Noyelles-sur-Sambre tire son nom des pâtures souvent inondées de la vallée de la Sambre. C’était l’un des quatre villages de la terre de Saint Humbert. Il appartenait comme tel à l’abbaye de Maroilles depuis 1288. Le peintre Marcel Gromaire est né à Noyelles le 24 juillet 1892.
J’ai écrit un article spécifique sur cette église, connaissant très bien ce joli petit village. Le voici :
L’Eglise de Noyelles-sur-Sambre
L’histoire primitive de l’église, au sens large du terme, de Noyelles-sur-Sambre se décline à travers celle du temporel de l’abbaye de Maroilles.
Nous traiterons dans une première partie de cette genèse avec une double réflexion : toponymique et historique.
Dans la seconde partie de cet article, nous proposerons une interprétation personnelle de la reconstruction de l’édifice religieux en 1765, sans prétendre pour autant à l’exhaustivité ou à la révélation historique ultime.
Le dernier chapitre sera consacré aux trésors détenus à l’intérieur de cet édifice.
La paroisse de Noyelles-sur-Sambre
L’abbaye de Maroilles fut fondée vers 650 par un vir illustris du nom de Radobert et eut comme premier abbé un membre de l’aristocratie foncière mérovingienne, Humbert, originaire du pagus de Laon. L’abbaye aurait donc reçu des biens de Radobert par un acte écrit, confirmé ultérieurement par le roi Clotaire IV (1). On ignore cependant quels furent les domaines dont il disposa en faveur de son établissement religieux.
Il faut attendre janvier 921 pour connaitre les biens que les abbés de Maroilles avaient coutume de tenir en bénéfice. Parmi ceux-ci l’abbaye disposait de « trente manses au village de Taisnières (Taisneras) sur la rivière d’Helpre, avec l’église, les terres cultivées, les prairies, les serfs, la forêt et généralement tout ce qui était afférent ». (2)
Ce n’est qu’à partir du XII siècle que Noyelles est mentionné dans les archives de l’abbaye. L’évêque Liétard confirma en effet aux moines, par charte de l’an 1131, la possession à Noyelles, de l’église, de la brasserie, du moulin, des bois, des près, des serfs des deux sexes et de toute l’avouerie. (3)
Une seconde charte de l’évêque Nicolas (1151) évoque de nouveau Noyelles. (4)
Ces confirmations épiscopales du temporel du XII siècle citent Noyelles sous la forme Noiellam (1131) et Nigella (1151).
On peut voir dans « nigwella » l’étymon germanique « l’inondable » (5), interprétation qui est passée dans la tradition, Noyelles signifiant pour le commun des mortels : noyé, inondé par les eaux.
Cependant on peut y voir également dans Noiellam l’expression tirée du bas latin « noviales » qui désignait des tenures « nouvelles » concédées sur des terres à défricher (6). Pour rappel, Taisnières est le seul appenditium abbatial attesté avant 1131, dans le diplôme daté de 921. Noiellam désignerait alors en 1131 un terroir nouvellement défriché et qui avant cette date ne se distinguait pas du territoire de Taisnières. Ceci expliquerait aussi que Noyelles ne sera érigée en paroisse qu’au milieu du XIII siècle. Jean Louis Boucly se rallie d’ailleurs à cette version dans un de ses articles parus. (7) Il y écrivait que les possessions abbatiales ne couvraient « qu’une partie des paroisses de Maroilles, de Marbaix et de Taisnières-en –Thiérache dont se détacha en 1248 celle de Noyelles-sur-Sambre». Il y ajoute qu’en 921, « l’abbaye possédait à Taisnières trente manses, soit 450 hectares environ, c’est-à-dire moins du tiers des 1498 h que comptent à présent Taisnières et Noyelles ».
Grégoire IX, par une bulle de l’an 1238, assura à la même abbaye, la possession de ses biens à Noyelles.
Il y eut ici à Noyelles comme dans les autres villages de la « terre de Saint Humbert » des litiges entre l’abbaye de Maroilles et ses paroissiens.
En septembre 1258, une sentence arbitrale de l’évêque Nicolas décida que les habitants de Noyelles devaient payer légalement au monastère « outre les gelines ou poules de l’évêque, les corvées d’hommes et de chevaux ». (8) Ce différend dut demeurer dans le temps car en date du 8 avril 1426 l’abbaye obtint, par une sentence de la cour de Mons, l’autorisation de poursuivre les gens de Noyelles pour obtenir « le paiement de leurs corvées de bras et de chevaux ». (9)
En 1549, l’abbaye était encore en procès avec les habitants de Noyelles, à cause du droit de pâturage dont ils prétendaient jouir sur les pâtures de Noyelles et de la Folie. Elle obtint ici encore gain de cause par un jugement de la cour de Mons.
La paroisse de Noyelles était matérialisée par son église, au centre du village. Son apparence en 1598 est parvenue jusqu’à nous grâce à la riche collection des albums de Croÿ. (Bruxelles, 1988 T II)
Cette église se présente à nous comme un édifice à la fois harmonieux et imposant.
Elle semble comporter un chevet gothique, une nef éclairée de fenêtres, un transept, une tour percée d’un oculus au dessus duquel s’élève un double étage auquel correspond d’importantes échauguettes d’angle coiffées de poivrières et enfin une imposante flèche en charpente surmontée d’une grande croix en fer.
Elle parait bien différente de ce qu’elle est de nos jours. Il est fort probable qu’elle subit les aléas du temps et peut être des guerres. Quoiqu’il en soit elle fut reconstruite au XVIII siècle.
Reconstruction de l’église en 1765
Au fronton au dessus du porche est incrustée dans la pierre la date de 1765. C’est le seul indice probant qui nous permet de dater son édification. Il est important car aucune source écrite n’est connue concernant cette reconstruction. Celle-ci est passée sous silence dans les livres de l’abbaye de Maroilles, contrairement à celle de Taisnières. On y apprend en effet que cette dernière fut bâtie en plusieurs étapes : la tour en 1724, le clocher qui la surmonte en 1728 et vers 1760 la nef et le chœur. A cette date, l’église en cours de restauration et mal étayée s’écroula et il fut nécessaire de la reconstruire entièrement. L’abbaye dut intervenir pour le chœur qui en était à sa charge comme décimatrice. Cela ne se fit pas de sa part sans hésitations et irritations. (10)
Pour l’église de Noyelles, aucune trace manuscrite de ce nouvel édifice. L’église subit-elle une destruction totale ? Peut-on imaginer au contraire qu’il ne s’agisse que d’une simple rénovation ? Difficile d’y croire tant l’architecture du bâtiment semble homogène et bien différente de celle de 1598. Les documents signalant cet événement auraient-ils disparus des livres de l’abbaye ? Là aussi difficile de se l’imaginer car en 1766 on apprend dans ces mêmes livres que l’abbé de Maroilles accorda aux habitants de Noyelles la permission de mettre, à leurs frais, une boiserie avec des bans au chœur de leur église. (11)
Devant ces constats, ne peut-on pas imaginer que la reconstruction fut l’œuvre en partie des notables de Noyelles, à savoir les fermiers de la cense de Renault folie et de la cense du Parcq ?
