La Franc-Maçonnerie en Avesnois : ses origines et son présent

Après avoir retracé succintement l’histoire de l’origine de la franc-maçonnerie parvenue en France, nous nous préoccuperons de savoir quel était à ses débuts le nombre de loges maçonniques dans le Nord avant de nous intéresser plus particulièrement à celles qui étaient initialement dans l’Avesnois. Nous terminerons en dressant un portrait des loges avesnoises actuelles.

La franc-maçonnerie tire ses origines des corporations de maçons écossais du moyen-âge. Le terme anglais Freemason composé de free « libre » et mason correspondant au français maçon est attesté dès le XIV e siècle (L’Occultisme et la franc-Maçonnerie écossaise de René Leforestier Paris Perrin et Cie 1928). Il désignait des ouvriers bâtisseurs itinérants et de grande qualification qui utilisaient entre eux des signes conventionnels secrets. Ces secrets du métier que les professionnels s’attachaient à conserver étaient transmis entre ouvriers.

Au XVII e siècle leurs confréries acceptèrent des personnages réputés pour leurs connaissances en architecture mais n’exerçant pas un métier du bâtiment. Cette acceptation est sans doute à l’origine du prestige de confréries ou « loges », comme celle des Free and Accepted Masons, regroupées dans une « grande loge » à Londres en 1717 (cf. NED s.v.; FEW, t. 18, p. 65).

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Tableau des loges de la Grande Loge de Londres vers 1735

Dès la création de ce regroupement de loges c’est à dire dès la fondation de cette structure en obédience maçonnique, la franc-maçonnerie «spéculative» (c’est-à-dire «philosophique») reprit culturellement une part de ces secrets professionnels en les intégrant à des traditions, légendes et symboles remontant au temple de Salomon, aux pyramides d’Egypte ou aux bâtisseurs de cathédrales. Dès lors elle préconisa à ses membres un engagement de discrétion visant à garder secret les moyens symboliques de reconnaissance de ses membres, de ses «signes, paroles et poignées de mains» (signs, words and grips). Tout au long du XVIIIe siècle, les loges se multiplièrent en Grande Bretagne, se rangeant soit sous l’obédience de la Grande Loge d’Angleterre (celle de 1717) soit sous l’obédience des Grandes Loges d’Ecosse (fondée en 1736).

L’exil de Jacques II. La franc-maçonnerie pénètre pour la première fois en France
Estampe, 485 x 576 mm BnF, département des Estampes et de la photographie, Réserve QB-201 (170) – FT4 © Bibliothèque nationale de France

La franc-maçonnerie s’implanta en France vers 1725 sous l’impulsion d’aristocrates britanniques exilés.
L’image centrale représente ici l’accueil fait au roi Jacques II Stuart au château de Saint-Germain-en-Laye par Louis XIV en 1689. Le roi exilé, fuyant la Glorieuse Révolution des orangistes, y mourut en 1701 (quelque quarante mille jacobites, fidèles au roi déchu, émigrèrent en France à cette époque, irlandais surtout, anglais pour un tiers environ, et écossais – très peu  ; parmi eux, quarante pour cent de familles aristocratiques, et un grand nombre d’officiers de l’armée du roi. Ils ont notamment constitué la cour jacobite de Saint-Germain-en-Laye). C’est dans l’entourage de jacobites du roi notamment que se seraient développées les prémices de la maçonnerie française. Une loge aurait peut-être même existé à Saint-Germain-en-Laye dès 1688 (Roger Dachez : Les débuts de la franc-maçonnerie en France).

