de voirie, a vu le conduit découvert de l’aqueduc sous le C.V.O.4, entre la mairie et la maison qu’il habite vers l’angle formé par ce C.V.O. et la rue de Maubeuge.

Fig. 2. — Aqueduc de Bavay, sur le territoire d'Eclaibes
Fig. 2. — Aqueduc de Bavay, sur le territoire d’Eclaibes

A l’extrémité ouest de celui-ci un énorme massif (Je maçonnerie mériterait d’être étudié avec soin. C’est « la fameuse chambre d’eau » dont parlait R. Minon, ouv. cité, p. 72 n. Il s’agit probablement d’un bassin de rupture de charge où les eaux se décantaient avant de descendre dans des tuyaux de plomb vers les arches du pont qui traversait la vallée.

Il est à souhaiter que ces vestiges ne disparaissent pas eux aussi et que l’on puisse les dégager. Ils sont d’ailleurs restés accessibles par un chemin communal qui est sans doute un bout de la voie prévue au long des parties d’aqueduc qu’il fallait surveiller.

Bavay novembre 1962.

11. Cf. Heylen, ouvr. cité, p. 483 : ad dextram Sabts ripam aquae ferebantur in receptaculum profundum superne figurae quadratae cujus quodque latus viginti pedum.

APPENDICE

Découverte d’un aqueduc près de la Porte de Mons à Bavai

Bavay 1 — On vient de découvrir hors l’enceinte de cette ville quatre pieds environ au-dessous du sol, dans la prairie de M. Derome, maître de poste, à l’entrée de la route de Maubeuge, un aqueduc en grès, voûté en plein cintre, haut de trois à quatre pieds et large de deux ; les deux murailles d’accotement sont d’inégale épaisseur ; l’une est très forte et l’autre plus mince.

Ce conduit souterrain est pavé, partie en grès, partie en larges carreaux rouges romains ; l’intérieur était rempli à comble de terre, de débris de tuiles, de couches de cendres superposées, de braises et d’autres matières qui annoncent les restes d’un vieil incendie. On commence à opérer le déblai de cet aqueduc , et, outre plusieurs médailles du Haut Empire, on a trouvé parmi les débris une petite fiole en verre opalisée par le temps, représentant un poisson de six pouces de longueur, avec toute la vérité qu’il est possible de donner à ces objets. Les découvertes ne se bornèrent pas à cette seule antiquité : on obtint également, après une minutieuse recherche, un collier d’or antique long de 14 à 15 pouces, et parsemé, entre les chaînons, d’un travail délicat, de grenats taillés en forme de doubles cônes fortement tronqués.

Les colliers romains sont très rares dans les cabinets des curieux ; il y en a de deux sortes, le « torque » et le « monile »…

Le second genre de collier appartenait à la décoration des dames, et l’on y voyait des pierreries se mêler à l’or. Celui trouvé à Bavai (sic) est tout à fait de cette espèce ; c’est un véritable monile. Outre qu’il est bien en rapport avec les descriptions que les antiquaires ont faites de ces sortes d’ornements, sa forme simple et légère, son travail délicat et coquet annoncent trop qu’il n’a été fait que pour parer une dame du bon temps de l’empire romain. Un fermoir en crochet réunit les deux bouts de la chaîne ; 70 petits grenats sont séparés par des chaînons ayant la forme du chiffre 8, dont le premier anneau est soudé et le second tortillé après avoir passé dans le premier. De cette manière, la chaîne pouvait facilement être allongée ou raccourcie au gré du propriétaire. L’or est très pur et d’une bonne couleur. C’est une trouvaille curieuse pour l’histoire de la joaillerie antique.

1. Il n’y a pas d’autre titre à cette information. Les descendants du maître de poste Derome ont possédé, à l’est de la Porte de Mons, à l’entrée de la route de Maubeuge, tout le triangle formé par la CD. 24, la N. 49 et la N. 32. Ils y ont encore des propriétés (H. B.)

Fig. 4. — Les niveaux dans le grand ensemble

Fig. s. L’aqueduc de Bavai : tracé général. – i. Mur des Sarrasins à Dourlers. – 2. Reconnu en 1962. – 3. Reconnu en 1907. – 4. Reconnu d’après photo aérienne par contrôle au sol.

S. Traversée de la Sambre. – 6. Traversée à Vieux-Mesnil. – 7. Reconnu par Hénault. – 8. Tracé selon Masse.

Fig. 5. — L’aqueduc de Bavai : tracé général

Fig. 5. L’aqueduc de Bavai : tracé général. – i. Mur des Sarrasins à Dourlers. – 2. Reconnu en 1962. – 3. Reconnu en 1907. – 4. Reconnu d’après photo aérienne par contrôle au sol. 5. Traversée de la Sambre. – 6. Traversée à Vieux-Mesnil. – 7. Reconnu par Hénault. – 8. Tracé selon Masse.

L'aqueduc de Floursies à Bavai - Bilan de deux campagnes de fouilles 1963 - 1964, par Jean-Louis Boucly, Novembre 1964

I. Tracé de l’aqueduc sur la rive droite de la Sambre.

En 1962, Jean Vaillant et Paul Heine dégageaient à Eclaibes, au lieu-dit « Le Planti » un tronçon intact d’aqueduc et par sondages ils en établissaient le parcours sur 2,4 km environ. Il s’agissait d’une des branches de l’aqueduc de Bavai qui, selon Boucher, rejoignait sur le territoire de Limont, celle qui venait de Floursies.

En 1963, Jean Vaillant et Paul Heine aidés de M. Boulanger, découvraient à Bachant une portion de la branche principale de l’aqueduc et la relevaient jusqu’à la CV 06 (1).
Dans l’intervalle, nous avions relevé le tracé d’une autre portion de la branche principale depuis la rive droite de la Sambre jusqu’à la limite du territoire de la commune de St-Rémy et il nous semblait que les niveaux du radier étaient plus élevés que ceux relevés à Bachant en se basant sur la côte indiquée au voisinage du gué par lequel la CV 06 traverse le ruisseau Le Grimour.
(1) 2ème supplément à la Monographie scolaire « Eclaibes. Glanes du passé » 1964.

Poursuivant les sondages sur le territoire de Bachant nous avons pu raccorder les deux éléments de la branche principale de l’aqueduc et constater en partant de la base sûre du repère Bourdaloue qui se trouve sur le mur d’une maison en face du cimetière de St-Rémy que le niveau précédemment relevé était faux comme d’ ailleurs toutes les côtes indiquées dans cette région sur la carte au 1/ 20.000ème.

L’aqueduc suit en serpentant les courbes de niveau ce qui allonge son parcours : la distance rectiligne entre les points I et II est de 2,540 km alors que le tronçon d’aqueduc relevé entre ces deux repères mesure 3 km. (plan 243).

Il ne franchit les hauteurs en conduit souterrain que rarement. En règle générale son radier est faiblement enterré aussi la canalisation fut-elle vite détruite pour permettre la culture : à St-Rémy la couverture, les piédroits ont été arrachés et le radier n’est plus repérable que par le mortier rose qui retenait les tuiles qui le formaient.

Plus sinueux sur le territoire de Bachant, il décrit une large courbe dans la plaine de St-Rémy avant de franchir la Vallée de la Sambre. Son parcours est alors marqué par de petits champs dont 1’orientation est différente de celle des autres : parcelles 333, 334, 325, 324 ou par des limites de terrains : 58, 54, 52, 32, 33, 34, 35, 37, 342, 194, 343, 344, 315, 183, disposition qui résulte probablement du sénatus-consulte selon lequel une bande de terrain neutre devait être ménagé à 5 pieds de part et d’autre des constructions souterraines.

Pente du canal entre Bachant et St Rémy :
Entre les points I et II (plan 243) la longueur de la canalisation est de 3 km.
Niveau du radier au point II : 157,85.
Niveau du radier au point I : 156,22.
Pente : 0,00054 soit 0,54 mètre au kilomètre.
Cette pente n’est pas uniforme, à St-Rémy entre les points 1 et 5, pour une longueur de 380 mètres elle est de 0,763 m/km, cette augmentation de la pente correspond à un abaissement progressif du niveau du sol avant la Vallée de la Sambre.

Mesures de la branche principale :
Des dégagements pratiqués à Bachant (points 10, 9, 8) et à St-Rémy (points 1, 6, 7) une découverte faite à Boussières lors de 1a réfection de la CD 307 nous permettent d’évaluer ses dimensions.

  • Largeur des piédroits : elle serait de 0,48 m soit :
    a) briquetage interne 0,16 m (briques carrées de 0,27 m cassées selon les diagonales en fragments triangulaires et mortier rose).
    b) maçonnerie de moellons bruts : 0,32 m.
  • Largeur du canal.

(Voir le plan consacré aux différentes sections de l’aqueduc)

A Boussières le briquetage interne a disparu, le vide ainsi formé entre la maçonnerie de moellons bruts des piédroits est de 0,80 m. La largeur du canal serait donc de 0,80 – 0,16 – 0,16 soit 0,48 m.

  • Hauteur du briquetage ou hauteur maximale de la veine d’eau : 0,48 m probablement.
  • Largeur totale de la maçonnerie : 0,48 x 3 = 1,44 m.
    Or, nous verrons infra que cette mesure correspond exactement à la longueur de la dernière des piles du massif de soutènement.

Remarques générales :
Sur un parcours de près de10 km la canalisation offre le même type de construction. Seuls les vestiges explorés à Dourlers par Chevalier (2) et ceux découverts aux environs de Bavai par M. le Chanoine Biévelet (3) présentent des différences notables.
(2) Chevalier. Notice sur l’aqueduc romain de Floursies à Bavay, 1833.
(3) Egouts et aqueducs bavaisiens. Extrait des annales de la Société Royale d’Archéologie de Bruxelles, Tome 1. Pages 15-30,1961. Henri Biévelet.

Les canalisations d’Eclaibes et de St-Rémy étaient bâties selon les mêmes règles : l’aqueduc reposait sur une fondation dont l’épaisseur variait selon la nature du sol. Les piédroits avaient une largeur égale, en principe, à celle du canal. Ils étaient formés intérieurement par un briquetage de 0,16 m d’épaisseur élevé jusqu’à la hauteur maximale de la veine d’eau soit 0,32 m à Eclaibes, 0,48 m. à St-Rémy surmonté par une maçonnerie de moellons taillés. Une maçonnerie de moellons bruts en formait les parois extérieures. Le canal était fermé par une dalle posée sur les piédroits. Le radier était fait de tuiles à rebord dont la largeur ne correspondait pas exactement à celle de la canalisation aussi les parois latérales furent dressées un peu en retrait et une partie des rebords forma judicieusement un bourrelet qui en protégeait les angles.

Seul le pied de Tongres a été employé ici. Bâtie selon des mesures simples et rigoureuses qui devaient en faciliter l’exécution, la canalisation atteste une maîtrise et un fini rarement constatés.

II. Le franchissement de la vallée de la Sambre

A 500 m du point 1 et à l’angle formé par les limites des parcelles 183, 184, 182, 315 (plan 243) l’aqueduc cessait de décrire une large courbe pour adopter un parcours rectiligne. Il sortait alors de terre, à cet endroit devait se trouver un petit bassin qui, tout à la fois, réglait la vitesse de l’eau, évacuait les crues et évitait un changement trop brusque de direction (comme celui de l’aqueduc de Metz, rive gauche de la Moselle). Au sortir de ce bassin, l’aqueduc était supporté par un long massif de soutènement encore en partie visible. Il s’agit d’un long mur dont nous trouvons les traces le long du sentier qui se dirige vers la rivière, sa largeur n’a pas encore été déterminée. Il devait mesurer environ 170 m. de longueur. Le plan 244 nous donne le nivellement du sommet des vestiges :

  • Près de la R. N. 359 :155,19
  • A 3 m de la limite de la parcelle 70 : 154,32
  • A l’extrémité ouest : 153,40.

Ce mur, en partie arasé, a encore par endroits une hauteur de un mètre, il n’en subsiste que le remplissage intérieur de pierres bleues tassées à la batte dans un bain de mortier blanc traversé par une arase de briques.

Il était prolongé vu la dénivellation par un massif à arcade de 130 m environ de longueur. 31 piles devaient probablement maintenir l’eau jusqu’au niveau convenable, seule la dernière a pu être dégagée. Elle est établie à 2,80 m de l’extrémité parementée du piédroit médian, dans le même axe. Une assise de pierres bleues bien taillées de 1,60 m sur 1,40 m faite de deux dalles ayant respectivement 0,30 m et 1,10 m de largeur supporte une maçonnerie parementée de moellons taillés de face rectangulaire disposée à 8 cm en retrait de chaque côté. Cette pile a une section rectangulaire de 1,44 x 1,24.

Niveaux de l’Aqueduc.
1°) Entre le point 1 et le petit bassin supposé

  • Distance entre ces deux point : 500 m.
  • Pente : 0,763 m/km (cf. supra.)
  • Niveau du radier au point 1 : 156,22
  • Niveau du radier du bassin : 155,83
    2°) A l’arrivée aux bassins de charge et de décantation :
  • Longueur du massif de soutènement : 170 + 130 = 300 m
  • Pente normalement plus faible soit 0,543 m/km (pente la plus faible relevée).
  • Niveau du radier : 155,65 environ.

Nous voyons donc que la dernière pile dégagée maintenait les eaux à plus de 7 m de hauteur puisque le niveau supérieur de sa fondation est à la côte 147,90. Ces petites piles devaient être bâties sans fruit, il semble que la largeur des soubassements a été calculée de manière à être égale à la moitié de l’ ouverture de la voûte supportée soit 2,80 : 2 = 1,40 m. Quant à la section de la pile, sa longueur est exactement la même que la largeur totale de la canalisation souterraine de l’aqueduc soit 1,44 m.

Bassins de charge et de décantation de l’aqueduc :
A – Présentation des vestiges (plan 244)
C’est à 2,80 m de la dernière pile dégagée, dans l’axe du mur de soutènement, que nous trouvons les ruines des soubassements des bassins de charge et de décantation de l’aqueduc. Ils sont formés au nord d’un massif de maçonnerie de 12,20 x 7,45 dont le sommet est arasé à la côte 149,25 contre lequel sont appuyés trois murs parallèles de 8 m x 1,85 m distants les uns des autres de 3.32 m. Ces murs sont parementés sur leur épaisseur ce qui laisse supposer que ce sont les vestiges des piédroits de deux voûtes qui supportaient les bassins. A l’ouest le piédroit 1 est arasé à la côte 148,91 le piédroit médian 2 est arasé à la cote 149,26 à l’est le piédroit 3 qui borde la parcelle N° 73 a son sommet actuel à la cote 148,80.

B – Interprétation des vestiges :

  • Niveau du sol bétonné entre les piédroits : 147,45
  • Sommet des vestiges : cote 149,26
  • Ouverture des voûtes : 3,32 m environ
  • Largeur des piédroits : 1,85 m

Nous pouvons supposer que la flèche des voûtes était égale à la moitié de l’ouverture soit 1,66 m. La hauteur totale sous arc serait égale à l’ouverture augmentée de la flèche, soit 3,32 m + 1,66 m = 4,98 m. Le niveau de la clef de voûte serait ainsi à la cote 147,45 + 4,98 = 152,43 m.

Le radier des bassins aurait été approximativement à la cote 153,20, la hauteur d’eau supportée aurait été de l’ordre de 3 m puisque le niveau supérieur de l’eau à l’ arrivée aux bassins était à la cote 156,13 (niveau du radier 155,65 + hauteur maximale de la veine d’eau, soit 0,48 m).

Nous pensons d’après la disposition des vestiges, que ces deux voûtes supportaient deux bassins rectangulaires parallèles, ils auraient eu chacun une largeur de 3,20 m environ et une longueur intérieure de 6,15 m.

Ces bassins auraient permis une double répartition de l’eau et par là une décantation plus grande, il était aussi plus aisé, dans ce cas, de procéder à la réparation de l’un d’entre eux sans arrêter pour autant l’écoulement de l’eau (pour la même raison, des conduites doubles avaient été aménagées sur le pont-aqueduc de Metz).

Des bondes de vidange devaient être placées dans le fond des réservoirs à cet effet, la stratigraphie des espaces compris entre les piédroits montre des couches de dépôts boueux qui ne peuvent provenir que des impuretés évacuées car elles n’ont pas été reconnues à l’extérieur des soubassements, elles ne peuvent donc pas provenir du dépôt de l’eau de ruissellement. D’ailleurs les eaux captées dans la région d’Eclaibes n’étaient que très faiblement calcaires mais assez limoneuses.

Les eaux, une fois épurées, se déversaient dans un réservoir supporté par un énorme bloc de maçonnerie, ce réservoir formait le bassin de charge de l’aqueduc. Un plan incliné adossé contre lui portait les canalisations de plomb qu’empruntait l’eau pour traverser la dépression de la vallée.

La disposition de ce système est peu commune. On comprend mal pourquoi l’ingénieur romain décida d’établir le dispositif à cet endroit, en l’implantant à une cote plus élevée on pouvait pratiquement supprimer les énormes soubassements qui furent nécessaires pour maintenir à cet endroit l’eau au niveau voulu. Tout se passe comme si l’ingénieur avait adopté en élévation le plan des citernes superposées, mais vu le débit moyen de l’aqueduc, il n’utilisa que l’étage supérieur pour y disposer des bassins échelonnés et réserva la partie inférieure pour une autre utilisation : l’évacuation des dépôts.