S’il en est ainsi, ils auraient financé les travaux de la nef. Parmi eux Pierre Mariscal (1746 1796) fermier de Renault Folie pourrait avoir contribué activement à l’élévation de ce nouveau bâtiment car sa pierre tombale à l’intérieur de l’église figure en haut de l’allée centrale, peut-être une place en signe de remerciement. Il en est de même de Thomas Evrard (1718 1763) censier aussi de Renault Folie.
Pour ce qui est de la construction du chœur, il ne semble pas que les moines y aient participé eu égard à leur attitude adoptée lors de l’élaboration du chœur de Taisnières. L’élévation de cette partie était du ressort du clergé. Alors peut-on penser que le pasteur de Noyelles se serait substitué aux moines ? Disposait-il de fortune personnelle ? Nul ne le sait mais si c’est le cas il devait vouer une extrême passion pour sa paroisse et pour cet édifice. Dans ce cas, ses paroissiens devaient beaucoup l’apprécier. Ils lui témoignèrent peut-être beaucoup de reconnaissance en l’inhumant dans le chœur de l’église en lieu et place des autres curés dont les pierres tombales se situent actuellement en haut de la nef.
Il s’agirait alors de Nicolas Bruno Moreau décédé le 24 avril 1769 et inhumé le lendemain dans le chœur actuel.
Les pierres tombales déplacées concernent les curés Antoine Gillot décédé le 27 octobre 1749, Jean Picavet qui vécut au milieu du XVII e siècle et Florent Lerme dont la date de décès semble être Mai 1712 et qui, sans aucune certitude tant la pierre est abimée a peut-être été initialement inhumé dans le chœur.
Quoiqu’il en soit cette reconstruction restera une énigme faute de documents officiels.
Autour de cette église se trouvait le cimetière, lui-même entouré d’une enceinte de murailles. Le cimetière fut déplacé après achat par la commune d’un terrain au Bureau de Bienfaisance en 1869 -1870 et approbation du nouveau cimetière entre 1871 1874.
Quant au mur entourant l’église, il fut aménagé par le maire M Pierre Thelliez lors d’un de ses mandats dans les années 1985 : il fut rasé devant le porche et reconstruit avec les mêmes pierres dans le prolongement afin de permettre un meilleur accès notamment aux corbillards.
Plus récemment, suite aux dégâts de la mini tempête de 2010 le clocher fut réfectionné. Il y eut enfin des travaux de sablage de la façade et la rénovation des joints d’étanchéité des murs extérieurs.
L’intérieur de l’église
En entrant à l’intérieur de l’église se dégage une impression à la fois de petite cathédrale avec cette profondeur de la nef surmontée de ses colonnes de type roman, son allée centrale recouverte de pierres tombales, la beauté de son chœur et à la fois une sensation d’un édifice de simplicité, de naturel avec ses voûtes en bois brut.
L’autel principal date du XVIII siècle et les deux autels latéraux du XVII siècle. Ils pourraient provenir de l’abbaye de Maroilles lors de la vente à Maroilles d’une partie du mobilier de l’abbaye le 29 octobre 1791.
Le Maître-autel est en bois. Derrière se dresse un tabernacle sur lequel repose un édicule à deux niveaux agrémenté de colonnes torsadées. Au fond figure une scène représentant la résurrection. On y voit les boiseries de 1766.
L’autel latéral de gauche est composé d’une toile du peintre Marcel Gromaire, originaire du village. Ce tableau représente la Vierge drapée dans des voiles bleus tenant l’enfant Jésus. On y reconnait à droite l’église de Noyelles et à gauche le toit du pigeonnier de Renault Folie. Dans le bas on y voit des roses en hommage à la mémoire de sa grand-mère Reine Mary.
Sur l’autel de droite repose le buste de Saint Christophe en bois polychrome du XVIII siècle. St Christophe et St Jacques sont les patrons de l’église.
Près de chacun de ses autels se dressent deux statues en bois polychrome doré, l’une représentant la Vierge et l’enfant, l’autre Saint Jacques. Il y aussi un harmonium qui a couté 800 francs lors de son achat en 1873.
Sur les murs sont accrochés des tableaux décrivant le chemin de croix. Il semble qu’ils aient été légèrement noircis, confrontés peut être à un début d’incendie. Quant aux vitraux, ils ont été endommagés par la tempête de fin 2009 et la mairie avec le concours de la Fondation du Patrimoine ont fait entreprendre avec bonheur leur réfection.
Est adossée au mur de l’église une œuvre remarquable, une pierre tombale de 1452, qui se trouvait initialement dans la muraille du cimetière (12). A cette date, la commune de Noyelles fut placée sous la sauvegarde du comte de Vendôme. C’est peut être en réaction que les moines profitant du décès de Jean Quenée y firent sculpter cette pierre qui était alors incluse dans l’enceinte des murs de l’église, voulant ainsi affirmer la possession de ces lieux.
Au centre du relief figure Jésus sur la croix. Sont représentés à sa gauche l’abbé de Maroilles avec ses moines et à sa droite les défunts. On peut lire l’inscription en caractères gothiques suivante : « Jehan Quenée gist droitchy qui le jour du grand vendredi mil CCCCLII trepassa. Dieu lui soit piteux. Jehane Gillione osy son espouse gist dalis ly. Pries pour eux petits et grands et ossy pour les deux enfants ».
Des recherches ont été entreprises avec succès pour connaitre le nom de cet abbé comme en témoigne le cadre fixé au mur près de la pierre tombale :
« Portrait, signature et armes abbatiales de Jean VI Bourgeois,
61e abbé-seigneur de Maroilles -année 1452.