La franc-maçonnerie recruta ses membres par cooptation et pratiqua des rites initiatiques. « Initier quelqu’un c’est lui apprendre à se perfectionner dans la pratique d’une activité humaine qu’il ignorait ». L’initiation maçonnique n’est pas seulement l’acte fondateur par lequel le profane (pro fanum, celui qui attend devant le temple) entre dans le cercle traditionnel et fraternel de la franc-maçonnerie. « Elle est le parcours symbolique en trois grades, ou « degrés » (apprenti, compagnon, maître), destiné à transformer le nouveau reçu en initié aux principaux usages et principes de l’ordre dans lequel il s’est librement incorporé » (Introduction au langage maçonnique Fréderick Tristan). Ces trois degrès sont la base de la franc-maçonnerie et sont pratiqués au sein d’une même loge. Néanmoins ce ne sont pas les seuls degrès dans la Maçonnerie. Chaque système de rite en a rajouté d’autres. Par exemple le rite français compte 5 ordres, l’écossais ancien et accepté 33 degrès, l’anglais dit émulation (en Angleterre 3 grades avec en complément à celui de maitre le « Royal Arche » , en Ecosse ou Irlande 7 grades) l’écossais rectifié (8 grades).

D’abord accueillie comme une mode par l’aristocratie, La franc-maçonnerie française gagna rapidement la bourgeoisie avant de s’enraciner durablement dans la société d’Ancien Régime.Elle se définissait dès lors comme un lieu de convivialité où – dans l’esprit du siècle des Lumières – les frères célébraient la vertu, la fraternité universelle et la vision égalitariste et libérale de la société. Dans cet esprit, en 1735 s’organisa la première obédience française, la Grande Loge de France. Le duc d’Antin, colonel du régiment de Royal-Marine y fut élu Grand Maitre en 1738. Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont, qui avait fait ses preuves sur le champ de bataille fut appelé à lui succéder en 1743, et le restera jusqu’à sa mort en 1771. Cependant des querelles intestines affaiblirent cette loge avec pour conséquences son manque d’autorité reconnue et sa mise en sommeil en 1766.

Pour pallier à cette situation, sous l’autorité de Louis Philippe d’Orléans (1747-1793) qui succéda au comte de Clermont, la Maçonnerie française définit en 1773 deux principes : l’élection des officiers et la représentation de toutes les loges, c’est à dire parisiennes et provinciales. Sur cette base, les travaux des 17 réunions plénières aboutirent à la formation du Grand Orient de France. Au nom du Grand Maître, le Duc de Chartres, et sous l’autorité réelle de l’Administrateur Général, le Duc de Montmorency-Luxembourg également brigadier des armées du roi , le Grand Orient était géré par trois chambres où siégaient les représentants élus des loges. Les neuf dixièmes des loges françaises se rallièrent à la nouvelle structure. (Roger Dachez, Histoire de la franc-maçonnerie française, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? » 1re éd. 2003 réimpr. 2015).

Diplôme de la loge Les Neuf Sœurs, avec la signature de Benjamin Franklin. Papier, encre, sceau en cire, 510 x 700 mm. Paris, musée de la Franc-maçonnerie. Num. inv. 2012.016

Les représentants du Grand Orient étaient issus de la noblesse libérale et de la bourgeoisie éclairée. Au delà des itinéraires personnels, la sociabilité maçonnique et le fonctionnement des loges, basés sur la discussion et l’élection, ont certainement largement contribué – peut-être dans beaucoup de cas inconsciemment – à la diffusion des idées nouvelles. Dans les années qui précédèrent la Révolution, des loges prestigieuses comme Les Neufs Sœurs, Les Amis Réunis ou La Candeur rassemblaient des élites gagnées au « parti philosophique ».

Bien souvent, nous l’avons vu, les militaires exercèrent l’autorité suprême dans l’Ordre maçonnique en France. Ainsi, la Franc-Maçonnerie militaire joua un rôle essentiel dans l’apparition en France de la Maçonnerie spéculative. Tous les régiments possédaient alors une ou plusieurs Loges maçonniques. Plus tard, sous le Premier Empire, ce furent les Loges militaires de la Grande Armée qui propagèrent la Franc-Maçonnerie dans toute l’Europe. Par un étrange para­doxe, ce furent ainsi les militaires francs-maçons de l’armée impé­riale qui propagèrent à travers l’Europe l’idéal de la Révolution française de 1789.