Coupe stratigraphique du sol compris entre l’extrémité parementée du piédroit médian et la base de la dernière pile du massif de soutènement.

Coupe transversale dans l’axe des vestiges.

Nous trouvons au niveau inférieur une couche bétonnée au mortier blanc (E) qui recouvre le soubassement de la pile jusqu’ à la cote 147,82 et le parement du piédroit jusqu’à la cote 147,52.

Une couche de béton (A) tapisse l’extrémité du piédroit 2, sa partie supérieure est à la cote 147,97, elle a 0,80 m. environ d’épaisseur. Elle est faite de pierrailles, de moellons taillés, de plaquettes de revêtement en opus signinum, de fragments de tuiles, de concrétions calcaires qui proviennent du dépôt de l’eau, noyés dans un bain de mortier terreux fort résistant. Nous trouvons la même couche à la base de la pile, elle en recouvre le soubassement ainsi que les vestiges de la maçonnerie qu’il supporte. Elle forme un bourrelet qui déborde du soubassement sur une largeur de 0,20 m.

Cette couche atteste une réfection de l’ ouvrage, elle prolonge les couches A et A’ qui occupent la partie supérieure des sols entre les piédroits (cf. infra).

La couche (L) se signale surtout par sa teinte noire due au charbon de bois qu’elle contient. D’une épaisseur de 0,10 m., elle s’étend au-dessus de la couche bétonnée (L). De plus, lorsque la couche (A) déborde sur la couche (E) une mince couche de charbon de bois les sépare.

Elle est constituée par du charbon de bois, par de l’argile, par du sable de fonderie, par des grains de mortier désagrégé. Elle contient une grande quantité de petits fragments de poteries, des scories vitrifiées que nous trouvons à tous les niveaux, des morceaux de plomb fondu.

Cette couche a été reconnue tout le long de l’extérieur du piédroit 3 (cf. infra). Les poteries qu’elle livre ont été brisées en menus fragments et éparpillées sur toute la surface aussi, nous n’en donnerons pas cette année l’inventaire, car chaque semaine de nouveaux débris viennent les compléter. Parfois elles présentent un grand état d’usure comme si, provenant d’une occupation plus ancienne, elles avaient été réutilisées pour amaigrir un revêtement d’argile. En règle générale, les types se rattachent à la période Tibère – Vespasien.

La couche (M) qui la recouvre est le témoin d’une réfection. Elle a livré des fragments peu nombreux de poteries, de beaux moreaux de garnissage vitrifiés, des débris de drains à collerette vitrifiés et déformés sous l’action de la chaleur qui ont peut-être été utilisés comme tuyère. Seule cette couche, reconnue elle aussi à l’extérieur du piédroit, a livré ces débris.

Enfin une couche de terre arable et de démolitions modernes recouvre la précédente sur une épaisseur de 0,40 m.

Coupe des espaces compris entre les piédroits 1 et 3 :

Entre les piédroits 1 et 2.
Niveau 147,45 : couche bétonnée au mortier blanc (E). Elle est assise sur un profond soubassement de moellons bruts noyés dans un bain de mortier blanc. Nous l’avons reconnue dans une tranchée qui avait été pratiquée, probablement au siècle dernier, le long du bloc de maçonnerie et qui était comblée par des démolitions. Nous sommes ainsi, descendus à près de l,50 m en contrebas de la couche bétonnée, nous n’avons pas encore rencontré le sol vierge.

  • De 147,45 à 147,60 : couche d’argile compacte (D).
  • De 147,60 à 147,67 : couche bétonnée avec quelques tuileaux (C).
  • De 147,67 à 147,78 : couche d’argile compacte (B).
  • De 147,78 à 148,05 : (niveau supérieur du parement qui subsiste sur cette face du piédroit 2) couche bétonnée (A).

La partie inférieure de cette couche de 147,78 à 147,82 est formée d’un fin tuileau qui recouvre sur une épaisseur égale le parement du piédroit 2 du niveau 147,78 au niveau 148,05.

Le reste de la couche est formé de matériaux divers bétonnés dans un bain de mortier terreux. Il s’agit de moellons bruts, de moellons taillés, de fragments de tuiles, de plaquettes de revêtement couvertes de concrétions calcaires. On y trouve aussi des concrétions calcaires fortement feuilletées dont l’épaisseur peut atteindre 0,02 m ainsi que des stalactites de 0,08 m de longueur et de 0,02 d’ épaisseur.
Il s’agit donc de matériaux qui proviennent pour une part du fond des bassins
(opus signinum avec dépôt calcaire), pour une autre part de l’intrados de la voûte (moellons et stalactites). De plus, le parement de cette face du piédroit 2 est recouverte du niveau 148,05 au niveau 147,78 d’une couche de concrétions calcaires dont l’épaisseur peut atteindre 0,02 contre laquelle cette couche de matériaux a été appliquée.
Il ne fait, dès lors, plus de doute que cette couche de calcaire, provient de l’infiltration de l’eau qui, suintant à travers l’intrados de la voûte, s’écoulait le long de cette face du piédroit 2, les stalactites auraient tapissé l’intrados de la voûte.

La couche (A) atteste donc une réfection de l’ouvrage. Nous y avons trouvé de nombreux tessons de poteries, des clous, des fragments de plomb. Un morceau de perle de collier ronde en gré bleu, un grand bronze de Trajan dont l’avers représente la tête de l’empereur ceinte d’un bandeau et portant l’inscription (T) Raianoavggerda (C) et dont le revers est fruste.

Entre les piédroits 2 et 3.
Niveau 147,34 : couche bétonnée recouverte d’un cailloutis d’une épaisseur de 0,06 m (E’):
De 147,40 à 147,47 : couche d’argile compacte (D’)·
De 147,47 à 147,64 : couche bétonnée avec quelques tuileaux (C’).
De 147,74 à 147,91 : couche d’argile compacte (B’).
De 147,91 à 147,95 : couche de charbon de bois mêlé à de la terre.
De 147,95 à 148,01 (niveau supérieur du revêtement de cette face du piédroit 3 (couche semblable à la couche (A).
Le parement de cette face du piédroit 3 est recouvert d’un dépôt calcaire du niveau 147,91 au niveau 148,01.

Conclusions :
1°) Niveau primitif du sol entre les piédroits :
Couche bétonnée dont le niveau supérieur est à la cote 147,45 (E – E’).
2°) Première couche de réfection :
Couche de béton dont le niveau supérieur est à la cote 147,67 entre les piédroits 1 et 2 et à la cote 147,74 entre les piédroits 2 et 3. Réfection peu importante (C-C’).
3°) Deuxième couche de réfection :
Couches récentes bétonnées qui attestent une réparation importante. La longueur et l’épaisseur des stalactites indiquent qu’un long moment s’est écoulé entre la période de construction et celle de la réparation.
4°) Couches d’argile :
Les couches d’argile doivent provenir de l’évacuation des boues décantées dans les bassins.

Ainsi progressivement, jusqu’à la cote 148 environ, une partie des faces parementées des piédroits se trouvèrent-elles recouvertes. Ces parements d’excellente facture présentent des joints évidés et repris au mortier rose. Un tel soin apporté à la construction atteste que ces parties basses étaient primitivement aériennes.

Le plan incliné :
Accolé au bloc de maçonnerie qui supportait le bassin de charge de l’aqueduc, dans l’ axe du piédroit médian, nous trouvons un massif fort ruiné visible sur une vingtaine de mètres :

  • Nivellement des vestiges.
  • A 7,60 m du bloc de maçonnerie : 147,42
  • A 5 m du point précédent : 147, 16
  • A 17,60 m du bloc de maçonnerie : 145,02

Nous avons ouvert deux tranchées de part et d’autre de ce massif à 14 m du bloc de maçonnerie. Sa largeur a pu être déterminée : 2,70 m. Nous avons pu constater qu’il était formé d’un blocage de moellons bruts noyés dans un mortier blanc, sans parement. Les faces latérales sont simplement égalisées grossièrement par une couche de mortier.

Les deux tranchées pratiquées descendaient à 0,90 m du sol actuel. On trouvait en surface une couche de remblais modernes de 0,20 m d’épaisseur et en dessous de l’argile remuée. Ce massif est donc bâti d’une manière différente, de plus il vient s’accoler contre le parement du bloc de maçonnerie ce qui laisserait supposer une réfection de l’ouvrage.

Relevé des soubassements des piles du pont aqueduc :

A 4,80 m de l’extrémité visible du plan incliné, dans le même axe, nous trouvons dans le sol la base de la première pile du pont.
Nous en avons dégagé 8 dans les parcelles 76, 74, 73, la ligne de chemin de fer Hautmont Aulnoye a interrompu nos recherches.

Le plan 244 nous donne le niveau de ces piles à leur base. Elles ont 3 m environ de largeur sur 4,80 m environ de longueur, l’ouverture serait de 6 m, on peut constater que la section de leur base a été calculée de façon que la largeur soit égale à la moitié de l’ouverture cf. supra, leur longueur est établie en fonction de la largeur de la partie supérieure des arches supportées.

Sondages dans les prairies qui bordent la Sambre :

De l’autre côté du chemin de fer, nous n’avons trouvé aucune trace du pont aqueduc. Pierard signalait pourtant, au siècle dernier, la présence de nombreux vestiges à cet endroit.

Si nous regardons le plan 214, nous voyons que la parcelle 289 qui matérialise en partie le tracé du pont sur la rive gauche de la Sambre forme un coude à proximité de la rivière. Dans cet axe, nous avons pu remarquer que la rive droite présentait un empierrement qui interrompait le banc d’argile de la berge. Il s’agit, selon toute vraisemblance, de la fondation de la pile établie sur la rive droite que Minon frères ont soigneusement décrite dans Hautmont et son abbaye.

Le pont franchissait donc perpendiculairement la rivière pour offrir moins de résistance au courant. De plus, la pile était établie de manière à laisser la rive gauche libre pour la navigation.

En principe, le tracé du pont sur la rive droite devrait être comparable mais un fait nouveau intervient : la présence à cet endroit d’une exploitation de minerai de fer.

Nous avions pressenti en 1963 que le tracé du pont avait dû être dévié en raison des puits d’extraction du minerai qui se trouvaient en bordure de la Sambre. L’étude que nous avons entreprise cette année sur la ferrière gallo-romaine vient confirmer notre hypothèse. Dans l’axe du pont aqueduc deux dépressions localisent grossièrement les anciens puits. Nous ne savons pas pour le moment comment cette difficulté a été vaincue, seule une fouille pratiquée à cet endroit nous apporterait des renseignements à la fois sur cet établissement sidérurgique et sur le tracé du pont (1).
Revue d’Histoire de la Sidérurgie Tome VI – 1905 J. L. Boucly – Découverte de traces d’exploitation de minerai de fer à l’époque galle romaine sur le territoire de la commune de St-Rémv.

III. Inventaire des poteries retrouvées dans le secteur des bassins de charge et de décantation.

(non retranscrit dans ce texte)

Remarques générales
Les poteries trouvées à ces endroits sont peu nombreuses. Généralement il ne s’agit que de quelques tessons. Seule la couche A présentait, mêlée au béton, des poteries brisées dont certaines ont pu être reconstituées presque entièrement. Les tessons sont de types différents de ceux exhumés à l’ extérieur des soubassements.

IV. Éléments d’une chronologie

Albert Grenier, dans son manuel d’archéologie, quatrième partie « Les monuments des eaux » range l’aqueduc de Bavay parmi les constructions de l’époque des Antonins : « Les indications qui nous ont été données sur les Tournelles du Vieux-Mesnil le datent du IIe siècle … Ces grands ouvrages appartiennent à la grande période de la prospérité du temps des Antonins » .
Le défaut de cette méthode est manifeste : constater que l’ouvrage de Vieux-Mesnil est une construction de l’époque des Antonins et en conclure que l’aqueduc de Bavay date du IIe siècle c’est généraliser des conclusions qui, dans le cas donné, ne peuvent être que particulières.
Sans tenter pour l’instant de résoudre cet important problème, nous nous proposons de relever les éléments qui nous paraissent susceptibles de l’élucider.

Détails sur le mode de construction de l’ouvrage.
A – Hétérogénéité des constructions :
pour fragmentaires que soient encore les études entreprises sur les principaux ouvrages d’art qui jalonnent le parcours de l’aqueduc, nous pouvons néanmoins affirmer qu’ils attestent des techniques différentes de construction et, partant, des traces de réfections.

  • Pont-aqueduc de Vieux-Mesnil.
    Petit appareil traversé régulièrement par des arases de briques rapprochées. Si actuellement seuls les vestiges situés le long de la C.D. 307 sont visibles (ils ont encore 3 arases de 0,18 m de hauteur disposées à 0,25 m d’intervalle), au XVIIIe siècle Heylen constatait (1) que les 42 piles qui subsistaient étaient « .. .faites de rangs alternés de briques et de moellons ».
    (1) Dissertatio de antiquis romanorum monumentis 1782. Mémoires de l’Acadérnie de Bruxelles. Tome IV. 1783.
  • Pont-aqueduc de la Braquenière à Mont Dourlers.
    Il n’en reste qu’un mur de soutènement fort ruiné dégarni de son parement. Le blocage est fait de pierrailles bétonnées dans un bain de mortier blanchâtre, sans trace de brique.
  • Pont-aqueduc de Saint Rémy.
    Il s’agit d’un ouvrage à la fois grandiose et complexe qui peut, lui aussi, avoir été réparé ou remanié, de plus son étude est loin d’être achevée.
    Les vestiges visibles dans la prairie Corbeau à Boussières sont comparables à ceux de Dourlers, la brique n’entre pas dans la construction.

Les piles du pont ne sont connues que par la description qu’en donne Charles Houzeau de Lehaie, elles étaient faites en « moellons taillés régulièrement ».

  • Vestiges des soubassements des bassins de charge et de décantation établis sur la rive droite.

Blocage intérieur fait de lits de moellons bruts d’une épaisseur de 0,36 m séparés par des lits de tuffeaux de 0,18 m de hauteur, moellons et tuffeaux sont noyés dans un bain de mortier blanc. Il est à noter que ces couches de tuf sont disposées à intervalles réguliers de la même manière que les lits de briques dans un appareil à arase, ils ont en plus la même épaisseur.

I1 est traversé un peu au-dessus du niveau du sol par une arase de briques de 0, 18m environ d’ épaisseur dont le sommet est à la cote 147,64 dans le piédroit 1. Elle est formée de fragments de tuiles et de briques (probablement des déchets qui subsistaient après la construction du canal maçonné) disposés en 3 lits superposés et noyés dans un bain de mortier rose d’une épaisseur égale à celle des tuileaux.

Les vestiges qui ont encore par endroits une hauteur de près de 3 m ne présentent que cette seule arase. Employée seulement en raison de son utilité, elle renforçait la, solidité de l’ouvrage, empêchait l’humidité du sol de pénétrer dans le corps des murs. Le blocage ainsi que l’arase étaient recouverts par un parement de moellons taillés disposés en rangs alternés, ce sont des moellons de calcaire bleu piqués, de face rectangulaire de 12 cm sur 8 cm avec une queue en pointe de 20 cm. Nous remarquerons que les lits taillés avec soin sont nivelés par une couche de grains ovoïdes calibrés de briques et de grès vert. Les joints ont une épaisseur inférieure ou égale à 1 cm. Ils ont été évidés puis repris au mortier rose. Généralement le premier rang de moellons, au niveau supérieur de la fondation, est plus grossier, la photo 5 illustre bien cette remarque.

  • Débris des voûtes et des réservoirs.
    Nous avons trouvé dans les couches de démolitions des fragments de revêtement en opus signinum qui devait recouvrir les parois intérieures des bassins. Des pierres blanches de tuf sciés en moellons qui ont la forme de parallélépipèdes rectangles ne peuvent provenir que de l’intrados des voûtes effondrées. Vitruve, chapitre 6, livre 3, mentionne cette variété de pierres employée pour sa robustesse « … In Venetia albus, quod etiam serra dentata uti lignun secatur … Tiburina vero et quae eodem genere sunt omnia sufferunt et ab oneribus et a ternpestatibus injurias ».
  • Vestiges du plan incliné.
    Long massif fort ruiné en opus incertum formé de petits blocs de calcaire bleu grossièrement taillés maintenus par un mortier blanchâtre. Les faces latérales sont recouvertes, dans le sol, d’une couche de mortier terreux qui les égalise grossièrement. Il vient s’accoler contre le parement des soubassements du bassin de charge ce qui pourrait indiquer qu’il ne fut pas bâti à la même époque. Un fragment de Tornaco-bavaisienne a été trouvé au niveau de sa fondation, c’est le seul que nous ayons récolté.

B – L’opus latéricium :
Les conduits souterrains de l’aqueduc de Bavay qui ont été étudiés (branche d’Eclaibes tronçons du collecteur à Bachant, St Rémy, Boussières, conduit secondaire à Bavay (2) attestent une unité de construction. Seules les parties relevées à Bavay par M. le Chanoine Biévelet et à Dourlers par Chevalier sont conçues différemment (Il faut toutefois se défier des descriptions de l’aqueduc de Floursies données par Chevalier, le revêtement intérieur du conduit, s’il était tel qu’il nous le dit, aurait été d’une fragilité extrême et n’aurait pas pu résister à la force du courant d’eau, vu les pentes fortes du conduit. De plus, le frottement, qu’il importe de réduire au maximum, aurait été plus grand dans ce cas).