(Originaire d’une famille bourgeoise de Valenciennes, il décéda le 30 janvier 1485).
Nommé et confirmé (31 juillet 1430) par le pape Martin V, il tint la chaire abbatiale de
l’abbaye bénédictine de Maroilles de 1430 à 1483 (Il résilia son abbatiat en 1483).
Il fut également député des églises du comté de Hainaut et délégué du Clergé aux Etats
Bourguignons, sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire, ducs de Bourgogne.
– Recherches de Mr. Geoffroy G. Sury de Bruxelles (2010) »
Conclusion
J’ai essayé à travers cet exposé de « faire parler du mieux possible les murs » de cette belle église qui se dresse sur la place de Noyelles-sur-Sambre.
Sa reconstruction en 1765 est le signe que les paroissiens de Noyelles ont toujours eu à cœur de l’entretenir et de l’embellir. Elle faisait partie de leur quotidien. Elle a été le théâtre de leur vie chrétienne et a rythmé leur existence à travers les baptêmes, les mariages et les décès.
Cet édifice religieux est à cet égard le reflet de l’histoire locale de ces villageois.
L’église Saint Christophe et Saint Jacques représente à ce titre une partie importante du patrimoine communal qu’il est indispensable de préserver.
Jean Pierre CARRE
Sources :
(1) Ch Duvivier, Recherches sur le Hainaut ancien (Pagus Hanoensis) du VII au XII siècle Bruxelles 1865 n° 8 pp 285-287
(2) Diplôme sollicité du roi Charles-le-Simple par les comtes Isaac et Haganon
(3) Charte de l’évêque Liétard (1131) ADN 11 H 1 pièce 2
(4) Charte de l’évêque Nicolas (1151) éd A.A.S.S. Belgii J Ghesquières, op cit, T IV page 136-138
(5) proposé par Maurits Gysseling (1919 1997), linguistique belge, spécialisé en onomastique et paléographie
(6) Contribution toponymique à l’histoire primitive de l’abbaye de Maroilles. Paul F Carion Juin 1998 ADN Bibl 32744 L’auteur voit en Noiellam la partie Est de l’actuel terroir de Noyelles, les manses confirmés à Saxinelas à la même date correspondant à la partie Ouest du terroir actuel de Noyelles.
(7) Contribution à la connaissance de l’histoire ancienne de l’abbaye de Maroilles J L Boucly
(8) L’Abbaye de Maroilles en Hainaut par Michaux Ainé Tome IV Chapitre 6
(9) Id
(10) Les moines firent mettre sur le toit du chœur en ardoises rouges les lettres V D P (village de plaideurs)
(11) Répertoire universel Noyelles A 64 et 65 mentionné par Michaux Ainé
(12) Bulletin de la Commission Historique du département du Nord 1866
Photos personnelles et droits réservés. Remerciements à Pierre Thelliez pour avoir eu l’amabilité de faire découvrir l’intérieur de l’église et aussi pour l’apport de ses commentaires avisés.
***
Description du monument
Caractéristiques
- Structure
- Pilier commémoratif
- Piédestal
- Pilier commémoratif
- Représentations féminines
- Femme avec divers attributs
- Femme – couronne main droite – Drapeau main gauche
- Femme avec divers attributs
- Ornementation civile et militaire
- Drapeau(x)
- Ornementation végétale
- Couronne
- Couronne de lauriers
- Couronne
La Victoire tient dans l’une de ses mains un drapeau et dans l’autre une couronne de laurier
Inscriptions présentes sur le monument
Noyelles À ses glorieux enfants morts pour la Frnce 1914-1918
Les morts
AIME Alfred
BASQUIN Marcel
BAUDREZ Camille
GOMEZ Jules Isidore
HULEUX Jules
JOSSE Alfred
LEQUIN Julien Ghislain
LEROY Albert
MANESSE Edmond
MEURISSE Achille Emile
***
Nouvelle Salle des Fêtes :
Inauguration en décembre 2018 de la nouvelle salle polyvalente qui reprend le nom de l’artiste Marcel Gromaire, né ici le 24 juillet 1892 mais aussi où repose son corps depuis 1971.
Le maire Jean-Pierre Monnier a indiqué lors de cette cérémonie que
« cet équipement alliant confort, accessibilité, sécurité et équipements permettra, nous l’espérons, d’attirer de nouveaux habitants, de maintenir une relation intergénérationnelle et de dynamiser notre commune ». Il a également précisé que « cet ouvrage à haute qualité environnementale est au service des familles, des associations mais aussi des scolaires qui s’y retrouvent, depuis la fin des travaux, à la cantine et pour la pratique sportive ».
***
Il a été bâti avant 1861 car il figure sur le cadastre de cette année là à la section B n° 395 avec la commune comme en étant la propriétaire. Il est situé sur une parcelle qui à l’origine ne devait pas être divisée et qui appartenait à Mr DRUET Hubert de Leval.
***
Le kiosque disparu :
Kiosque à danser rectangulaire construit en 1865-1866 sur la Place (date donnée par ADN série 2O 438/27). Les raisons de sa suppression dans les années 1960 furent « son utilisation rare, sa dangerosité et ses problèmes d’entretien ». (Propos du maire de l’époque : Albert Michaux lors d’une délibération du Conseil Municipal).
L’abbaye de Maroilles était en possession de deux censes à Noyelles-sur-Sambre : celle de Renault-Folie et celle du Parc.
Renault-Folie, après avoir été échangée en 1304, fut de nouveau rentrée dans les biens de l’abbaye en vertu de l’acte du 22 juin 1495. De 1600 à la Révolution les Evrard de père en fils et d’oncles à neveux en furent les censiers.
Ci dessous un article personnel concernant cette cense :
Renault Folie entre poésie et peinture
Renault Folie est une cense à Noyelles-sur-Sambre connue pour son passé.
Ses terres ont en effet appartenu aux moines de Maroilles (ca 1192 1304) puis aux comtes de Hainaut (1304 1495) avant leur restitution aux religieux de la communauté de Saint Humbert. De 1600 à la Révolution, le domaine fut affermé aux Evrard, censiers de père en fils ou d’oncles à neveux.
Il appartenait encore en 1824 date de son acquisition et jusqu’en 1831 date de son décès à un descendant de cette famille : Humbert Evrard.
Renault Folie est donc une terre d’histoire mais aussi un lieu d’art. Cet aspect artistique étant peut être moins connu, essayons ici d’expliquer pourquoi et comment cette belle demeure fut le berceau de trois talentueux artistes.