Signalons pour conclure ce chapitre sur l’origine de la franc-maçonnerie française qu’elle évolua au cours du XIXe siècle, passant progressivement d’un libéralisme philosophique à un militantisme républicain et laïque. Durant ce « siècle des Révolutions » (1830, 1848, 1870) la maçonnerie inspira et accompagna les progrès sociaux. Gambetta, Jules Simon, Jules Ferry…, la plupart des grandes figures qui fondèrent la IIIe République appartenaient à la franc-maçonnerie. « Pour eux, l’école, le suffrage universel et la science sont les clefs du progrès. Les francs-maçons vont ainsi conduire, à marche forcée, un bouleversement en profondeur de la société française qui transforme en quelques années un pays rural et conservateur en une démocratie moderne. Les lois sur la liberté de la presse, la liberté d’association, la laïcité, le code du travail, l’école laïque et obligatoire ou encore les premières bases de la protection sociale leur sont largement redevables » (Arrêt sur …la Franc-Maconnerie Pierre Mollier Dossier BNF).

La franc-maçonnerie dans le Nord

Bas relief sur la façade du temple maçonnique rue Thiers à Lille


Dès 1733 le mouvement maçonnique toucha Valenciennes avec son importante loge la « Parfaite Union ». Ce ne fut qu’en 1785 qu’une nouvelle loge y vit le jour, sous le nom de « Saint-Jean-du-Désert » composée essentiellement de personnes de condition sociale plus modeste que Ia première. Dunkerque, par sa position de port, a compté une huitaine de loges jusqu’à la Révolution. Quant à Lille, si elle a également compté huit loges entre 1744 et 1789 dont les plus importantes étaient les « Amis Réunis » (1776), la « Modeste » et la « Fidélité », elle n’en recensait plus que quatre en 1789 (J. Bournonville, Les francs-maçons , des Lumières à l’Empire : un exemple de sociabilité à Lille, Valenciennes et Dunkerque, 1733.1815, thèse de I’Ecole des chants, 1989 déposée aux Archives départementales du Nord et à la Bibliothèque municipale de Valenciennes).

On distinguait dans les trois villes, une loge peuplée de hauts administrateurs royaux ou municipaux, de militaires et de nobles, et un ou plusieurs autres ateliers de composition sociale plus modeste. Quant aux négociants ils étaient nombreux dans chaque loge.

Après la Révolution les nobles et les quelques religieux désertèrent le plus souvent les ateliers maconniques. De même la participation des maçons à l’Institution était « leur souci primordial de sociabilité plutôt qu’un souci de recherche intellectuelle ou ésoterique » ( J Bournonville). Quant aux discours maçonniques, leur thèmes principaux reposaient sur l’union, l’amitié et la vertu, et faisaient écho au vocabulaire des Lumières et à travers celui-ci aux idées véhiculées par ce mouvement. Ils ne varièrent guère entre la fin du XVIII e et le début du XIX e siècle, la maçonnerie d’Empire étant un prolongement de celle de l’Ancien Régime. La Contre-Réforme était ancrée dans cette région où les « frères » du Nord étaient convaincus dans leur foi profonde catholique et imprégnés de l’idéologie maçonnique en multipliant les gestes de bienfaisance.

Cependant ici aussi à partir de 1830, la franc-maçonnerie se voulut être au service de la liberté de conscience et du progrès. Attaquée par l’Eglise catholique et les courants nationalistes elle s’identifia aux valeurs républicaines, les francs-maçons nordistes voulant comme partout en France bâtir une République laïque, démocratique, sociale, et universelle.


La franc-maçonnerie dans l’Avesnois


Seules deux villes furent à l’origine concernées par la franc-maçonnerie : Avesnes-sur-Helpe et Maubeuge. La loge civile d’Avesnes fut la plus ancienne mais son existence dura moins d’un siècle (création ca 1775 cessation < 1870). Quant à Maubeuge une loge militaire russe apparut de 1816 à 1819 avant qu’une loge civile fut créée vers 1880.