Les parois latérales du conduit sont bâties intérieurement en opus latericium selon une technique originale. Des briques carrées de 27 cm de côté et de 4 cm environ d’épaisseur présentaient des rainures larges de un cm et profondes de un cm, pratiquées selon les diagonales avant cuisson de façon que le maçon puisse les casser en quarts de briques triangulaires. Ces quarts de briques étaient alors maçonnés en lits superposés, la pointe, tournée vers l’extérieur du conduit et le champ lisse vers l’intérieur, le frottement était ainsi réduit au maximum et les pointes alternées permettaient au mortier d’y adhérer plus solidement. De plus, tous les champs lisses des briques se trouvaient dans ce cas utilisés.

Nous remarquerons que cette technique habile semble avoir été employée uniquement pour la construction des conduits des aqueducs, elle est, de plus, fort peu répandue (seuls les aqueducs de Metz et de Bavay l’attestent, encore qu’à Metz elle soit rarement employée).

De telles briques ont été trouvées au siècle dernier au bois du Quesnoy à Hautmont par Pierart (3) qui mentionne que  » des alignements considérables de tombeaux y furent découverts « . Ces tombes étaient faites soit de  » grands saloirs  » enterrés soit de caveaux dont le fond était pavé de  » carreaux triangulaires « , et à Ecuélin en 1880 .
Cette dernière découverte est restée ignorée. Nous en avons recueilli la relation aux archives de la Mairie d’Ecuélin dans  » le livre tenu à la Mairie pour l’inscription des faits et évènements mémorables « . En 1880 en creusant la citerne de la maison d’école sur un coin du cimetière, on a découvert deux sépultures gallo-romaines pavées en carreaux triangulaires tout à fait semblables à ceux de l’aqueduc qui conduisait à Bavay l’eau de la fontaine de Floursies, les parois étaient en moellons, le dessus en grosses pierres quadragulaires « .

On pourrait peut-être comparer ce mode de construction à celui employé pour les colonnes en opus latericium, là le blocage est parementé de briques taillées en portion de cercle. Les fouilles récentes d’ Aléria en offrent un bel exemple.
(2) Op. cit. Egouts et Aqueducs Bavaisiens.
(3) Excursions Arch. et Hist. Avesnes, 1862.

  • Renseignements apportés par la stratigraphie.
    La stratigraphie des espaces compris entre les piédroits nous montre que le sol bétonné (E – E’) est recouvert par quatre strates dont la plus récente (A – A’) peut être datée du IIème siècle par les tessons qu’elle a livrés.
    Un long moment a dû s’écouler entre la période de construction et la réfection dont témoignent les couches A et A’ car des stalactites de 8 cm de longueur et de 2 cm d’épaisseur ont pu se former entre temps à la surface des voûtes et une couche de calcaire de 2 cm d’épaisseur tapisse les faces parementées des piédroits.
    Les coupes effectuées à l’ extérieur des piédroits, si elles ne peuvent pas pour le moment être interprétées sans risques d’erreurs, prouvent pourtant que les couches les plus basses sont riches en tessons du second au troisième quart du premier siècle.

V. Sondages à l’extérieur du piédroit 3, le long de la parcelle,

En dégageant l’extérieur du piédroit 3 à 0,40 m de son extrémité parementée, nous rencontrâmes une couche de sable maigre de fonderie qui recouvrait une surface bétonnée.

Poursuivant nos recherches, nous mîmes à jour l’un de ses bords de 1 ,80 m de longueur disposé à 0,65 m du piédroit, parallèlement à lui. Avec l’aide de MM. Vaillant, Boulanger, Barbier nous dégageâmes une dalle bétonnée rectangulaire de 2,40 m sur 1,80 m faite de petits éclats de pierre bleue noyés dans un mortier blanc, bâtie dans l’argile vierge à un niveau très bas, approximativement celui de la fondation non parementée du piédroit.

Nivellement de l’aire bétonnée :

Le plan 261 donne les niveaux sur deux des côtés de cette dalle. On constate qu’elle n’est pas plane (niveaux variant de 147,16 à 147,06) sans qu’il soit possible de dire si les différences de niveau qu’elle présente ont été voulues ou occasionnées par des tassements du terrain sous l’effet des charges supportées.

Toute l’aire bétonnée était recouverte d’une couche de sable maigre de fonderie formant un garnissage compact de 0,20 m environ d’épaisseur dans lequel nous trouvâmes quelques poteries brisées.

A l’extrémité nord-est nous dégageâmes une goulotte de pierres jointives formant un canal de 1,60 m environ de longueur sur 0,20 m de largeur intérieure. Elle était comblée en surface par des démolitions puis par une couche de charbon de bois, le fond, constitué par des pierres et des briques taillées en pointe et posées à plat, dont quelques-unes étaient encore en place, était recouvert par une mince couche de mortier rose désagrégé et de sable fort brûlé dans lequel nous trouvâmes un fragment de plomb fondu, la hauteur du canal est de 0,10 m environ. Il est établi dans le sable de fonderie et son sommet n’en émerge que de quelques centimètres.

Les niveaux du dessus des pierres des parois varient entre 147,35 et 147,29, alors que le fond du canal, au débouché sur la dalle est à 147,25 environ. Il est impossible de donner sa pente.

Coupe stratigraphique :

Toute la couche de sable de fonderie était recouverte, sur une épaisseur de 0,10 m environ, de charbon de bois, de pierrailles, de fragments de poteries, le tout formant une couche homogène (L) que nous avions déjà rencontré à l’extrémité parementée du piédroit médian. Dans l’angle N.O, la couche de charbon de bois était interrompue par un sol bétonné au mortier rose de 0,02 m d’ épaisseur. Elle recouvrait le garnissage de sable maigre sur une largeur de 0,30 m et sur une longueur de 0.40 m environ.

Une couche de démolitions de l’époque romaine s’étendait au dessus, sur toute la surface, (M), reconnue, elle aussi, à l’extrémité parementée du piédroit médian. Enfin une couche de terres rapportées et de décombres modernes (H) recouvrait le tout.

Une fois l’aire bétonnée et la goulotte dégagées nous décidâmes de poursuivre la fouille jusqu’ à la limite de la parcelle 73 (plan n° 244)

En dessous de la couche superficielle de terre arabe (H) nous rencontrâmes un amas de moellons taillés et des pierrailles ainsi qu’un dépôt de maçonnerie désagrégée qui contenait un grande quantité de petites pierres de calcaire noir fort usées et arrondies en galets, des morceaux de briques qui présentaient le même aspect. Souvent de tels dépôts sont signalés à proximité des bassins de décantation, ils proviennent par le courant d’eau. Nous enlevâmes donc cette couche de décombres (M). Apparut en dessous une mince couche de charbon de bois, discontinue (L), Qui recouvrait un sol légèrement incliné vers la goulotte. Nous trouvâmes à sa surface une grande brique carrée en partie cassée de 0,50 m environ de côté, contre laquelle avaient été disposés de grands fragments d’un dolium. Des tessons de ce vase furent recueillis sur toute la couche.

Nous ne sommes pas descendus plus bas. Ce sol paraissait fait de pierrailles tassées dans un mélange de sable et d’argile. Nous proposons de l’étudier plus en détail dès que les terrains seront acquis.

A l’extrémité de la goulotte nous n’ avons pas trouvé de trace d’un dispositif de fonte. La même couche de décombres (M) recouvrait un mélange d’argile et de sable.

Interprétation des vestiges :
Il semble que nous soyons en présence d’un dispositif qui permettait la fabrication de lames de plomb nécessaires à la confection des tuyaux.

Nous avions déjà trouvé l’an dernier quelques déchets de coulée de plomb presque pur ainsi que des morceaux de soudure qui contenait 27.80 % de Sb et 6, % de Pb. Cette année d’ autres fragments ont été recueillis à la surface du sable de fonderie et dans la couche de charbon de bois qui la recouvrait..

Fondu sans doute dans un dispositif fort simple que nous n’avons pas retrouvé, le métal s’écoulait par la goulotte qui devait être garnie d’un revêtement de sable maigre et se répandait sur le garnissage de l’aire bétonnée. plusieurs feuilles devaient y être fondues à la fois. Il suffisait pour cela de creuser dans le sable autant de moules séparés par des bourrelets.

La longueur des feuilles de plomb ainsi fondues ne pouvait être que de 2,40 m au maximum. Elle était même probablement plus petite puisque la goulotte est en partie bâtie au-dessus de l’aire bétonnée.

Cette dimension ne correspond pas à celle qu’indique Vitruve, pas moins de dix pieds de longueur. Nous remarquerons toutefois que Frontin et Vitruve ne parlent que des tuyaux calibrés utilisés pour les adductions particulières et ne nous renseignent pas sur ceux employés dans les siphons.

St Rémy du Nord Novembre 1964

Compte rendu d'une expérience, dix ans d'histoire locale par Jean Vaillant 1964

Extrait de icem-frenet.fr

La découverte

Un jour, coup de tonnerre, un garçon arrive en disant que son vieux voisin connaît, sur ses terres, le passage de la « Buse des Sarrasins» qu’il accroche avec sa charrue. La buse des Sarrasins est le nom donné lors des grandes peurs et superstitions du Moyen Age à l’aqueduc romain Floursies-Bavay. Le lendemain, dimanche, nous y allons, aidés du cultivateur et exhumons des morceaux de brique et de mortier rose. Pas de doute !

Alors, ce fut l’apothéose. Je courus trouver le président de la Société archéologique d’Avesnes qui nous fournit encore des documents rares sur le château et nous donna l’adresse d’un spécialiste des aqueducs romains, M. Jolin à Hautmont. Celui ci fut enchanté. Il avait déjà prospecté Eclaibes sans succès. Il nous aida de toute sa compétence et affabilité. Il venait à Eclaibes presque chaque soir, nous apportant cartes, courbes de niveau, lunettes de visée. Un voisin, garagiste, se passionna lui aussi. Il construisit des sondes munies de tarières pour travailler sans abîmer les récoltes, participa aux recherches et un beau jour, grâce à lui, l’aqueduc fut retrouvé intact sous 1 mètre de terre : c’est une merveille de maçonnerie faite en briques triangulaires, radier en longues tuiles à rebords, pierres bleues, couvercle en grosses dalles, le tout lié au mortier rose ou blanc.

Les échos

Gros émoi, jusque dans la presse régionale. Nous eûmes un reportage dans notre classe, et toutes les techniques Freinet sidéraient les journalistes. (Depuis, ils nous demandent l’envoi régulier de notre journal et en publient de larges extraits : Nord-Matin).

Les vacances arrivèrent, notre livre parut. Ses 85 exemplaires furent épuisés en deux jours (220 habitants). Certains en prenaient jusqu’à trois ou quatre pour la parenté éloignée. Les fouilles continuèrent toutes les vacances et 2,4 km d’aqueduc furent déterminés. A la rentrée, d’autres prolongements nous attendaient : nous publiâmes le plan de l’aqueduc et de son tracé. Avec le produit de la vente de nos livres, nous fîmes un voyage en autocar à St·Rémy où l’aqueduc franchissait la Sambre, à Bavay, centre gallo-romain important avec forum, cryptoportique, hypocaustes … , puis au musée de Maubeuge, où le conservateur nous fît un exposé magistral sur l’époque romaine.

On nous demanda la présentation officielle de nos travaux. Mes élèves firent une maquette de l’aqueduc, toutes les maquettes des SBT (baliste, currus, cisium … cierge, tablettes de cire, livres romains), firent les plans d’une villa, des thermes, de l’hypocauste, préparèrent des conférences. Et ce fut, fin octobre, un véritable colloque dans ma classe, entre archéologues chevronnés, personnalités diverses, et mes élèves devenus très savants. Je dus faire une conférence à la Société archéologique d’Avesnes, établir un compte rendu pour la direction départementale des fouilles. Actuellement, les élèves construisent encore des maquettes en plâtre de l’aqueduc pour les musées voisins.

Bref, l’intérêt n’est pas près de faiblir. Ce fut donc une expérience réussie. Notre école s’est ouverte à la vie sous de multiples aspects allant jusqu’aux relations sociales les plus bénéfiques. Elle a été un pôle de la culture dans la localité et même au-delà. Et il nous reste un excellent instrument de travail pour l’apprentissage de l’histoire qui profitera encore longtemps, je l’espère, à des générations d’écoliers d’Eclaibes.

Et le virus est toujours là, latent…

Méfiez-vous-en, chers camarades qui me lisez, car il est là aussi, tapi près de chez vous, à la mairie, dans les greniers, au cimetière et sous vos pieds… J. V

Restitution de l'aqueduc de Bagacum par Maurice GRAVELLINI 2003

Le lecteur trouvera dans cet ouvrage par quel moyen les fontainiers ont acquis la certitude que les niveaux des sources d’Eclaibes et de Floursies étaient de hauteur compatible avec le niveau du site de Bavay.

Comment ils ont identifié le parcours à suivre pour assurer la pente nécessaire à l’écoulement continu de l’eau dans le conduit compte tenu des difficultés que présentaient les vallées de la Braquenière à Dourlers, de la Sambre à St-Rémy du Nord et du Manissart à Vieux-Mesnil.

Introduction

Le problème de l’alimentation en eau est aussi vieux que l’histoire de l’humanité. Dans l’antiquité romaine l’eau représentait un élément important et indispensable pour assurer le confort urbain.

Qu’une population ait eu à se concentrer en un lieu donné, alors il fallait lui assurer un approvisionnement approprié et permanent en eau courante.

Il faut se référer au livre VIII du traité d’architecture de l’ingénieur romain Vitruve, 1er siècle AV-JC, connu pour son “De Architectura”, seule approche théorique de l’architecture antique, pour réaliser combien la technique de construction des aqueducs était maîtrisée par les romains.

Des questions reviennent cependant sans cesse à l’esprit chaque fois qu’est évoquée l’existence d’un vestige antique important, tel que l’aqueduc de Bavay.

Par quel moyen les fontainiers romains ont-ils acquis la certitude que les ruisseaux des sources d’Eclaibes et de Floursies étaient de hauteur compatibles avec le niveau du site de Bavay? Comment ont-ils identifié le parcours à suivre pour assurer la pente nécessaire à l’écoulement continu de l’eau dans le conduit, compte tenu des difficultés que présentaient les vallées de la Braquenière à Dourlers, de la Sambre à St Rémy du Nord et au Manissart à Vieux Mesnil?

La présence d’un secteur d’aqueduc identifié en 1962 sur les territoires de St Rémy du Nord et de Bachant, se développant entre les courbes de niveau figurant sur les cartes de l’Institut Géographique National2706 Est et 2707 Est Edition 1961 ne confirme pas seulement l’étonnant savoir faire des ingénieurs romains, mais laisse à pressentir la présence d’autres secteurs identiques à découvrir entre les vestiges subsistant encore sur de nombreux secteurs de la campagne.

Antécédent

Pour aborder le sujet et tenter de dégager quelques réponses à ces questions, il faut plus particulièrement se reporter aux travaux de dégagement d’un mur de soutènement de l’aqueduc, réalisés par JL Boucly, J Vaillant et P Haine dans les années 1962-64.

Ces travaux ont fait l’objet d’un rapport rédigé par JL Boucly inscrit dans les Mémoires de la Société Archéologique d’Avesnes, tome XXI, pages 27 et suivantes. Ce rapport est conservé à la bibliothèque d’Avesnes.

Plan 1 Tronçon du mur de soutènement de l’aqueduc exhumé par J L Boucly
J Vaillant P Haine en 1962 sur fond de plan calqué sur les cartes IGN

Le plan n° 1 représente le tracé de ce secteur de mur de soutènement reproduit sur un fond de plan calqué sur les cartes IGN 2706 Est, et 2707 Est. Il a donc été rigoureusement réduit à l’échelle 1/25000 ème.

La localisation avait été entreprise sur trois secteurs différents. L’une au Nord, par JL Boucly, sur le secteur de St Rémy du Nord, à partir de la D959 jusqu’à la limite de la commune. Une autre au Sud par J Vaillant et P Haine sur le territoire de Bachant descendant vers le Sud à partir du chemin vicinal 06.

Ces deux secteurs furent ensuite raccordés sur le territoire de Bachant, révélant ainsi l’existence d’un seul tronçon d’aqueduc long de près de 9 km. Plan N° 1.

Il est évident à l’examen de ce plan que les accidents topographiques ont imposé à l’aqueduc de nombreux détours.

C’est à n’en pas douter pour des raisons économiques que les constructeurs s’efforcèrent de maintenir le niveau supérieur de l’aqueduc le plus proche possible de la surface du sol, pour ne pas à avoir à l’enterrer trop profondément, ni à le surélever sur des constructions aériennes, quitte à les faire décrire un tracé sinueux en l’adaptant aux courbes de niveau définies par les dépressions du terrain.

D’où l’idée de comparer la sinuosité du trajet de ce secteur avec les courbes de niveau figurant sur les cartes de l’Institut Géographique National. Plan N° 2.

Plan 2 Situation du tronçon du mur de soutènement de l’aqueduc
par rapport aux cotes de niveau 155 et 160 calquées sur les cartes IGN

On remarquera à l’examen de ce plan que l’aqueduc décrivait d’abord une grande courbe sur le territoire de St Rémy du Nord, à partir de la D 959 entre la courbe de niveau 155.