Humbert Evrard cité ci-dessus eut une fille Marie Reine qui épousa le 1er avril 1812 Basile Mercier. De cette union naquit le 9 juin 1817 Reine Félicitée Désirée. Celle-ci se maria à Romain Barthélemy Mary originaire de Cartignies et qui devint cultivateur et maire de Noyelles-sur-Sambre. Romain Mary (1821 1881) et Reine Mercier (1817 1897) eurent une fille Reine.
Reine Bisiaux Mary (1846 1929).
Née le 19 avril 1846, elle quitta son village natal pour se marier à 21 ans avec Stéphane Bisiaux, notaire d’Avesnes-lez-Aubert. Veuve à 40 ans Reine Bisiaux revint alors à Renault Folie en 1887 avec ses trois enfants : Marthe, Marie Léopoldine et Alfred.
Elle témoigna à son entourage beaucoup d’affection. Elle inspira également des sentiments d’admiration, tour à tour à sa fille Marthe et à son petit fils Marcel Gromaire, pour la passion qu’elle voua à la peinture.
Elle marqua donc de sa personnalité et de son talent les lieux de Renault Folie. Ses tableaux furent très souvent consacrés à la vie champêtre de ces lieux. Ils tapissent les murs des grandes pièces de la demeure familiale. Ils représentent Noyelles et sa verdure éclatante, un chemin en forêt de Mormal, reproduisent des natures-mortes, beaucoup de fleurs, des roses dans des vases et bien d’autres scènes.
Dans un recueil consacré à la vie et à l’œuvre de sa grand-mère, Gromaire écrivit : « Veuve à quarante ans, Reine Mary fut à quarante encore, le chef de famille ; c’est alors qu’elle se mit à peindre, avec gourmandise, avec coquetterie, avec tendresse et ingénuité car –et c’est le Maitre qui parle- elle ignorait TOUT de la peinture ».
L’ainée de ces filles Marthe (1869 Avesnes-les-Aubert 1952) épousa en 1898 Emile Lebrun (1867 Preux-au-Bois 1955 Noyelles-sur-Sambre), négociant de bestiaux de Preux-au-Bois.
Marie Léopoldine (1871 Avesnes-les-Aubert 1892 Noyelles-sur-Sambre) épousa en 1891 Léon Gromaire professeur d’allemand au collège d’Avesnes-sur-Helpe et mourut à la naissance de son fils Marcel.
Alfred (1877 Avesnes-les-Aubert 1912) fonda une laiterie à Noyelles, fut maire de sa commune et Conseiller général du Canton de 1909 à 1912, date de son décès.
Marthe Lebrun Bisiaux (1869 1952).
Marthe Emma Octavie Bisiaux écrivit sous le pseudonyme d’Octave AMRY. Pourquoi ce nom d’emprunt ? AMRY est l’anagramme de MARY, nom de jeune fille de sa mère à qui elle vouait beaucoup d’amour. Octave est issu de son troisième prénom Octavie. Certes, mais pourquoi écrire sous un faux prénom masculin ? La raison n’est pas connue : peut être peut-on penser à un désir de l’auteur d’imiter George Sand ou bien à un souhait d’émancipation.
Quoiqu’il en soit, l’œuvre de Marthe Bisiaux révèle trois importants caractères de sa personnalité : une femme rêveuse et désespérée, une citoyenne aux idées généreuses et sociales et enfin une dame sensible aux charmes champêtres de son domaine de Renault Folie.
Ses poésies furent publiées dans « Le Hainaut », revue régionale littéraire et artistique qui constitue « le Bulletin des Rosati du Hainaut, de la Thiérache et du Brabant. »
Son œuvre abondante est constituée de plusieurs opuscules dont les titres sont : Les feuilles mortes », « les Noctuelles », « les Nuées », « A tire d’ailes », « les Mois ».
Gromaire disait de sa tante qu’elle avait usée avec bonheur de l’alexandrin, de l’octosyllabe et du décasyllabe.
Marcel Gromaire (1892 1971)
Il n’est pas question ici de retracer l’immense œuvre de ce peintre natif de Noyelles-sur-Sambre mais de souligner l’attachement que représentait pour lui Renault Folie et ses environs, même s’il quitta notre région à l’âge de 4 ans.
Voici les titres de ses toiles qui sont consacrées à sa région natale :
1910 « Gromaire par lui-même » (œuvre de jeunesse qui demeure à Renault Folie)
1934 « Les saules en hiver »
1948 « Renault Folie » (cour intérieure)
1952 « la Sambre à Noyelles »
1954 « paysages de Noyelles »
1957 « La chapelle miraculeuse » (chapelle N.D des Haies à Maroilles)
Soulignons enfin « Notre Dame de Noyelles » (1923), tableau dont il fit don en 1924 à l’église même de Noyelles.
Il repose au cimetière de Noyelles, dernière preuve d’affection pour ce village qui l’a vu naitre et pour Renault Folie qui fut ses premières années de bonheur entouré de toute la tendresse de sa grand-mère.
Gromaire fit ce tableau en exécution d’une promesse faite à La Vierge alors qu’il combattait dans la Somme en 1916.
La Vierge drapée dans des voiles bleus y tient l’enfant Jésus. On y reconnait à droite l’église de Noyelles et à gauche le toit du pigeonnier de Renault Folie. Dans le bas on y voit des roses en hommage à la mémoire de sa grand-mère Reine Mary. De cette toile émane un véritable sentiment religieux et d’amour.
Sources :
Article adapté de « Renault Folie Terre de légende, d’Histoire et des Arts » publié en 1969 par la Société archéologique et Historique de l’arrondissement d’Avesnes.
Marcel Gromaire : La Vie et l’œuvre, catalogue raisonné des peintures par François Gromaire.
BMS de Noyelles-sur-Sambre.
***
La cense du Parc après avoir été vendue par l’abbaye au début du XIV siècle au profit d’un comte de St-Pol, qui était Waleran de Luxembourg, comte de Ligny fut rachetée par la même abbaye en date du 4 janvier 1499. Dans le XVIIe siècle, la Cense du Parc fut longtemps louée avantageusement : un bail de 1664, en établit le prix à 1200livres par an.
En 1768 l’abbaye vit son fermage doublé, avantagé avec la création de quatre lots distincts en vue d’accommoder les familles de leurs fermiers.
Voici l’article rédigé à son sujet en 1875 par Michaux Adrien Joseph dit Michaux Ainé :
LA CENSE DU PARC.
(Voir séance du 5 mai 1875.)
L’abbaye des bénédictins de Maroilles possédait anciennement à Noyelles, sur la rive droite et à proximité de l’Helpe-Majeure, un peu au-dessus de l’endroit où cette rivière se jette à la Sambre, une ferme importante, nommée le Censé-du-Parc, desservie par un simple chemin d’exploitation, débouchant à la route actuelle de Landrecies à Maubeuge et dont toutes les dépendances circonscrites dans un cercle resserré, s’étendaient sur les territoires de Noyelles,
Taisnières et Sassegnies.
Cette ferme a dû, dès le principe, faire partie de l’antique dotation du monastère, fondé en 652, par Chonebert, Chombertou Rodobert, comte de Famars (I), dotation qui devait
comprendre notamment l’alleu de Maroilles, composé du village du même nom et de ceux de Marbaix, Noyelles et Taisnières.
Mais si, contre toute attente, on prétendait que cette ferme n’était pas de la constitution primitive de l’abbaye, il faudrait admettre, du moins, qu’elle fut comprise parmi les biens dus à la libéralité de Charles-le-Chauve, eu vertu de son diplôme de la veille des nones de février, 30 » année de son règne, — ce qui répond au 4 février 869 (n. st. b70J — (2).
C’est que ce monarque appelé à s’occuper du couvent de Maroilles, après avoir confirmé par cet acte, â l’instigation de l’abbé Ingelram, l’attribution que ce prélat venait de faire aux frères du lieu, du produit de divers domaines qu’il tenait, comme leur chef, et qui étaient situés dans le Laonnais, en Hainaut, et en d’autres lieux encore, — a de plus, par une disposition particulière, affecté aux mêmes frères, pour les mettre en position d’implorer, sans relâche la clémence de Dieu, en faveur du roi, de sa femme et de ses enfants, et aussi pour assurer la stabilité de la puissance royale, — les revenus de tous les terrains existants dans le district où le monastère est situé, à deux lieues à la ronde, savoir: jusqu’à Levai (Sanli Salvù), jusqu’au
petit Pont Ylantuini, à Taisnières où à Marbaix, ensuite jusqu’à Fayt (Fayt) ; puis jusqu’à Montigny (Monliniaco),— lieu maintenant inconnu ; de là jusqu’à Landrecies (Landreciaco)
enfin jusqu’à Sassegnies (Saxiniaco) (3_), Comme ou peut le voir la Cense-du-Parc était toute entière dans ce circuit.
Il arriva que, au commencement du XIVe siècle, dans un moment de détresse absolue, un abbé de Maroilles, aussi imprévoyant que prodigue, se vit dans la nécessité d’aliéner
des biens dont il avait l’administration, pour remplacer les ressources épuisées de sa maison. On attribue généralement à l’abbé Jean V dit le Noble, qui gérait de 1304 à 1323, la vente faite de la cense du Parc (4), au profit d’un comte de St-Pol, qui était Waleran de Luxembourg, comte de Ligny.
Mais ce seigneur devait à Watier dit Fierabras, de Vertain, une pension viagère et annuelle de cent francs de France, qui ne lui avait pas été payée depuis vingt-cinq ans. Waleran, voulant profiter de l’occasion pour se libérer, lui donna, dans ce but, en compensation, et après lui à Englebert, son fils, issu du .mariage que Fierabras avait contracté avec Jeanne de Beaumont, dite de Beaurieux, près de Solre-le- Château, comme ou le voit d’un rôle du 20 avril 1405, « la « maison, court et censé condist du Parcq, gisant empriès « Leval , avoecq tous les prêts, pasturaiges, bos, yawves « (eaux) et autres droictures et revenues quelconques, à yedi maison revenans et appartenants, sans rien et aucune « chose retenir, pour ledit Fierabras en joïr et possesser « paisieulement sa vie durant et celle de son fils, Englebert, « s’il survit. »(5).
Mais il fut conditionné dans l’acte que les tenanciers seraient tenus de faire réédifier et de tenir toujours en bon état d’habitation, « la maison manaule de ladite court du Parcq. » (6).
Avec le temps, Fierabras de Vertain fut amené, à son tour, à se défaire de la ferme en question : il la vendit à Reynaud de Cambrin, écuyer, Sgr de ce lieu (Artois) et à son épouse Jeanne de Montigny, pour le prix principal de 900 livres artésiennes de 40 gros chacune. (7).
Cette mutation ne fut pas plutôt accomplie, que l’abbé et le couvent de Maroilles, informés du fait, adressèrent de pressantes instances aux nouveaux acquéreurs pour les déterminer à céder, à leur monastère, la censé qu’ils venaient d’acquérir. Les religieux ne manquèrent pas de se prévaloir, en cette circonstance, de ce que la propriété cédée aux époux Cambrin était de l’ancienne dotation de l’église ; que par la situation de la ferme sur la frontière, elle était exposée, en temps de guerre, non-seulement à être détruite et ruinée, et, par suite, absolument sans produit, mais encore elle pouvait mettre le détenteur dans la nécessité de relever les bâtiments de leurs ruines. Touchés des raisons alléguées et surtout de celle qui concernait l’affectation primitive du bien au monastère, les sieur et dame de Cambrin, pour la décharge de leurs consciences, consentirent, suivant acte du 4 janvier 1499 (n. sf. 1500) (8) à aliéner la censé du Parc et toutes ses dépendances, pour la somme principale de 900 livres d’artois, de 40 gros la livre, outre 20 écus d’or pour épingles. Le tout fut payé comptant par l’abbé Jean VII, dont la prélature comprit de 1483 à 1523. (9).
Ce n’était pas assez pour un établissement public d’avoir fait l’acquisition d’un domaine quelconque et d’en avoir acquitté la valeur, il fallait encore obtenir du souverain, des lettres d’amortissement pour pouvoir l’appliquer légalement à leur dotation. Aussi à peu de temps de là, Jean VII s’adressa, à cet effet, à Philippe Ier, roi d’Espagne, qui administrait alors les Pays-Bas. Ce roi, avant de statuer, renvoya la demande à des commissaires pour en suivre l’instruction, et notamment pour savoir, si effectivement, la censé du Parc était de la constitution première du monastère de Maroilles. L’abbé fut chargé par le couvent de donner, à cet égard, toutes les explications désirables, qui les commissaires trouvèrent satisfaisantes et dont ils se contentèrent ; mais rien ne fut réglé par écrit, pendant la vie de l’abbé Gosselet, qui mourut en 1523. Dès lors, l’affaire fut perdue de vue et les choses restèrent en suspens, sans que de longtemps, le nouvel abbé, Pierre IV, eut été prévenu d’une infraction quelconque, et qu’il devait se mettre en règle pour l’amortissement en question.