Il est surtout surprenant de constater qu’il se développait ensuite en de multiples détours jusqu’à son extrémité sud entre les courbes de niveau 155 et 160 en épousant rigoureusement leurs sinuosités.

Un constat qui témoigne de l’ampleur des dispositions mises en œuvre pour définir avec précision le tracé d’un parcours sur un terrain constitué de nombreuses dépressions.

Les sourciers romains

C’est aux sourciers et aux hydrologues que revint la mission de repérer les sources existant autour de Bavay, en éliminant celles dont le niveau était trop bas, ainsi que celles dont la qualité était insuffisante, voire mauvaise.

Nous savons aujourd’hui, que ce sont les sources de Floursies, distantes de Bavay d’environ 20 km à vol d’oiseau et celle, plus proche d’Eclaibes qui retinrent leur attention.

On a peine à imaginer le nombre de trajets que les géomètres et arpenteurs durent effectuer pour définir la pente d’un parcours propre à assurer un bon écoulement de l’eau dans le conduit.

Ce fut probablement un travail de longue haleine qui exigea beaucoup de temps et qui donna lieu à de nombreuses corrections avant qu’un parcours fiable puisse être fixé définitivement, et ce malgré l’habileté et l’œil des géomètres et arpenteurs romains.

Les instruments de visée

Les reconnaissances visuelles qu’effectuèrent les niveleurs romains ne suffirent certes pas à l’élaboration d’un tracé fiable et définitif.

La précision du tracé qui serpente sur le plan n° 2 entre les courbes de niveau 155 et 160 amène à conclure à l’utilisation par des techniciens spécialisés, d’instruments de visée perfectionnés.

Les plus connus de ces instruments sont la Groma et le Chorobate.

La Groma était un jalon dont l’extrémité inférieure se terminait par une pointe conique à ficher dans le sol. A l’extrémité supérieure de ce jalon, était fixé un croisillon comportant deux fils à plomb et deux poignées de manœuvre. Plan N° 3.

Plan 3 Instruments de visée des Romains

Sous ce croisillon saillissaient trois marques circulaires faisant office de repères. Celle du centre était située à 1,40 m de la base du cône que formait la pointe. Plan n° 3.

Le Chorobate était un instrument de visée. Son horizontalité se réglait au regard d’un niveau d’eau dont le volume occupait la totalité d’un évidement long d’environ deux mètres creusé dans le longeron horizontal.

Ce longeron était maintenu à hauteur par deux montants fixés à ses extrémités. L’un d’eux comportait une pointe conique à ficher dans le sol, identique à celle de la Groma. Elle avait pour fonction de maintenir l’instrument en position de visée. C’est autour de son axe que s’effectuait l’orientation du Chorobate.

La hauteur qui séparait l’axe de visée de la base du cône été également de 1,40 m.

Le plan n° 3 représente ces instruments en deux positions différentes.

Dans la position, repérée A, sur le plan N°3, la visée s’effectue sur un terrain rigoureusement horizontal. Les pointes de la Groma et du Chorobate sont enfoncées dans le sol jusqu’à ce que les bases supérieures des cônes affleurent rigoureusement le niveau du sol.

Dans cette position l’axe de la ligne de mire du Chorobate et la marque saillante centrale de la Groma sont à la même hauteur, soit à 1,40 m du niveau du sol. Ce cas de figure fait état de l’horizontalité du niveau du sol.

La seconde représentation, repérée B, montre les instruments fichés au sol lors d’une visée effectuée sur un terrain en pente montante. L’horizontalité du Chorobate s’effectue au regard du niveau d’eau. La pente montante du terrain implique la mise en place d’une épaisseur ou d’une pièce de bois en forme de coin sous le pied arrière de l’instrument jusqu’à ce que le niveau de l’eau affleure la surface supérieure du longeron sur toute la longueur de l’évidement.

La Groma se trouve fichée au sol 30 mètres plus haut, et la base supérieure du cône affleure le niveau du sol.

Dans ces conditions, l’axe de la ligne de mire du Chorobate aboutit sous la marque centrale de la Groma d’une valeur (n) qui constitue la différence de niveau entre les deux secteurs de terrain où sont fichées les pointes des deux instruments.

On notera que cette distance de visée de 30 mètres se trouve précisée dans l’ouvrage « De Architectura » de l’ingénieur romain Vitruve. Elle constituait une distance maximum et permettait encore une visée fiable et suffisamment précise pour définir les différences de niveaux.

Pour effectuer la visée suivante, la Groma était déplacée sur la ligne du parcours préalablement établi, et fichée 30 mètres plus haut.

Il en était de même pour le Chorobate dont la pointe conique était alors fixée dans le trou laissé par celle de la Groma dans sa position précédente.

Chaque différence de niveau était soigneusement comptabilisée. Des broches en bois portant les numéros d(ordre se rapportant à chaque différence de niveau étaient mises en place dans chacun des trous laissés par les pointes des instruments.

Cette méthode permettait finalement de définir un tracé fiable compte tenu des corrections qui durent s’avérer nécessaire en cours de visée.

Elle permettait de connaître la différence de niveau entre les sources et le site à alimenter. De surcroît elle permettait de connaître la distance développée séparant ces deux points, par cumul du nombre de visées effectuées.

Il faut donc admettre que les instruments de visée, utilisés par les romains, pour mener à bien le tracé des aqueducs étaient d’une assez grande précision.

Il faut également admettre l’excellence des techniciens qui les manipulaient.

Hormis les vallées du Manissart à Vieux Mesnil, de la Sambre à St Rémy du Nord, et de la Braquenière à Dourlers, il apparaît clairement que le tracé de l’aqueduc a été déterminé au moyen de ces instruments sur un parcours en pente montante en direction des sources, à partir du site de Bavay.

Les vestiges qui subsistent entre les sources et le site à alimenter témoignent d’ailleurs du succès de l’entreprise.

Captage romain

Un captage romain présentait le plus souvent un bassin collecteur construit de blocage enduit de mortier hydraulique et se trouvant au point d’aboutissement d’une galerie drainante parfois même d’une série de drains.

A Arles, c’est l’eau de quatorze sources qui était captée et drainée vers le bassin collecteur.

A Floursies, outre la source communément connue sous le nom de fontaine de Floursies, les romains avaient capté les eaux d’une fontaine rocheuse non fissurée située à environ 1 km 300 du village Plan N° 4.

Le drainage existe toujours et fonctionne encore aujourd’hui. Il est représenté sur la carte de l’IGN 2707 Est Edition 1981 et y est désigné en nomenclature sous le nom de « aqueduc souterrain » .

Il est long d’environ 900 m et draine toujours les eaux de la vaste source située dans le « Bois de la Garde de Beugnies » à l’Ouest de Floursies au lieu dit « Fosse Amère ».

A l’extrémité aval de ce drain, les eaux sont captées par une autre source qui fait relais et communique avec la rivière Tarsy par un ruisseau, à une cinquantaine de mètres de la fontaine de Floursies. Voir le plan n° 4 représentant un agrandissement de la carte de l’IGN 2707 Est Edition 1981

On peut donc conclure que la tête de l’aqueduc était en aval de ce confluent. Plan N° 4.

Plan 4 Situation de la fontaine Flore et du drainage de la source de la Fosse Amere
Plan 4 B Etat des lieux avant l’arrivée des Romains

Mais il faut surtout réaliser que la mise en service de ce drainage eut pour effet de provoquer l’assainissement et la disparition des marais que le débordement des eaux de la source de la Fosse Amère, entretenait en permanence sur une grande partie du terrain, d’autant plus facilement du fait de la pente qui en favorisait la descente.

La déesse Flore

Aujourd’hui, seules les terres avoisinant la source et le ruisseau par lequel elle communique avec le drain, sont restés à l’état de marais. Finalement, ce captage eut pour effet de dessécher la totalité du terrain et provoqua la disparition de toute la flore marécageuse palustre ou lacustre qui y vivait:

Les lenticules mineuvres ( Lemma minor)

Les lenticules mineuvres ( Lemma minor))

Les carex en ampoules (Carex ampullacea)

Les charas ou charagnes (Chara fragilis)

Les iris famy acore (Iris pseudacorus)

Les menyanthes trifolles ou trèfle de l’eau (Menyanthes trifoliata)

Les fleurs étaient, pour les romains, un don de la divinité.

Pour implorer la grâce de Flore, la déesse italique et romaine de la puissance végétale présidant à tout ce qui fleurit ils élevaient un sanctuaire autour de la source la plus proche de leur habitat.

La présence de cet habitat est confirmée dans un recueil sur l’arrondissement d’Avesnes.

« Il est hors de doute que les romains avaient élevé des constructions dont on voyait encore les ruines au XVIIe siècle…. on retrouve dans les soubassements de l’église du village des goulottes romaines.» J Mossay, ce que l’on peut voir en flânant dans l’arrondissement d’Avesnes 1959 – p 41, 42.

Un bassin, donc, circulaire de 2,90 m de diamètre ceinturé d’un mur en pierres de 90 cm de hauteur comportant une ouverture par laquelle on peut toujours aller puiser l’eau fraîche et limpide, et d’un rebord circulaire, saillant à l’intérieur, destiné à recevoir les fidèles incantations des adorateurs de la Déesse. Plan N°4

D’où ce petit bourg, déjà connu sous le nom de Floresies au XIIe siècle, puis Florsies au début du siècle suivant et que Vinchant désigne sous le nom de Fontaine Florie dans les annales du Hainaut 1648, et finalement Floursies comme nommé aujourd’hui pour désigner le village qui recèle la fontaine dédiée à l’origine, par les romains à la déesse Flore.

Elle fait encore aujourd’hui figure de sanctuaire « depuis qu’une statue est venue compléter le décor. Cette statue porte la date de 640. C’est celle de la nomination de St Eloi à l’évêché de Noyon et de Tournai. La fontaine ayant servi à un culte païen fut en effet christianisée dès le haut moyen âge, comme tous les monuments et vestiges romains ou druidiques ». J Mossay, ce que l’on peut voir en flânant dans l’arrondissement d’Avesnes – 1959 – p 41.

Le plus achevé des sanctuaires construit par les romains pour rendre grâce aux Dieux est le nymphée de Zaghouan en Tunisie qui se trouve à la tête du grand aqueduc de Carthage. (plan N° 5)

Plan 5 Aqueduc de Carthage Sanctuaire des eaux

Avec ses 90 km de conduit principal, il représente presque le double de la distance qui sépare les deux points à vol d’oiseau (56 km). Cet aqueduc est toujours considéré comme l’une des merveilles de l’architecture romaine en Afrique du Nord.

A ce titre, le nymphée de Zaghouan ne peut pas être comparé au sanctuaire de Floursies de construction beaucoup plus modeste et en rapport avec l’importance du site à alimenter.

Cependant pour mieux saisir l’attachement des romains pour la divinité, il faut citer la tête de l’aqueduc de Sens où les romains avaient mis en application le principe du puits artésien -dont ils ignoraient d’ailleurs la nature – afin de relever le niveau d’émergence de l’eau. On comprend alors, comme il est souvent arrivé dans ce cas qu’ils aient pris leur propre habileté pour un don de la divinité et qu’ils y aient élevé un sanctuaire.

L’aqueduc

Le captage de l’aqueduc se situe fatalement en aval du confluent des trois sources décrites précédemment à environ 200 m de la Fontaine Flore, l0 où le lit de la rivière est à la cote 179.

Le conduit se développe d’Est en Ouest au Nord de la rivière Tarsy en suivant la pente naturelle qui contourne les dépressions du terrain.

Il s’adapte donc au relief de ce terrain en décrivant de multiples détours à l’image de ceux décrits par la courbe de niveau 180 figurant sur la carte IGN 2707 Est Edition 1961.

Il faut évoquer ici la découverte fortuite d’un tronçon de l’aqueduc faite en 1994 lors des travaux d’assainissement effectués par l’entreprise Morin à Avesnelles à l’Est de la commune de Dourlers.

Cette découverte a été faite à l’angle de la route de Floursies et de la grimpette désignée sous le nom de Grand Chemin, là où le sol est à la cote de niveau 179,4 Plan N° 6 Repère B et plan N° 17 Fig 2 et 3.

Le dessus des plaques de recouvrement du conduit était à environ moins 0,90 m du niveau du sol. Il est donc permis par déduction de situer le niveau du lit d’écoulement de l’eau à la cote de niveau 178 compte tenu de la distance qui sépare le dessus de ces plaques, du fond du conduit et qui est de 0,67 m. Plan N° 17 Fig 5.

Cette découverte n’a pas été déclarée à la mairie de la commune. L’entreprise Morin a probablement redouté la suspension des travaux qui auraient permis une étude plus approfondie des vestiges.

Ils ont cependant été longuement observés durant toute la durée des travaux par un riverain M. Tisseyre Pierre et également par M. DeHost Michel, habitant du quartier qui a déclaré l’avoir…«observé intact avec des parois en belles dalles en pierre bleue posées sur chant?… et recouvertes de dalles plates, également en pierre bleue….»

L’excavation où ces vestiges se trouvaient enfouis a naturellement été comblée en fin de travaux.

Ce tronçon d’aqueduc pourrait aisément être remis au jour et permettre une étude plus approfondie de sa structure.

L’aqueduc se développait donc au sud de la courbe de niveau 180. Il s’en éloigne progressivement pour garder la pente requise pour un bon écoulement de l’eau.

Dans sa notice intitulée « L’aqueduc romain de Floursies à Bavay » 1833, l’historien P Chevalier décrit : « des sondages qui lui ont permis de retrouver le passage souterrain de l’aqueduc à Mont Dourlers près du passage de la route d’Avesnes, le long du chemin de la Croix (aujourd’hui rue d’Arouzie) où la dénivellation est encore visible ». Plan 17 Fig 2 et plan N° 6 repère C.

Plan 6 Parcours de l’aqueduc sur les territoires de Floursies, Dourlers, St Aubin et Ecuélin

Le chemin de la Croix dont il est question dans cette citation est aujourd’hui connu sous le nom de rue d’Arouzies.

L’aqueduc traversait ensuite le chemin à environ 400 m du carrefour qu’il forme avec la route d’Avesnes N2. Puis il remonte vers le Nord Ouest en direction du versant gauche de la vallée du ruisseau de la Braquenière. Il y cesse sa progression en un point situé à la cote de niveau 176,3.

Le conduit devait pourtant continuer de se développer et franchir la vallée pour atteindre l’autre versant au sommet duquel subsiste un tronçon de mur de soutènement connu sous le nom de « Mur des Sarrasins » dont le niveau supérieur est à la cote 175,3. Le conduit qu’avait supporté ce vestige culminait à la cote 176.

Au point le plus bas de la vallée, le ruisseau est à la cote de niveau 159, soit une dénivellation de 7 m.

L’absence totale de vestiges ne permet pas de décrire avec précision le procédé qu’utilisèrent les romains pour franchir cette dénivellation. S’agissait il d’un pont aqueduc ou d’un siphon?

Les romains connaissaient le principe des vases communicants et maîtrisaient parfaitement la technique d’utilisation du siphon.

Cette dénivellation n’a pu poser le moindre problème aux hydrologues romains, sachant que l’aqueduc d’Alatri à 70 km de Rome construit en 90 avt JC comportait un siphon ayant une flèche de 100 m.

Il s’agissait donc vraisemblablement d’un siphon constitué de tubes de plomb, enjambant le ruisseau et qui épousait la dépression de la vallée.

Le siphon n’était certes pas posé directement sur le sol et devait être complètement isolé par un épais revêtement isolant capable de tenir le conduit hors gel en période d’hiver.

Quoi qu’il en soit, le franchissement de la vallée du ruisseau de la Braquenière constitue un intéressant sujet d’investigation pour les jeunes chercheurs amateurs d’archéologie.

Le mur des Sarrasins

« A 500 m au Nord de l’église de Dourlers on voit des ruines qui bordent le chemin vicinal sur une vingtaine de mètres. Elles sont constituées par un mur large d’un mètre et s’élevant à près de 2 m au dessus du chemin.

Plus à l’Ouest, la base de l’aqueduc affleure dans l’axe sur près de 60 m ». Jean Mossay : Ce que l’on peut voir en flânant dans l’arrondissement d’Avesnes 1959 p 48.

Le mur des Sarrasins

Le plan N° 7 représente la situation qu’occupe ce vestige au lieu dit « Trieu Gaillon ». Il permet de réaliser que la partie Est du mur de soutènement est profondément enterrée alors que la partie Ouest a été complètement démolie jusqu’à sa base qui affleure encore dans l’axe du chemin vicinal sur près de 60 m.

On peut estimer que le lit d’écoulement du conduit était à environ 2,70 m au dessus du niveau du chemin vicinal et qu’à cet endroit, l’aqueduc était en position aérienne.

Les murs de soutènement de l’aqueduc se trouvaient ainsi profondément enfouis dans le sol, partout où le conduit contournait les dépressions du terrain pour s’adapter à son relief en affleurant, au plus près, son niveau supérieur du niveau du sol.

Bien qu’en des temps immémoriaux, sur la presque totalité du parcours, les parois verticales de l’aqueduc aient été abattues par les cultivateurs, les murs de soutènement sont restés enfouis dans le sol. Ils peuvent toujours être exhumés comme l’ont fait J L Boucly, Vaillant et Haine sur les vestiges de St Rémy du Nord et de Bachant en 1963. Plan N° 17 repères G H I J.