Ce ne fut, en effet, qu’en 1531, que les membres de la Chambre des comptes de Lille, revinrent sur l’affaire, et exigèrent la preuve que la censé du Parc était de l’antique dotation de l’abbaye, ou sinon que le couvent vide les lieux.
Mais les religieux firent si bien, en expliquant d’ailleurs que les guerres survenues jadis dans le pays, les avaient privés de leurs anciens titres, et qu’il leur était conséquemment impossible de les représenter (10)
Quoique suffisamment et tardivement données, les explications fournies furent admises et accueillies. Ayant égard à tout ce qui a été rappelé, et considérant que le lieu, présentement pauvre et désolé, a été mis par les malheurs des temps, en grande ruine et distraction, Charles-Quint en conséquence, accorda à Mons en novembre 1532, (11) des lettres d’amortissement sollicitées pour la censé du Parc. Ces lettres coûtèrent à l’abbaye; la somme de cent livres tournois de Hainaut, de 20 gros la livre, versée le 16 janvier 1532 (n, st. 1533) (12) entre les mains du maître de la Chambre des comptes de Lille.
Ainsi rentrée en possession légale de la ferme du Parc, l’abbaye de Maroilles, s’attacha à tirer de ce domaine, tout le produit possible. Aussi, par bail obtenu dans une adjudication publique, sous l’abbé Frédéric d’Yve, le sieur Nicolas Courtin, éleva à ‘o00 livres par an, le prix de la censé, où se rassemblaient, clandestinement, des habitants de Noyelles et de Taisnières, parmi lesquels se trouvait le fermier Courtin, qui avait été condamné au bannissement et à la confis-
cation de tous ses biens. Ce ne fut, du reste, qu’au moyen d’une surenchère inattendue faite sur la ferme, en haine de l’abbé, par des affidés des sectaires de France, alors réfugiés sur les frontières et qui avaient été jusqu’à menacer, à plusieurs reprises, de venir brûler le monastère, circonstance qui avait mis les moines dans la nécessité de se retirer à Avesnes, puis à Mons, et enfin à Landrecies, ne laissant que des soldats pour la garde de la maison religieuse (13).
L’abbé ne put se faire payer intégralement le loyer convenu, mais il obtint du roi d’Espagne, une remise de 400 livres qui vinrent atténuer le déficit existant (14).
Dans le XVIIe siècle, la Censé du Parc fut longtemps louée avantageusement : un bail de 1664, en établit le prix à 1,200livres par an, outre diverses charges et prestations en na-
ture (15).
Au milieu du siècle suivant le fermage se trouvait doublé, mais, il faut se souvenir que les moines, pour accommoder les familles de leurs fermiers, avaient fait quatre lots distincts de la ferme, qui fut ainsi disloquée jusqu’à la Révolution française de 1789 (16).
NOTES
(I) Ann. du département du Nord, 1837. C8.
(2; Ghesquière, acta S. S. Belgii, IV, 124 à 126.
{3)lbidem,lV, 124 à 126.
(4) Chronol. histor. des abbés de Maroilles., ( XLYIIe abbé, MS.
(5) Cartul de Maroilles, I fol. 243.
6) Ibid.
(7) Ibid. 1, fol. 255
(8) Répert. univ. des archives de Maroilles, p. 743; — Cartul. de
Maroilles, \, 255,257.
(9) Chronol. histor. des abbés de Maroilles, LXIIe abbé. MS.
(W)Lett. d’amortissement de novembre 1542, — Cartul de Ma-‘
roilles, 1, fol.243 à 245.
(II) Cartul de Maroilles, 1, fol. 243 à 245.
(il Ibid. 1, fol. 258.
(13) Invent, des archives départementales du Nord, II. 253.
(14) Invent, précité, II, 253.
(15) Titre même et registre des revenus de l’administration de
l’enregistrement.
(16) Ibidem.
MICHAUX AINE,
vice-président de la société.
***
LE CHATEAU DE SASSOGNE
Au milieu d’épais fourrés et de vastes marécages, situés à l’extrémité occidentale de la haie (1) d’Avesnes qui se prolongeait en pointe, vis>-à-vis de Sassegnies, jusqu’à la vallée de la Sambre, on voyait jadis un antique château-fort dont les hautes tourelles dominaient tout le cours de cette rivière depuis Landrecies jusqu’au delà de Berlaimont. Toute la forêt que l’on voit encore aujourd’hui sur le coteau qui règne entre la Tarsy et l’Helpe majeure, et qui, autrefois, se prolongeait sur une plus grande largeur, jusqu’à portée de la Sambre, faisait partie de la haie d’Avesnes, que des titres de 1151 et 1169, concernant Nicolas, seigneur d’Avesnes, qui la possédait alors, nomment simplement la haie (haia). Ce n’est que dans des temps plus modernes que -cette forêt fut divisée en cantonnements ou gardes, sous les noms de garde de la Croisette — garde de Dompierre, — garde de Sassogne, etc., noms que les actes de ventes de la Révolution lui donnent, et qui sont encore en usage de nos jours. Le vieux château de Sassogne, Sassoing, Sassongne, maintenant Sassogne dont l’origine est antérieure au XIIe siècle et que l’on suppose bâti par les premiers seigneurs d’Avesnes, à l’extrémité de leur terre, pour la protéger de ce côté contre les incursions des pirates de la Sambre, les sires de Berlaimont (2) et autres ennemis, doit probablement son nom à sa situation même. Nous savons par le manuscrit conservé à la Bibliothèque de Tournai, qu’il était habité au XI siècle par des seigneurs subalternes païens de croyance, et que la coutume voulait que dans une famille trop nombreuse on tirât au sort pour ceux qui devaient quitter le pays et chercher fortune à la pointe de leur épée. C’est ainsi que deux cadets nobles de Sassogne s’embarquèrent sur la Sambre avec leur suite et allèrent offrir leurs services au seigneur Vertigier, qui plus tard leur attribua en prix de leurs services ‘une partie de sa terre Flamande de Lynde. Sassogne, Sassegnies, situé en face paraissent dériver de Sasso, mot roman qui, selon le dictionnaire du vieux langage par Lacombe- T. 2. page 491 veut dire lieu où sont édifiées des échoppes de bateliers. Au XIIIe siècle ce mot désigne encore l’échoppe de batelier elle-même. Dans les environs de Condé et de Saint-Amand ce berceau de la langue romane un — sass — est encore aujourd’hui le fond d’une écluse à fabriquer des bateaux. D’autres glossaires de la langue Romane confirment cette étymologie, ainsi que la terminaison — oigne — mot celtique signifiant, bois, forêts, et — Soigne — qui selon le glossaire de la langue Romane de Roquefort T. 2. P. 559 veut dire : Bougie, chandelle de veille, lumière. L’une des hautes tours du château n’a-t-elle pu servir de phare et de- guida à ces époques lointaines où tout le commerce et les transports de ces contrées’ se faisaient par eau. D’autres glossaires de la langue romane, confirment cette étymologie ainsi oue celle de la terminaison « oic-ne», mot celtique signifiant bois, forêts, étymologies qu’un examen des lieux ne peut mettre en doute. La terre de Sassogne resserrée entre l’Helpe et la Tarsy forme un long cul de sac aboutissant à la Sambre qui ferme le passage de ce côté. Si l’on songe que lors de l’occupation romaine la flottille était concentrée à Hargnies, sur la Sambre, non loin de Quarte, et que, jusqu’à nos jours, ces points n’ont cessé d’être des centres importants pour la fabrication des bateaux £t le commerce des transports par eau, on peut admettre cette origine du nom de la forteresse.
Le château de Sassogne, qui formait un carré dont chaque côté avait 40 mètres de long, était environné de larges et profonds fossés, toujours pleins d’eau, et était revêtu de très grosses murailles, flanquées à chaque angle, d’une tour ronde de 9 m. 25 de diamètre, crénelée et percée, comme les murailles, de nombreuses meurtrières ou barbacanes. On ne pouvait y pénétrer que par un pont levis aboutissant à une porte pratiquée dans la face méridionale, cette porte- était également flanquée de deux tours. De là partaient deux chaussées se dirigeant, l’une sur Avesnes, en suivant les bois, l’autre sur Landrecies en côtoyant la vallée. De notables parties de cas chaussées se retrouvent dans les prairies de Maroilles et de Noyelles. II paraît certain que les pierres employées à la construction de ce château furent tirées d’unie carrière maintenant convertie en étang, existant sur la rive opposée de la Sambre, d’où elles furent transportées, sur place, au moyen d’un chemin dont on a retrouvé quelques portions, à une certaine profondeur, dans les prairies intermédiaires. Longtemps les seigneurs d’Avesnes entretinrent une bonne garnison dans le château de Sassogne, dont la garde était toujours laissée à un capitaine brave et expérimenté.En 1443,le seigneur de Quartes,qui était pourvu de ce poste important, s’en étant démis, il fut confié à Gilles, seigneur d’Eclaibes et de Ressay. Les lettres de provisions délivrées à Sassogne même, le 11 août de cette année par Jean II de Blois,dit de Bretagne, comte de Penthièvre et de Périgord, vicomte de Limoges et seigneur d’Avesnes, conférèrent audit Gilles, non seulement « la capitainerie et garde du chastel et forteresse de Sassoigne, mais encore l’office de Bailly des « Bois de la seigneurie d’Avesnes,avec le gouvernement « de chiennerie et chasses des bois et hayes de ladite « seigneurie, pour lui en jouir et user, sa vie durant, aux honneurs, profits, Rages, revenus et émoluments accoutumés, sans que ces offices pussent lui être ôtés, à moins de forfaits légalement constatés et sauf restitution de ‘-a somme de 300 riddes (3) qu’il avait payées au comte pour prix de ces offices. »
Parfois aussi, ce château était un rendez-vous pour les parties de chasse et de plaisir que les seigneurs d’Avesnes faisaient dans les courts intervalles de paix, afin d’échapper aux ennuis d’une vie sédentaire qui s’alliât mal à leur humeur guerrière. II n’était pas rare qu’ils y séjournassent avec leurs officiers, et même, pendant la belle saison, avec leur propre famille. Le nom de dame Marguerite (4) donné à la principale tourelle où il y avait des appartements réservés, pourrait bien tirer son originel de l’une des dames d’Avesnes du même nom qui l’aurait ainsi occupé passagèrement ; plutôt que comme on le dit vulgairement, de Marguerite de Constantinople, qui n’a jamais possédé ni dû habiter le château de Sassogne, pas plus qu’aucun autre de la terre d’Avesnes-, sur laquelle elle n’avait qu’un droit de suzeraineté à titre de comtesse du Hainaut. Le château de Sassogne ainsi que ceux de Berlaimont et d’Aymeries, fut pris et presque entièrement détruit par les Français en 1543, lorsque après la prise de Landrecies, et tandis que François Ier était logé à l’abbaye de Maroilles-, où il avait assis son camp, ils firent des excursions le long de la Sambre, sous le commandement du Dauphin. Mais, en Mai 1643, il fut rasé, ainsi que plusieurs autres places, par le duc d’Enghien, quand quelques jours après la célèbre bataille de Rocroy qu’il venait de gagner sur les Espagnols, il entra dans le Hainaut et se porta sur la Sambre qu’il passa à Berlaimont. A en juger par las cendres et les débris calcinés et à demi consumés trouvés sur l’emplacement même du château et par la grande quantité de pierres de bâtisse éparsés dans les fossés et au dehors des fortifications, on peut conjecturer qu’il fut détruit par la mine et par le feu. Dès lors, la forteresse de Sassogne ensevelie sous ses décombres, cessa à jamais d’exister ; et, si le dénombrement fourni au roi de France, par Philippe de Croy, prince de Chimay et seigneur d’Avesnes, le 16 juin 1662, en fait encore mention, ce n’est plus que sous la désignation de : chasteau ruiné de Sassoigne.