La cote de niveau 180

Il n’a jamais été possible de situer exactement le circuit qu’adoptèrent les romains pour faire progresser l’aqueduc au delà du « Mur des Sarrasins » .

Des niveaux de terrain élevés se développent sur une ligne de crête, au sud du « Bois du Comte » et semblent avoir pu faire barrage à sa progression.

Les romains furent confrontés à ces obstacles qui culminent à la cote de niveau 180 soit 6 mètres au dessus du niveau requis pour mener à bien la progression.

Des prospections effectuées sur le terrain en vue d’identifier un éventuel passage souterrain ont finalement abouti à la découverte d’un secteur de prairie ou subsiste un énorme monticule de terre, témoin du gigantesque travail qu’effectuèrent les romains pour ouvrir un passage en vue de faire progresser le conduit vers le Nord.

C’était une haute et large langue de terre, proche des actuelles cotes de niveau 180 avec lesquelles elle se raccordait. Plans n°6 et 17. Voir surtout le plan n° 8 représentant un extrait de ce secteur tel qu’il apparaît sur le plan IGN 2707 Est, Edition 1981 mais agrandi 15 fois.

Ce spectaculaire travail est resté en place après 20 siècles. Il apparaît toujours sous forme d’un énorme monticule de quelques milliers de mètres cubes de terre culminant au dessus du niveau du sol. Plan n° 8.

Plan 8 passage creusé entre les cotes de niveau 180

Ce travail est d’autant plus surprenant qu’il fut exécuté de main d’homme dans le seul but de ne pas avoir à percer un tunnel ou d’enterrer le conduit profondément.

D’autre part, pour éviter la construction du pont aqueduc qu’il eût fallu construire pour rejoindre ce passage en franchissant la vallée du ruisseau qui coule Nord Sud en direction de la rivière Tarsy, les romains firent progresser l’aqueduc vers le Nord Ouest entre les courbes de niveau 175 et 180.

Ils lui firent ensuite contourner la source de ce ruisseau avant de le faire redescendre vers le Sud Ouest en direction du passage, repéré E, qu’ils avaient creusé dans la cote de niveau 180.

Les plans n° 6 et 17 montrent, qu’en fait, le parcours s’est développé entre les courbes de niveau 175 et 180 depuis le « Mur des Sarrasins » repéré D jusqu’au point de passage repéré E.

La distance qui sépare ces deux points est de l’ordre de 2 km.

La cote de niveau du conduit au point D est proche de 176.

Celle du conduit au point E est proche de 174. Soit une différence de 2 mètres pour 2 km et donc une pente de 1 m/km.

Après le point E l’aqueduc se dirige vers le Nord à travers le « Bois du Comte ».

Il contourne alors les dépressions du terrain, entre les courbes de niveau 170 et 165 en s’adaptant à son relief.

Il passe sous le village d’Ecuélin entre les courbes de niveau 165 et 160 pour contourner le petit étang repéré F, avant de rejoindre l’extrémité Sud du secteur d’aqueduc reconnu par Vaillant et Haine sur le territoire de Bachant en 1963. Plans n°6 et 17 repère G

A l’examen de ces plans, il est important de constater que ce parcours est tout à fait conforme à la citation figurant dans les Mémoires de la Société d’Archéologie d’Avesnes en date de 1880 et qui précise que « l’aqueduc passe près du château d’Ecuélin et à l’Est de la Ferme de l’Hôpital  ».

Le réservoir de régulation

On notera que la distance séparant le passage repéré E du point où l’aqueduc contournait l’étang repéré F, est de 3 km.

En E le conduit était à la cote de niveau 174 alors qu’en F il était à la cote de niveau 159.

Il en résulte une dénivellation de 15 mètres sur une distance de 3 km soit une pente moyenne de 5 m/ km.

Une pente importante, qui justifie bien qu’un réservoir de régulation ait été placé dans le cours de l’aqueduc, comme l’a rapporté Z Pierrart dans son ouvrage Maubeuge et son Canton – 1851 page 254.

« Non loin de l’Hôpital d’Ecuélin, à l’origine d’un ruisseau qui va se jeter dans la Sambre près de Bachant, se trouve l’un des réservoir où s’alimentait l’aqueduc romain de Floursies à Bavay.

Le Père Boucher ou Boucherius, qui au XVIe siècle a visité cet aqueduc, cite le réservoir de la ferme de l’Hôpital dans son ouvrage. Belgium romanum, page 502 ».

En réalité, ce réservoir avait pour fonction d’absorber l’afflux d’eau provoqué par la forte pente du conduit en aval du point E, d’en déverser le trop plein dans le ruisseau aujourd’hui confluent de la rivière des Voyeaux.

Il régulait donc un débit d’eau compatible avec le secteur de conduit qui se développait ensuite sur les territoires de Bachant et de St Rémy du Nord et dont la pente moyenne était de 0,600 m/km.

Pour bien réaliser l’importance du débit de l’eau, en amont du point F où avait été placé le réservoir, il faut réaliser qu’au confluent des trois sources que les romains avaient captées à Floursies pour alimenter l’aqueduc, le débit de l’eau est encore aujourd’hui proche de 100 m3 / heure.

Savoir-faire romain

En aval du réservoir trop-plein, le conduit progressait en direction du Nord sur environ 800 mètres entre les courbes de niveau 155 et 160.

Au point G, il rejoignait l’extrémité Sud du secteur d’aqueduc reconnu par Vaillant, Haine et J.L Boucly en 1962.

Ce secteur, long de 4,400 km témoigne de la grande précision technique apportée par les romains au nivellement du tracé. Une précision technique d’autant plus remarquable que la partie supérieure du conduit a toujours été maintenue au plus près du niveau du sol, lui faisant décrire un tracé sinueux contournant en de multiples détours les dépressions du terrain.

Sur les plans n°2 et 17, on le voit d’abord parfaitement situé entre les courbes de niveau 155 et 160, sur une distance de 2 km jusqu’à proximité du chemin vicinal n°01, comme si les niveleurs romains avaient connu l’existence de ces courbes de niveau.

Sur le territoire de St Rémy du Nord, au delà du chemin vicinal 01, le conduit continuait sa progression vers le Nord puis décrivait une grande boucle entre la courbe de niveau 155 qui l’enserre jusqu’au point repéré J, à environ 45 mètres au Sud de la D 959.

En fait, c’est l’excellence des techniciens romains, spécialement formés au maniement de la Croma et du Chorobate qui est à l’origine de ce résultat.

La technique d’utilisation de ces instruments de visée, déjà très perfectionnés, a été décrite et représentée dès les premières pages de cet ouvrage.

Un autre mur des Sarrasins

A l’extrémité de cette grande boucle, le niveau du conduit a été défini par JL Boucly en 1962 comme étant à la cote de niveau 155,8. Plans n°2 et 17

L’aqueduc bifurquait alors en direction de la vallée de la Sambre perpendiculairement à la tangente passant par le point J et avec laquelle il forme un angle à 90°.

« Au Sud Ouest du village de St Rémy du Nord, le long d’un sentier qui, partant de la route de Maubeuge à Aulnoye, se dirige vers la Sambre, on retrouve les soubassements de l’aqueduc romain de Floursies à Bavay. C’est un mur de 62 mètres de long et large d’environ un mètre. Mais comme le mur de Dourlers, il a été dépouillé de son parement et il ne reste que son remplissage intérieur formé de pierres bleues, de débris de tuiles et de briques liés par un mortier rose ».Jean Mossay. Ce que l’on peut voir en se promenant dans l’Arrondissement d’Avesnes. 1959 p 68

Ce mur de soutènement long de 62 mètres dépasse légèrement le niveau du sol à 64 mètres de l’axe de la route sur une longueur de 21 mètres. Il atteint ensuite une hauteur variant de 0,70 mètre à 1 mètre sur le reste de sa longueur, soit sur 41 mètres.

A l’extrémité Nord Ouest de ce mur, le niveau du sol est à la cote de niveau 152,4. A l’aplomb de cette extrémité le niveau du conduit était proche de la cote niveau 155,7 soit 3,30 mètres du niveau du sol. Plan n° 11

Plan 11 (extrait)

On sait que lorsque le mur portant le conduit dépassait la hauteur de 3 mètres au dessus du sol, les Romains lui substituaient des arches (opus arcuatum ).

C’était le cas de ce secteur d’aqueduc long de 800 m qui reliait l’extrémité du mur porteur au grand bassin de décantation. Plan n° 11

Pont aqueduc en amont du réservoir

Témoin de l’existence d’arches sur ce secteur, la fondation de la pile qui précédait directement le réservoir, et dont la présence a été reconnue par JL Boucly en 1962.

Dans sont ouvrage « Aqueduc de Bavay » 1964. pages 30 et 32, cet auteur décrit la structure bien taillée d’une assise en pierre bleue enfouie dans le sol et couvrant une surface de 1,60 x 1,40 m.

Cette assise est constituée de deux dalles de 1,60 m de longueur ayant respectivement 0,30 m et 1,10 m de largeur. Elle supporte une maçonnerie de 1,44 x 1,20 m faite de moellons taillés recouverts d’un parement de pierres taillées de 6 cm d’épaisseur.

En fait, la dimension de cette pile est identique à celle de l’assise , soit 1,60 x 1,40 m. (voir son emplacement sur le plan 9)

L’ouverture de l’arche qui reliait cette pile au mur du réservoir était large de 2,80 m.

L’entraxe des piles implantées sur ce secteur était donc de 4,20 m soit 2,80 + 1,40 m.

Trente et une piles devaient supporter le conduit depuis l’extrémité Nord Ouest du mur de soutènement jusqu’au réservoir. Plan N° 11

Pas le moindre fragment de matériaux qui constituaient ces piles n’est visible sur la surface du sol.

La totalité de la structure de pierres dont était constitué ce pont aqueduc a été démolie et disséminée.

Pour favoriser les labours et faire en sorte de ne pas racler les moellons enfouis dans le sol, avec le soc de leur charrue, les cultivateurs les ont arrachés aussi profondément que possible.

Seule l’assise de pile décrite ci-dessus a été reconnue. Mais toutes les autres sont toujours ancrées dans le sol et peuvent aujourd’hui encore être exhumées.

Réservoir de décantation

Faisant corps avec le Pont aqueduc, s’élevait un énorme réservoir dont les vestiges émergent encore, par endroits, à près de 3 m au dessus du niveau du sol.

On y accède par un petit sentier qui, partant de la D 959, se dirige suivant un axe qui correspondait à celui du Pont aqueduc.

Il est resté bien délimité et occupe toujours une surface de 12 m x 15,50 m, au beau milieu d’un champ qui s’étend sur le territoire de St Rémy du Nord, au sud de la ligne de chemin de fer.

Il gît dans ce champ, dans un état d’abandon affligeant, totalement envahi de ronces, de plantes parasites et d’arbres dont les racines finiront par disloquer complètement les restes de cet antique vestige.. Plan n°11

La totalité de ce vestige avait été dégagée en 1962 par JL Boucly. On y voyait les structures de ses murs épais de 1,65 m ainsi que la disposition particulière de ses trois bassins.

Deux d’entre eux étaient rectangulaires, parallèles et profonds. Ils occupaient la partie amont du réservoir.

Plan 9 Réservoir de décantation et de mise à niveau

L’un d’eux, repéré A sur le plan n° 9 était raccordé au Pont aqueduc et recevait la totalité des eaux du conduit.

Il communiquait avec le bassin repéré B par une ouverture disposée à la base du mur qui les tenait séparés.

Le niveau de l’eau dans les bassins repérés A et B était ainsi toujours à la même hauteur selon le principe des vases communicants.

L’eau se déversait ensuite systématiquement du bassin repéré B dans le bassin repéré C en franchissant un mur transversal séparant les bassins repérés B et C.

La hauteur de ce mur avait été fixée en fonction du niveau maxi à maintenir constant dans les bassins repérés A et B.

Décantation

Les particules lourdes dont l’eau était chargée à son arrivée dans le réservoir, descendaient par gravité et se déposait au fond du bassin A. Elles ne pouvaient remonter à la surface de l’eau même si elles parvenaient à passer dans le bassin B.

Les particules légères flottaient à la surface de l’eau et devaient périodiquement être écumées de main d’homme, ce qui laisse à supposer qu’un préposé à la garde du réservoir devait surveiller le bon fonctionnement du réservoir et écumer le niveau supérieur de l’eau du bassin A.

Ce procédé de décantation a toujours été appliqué par les Romains dans la plupart des aqueducs pour débarrasser l’eau de ses particules.

Témoin le réservoir de décantation de Virgo près de la Voie Latine, à proximité de Rome et qui aujourd’hui encore alimente la Fontaine de Trevi. Plan N° 10

Plan 10 Aqueduc de Virgo, près de la voie latine. Réservoir de décantation

Une volonté toujours soutenue de procéder à la décantation sans pour autant rendre l’eau potable, dans le sens que nous exigeons de l’eau aujourd’hui. Ce qui ne s’imposait nécessairement pas à cette époque, si l’on se rapporte à la citation extraite du Misopogon pages 340 et 341 œuvre de l’Empereur Julien dit L’Apostat (331 – 366) qui avait son palais à Lutèce, aujourd’hui Ile de la Cité, à propos de laquelle il écrivit:

« Je me trouvais l’hiver dans ma chère Lutèce. C’est le nom que les Celtes donnent à la bourgade des Parisiens. C’est une petite île au milieu du fleuve. Un mur en fait le tour complet. Des ponts de bois y conduisent des deux côtés. Le fleuve baisse quelquefois puis revient plus grand, mais la plupart du temps il reste le même en hiver et en été. Il fournit à qui le veut une eau très agréable et très pure à voir et à boire. Les habitants étant dans une île doivent s’y approvisionner en eau ».

Etrange citation qui nous apprend que la pollution de l’eau était pratiquement nulle et que les populations de l’époque pouvaient s’approvisionner en eau dans nombre de rivières et même dans la Seine.

Il apparaît clairement à l’examen du plan n° 10 que le réservoir de Virgo n’avait pour seule mission, que la décantation.

Mise à niveau

La particularité du réservoir de l’aqueduc de Bavay, consistait à l’existence d’un troisième bassin situé en aval du réservoir et occupant une position transversale par rapport à l’axe de l’aqueduc.

Ce bassin était également rectangulaire, mais beaucoup moins profond. Il reposait sur un énorme massif dont les vestiges culminent encore aujourd’hui à près de 3 mètres au dessus du niveau du sol.

Il faut noter ici, que ce bassin n’aurait pas eu de raison d’être si les ingénieurs romains avaient choisi de lancer un Pont aqueduc à arches au dessus de toute la vallée.

Dans ce cas, comme pour le réservoir de Virgo, l’eau sitôt décantée aurait été canalisée en direction de Bavay.

Il faut également préciser, dans cette hypothèse, qu’à l’aplomb de la rivière, la hauteur du pont aqueduc aurait été de 30 mètres.

La présence de ce troisième bassin, témoigne donc de la volonté des hydrologues de faire franchir la vallée par un siphon.

Le problème auquel furent confrontés ces hydrologues fut de déterminer la hauteur à laquelle l’eau devait déboucher de ce bassin pour assurer une hauteur d’écoulement d’eau compatible avec le niveau du conduit du versant opposé.

Au repos, l’eau contenue ans un siphon est soumise au principe des vases communicants; le niveau de l’eau est à la même hauteur aux deux extrémités du siphon.

Que l’eau ait eu à s’écouler du réservoir vers le conduit du versant opposé, alors s’exerçait sur les parois intérieures du siphon un frottement provoquant une perte de niveau à l’extrémité aval du siphon désignée sous le nom de perte de charge.

Les Romains avaient réalisé l’importance du frottement que peut exercer l’écoulement de l’eau sur une surface.

Ils s’étaient attachés à en limiter l’action, à l’intérieur même des conduits d’aqueduc.

Témoin ce tronçon d’aqueduc exhumé en 1962 par Vaillant et Haine sur le territoire d’Eclaibes, au lieu-dit Le Planti. Plan n° 17 Fig 5

Les parties basses des parois intérieures comportaient chacune des rangées de carreaux triangulaires superposés dont les chants lisses étaient disposés pour former le lit d’écoulement du conduit. Ils avaient pour fonction de limiter le frottement de l’eau et d’en favoriser l’écoulement.

Plan 17 Fig 5

Cette représentation est extraite de l’ouvrage intitulé « Exploration Archéologiques de Bavay » H Bievelet 1962. Revue du Nord Tome XLV pages 358 et suivantes.

L’implantation du réservoir à l’emplacement qu’il occupe encore aujourd’hui à St Rémy du Nord, sur le versant droit de la vallée de la Sambre avait donc été définie en fonction de deux paramètres biens distincts.

D’une part, obtenir une décantation aussi efficace que possible au moyen de deux bassins profonds et bien dimensionnés.

D’autres part, assurer à la sortie du bassin transversal un niveau d’eau compatible avec le niveau du conduit du versant opposé.

Des vestiges de murs épais de 1,80 m délimitent encore la surface qu’occupait chacun des trois bassins.

Les deux bassins réservés à la décantation étaient longs de 6,15 m et larges de 3,20 m. Leur profondeur paraît avoir été de 7 m.

Des dimensions qui laissaient à conclure à une contenance totale de plus d’une centaine de m3 d’eau.

Le réservoir de l’aqueduc de Giers

L’aqueduc de Giers-un des quatre grands aqueducs qui alimentaient Lyon (Lugudunum)- comportait sur son parcours un réservoir tampon qui existe encore aujourd’hui en assez bon état de conservation. Voir sur la Fig 4 l’extrait de Archéologie tel que représenté dans le n° 38 page 68.