La ferme dite du château occupant le côté gauche et le fond de la cour avait nécessairement éprouvé le même désastre ; mais étant indispensable pour l’exploitation des biens qui en dépendaient, elle fut relevée aussitôt que la paix,bannie 25 ans du pays, y fut enfin ramenée par le traité des Pyrénées en 1659. C’est ça qui explique pourquoi le dénombrement précité de 1662 comprend toujours la censé ou maitairie dans le chasíeau. Elle fut constamment louée à partir du 22 janvier 1660. On en trouve la preuve dans différents actes postérieurs’passés dans l’intérêt des fermiers qui y sont toujours désignés comme censiers du chasteau de Sassoigne. Au commencement du 18e siècle, la censé, que l’on avait d’abord rebâtie avec précipitation et sans- grand soin, et que l’on avait mal entretenue depuis, tombait de nouveau en ruines et réclamait de très fortes réparations. Le duc d’Orléans, devenu propriétaire de la pairie d’Avesnes, comprit qu’il serait pour lui plus avantageux de construire un bâtiment neuf, propre à sa destination, plutôt crue de restaurer encore l’ancien qui n’offrait que peu de commodités. Aussi, en 1734, une belle maison de ferme venait d’être élevée par ses soins sur la colline surplombant à l’est le château, dans un terrain plus convenable et beaucoup moins humide. On y employa une grande partie des débris des vieux édifices, gisant sur le sol. Le surplus fut successivement utilisé dans divers autres bâtiments particuliers. Tellement que vers 1830, il ne restait plus de l’ancienne forteresse, que les bases des tours, les constructions souterraines comprenant de grandes salles et galeries communiquant entre elles. On ne peut que difficilement se figurer l’énorme quantité de matériaux qui restaient enfouis surtout dans les fondations qu’on n’était parvenu à asseoir solidement qu’en les enfonçant profondément à travers les terres mouvantes qui les environnent. M. Azambre J.-B., propriétaire de la ferme de Sassogne et des-prairies inférieures’ où se trouvait le château, résolut en 1836, de déMayer et d’égaliser le terrain des fortifications pour en tirer meilleur parti. Ses travaux lui profitèrent au-delà de toute espérance ; car, outre l’amélioration de sa propriété, il retira plus de 10-000 francs de la venta des pierres et grès qu’il fit extraire. Ces démolitions n’amenèrent au dire de M. Azambre aucune découverte intéressante pour l’archéologie ni pour l’histoire ? Jusqu’au commencement du-19e siècle, le château de Sassogne fit toujours partie du territoire de Dompierre, village de la pairie d’Avesnes, mais alors la confection du cadastre vint bouleverser cet ancien état de choses. Sassogne fut réuni à la commune de Noyelles de laquelle il continue de dépendre et Dompierre reçut en compensation des territoires de l’ancien village de Fusciau. Accompagné de Monsieur Carlier Lucien, membre de la Société Archéologique, nous venons de revoir remplacement des ruines de Sassogne (1906), les niveleurs de 1836 ont bien accompli leur tâche, l’herbe cache presque toutes les fondations, dont il reste encore dans le sol de très notables parties. Un fossé plein d’eau que l’on a peine à franchir, marque la place de la ceinture d’eau, très large de-jadis. Seule, la base d’un pilier en grès émerge de 2 m. 50 au-dessus du sol, ce pilier paraissait un des soutènements de la galerie latérale des appartements situés à l’Est du château, il attend aussi l’heure de sa destruction prochaine, les hivers froids et humides de notre climat en auront bientôt raison. Nous avons le plaisir de joindre à cette notice une vue du château de Sassogne en l’an 1607. Elle a pour auteur le prince Charles de Croy lui-même, qui, à ses moments de loisirs s’était fait un album d’aquarelles représentant les monuments historiques de sa terre d’Avesnes, aquarelles dont nous avons acquis une partie. Nous y plaçons au bas le nom tel qu’il est écrit de la main du prince. C’est bien le nom roman’ que l’on devrait conserver. On remarque aux appartements Est de Sassogne des larges baies avec poulies servant à remonter les provisions que l’on amenait en barque au pied des murs. Un canal mettait les fossés du château en communication avec la Sambre. Les traces de ces canaux existent encore. La ferme de Sassogne ne présente rien de remarquable que sa belle porte en pierres de tailles surmontée d’un écusson aux armes d’Orléans. Cette pierre n’a pas trouvé grâce devant les Vandales de 1793 ; mutilée, martelée, on ne reconnaît plus les armes de France au lambel d’argent surmontées de la couronne ducale et entourées du collier de Saint-Louis.
Dans la vente des biens de la famille d’Orléans, à la Révolution, le château de Sassogne n’est plus: La ferme est ainsi dénommée : une ferme à Sassogne près de Dompierre’ composée de beaux bâtiments, cinquante-sept arpents, soixante-dix-huit verges de terre, quarante-deux arpents, cinquante-cinq verges de près et trente-trois arpents, soixante-dix-huit verges de pâtures Les bois formèrent plusieurs lots dont les dernières parties sont défrichées depuis peu. Toute l’immense plaine de Sassogne aujourd’hui clôturée et transformée en maigres pâturages, donnera pour produire, du travail à plus d’une génération.
(1) Haie signifiait dans le moyen-âge, un bois ou une partie de forêt fermé de haies (Glossaire, de Carpentier), toutefois il est douteux que la haie d’Avesnes ait été jamais ainsi clôturée
(2) Depuis Isaac de Berlaimont, connu dans le XII » siècle, pour sa haine implacable contre Thierry d’Avesnes qu’il íit massacrer par ses gens dans la forêt de Mormal vers 11C6 ou 1107, jusqu’au bâtard de Berlaimont qui fut décapité à Mons, en 1-490, pour ses méfaits, les seigneurs de Berlaimont surent presque toujours la terreur du pays qu’ils désolaient souvent par leurs brigandages et leurs exactions
(3)La ridde, ride ou ridre qu’on nomme aussi Philippe ou Philippus. est une monnaie d’or qui avait encore quelque cours en Flandre dans 3e XVIII’ siècle ; elle y fut frappée du temps et au coin des anciens comtes de Flandres, et pesait 2 deniers et 12 grains, mais elle ne contenait de fin que 13 karats. (Traité des Monnaies, par Bazingheu, tom. 2, p. S7,’.).
(4) Le chemin de Sassogne à Landrecies portait aussi le nom de dame Marguerite, le tronçon qui passe à Maroilles près du moulin de la prairie porte encore ce nom.
MICHAUX AÎNÉ, Membre de la Société,
avec compléments et notes par
A. DUVAUX, Achîviste de la Société Archéologique d’Avesnes 1906.