Bien que ne comportant pas de bassin de décantation, la spécificité de sa structure est susceptible d’apporter quelques éclaircissements sur les moyens qu’utilisaient parfois les Romains pour la distribution de l’eau dans un siphon. Fig 1 ci-dessous extrait de Archéologie n° 38 page 75.

Fig 1 Le réservoir de Leymieux

C’était un réservoir ne comportant qu’un seul bassin, voûté de 6,45 x 2,20 m faisant office de réservoir-tampon et dont les murs étaient épais de 0,90 m. Il n’était pas trop profond, et avec ses murs moins structurés, il pouvait contenir moins de la moitié des bassins du réservoir de St Rémy du Nord.

Il est implanté sur la rive droite de la vallée de la Duzère profonde de 100 m et que l’aqueduc devait traverser en siphon.

Il recevait l’eau d’un conduit de 0,60 m de largeur et de 1,65 m sous clé, raccordé perpendiculairement au milieu de son grand côté amont. Il la distribuait à travers le coté opposé dans dix tuyaux de plomb espacés de 0,60 m, qui descendaient au sol sur un mur rampant aujourd’hui très dégradé. A l’origine, cette paroi était donc percée de dix trous. Trois d’entre eux ont disparu.

Ces tuyaux étaient fabriqués en courbant longitudinalement de longues plaques de plomb épaisses de trois cm, puis soudées.

Le méplat de le soudure a laissé sa trace dans les trous du mur du réservoir.

Ils avaient une section légèrement ovale et un diamètre moyen de 24 cm.

L’aqueduc de Giers est réputé avoir eu un débit de 1000 m3/H. Celui de l’aqueduc de Bavay était di fois moins important, soit 100 m3/H.

Faut il, pour autant, en déduire qu’un seul tuyau de plomb dimensionné comme décrit ci-dessus aurait suffit pour assurer le franchissement de la vallée de la Sambre ?

Il faut, ici, s’interroger sur la méthode dont usèrent les hydrologues romains pour déterminer le niveau à maintenir dans le bassin transversal du réservoir, qui soit compatible avec le niveau du conduit du versant opposé.

Il y a lieu d’être circonspect sur le résultat qu’auraient pu obtenir les Romains avec les instruments de visée Groma et Chorobate sachant, comme l’a indiqué l’ingénieur romain Vitruve 1 er siècle av JC, dans son ouvrage « De Architectura » Livre VIII, que la distance permettant encore une visée fiable et suffisamment précise était de l’ordre d’une trentaine de mètres.

Des opérations qui ont du s’avérer d’autant plus délicates que le siphon devait finalement avoir une longueur de 1500 m avec une flèche de 30 m et une perte de charge résultant du frottement de l’eau sur la paroi intérieure du tube.

Il est probable que ce niveau n’ait finalement pu être obtenu que par essais successifs en faisant varier la hauteur d’un trop-plein disposé au dessus de la sortie de l’eau du bassin, et ce, jusqu’à obtenir le niveau recherché. Plan n° 9.

Franchissement de la vallée de la Sambre

Les fouilles menées sous la conduite de JL Boucly en1962 ne permirent pas seulement de dégager le grand réservoir de décantation et de mise à niveau . Elles permirent également d’exhumer les assises de huit des piles qui supportaient le pont aqueduc qui rampait vers la rivière. Plan n° 11

Plan 11 Franchissement de la vallée de la Sambre

Les vestiges d’un mur long de 20 m et large de 3 m fut aussi mis au jour. Il paraît avoir eut une fonction de renfort et fut construit, après coup, pour maintenir en place l’énorme masse que représentait le réservoir chargé de plus d’une centaine de m3 d’eau. Il est appuyé directement contre le parement du réservoir ce qui semble bien confirmer la postériorité de sa construction.

Les huit assises de piles dont il est question ci-dessus, sont toujours enfouies dans le sol entre ce mur et le talus qui supporte la ligne de chemin de fer Maubeuge Aulnoye.

Elles sont distantes, les unes, des autres, de 9 m, soit 30 pieds romains. (30 x 29,6)

Aucune autre assise de pile n’a pu être trouvée sur le secteur de terrain qui sépare la ligne de chemin de fer, de la rive droite de la rivière. Il en a été de même sur les abords de la rive gauche de cette rivière.

Auraient-elles été si faiblement enfouies dans le sol, que les cultivateurs les auraient arrachées pour ne pas risquer de les racler avec le soc de leur charrue?

Un travail très important sachant, comme l’a indiqué JL Boucly, que la plupart des assises exhumées lors des fouilles de 1962 avaient comme dimensions 3 m x 4,80 m.

L’examen du plan n° 11 permet de réaliser que le franchissement de la rivière se serait effectué en biais, si l’aqueduc avait été prolongé dans l’axe rectiligne des huit premières piles.

Ce genre de franchissement ne fut pratiquement jamais réalisé par les constructeurs du génie romain.

Ils dévièrent alors le cours de l’aqueduc vers l’amont de la vallée et lui firent décrire de longues courbes de part et d’autre de la rivière pour la faire franchir perpendiculairement, puis procéder à la remise en ligne de l’aqueduc sur le versant gauche de la vallée. Plan n° 11

C’est le fait de ces dispositions qui fit qu’aucune assise de pile ne fut trouvée entre Sambre et ligne de chemin de fer, ni même sur la rive gauche de la rivière.

Les constructeurs romains ne manquèrent probablement pas d’imprimer un tracé rectiligne au secteur d’aqueduc qui traversait la Sambre, pour que cette convexité puisse faire front au courant et résister aux très importantes crues qui, aujourd’hui encore, inondent une grande parie du versant gauche de la vallée jusqu’à proximité du village de Boussières sur Sambre.

A ce propos, il faut citer ici, le Pont du Gard, certes surdimensionné par rapport au pont aqueduc dont il est question dans cet ouvrage . Ce pont franchit le Gardon, un cours d’eau qui peut paraître dérisoire, son débit étant la plupart du temps insignifiant mais dont le cours est susceptible de crues très importantes.

Celle de 1958 fut énorme et dévastatrice. Elle avait submergé tout le premier étage d’arches de ce pont qui eut été emporté s’il n’avait pas été construit avec cette convexité, certes légère mais combien efficace.

Pour réaliser la force qu’exerça l’eau lors de cette mémorable crue, il faut savoir qu’à quelques kilomètres en aval du Pont du Gard, les culées du pont suspendu de Remoulins, qui paraissaient n’offrir que peu de prise aux effets du courant, furent déplacées.

Recherche des assises de piles

Pour retrouver les assises de piles restées enfouies dans le sol entre Sambre et ligne de chemin de fer, il y aurait lieu d’entreprendre des recherches en amont de la vallée et d’y pratiquer des sondages sur des tracés courbes susceptibles d’aboutir en un point qui aurait permis le franchissement de la rivière perpendiculairement.

D’autre part, dans son ouvrage intitulé « Mémoire sur la ville de Bavay dans le pays du Hainaut 1731 » conservé à la Société Archéologique d’Avesnes Tx 1912 page 116, Claude Masse décrit une pile de l’aqueduc de Bavay telle qu’elle existait encore à l’époque.

« On voit, à peu près au milieu de la Sambre, les restes d’une pile qui déborde de 2 à 3 pieds (60 à 90 cm) de la superficie de l’eau et que l’on dit être d’une maçonnerie très dure ».

La présence de ce vestige aurait donc bien pu subsister quelques temps après un élargissement qui aurait laissé dans l’eau, une pile précédemment ancrée dans une des rives de la rivière.

D’autre part, en 1880, dans « Hautmont et son Abbaye » les historiens Minon Frères ont décrit les vestiges d’une pile qui aurait subsisté sur la rive droite de la rivière.

Y aurait il une contradiction entre ces deux citations, ou s’agirait-il de vestiges de piles différentes.

Plus récemment, dans les années 1970, lors de travaux d’enfouissement sous le lit de la Sambre, d’une canalisation de gaz de Groningue, artère de Lorraine, entre Taisnières sur Hon et Ohis, les vestiges de fondation d’une pile, qui subsistait dans le lit de la Sambre, ont été dynamités pour permettre le passage de la canalisation Fig 2

Fig 2

Propos recueillis auprès de Monsieur Detourbe Bernard qui s’est intéressé aux travaux et qui habite 1 rue des Trente Pieds à Boussières sur Sambre.

Voir l’extrait des Archives Techniques – Gaz de France ci dessous.

A l’examen de ce plan, il apparaît tout à fait plausible que l’enfouissement de la conduite de gaz ait été effectué à l’endroit même où les Romains avaient dû dévier le cours de l’aqueduc vers l’amont de la vallée pour réaliser le franchissement perpendiculaire de la rivière.

Il n’y aurait donc rien d’étonnant qu’une assise de pile restée ancrée dans le lit de la rivière, après son élargissement, ait dû être dynamitée.

Le pont aqueduc

En aval du réservoir, un pont aqueduc à arches rampait en direction de la rivière. Il descendait jusqu’à mi parcours suivant une pente proche de celle du terrain sur lequel il était implanté.

Il déviait ensuite vers l’amont de la vallée en décrivant de larges courbes en vue de trouver un point permettant au conduit de franchir la rivière perpendiculairement.

Des arches se prolongeaient sur le versant opposé en gardant la même pente jusqu’au point ou le conduit atteignait les 3 mètres au dessus du niveau du sol. Plan n° 11

Il remontait alors, à travers le chemin d’Ham sur un mur de soutènement solidement ancré dans le sol, se prolongeant ensuite à travers l’actuel village de Boussières sur Sambre avant d’atteindre le sommet du versant opposé.

Le long du chemin d’Ham, ce mur de soutènement n’est plus repérable que par la pierraille qui affleure çà et là le niveau du sol. Il est resté connu sous le nom de « Mur des Sarrasins ».

Il a été exhumé en partie lors de la construction de la 1ère salle des fêtes du village, dont les fondations Nord Est ont été assises sur ces vestiges. Plan n° 11

D’autre part, lors de travaux d’adduction d’eau, effectués en 1953 face au n° 34 de la rue principale, rue des Trente Pieds, un autre vestige a également été exhumé. Il a été relevé et représenté par J.L Boucly dans son ouvrage, cité précédemment, conservé dans Mémoire de la Société Archéologique d’Avesnes Tome XXI page 27 et ss.

En fait, l’intérieur de ce conduit était largement ouvert. Le fond était soigneusement cimenté et les angles qui le raccordaient aux parois verticales étaient également cimentés et largement arrondis comme indiqué à la page 29 de l’ouvrage de JL Boucly ci dessus cité et représenté sur la FIG 3.

A l’examen du conduit représenté dans la Fig 3 tel que figurant à la page 29 du bilan de deux campagnes de fouilles réalisées par JL Boucly en 1963 – 64, cité précédemment, on réalise que ce conduit était tout a fait structuré pour recevoir deux tubes de 30 cm de diamètre, fréquemment utilisés par les Romains pour la réalisation de ce genre de siphon.

Ce type de tube fut donc nécessaire pour assurer l’écoulement de l’eau dans un siphon long de 1,5 km présentant une dénivellation de 30m capable d’exercer une pression de 3 kg / cm2 au point bas du siphon.

Comme ce fut le cas, pour le franchissement en siphon de la vallée de la Braquenière, ces tubes ne furent pas posés directement sur le fond du conduit qui les supportait.

Ils durent être entourés d’un revêtement isolant sur toute la longueur du siphon, bourré de paille et recouvert de plaques étanches posées directement sur les parois verticales; le tout capable de tenir le siphon hors gel en période hivernale.

On notera que la section des deux tubes de 30 cm de diamètre extérieur et de 2cm d’épaisseur était de : 3,14 x 132x2 = 1062 cm2

Une section tout à fait compatible avec la section briquetée de l’aqueduc représenté à la Fig 5 du plan 17 soit 32×32 = 1024 cm2

A sa sortie de la rive gauche de la vallée, le siphon débouchait sur le mur de soutènement dont un vestige subsiste encore aujourd’hui derrière la chapelle du village.

Ce vestige est long de 35 m et large de 3 m. Du coté intérieur de la vallée, il émerge encore à environ 2 m au dessus du niveau du sol. A l’opposé de ce coté, il se confond avec le terrain bordant le versant gauche de la vallée.

A cet endroit, le terrain est à la cote de niveau 153 et le lit d’écoulement de l’aqueduc était à la cote de niveau 154,6 donc aérien.

Pour réaliser du genre de tube dont était constitué le siphon qui raccordait les deux versants de la vallée de la Sambre, il faut citer ici, la triple conduite hellénistique du Madradag, sur la cote Ouest de l’Asie Mineure, construite sous Emène II, 197 – 157 av. JC, qui était longue de 40 km et alimentait la citadelle de Pergame.

Cette triple conduite était constituée d’une multitude de tubes raccordés, entre eux, par emboîtements et dont de nombreux spécimens ont été retrouvés. FIG 4 ci dessous

FIG 4 Tuyaux de la triple conduite de Madradag.

Le nombre important de ces tubes à emboîtement qui constituaient cette triple conduite a dû nécessiter autant de joints à étancher. Des résidus de matière trouvés sur place ont permis de déterminer qu’il s’agissait d’un mélange de boue et d’argile et l’adjonction de matière hydraulique à base de pétrole, de graine végétale ou d’huile.

Pour l’ingénieur Vitruve, 1er siècle av. JC, les tuyaux en céramique devaient avoir une épaisseur de 5 cm et être effectivement façonnés de manière à s’emboîter les uns dans les autres. Il recommandait de badigeonner les joints avec de la chaux vive mélangée à l’huile, et pour assurer une étanchéité parfaite il suggérait de mettre de la cendre dans les tuyaux avant d’y faire passer l’eau afin que la moindre fuite se trouve bouchée.

Il faut croire que la triple conduite de Madradag ne donna pas entière satisfaction puisque 200 ans plus tard, les Romains en complétèrent une partie par une conduite forcée longue de 3 km en un point du parcours où la dénivellation était de 190 m et où la pression de l’eau, au pont bas était de 19 kg / cm2, représentant plus du double des exploits réalisés à l’époque.

Aucune partie des précieux tuyaux métalliques qui constituaient cette conduite n’a pu être retrouvée. Ils ont été arrachés et pillés dès l’Antiquité.

Cependant l’empreinte de leur cheminement a pu être identifiée et la chimie moderne a permis de reconnaître la moindre trace de métal lourd. La teneur en plomb dans les parties prélevées était 56 fois plus forte que la teneur constante des autres métaux, ce qui semble prouver que cette partie de conduite forcée romaine du Madradag de Pergame était en plomb. Elle est aujourd’hui considérée à juste titre, comme étant l’une des plus grandes entreprises hydrauliques de l’Antiquité.

Le siphon de la vallée de La Sambre

Pour en revenir au franchissement de la vallée de La Sambre il faut encore citer l’ouvrage de J.L Boucly qui déclare avoir découvert une surface bétonnée de 2,40 m x 1,80m faite d’éclats de pierre bleue noyés dans un mortier blanc que les romains auraient utilisé pour la fabrication des plaques de plomb nécessaires à la confection des tubes.

Il déclare également avoir trouvé quelques déchets de coulée de plomb presque pur, ainsi que des morceaux de soudure contenant 27,8 % d’antimoine et 65 % de plomb. (Paragraphe V de l’ouvrage déjà cité précédemment – Pages 50 à 53)

Autant d’arguments qui laissent à conclure que le siphon qui franchissait la vallée de la Sambre était en plomb.

Pour faire franchir la dépression que présente la vallée de la Sambre par un siphon constitué de deux tubes d’environ 30 cm de diamètre confectionnés à partir de feuilles de plomb de 1 m x 1 m et 2 cm d’épaisseur, le poids de plomb à approvisionner aurait été de:

10 x 10 x 0,2 x 11,3 x 1565 x 2 = 707,400 tonnes.

Les mines de Cornouailles, exploitées à l’époque par les Romains auraient d’ailleurs permis l’extraction d’une quantité aussi importante de plomb.

Progression de l’aqueduc vers Vieux Mesnil

L’aqueduc se développait ensuite sur 3,200 km avant d’atteindre le mur de Vieux Mesnil repéré M sur les plans 13 et 17.

Plan 13 Vieux Mesnil

A l’aplomb de ce mur, le conduit était aérien et culminait à la cote de niveau 153,4 soit 1,20 m plus bas qu’à la sortie de la vallée de la Sambre.

La pente moyenne entre ces deux points était donc de : 1,2 / 3,2 = 0,375 m / km.

Sur la plus grande partie de ce parcours, l’aqueduc n’était ni très profondément enterré dans le sol, ni installé en hauteur en position aérienne.

Il progressait entre les courbes de niveau 150 et 155 sur un tracé défini de toute évidence, avec les instruments de visée Groma et Chorobate lesquels étaient indispensables pour déterminer un parcours dont la pente devait être maintenue proche de 0,375 m / km sur les deux tiers de la distance, jusqu’au lieu dit Fâche de la d’Hinard.

Ainsi donc, dès sa sortie de la vallée de la Sambre, l’aqueduc se dirigeait vers le Nord Est en longeant la cote de niveau 155 jusqu’au lieu dit Les Wattennes où un vestige de mur de soutènement affleure sur le coté Nord de la D 307 à environ 25 m à l’Est de la ferme du même nom. Plan n° 17 Repère L

Plan 17 Repère L et M

Puis il bifurquait vers l’Ouest pour contourner les hauteurs du lieu dit La Toque en décrivant une grande boucle ventrue distante au maximum, d’environ 325 m de l’axe de la D 307, alors que les extrémités de cette courbe sont distantes d’environ 500 m.

Il poursuivait ensuite son parcours vers le Nord Ouest en s’élevant progressivement au dessus du niveau du sol et arrivait en position aérienne à la cote de niveau 153,4 là où subsiste le Mur de Vieux Mesnil. Plans 13 et 17, Repère M.

Le Mur de Vieux Mesnil

On constate, aujourd’hui encore, que l’axe de ce mur est perpendiculaire à l’axe du conduit qui devait franchir la vallée du ruisseau du Bois Mesnil. Plan N° 13.

On remarquera également que cette situation est tout à fait identique à celle qui existait sur le territoire de St Rémy du Nord avant que l’aqueduc ne change brusquement de direction pour aller franchir la dépression de la vallée de la Sambre. Plan 17 et 11.

Ce doit être la configuration des terrains qui aurait imposé ces situations.

C’est peut être aussi une disposition propre à favoriser le freinage au courant d’eau, pour surélever sensiblement le niveau de l’eau, dans le conduit, en amont de ce brusque changement de direction.

La traversée de la vallée du ruisseau du Bois Mesnil

Avant d’aborder ce passage, il faut se reporter à un des ouvrages de Henri Bievelet intitulé « Le grand aqueduc de Bavay » Revue du Nord – Tome XLIV – 1962 – Pages 366 et suivantes – Bibliothèques de Lille et Valenciennes.

Cet ouvrage fait état d’un texte qui relate l’existence de vestiges de piles dont certains risquent de disparaître écrivait-il. La lecture de ce qui va suivre confirmera qu’il ne pouvait si bien dire.

« Dans la Haute Rue, Marius Deghaye, nous a aidé à retrouver les traces, à même la rue de deux de ces tournelles devant la maison voisine de la mairie, 296 au cadastre. Un peu plus au Nord Ouest, au pied de la maison qui s’élève sur la parcelle 366, sont en partie visibles les restes d’une autre tournelle. Ceux d’une quatrième se montrent à l’angle Sud Est de la parcelle 285. Sur la rive gauche du ruisseau du Bois Mesnil, le long du vieux chemin de Bavai, V C 04, les vestiges de trois tournelles sont visibles dans une pâture; ceux d’une autre le sont à même le chemin, vers l’angle de la maison implantée sur la parcelle 257 A ».

Ce texte était accompagné d’un extrait du cadastre surchargé d’un axe rectiligne reliant la totalité de ces vestiges. Plan n° 12.

Plan 12

Les indications figurant sur ce plan ont permis de replacer chacune de ces piles dans les positions qu’elles occupaient initialement. Plan n° 12, Echelle 1/1000ème.

C’est ainsi que les deux piles, qui, sur ce plan, portent les n° 12 et 13 ont pu être replacées face à la parcelle 296.

La pile portant le n° 24 face à la parcelle N° 366.

La pile portant le n° 38 face à la parcelle N° 285.

Les piles portant les n° 52, 53, 54 dans la parcelle cadastrée N° 256.

Enfin, la pile portant le n° 58 replacée à l’angle de la maison implantée sur la parcelle 257 A. Voir plan n°12.

Seule la pile portant le n° 24 faisant corps avec l’habitation bâtie sur la parcelle 366 est encore visible en hauteur.

Les sept autres vestiges de piles numérotés 12, 13, 38, 52, 53, 54, 58 qui se trouvent hachurés sur le plan 12 ont été arasés et recouverts dans les années 1960 lors de travaux de voirie et de rehaussement du pont qui franchit la rivière du Bois Mesnil.

Par chance, quatre autres vestiges de piles, non décrits dans le texte de Henri Biévelet, sont encore visibles et dépassent encore le niveau du sol d’environ 0,800 m.

Les vestiges de piles numérotés 1, 2, 3, 4 sont miraculeusement restés en place, du fait qu’ils ont été en partie imbriqués dans les fondations d’un des murs de la maison qui leur est contiguë.

Leurs dimensions sont de 2 m x 3 m. Ils sont distants de sept mètres d’axe en axe.

Avec le vestige de pile numéroté 24, ils sont les seuls rescapés des 42 piles ou tournelles, signalées par Heylen dans son « Dissertatio de antiquis Romanorum Monumentis » 1782. Mémoire de l’Académie de Bruxelles – Tome IV – 1783.

Il est aujourd’hui impossible de situer les emplacements de ces 42 piles parmi ceux des 58 piles reconstitués sur le plan n° 12.

Tout au plus peut on avoir la certitude que les huit vestiges qui étaient encore visibles vers 1960, comme l’a relaté Henri Biévelet, étaient de ceux là.

Claude Masse, dans son Mémoire sur la ville de Bavay – 1731, Bibliothèque du Comité Technique du Génie MD 191, en fait la description comme suit :

« Les parements de ces piles étaient de grais en forme de moellons piqués de 6 pouces de hauteur et 4 pouces de plat sur 7 à  8 pouces de queue, plus ou moins, avec des bandes qui les traversaient de 2 à  3 briques ou carreaux plats d’environ 8 pouces de longueur sur 7 1/2 de largeur et un pouce d’épaisseur. » Mémoire de la Société Archéologique d’Avesnes – Tome X pages 79 – 127, 1912.

Le mot tournelle semble bien n’avoir été utilisé par Heylen que pour rappeler une expression, longtemps reprise en des temps immémoriaux, pour évoquer le souvenir de 42 piles dont certaines soutenaient encore des restes d’arches s’élevant en tournant vers le ciel.

Près de 130 piles auraient été nécessaires pour relier les sommets des versants des vallées, distants l’un de l’autre d’environ 925 m, par un pont aqueduc classique.

Les huit emplacements signalés par Henri Biévelet ainsi que les dimensions et l’entre-axe des quatre vestiges de piles restés imbriqués dans un des murs de l’habitation qui leur est contiguë ont permis de reconstituer les emplacements de 58 des piles dont l’aqueduc aurait été constitué. Plan n° 13 A.

D’autre part, les dimensions de ces piles, 2 m x 3 m, paraissent nettement insuffisantes pour supporter un pont aqueduc classique dont la hauteur aurait été d’environ 20 m aux abords immédiats du ruisseau dont les rives s’abaissaient sensiblement jusqu’à la proximité de son cours. Plan n° 12

Aujourd’hui, ce secteur a été rehaussé et son niveau est à l’horizontale de la voirie moderne.

On a vu précédemment que les assises des piles exhumées à St Rémy du Nord sur la rive droite de la Sambre, avaient comme dimensions 3x 4,80 m. Mais il faut bien réaliser que cet ouvrage avait été édifié pour résister aux fortes poussées des eaux , lors des énormes crues, de tous temps provoquées par le cours de la Sambre à cet endroit.

Le franchissement de la vallée du Bois Mesnil a plutôt été réalisé au moyen d’un siphon constitué de deux tubes de plomb disposés dans un conduit identique à celui découvert à Boussières sur Sambre par JL Boucly en 1962. Fig 3

Dans ce cas, le poids de plomb à approvisionner pour réaliser les feuilles de plomb de 1 x 1 m, épaisseur 2 cm, nécessaires à la confection de tubes de 30 cm de diamètre et 1 m de longueur aurait été de:

10 x 10 x 0,2 x 11,3 x 925 x 2 = 418 tonnes.

Un pont aqueduc rampant constitué d’une soixantaine de piles aurait suffit pour couvrir le versant droit de la vallée et franchir la dépression que présentait alors les abords immédiats de la rivière.

A cet endroit, le conduit aurait culminé à moins de sept mètres. Une hauteur tout à fait compatible avec les dimensions des piles, soit 2 x 3 m.

C’est sur un mur de soutènement que le siphon remontait le versant gauche de la vallée en y décrivant un tracé longeant le coté Nord Est du vieux chemin de Bavay. Plan n° 17

Extrait Plan 17

A mis hauteur, son tracé est traversé par le chemin dit « des Quarante » avant d’atteindre le sommet du versant, là où le niveau du sol est à la cote 152,5.

A l’aplomb de cet endroit, le conduit devait se trouver à la cote 153, soit 0,500 m au dessus du niveau du sol.

A partir de ce point l’aqueduc avait encore 10,500 km à parcourir avant d’atteindre le centre de Bavay à la cote 149.

La pente moyenne entre ces deux points était donc de (153 – 149) / 10,5 = 0,380 m / km.

Après avoir franchi la vallée du ruisseau de Bois Mesnil l’aqueduc prenait la direction du Nord Ouest en continuant de longer le vieux chemin de Bavay jusqu’au croisement que forme ce chemin avec la D 117 sur le territoire d’Hargnies.

Puis il remontait vers le Nord en longeant la route de La Longueville sur environ 250 m, avant d’aller serpenter en direction de l’Ouest, entre les courbes de niveau 150 et 155, en louvoyant au sud du Bois de Louvignies, sur le territoire d’Hargnies. Plan n° 17

Il bifurquait ensuite en direction de l’Ouest. Son tracé se trouve là traversé par la route de Louvignies au lieu dit l’Ermitage où existaient autrefois des vestiges «  que le vulgaire appelle Buise, surtout à l’Hermitage du bois de Louvignies » Claude Masse, Mémoire sur Bavai dans le pays de Hainaut. 1731, page 115

Aujourd’hui rien n’apparaît plus sur ce secteur. Cependant sur le territoire d’Audignies, dans des champs situés au Nord de la bande boisée qui sépare la forêt de Mormal du Bois de Louvignies, apparaissent encore des lignes de pierrailles et de briquetage écornés chaque année par les labours.

Ces traces se remarquent à deux endroits différents. La première à une vingtaine de mètres au Nord Est de la route, dans un champ cultivé par Monsieur Francis Hoet. La seconde dans un autre champ attenant au précédent, à environ 200 m de la Ferme du Bois de Louvignies.

Monsieur Georges Bon est l’actuel exploitant de cette ferme. Il conserve dans sa cour une grande dalle de pierre plate à l’état brut, d’environ 2 m2, découverte dans son champ à proximité de l’endroit où émergent les vestiges de pierrailles.

Cette dalle avait probablement été amenée par les Romains pour servir au découpage de plaques plus petites destinées au recouvrement des conduit d’aqueduc. Plan n° 17 Fig 5.

Le conduit décrit ensuite un grand crochet de 350 m d’ouverture et profond d’environ 500 m.

Il traverse à deux reprises la route de Louvignies avant de remonter en direction du Nord en se développant à proximité de la courbe de niveau 150, jusqu’au Sud de la route de Maubeuge au lieu dit la Crasse Cotte ». Plan n° 14, Repère F et Plan n° 17, Rep O.

Plan 14
Extrait Plan 17 Repère O

On remarquera sur le plan n° 14 un lieu dit « Clair Ménage » tout à fait en rapport avec un autre lieu dit « Le Ménage » où existe une prairie communément connue sous le nom de la « Désolation » au Nord de la ville de Le Nouvion, où reposent les combattants gaulois, tués lors de la bataille que livra César en 57 av. JC aux forces coalisées des Nerviens, des Viromandues et des Atrebates. Voir du même auteur, l’ouvrage intitulé « La colline de César, un linceul de verdure, des Nerviens retrouvés ». 1990

C’est au cours de l’année 1994 que furent mis en chantier, les travaux d’installation de l’échangeur qui devait permettre le contournement de l’agglomération de Bavay et le raccordement de la N49 à la voie rapide.

A cette occasion, furent exhumés des vestiges bien conservés, d’un tronçon d’aqueduc sur une longueur de plusieurs dizaines de mètres.

Maurice Henault avait déjà signalé la découverte de ce tronçon en 1930 « à proximité de la route de Maubeuge aux environs de la courbe de niveau 150 ».

D’autre part, l’endroit repéré F sur le plan n° 14 montre clairement le brusque changement de direction que fait l’aqueduc vers le Sud Ouest pour contourner la courbe de niveau 150 et garder la pente nécessaire à l’écoulement de l’eau en direction du centre de Bavay.

Dans sa notice Egouts et aqueducs bavaisiens, Musées Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles, Henri Biévelet nous apprend que: le 30 octobre 1927, un sondage de 2 m de long sur 60 cm de large, très limité, on le voit, permis à M. Henault de voir des vestiges d’aqueduc dans «le talus du petit chemin particulier » qui joint la nationale 49 au Vieux chemin de La Longueville. « La partie de la maçonnerie exhumée, écrit il , Pro Nervia, IV, 1928, page 100, semble avoir formé l’un des cotés de l’aqueduc; sa hauteur moyenne est de 40 cm, son épaisseur 25 cm » Voir Repère E sur le plan n° 14.

Après le croisement que fait ce petit chemin particulier avec le vieux chemin de La Longueville, l’aqueduc décrit une grande courbe d’environ 300 m de longueur au Sud de ce dernier.

Au milieu de cette courbe, un vestige Repéré D sur le plan n° 14, ainsi qu’un autre vestige repéré C situé un peu plus à l’Est.

Ces vestiges corroborent exactement avec les points repérés L sur le « Plan de la ville de Bavai dans la province de Hainaut en l’estat qu’elle estoie en 1731 » Ce plan dressé par Claude Masse a été publié par Lucien Lemaire dans Mémoire de la Société Archéologique d’Avesnes, Tome X 1912. Il figure intégralement sur le plan portant le n°14 bis.

L’examen de ce plan laisse clairement apparaître : « qu’à partir d’une vingtaine de toises de l’endroit où le chemin de terre arrivant d’Audignies, rejoint le vieux chemin de La Longueville, l’aqueduc suit celui ci jusqu’à la Porte de Mons appelée sur ce document, Porte de Maubeuge.» Egouts et aqueducs bavaisiens. Henri Biévelet. page 23. Société Royale d’archéologie. Bruxelles.

Plan 15 A vestige intersection rue Notre Dame et Vieux chemin de la Longueville
Plan 15 B vestige du Vieux chemin de la Longueville

L’auteur signale également à la page 19 du même ouvrage : « qu’à la rue connue sous le nom de vieux chemin de La Longueville, il existe des vestiges de deux petits canaux séparés de quelques 80 m seulement et qui diffèrent cependant assez les uns des autres, tant par la section que par l’orientation » Plan n° 15, Repères A et B.

Aux pages 19 et 20 il décrit les vestiges d’un de ces petits canaux: « repéré le 27 novembre 1956, lors de la pose de tuyaux d’égout…. vers le point où l’axe de la rue Notre Dame, rencontre celui du vieux chemin de La Longueville. Au bout de la tranchée, large de 70 cm … et à… 82 cm sous le niveau de la rue, nous découvrions bientôt des tuiles à rebords posées bout à bout suivant une direction Nord Sud. Les rebords des tuiles, larges de 4 cm ont une hauteur de 3,5 cm ou de 4 au dessus du plan qu’ils limitent. Celui ci a 38 cm de large. Vers l’intérieur… la maçonnerie… est faite de fragments triangulaires de briques rainurées, brisées selon leurs diagonales et maçonnées au mortier rouge. Ils ont une épaisseur de 4,5 cm environ, et la hauteur des triangles qu’ils forment varie de 16 à 22 cm… sur la longueur très courte que nous avons vue, la pente était de 1 cm sur 10 ». Voir la situation Plan n° 14 Repère A.

Il décrit finalement la découverte de l’autre petit canal: « à 80 m environ, plus à l’Ouest, sur le coté Nord de la route… c’est la construction de deux maisons qui fut l’occasion de la découverte puis de la démolition d’autre vestiges de petit canal… mis à jour le 22 mai 1957 en creusant la place des caves. Sur les quelques mètres que nous les avons observé, l’intérieur du canal était détérioré; il paraît bien que le fond n’était pas garni de tuiles à rebords, ni les parois latérales faites de fragments de briques brisées. Le fond penchait légèrement vers l’Ouest, c’est à dire vers le centre de Bavai. » Biévelet pages 21 et 23. Voir la situation Plan n° 14 Repère B.

« Qu’au Vieux chemin de La Longueville, ces vestiges aient été dépouillés des dalles de pierre bleue ou de grès … qui les recouvraient ne doit surprendre: les Bavaisiens ont de tout temps, depuis 15 siècles, de récupérer ces matériaux facilement utilisables.

Quant à la direction que suivent les vestiges, et à la pente qui les affecte, elle prouverait qu’il s’agit non de l’aqueduc proprement dit, mais de l’un des branchements qui distribuait à travers la ville, son utile contenu.» Page 24

L’alimentation en eau de la cité de Bagacum

Plan 14 bis

On remarquera encore à l’examen du plan n° 14 bis que Claude Masse a arrêté le pointillé représentant le tracé de l’aqueduc, à l’entrée de la Porte de Mons, désignée par erreur sur ce plan sous le nom de porte de Maubeuge.

A n’en pas douter, les Romains avaient prolongé le conduit d’aqueduc à travers toute la ville en y disposant, çà et là, quelques fontaines permettant aux habitants de Bagacum de s’approvisionner en eau.

On constatera, d’ailleurs, la présence de trois endroits portant le repère H, disposés intra muros, à même la rue qui traversait la ville de part en part.

Le premier de ces points se remarque à quelques dizaines de mètres de l’entrée de la ville. Les deux autres se situent en plein centre de la ville, toujours sur la voie principale.

Ces trois points H sont désignés sous le nom d’abreuvoirs dans le lexique figurant sur le plan n° 14 bis.

Il est évident que l’aqueduc était hors service en 1731 à l’époque ou fut dressé le plan, mais il est certain que ces points désignés par Masse sous le nom d’abreuvoir, étaient en fait des réservoirs aménagés sur les vestiges des fontaines que les Romains avaient installé dans la ville.

Reste alors la question de savoir comment ces réservoirs étaient alimentés en eau.

Après sa mort survenue en 1737, Claude Masse fut reconnu comme ayant été un sérieux statisticien et surtout un grand géographe.

Il n’est que de citer les 80 cartes dressant la frontière des Pays Bas et de l’Allemagne. Ou bien encore les 100 cartes de toute la cote de l’océan, depuis le Bassin d’Arcachon jusqu’à la baie de Bourgneuf, un besogné auquel il consacra 36 années de sa vie.

Les bains

Certains passages de son Mémoire sur la ville de Bavay en 1701 font état de vestiges de bains qui subsistaient encore sur le site, peu de temps avant qu’il n’en ait reconnu les lieux.

Des extraits de son texte laissent, en fait, à conclure que le conduit de l’aqueduc avait été prolongé au delà de la ville jusqu’au secteur Ouest du périmètre de fouille.

«  les vestiges des bains que les ouvriers m’ont assuré avoir détruit dans le jardin de la prairie des prêtres de l’Oratoire ». Page 86

« C’était pour avoir plus abondamment de l’eau que dans leurs bains publics et en plusieurs autres particuliers » Page 88

« A Bavay où l’on découvre encore des vestiges de canal ou conduit qui écoulaient les eaux des bains et réservoirs dans le ruisseau de Louvignies » Page 97

Il faut également citer Maurice Henault qui parlait de « la ruelle des bains ou du chastelet  » Cette ruelle existait encore avant le début des fouilles et était connue sous le nom de Rue des Bains ou Rue Rubens.

Témoin l’hypocauste thermal qui semble isolé des galeries souterraines à l’extrémité Ouest du grand ensemble.

Il y ait cependant raccordé par un sas à trois passages dont la largeur est délimitée par les cotés des murs de soutènement des réservoirs d’eau. Ceux ci s’élevaient dans l’étage supérieur et étaient alimentés par les eaux de pluie provenant des chéneaux de la toiture.

L’éventualité de l’épuisement des réserves d’eau durant les périodes de sécheresse avait amené les Romains à construire un troisième réservoir dont les vestiges des murs de soutènement existent encore sur le terre plein Nord du trapèze que forme le mur d’enceinte à cet endroit. A n’en pas douter, ce réservoir était alimenté par le conduit d’aqueduc qui fut prolongé jusqu’à cet endroit.

L’hypocauste était divisé en trois travées que délimitent deux rangées rythmées de piliers cruciformes simplement accolés aux murs de l’édifice, et reliés entre eux par des arcs de plein cintre.

Les quatre piliers centraux délimitent un espace complètement dégagé jusqu’au plafond, et qui ne comporte pas d’arcs de raccordement.

Un foyer en forme d’abside fait face à ce dégagement. Il comporte un décrochement qui permettait l’évacuation des fumées par un conduit de cheminée disposé entre la face extérieure de l’édifice et la face intérieure du mur d’enceinte.

L’air surchauffé s’engouffrait sous la partie centrale du plafond dépourvue d’arcs de raccordement et se glissait ensuite sous les caissons que formaient les lignes de piliers. Il communiquait ainsi ses calories, à travers le plafond dans la salle thermale qui le surmontait. (Suspensuréa) Voir l’ouvrage Bavay la Romaine pages 15, 16, 17. Reconstitution graphique page 16 du même ouvrage.

La branche d’aqueduc d’Eclaibes

Figure 4 Concentration des courbes de niveaux se confondant sur Ecuélin à partir des territoires de Bachant, Eclaibes, Limont-Fontaine et Dourlers

Restent les vestiges d’un conduit d’aqueduc dont on a jamais pu se faire une opinion sur sa réelle fonction.

Ce conduit captait l’eau à Eclaibes à proximité d’une source aujourd’hui connue sous le nom de Fontaine des Fièvres.

Il a parfois été considéré comme ayant été à l’origine du conduit d’aqueduc qui devait alimenter le site de Bavay.

Dans cette hypothèse il y aurait peut être lieu de conclure que ce conduit ne donna pas entière satisfaction puisque les Romains se déterminèrent ensuite à aller capter, plus au Sud, les eaux des sources de Floursies, quitte à rallonger considérablement la longueur de l’aqueduc.

On a vu précédemment que pour réaliser ce captage, sans avoir à enterrer profondément le conduit, les Romains s’étaient imposé d’ouvrir un large passage à travers la ligne de crête qui culminait à la cote de niveau 180 et qui barrait le passage au Sud du Bois du Comte. Plan n°17.

Témoin de cette gigantesque entreprise, l’énorme masse de quelques milliers de tonnes de terre qui fut déplacée de main d’homme et restée visible de nos jours dans un prairie située sur le territoire de St Aubin. Plans n° 8 et 17.

Mais il se pourrait également que l’eau de ce captage d’Eclaibes ait été abondante et de bonne qualité et que cette branche d’aqueduc ait été raccordée, après coup, au conduit principal, voire en même temps que la construction de l’aqueduc tel que nous en connaissons le parcours aujourd’hui. Plan n° 17.

Une hypothèse dont la fonction aurait alors été d’augmenter le débit d’eau de l’aqueduc.

Aqueduc sur le territoire d’Eclaibes

En 1962, sur le territoire d’Eclaibes, à l’Est de la parcelle 100, au lieu dit Le Planti, dans une pinède proche de l’étang du Moulin, fut mis à jour un tronçon d’aqueduc intact, sur une longueur d’environ 1 mètre. Plan n° 17 et Fig 5 du même plan.

Cette découverte fut faite par Jean Vaillant, alors instituteur à Eclaibes, et Paul Haine, garagiste dans ce même village.

Un tronçon semblable avait déjà été vu par Alfred Dupont au cours de l’année 1880. Mémoire de la Société Archéologique Tome V, 1901, pages 56 à 57.

En 1895, dans Hautmont et son abbaye, pages 69 et 70, René Minon en fit la description comme suit: « La section du canal d’Eclaibes où il est encore intact, est un rectangle de 34 cm de base sur 56 cm de hauteur totale. Le fond se compose d’une tuile posée dans le sens de la longueur qui est de 46 cm. Les deux bords longitudinaux, qui sont redressés et ont 4 cm intérieurement, font une saillie de 1 cm sur les parois latérales de sorte que, rigoureusement parlant, la coupe est formée de deux rectangles dont le plus petit n’a que 32 cm de base sur 4 cm de hauteur.

Sur la saillie de tuile inférieure, pour édifier les faces latérales sont six assises de carreaux triangulaires isocèles réunis en leur sommet et dont le coté inégal mesure 25 cm, les autres 20.

Ces assises atteignent avec le rebord 39 cm; au dessus sont deux rangs de pierre de pays, qui représentent environ 16 cm et ne sont reliées par aucun ciment; on les a comparées judicieusement à des pavés usés.

Le tout est soutenu par une forte fondation de pierres différentes. Au dessus de cette imposante maçonnerie sont posées de grandes pierres plates. L’aqueduc est comblé par de la terre éboulée, la maçonnerie est peu solide et se laisse entamer facilement. »

Ce qui est remarquable dans la construction de cet ouvrage, c’est le soin apporté à l’édification du conduit d’écoulement.

Des tuiles scellées au fond du conduit, dont les faces supérieures sont rigoureusement lisses et comportent des rebords définissant l’écartement intérieur des parois verticales.

Chacune des parties inférieures de ces parois était constituée de six rangées de carreaux triangulaires superposées jusqu’à hauteur de ce que pouvait atteindre le niveau de l’eau. Plan n° 17 Fig 5 de ce même plan.

Plan 7 Figure 5

Et ces carreaux triangulaires obtenus à partir de plaques carrées dont les chants rectilignes avaient été parfaitement lissés pour constituer le lit d’écoulement de l’eau.

Des précautions qui devaient considérablement améliorer le débit et réduire au maximum le frottement de l’eau sur les surfaces.

Une des faces des carreaux avait été rainurée suivant les diagonales, avant cuisson, pour permettre à l’installateur du conduit, de les briser en quatre parties triangulaires, au fur et à mesure de l’utilisation.

Une méthode de construction toute empreinte de simplification et une savante organisation du travail.

Le repérage de la branche d’Eclaibes

Dans son ouvrage intitulé : Le grand aqueduc de Bavay, Revue du Nord, 1962, Tome XLIV, page 367, Henri Biévelet décrit comme suit le repérage d’un secteur de la branche d’aqueduc d’Eclaibes.

Jean Vaillant et Paul Haine, poursuivant leurs recherches, n’ont pu trouver que d’abondants débris, malheureusement informes, de l’aqueduc; leurs sondages auront au moins permis de préciser le parcours de celui ci sur une bonne longueur. Depuis Le Planti, il longe la rive Ouest de l’étang du Moulin, maintenant propriété de Mr Jean Bruno, traverse les parcelles 76 et 213 et débouche sur le chemin communal en obliquant vers l’Ouest 130 m au Sud de la mairie d’Eclaibes. De la parcelle 214, de l’autre coté de la route, et à travers les parcelles 209, 323, 28, 75 etc… il semble devoir rejoindre à 800 m de là et non loin de la limite de la commune, une section d’aqueduc dont nos fouilleurs ont retrouvé de nombreux débris de briques et de maçonnerie dans la parcelle 4. Plan n° 16, ainsi que le plan n° 17 Fig 4 de ce même plan.

Le plan n° 16 est une photocopie d’un plan tel qu’il figure à la page 369 de la notice ci dessus citée.

A la lecture de ce texte, on réalise que le repérage a été défini au seul regard des numéros de parcelle du cadastre ce qui a dû être tout à fait insuffisant pour permettre une représentation correcte et fiable du tracé.

Une triangulation géodésique n’aurait certes pas eu à s’imposer pour déterminer le parcours de l’aqueduc.

Une topographie réalisée à partir de sondages situant la présence du conduit, ou au vu des traces de pierrailles apparaissant sur le sol, aurait permis la levée des différences planimétriques existant entre ces points et l’axe de la route qui relie d’Est en Ouest, le centre d’Eclaibes à la Ferme des Voyaux.

D’autant qu’une erreur de 2,50 mètres dans le relevé planimétrique d’une distance, n’aurait représenté que 2,5/10ème de millimètre sur le plan n° 17 exécuté au 25/1000 ème.

Cette même erreur de 2,50 m n’aurait représenté que 5/10ème de millimètres sur le tracé de la Fig 4 du plan n° 17 représenté au 12,5/1000ème.

Se ranger à l’idée que les Romains auraient volontairement fait passer le conduit sous la cote de niveau 165 pour l’orienter ensuite jusqu’ à la proximité de la cote de niveau 160, comme on peut le constater reproduit sur la Fig 4 du plan n°17, serait un non sens.

On sait que les Romains se sont toujours efforcés de faire décrire un tracé sinueux à leurs aqueducs pour leur donner la pente nécessaire à l’écoulement de l’eau, tout en maintenant le niveau supérieur de l’aqueduc au plus près du niveau du sol.

De l’extrémité Ouest du parcours où Vaillant et Haine interrompirent leurs recherches en 1962 à la limite du territoire d’Eclaibes, l’aqueduc remontait vers le Nord sur le territoire de Limont Fontaine en passant à quelques mètres, à l’Est de la Chapelle des Berceaux. Puis il continuait de progresser vers le Nord en épousant la forme de la courbe de niveau 165.

Il virait ensuite, plein Ouest, au Sud Ouest du centre de Limont Fontaine, pour redescendre ensuite vers le Sud à l’Est de la Ferme des Voyaux. Plan n° 17 et Fig 4 du même plan.

Après avoir décrit un parcours longeant sensiblement la courbe de niveau 160, il bifurquait finalement vers l’Ouest pour franchir la vallée du Ruisseau des Voyeaux au moyen d’un siphon posé sur un passage qui existe encore et qui présente une dénivellation d’environ 7 mètres.

Il est devenu aujourd’hui un petit chemin d’exploitation utilisé pour franchir la vallée du ruisseau des Voyeaux et rejoindre le Bois du Temple au travers du Bois d’Eclaibes. Plan n° 17 Fig 4.

Ce passage a été quelque peu surélevé en son point bas pour permettre la formation d’un barrage et favoriser la formation d’un plan d’eau, aujourd’hui connu sous le nom de Etang des Voyeaux. Le siphon rejoignait finalement le conduit principal sur la rive gauche de la vallée, à la cote de niveau 150 au Nord du village d’Ecuelin.

Comme ce fut le cas pour le franchissement en siphon de la vallée du ruisseau de la Braquenière, les tubes ne furent pas posés directement sur le sol . Ils durent être entourés d’un savant revêtement isolant, soigneusement recouvert et capable de tenir la siphon hors gel, durant les périodes d’hiver.

Aucune trace des tubes en plomb qui constituaient ce siphon ne subsiste aujourd’hui.

Dans sa notice intitulée « L’aqueduc de Foursies à Bavay » René Jolin déclare avoir trouvé sur la rive droite du ruisseau à proximité de ce passage ‘plusieurs pierres plates semblables à celles qui recouvrent les aqueducs, ainsi que de nombreux morceaux de briques rainurées, et des briques à rebord formant drain ». Actualités industrielles du Nord.

Il s’agissait probablement de surplus de matériaux inutilisés lors du raccordement du conduit aqueduc avec le siphon.

La longueur totale de cette branche d’aqueduc était environ de 5 km, non comprise la longueur du conduit qui sépare le site de Le Planti du point de captage de l’aqueduc.

A ce propos, il serait intéressant de remettre au jour ce tronçon d’aqueduc découvert au milieu de la pinède située au Sud du Grand Etang du Moulin.

Ce secteur est aujourd’hui très dégradé et assez isolé par les éboulis qui l’ont en partie envahi.

Il en est de même pour le talus de pinède où avait été exhumé le tronçon d’aqueduc, devenu difficilement pénétrable en raison des pluies qui, depuis soixante ans, drainent des eaux boueuses et jaunâtres qui l’ont rendu assez marécageuse.

La croix figurant sur le plan n° 17 et sur la Fig 4 de ce même plan indique l’endroit où fut découvert le tronçon en question. Il est aujourd’hui à peine repérable.

Reste également à découvrir le point de captage de l’aqueduc qui semble devoir être recherché à l’embouchure de deux ruisseaux, dont l’un prend sa source au Sud du Bois du Temple et l’autre plus à l’Est au milieu du Bois du Roy: ces deux ruisseaux confluent, l’un près de l’autre, avec le cours d’eau qu’alimente la Fontaine des Fièvres, et qui se jette, plus au Nord dans le Grand Etang du Moulin. Plan n° 17 Fig 4.

Plan 17 Parcours aqueduc de Floursies à Bavay

Conclusion

Il apparaît finalement, qu’une fois repéré avec certitude sur le terrain, le tracé du conduit peut être reporté sur le plan entre les courbes de niveau figurant aujourd’hui sur les cartes de l’institut Géographique National 2707 Est, édition 1981 et 2706 Est édition 1988.

Hormis les passages de la vallée de la Braquenière à Dourlers, du ruisseau des Voyaux à Ecuélin, de la Sambre à St Rémy du Nord, et du ruisseau du Bois Mesnil à Vieux Mesnil, lesquels étaient franchis par des siphons, le conduit romain n’utilisait que des pentes naturelles, contournant les dépressions en de multiples détours pour s’adapter au relie du terrain.

Certes la pente du lit d’écoulement n’était pas uniforme sur toute la longueur du parcours. Elle différait fréquemment selon la nature du terrain.

La distance qui sépare les sources de Floursies du site de Bavay est de 19 km à vol d’oiseau. Avec les multiples détours que décrivait l’aqueduc d’un bout à l’autre du parcours la distance totale du conduit principal était pratiquement de 29 km.

Secteur AG séparant les sources du territoire d’Ecuélin 8 km

Secteur GJ séparant Ecuélin de la D 959 à St Rémy du Nord 4,380 km

Secteur JL traversée de la Sambre jusqu’aux Wattennes 2,315 km

Secteur LM des Wattennes jusqu’au mur de Vieux Mesnil 2,750 km

Secteur MP du mur de Vieux Mesnil à Bavay 11,425 km

28,870 km

Qu’on ajoute à cette distance les 5 km de la branche d’aqueduc d’Eclaibes et l’on obtient une longueur de conduit totale de 34 km.

Le surcroit de parcours n’a rien d’étonnant quand on sait que les quatre aqueducs qui alimentaient Lugdunum (Lyon) à Saint Irénée sous les murs de la ville présentaient des différences, aujourd’hui reconnues, et parfois beaucoup plus importantes que celle que présente l’aqueduc de Bavay.

En 1707, dans son ouvrage intitulé  » Les Confessions « , impressionné par la grandeur des gigantesques constructions romaines, J.J Rousseau déclara:

Je me sentais, tout en me faisant tout petit, je ne sais quoi qui m’élevait l’âme, et je me disait en soupirant: Que ne suis je né Romain !

Terminé en Juillet 2003