La loge d’ Avesnes : « l’aménité »


Au XVIII e siècle lors des processions et des cérémonies religieuses, les notables de la ville arboraient fièrement l’uniforme de la confrérie de l’Arquebuse, une institution traditionnelle de sociabilité, figée dans un esprit de caste, qui tendait à devenir « une société de plus en plus fermée » (Ch. croix, Notices et Documents sur l’Histoire d’Avesnes et de l’Avesnois, Avesnes, éditions de l’Observateur, 1956, Ch. 12 : « Les Chevaliers de l’Arquebuse au XVIIIe siècle », p. 112). Cette institution traditionnelle — qui n’avait plus le vent en poupe depuis un certain temps — vivait alors ses dernières années et dès 1787, les arquebusiers semblaient avoir cessé toute activité. Entre-temps vers 1775, la bourgeoisie d’Avesnes opta pour une forme de sociabilité qui correspondait davantage au goût du jour en créant la loge de l’Aménité (C. Thieuw, De la « Bonne Bourgeoisie » d’Ancien Régime à la Grande Notabilité d’Empire : Itinéraires croisés et Ascension sociale des Frères Gossuin d’Avesnes (1758-1827), mémoire de maîtrise, Université Charles-de-Gaulle – Lille 3 sous la direction de M. R. Grevet, juin 2001,p. 63-65).

La loge avesnoise était affiliée au Grand Orient. Il s’agissait initialement pour nombre de ses membres d’une simple démarche d’agrément et de prestige social. On peut supposer que l’un de ses membres actifs en fut Joseph Guillemin (1772 1841) négociant, maire de la ville et vice président de la Société d’Agriculture de l’arrondissement avant que son fils Félix (1796 1847) avocat et juge suppléant au Tribunal Civil d’Avesnes devint vers 1815 le vénérable de cette loge. Ce dernier vit arriver en janvier 1816 les militaires russes, commandés par le colonel comte Héraclius de Polignac (1788-1871, oncle du ministre de Charles X) et ne tarissa d’ailleurs pas d’éloges sur ses Frères russes. Au cours des trois années d’occupation, une douzaine d’officiers furent reçus et travaillèrent dans la loge avesnoise ( J. Breuillard « L’occupation russe en France, 1816-1818 », in le 14 Décembre 1825 : origine et héritage du mouvement des décembristes, éd. A. Bourmeyster, Paris, Institut d’études slaves, 1980 pp 9 – 49 ). Ils visitèrent régulièrement cette loge civile, s’y faisant affilier, parfois initier. « Des liens très forts se sont noués dans l’adversité du contexte profane et la fraternité du temple ». Il y eut même des relations nouées par l’atelier local avec la loge militaire russe Georges le victorieux, orient de Maubeuge, au cours des années 1817-1819 (Bib. nat., cab. mss, FM, FM2 151). En effet le fonds maçonnique conservé à la Bibliothèque nationale permet d’établir les relations étroites instaurées entre la loge d’Avesnes et la loge russe de Maubeuge ; l’Aménité fut invitée à envoyer une délégation pour participer à la célébration de la Saint-Alexandre le 31 août 1818, suivie d’un banquet. La délégation était composée de neuf hommes, conduits par Félix Guillemin, parmi lesquels quatre Russes dont Polignac. Célébrant « le prince magnanime dont les hautes qualités avaient depuis longtemps fixé l’admiration de toute I’Europe » (Louis XVIII), le vénérable Félix Guillemin déclara : C’est avec raison que les peuples révèrent un souverain ami de la paix et des lumières, un souverain propagateur des institutions libérales, un dont le règne sera à jamais mémorable par les grands travaux qu’il aura préparés ou executés pour ameliorer le sort de l’espèce humaine (L’Observateur d’Avesnes du 20 Juillet 1894 : «les loges maçonniques » Elgé A speudonyme d’Albert Gravet).

Par la suite, il est probable que les militaires français des casernes Paquet d’Avesnes remplacèrent les Russes en fréquentant la loge de « l’aménité ». Par contre il est certain que la loge n’existait plus en 1870, le Nord ne comptant à cette date que trois loges du Grand Orient, « L’Étoile du Nord à Lille », « Thémis » à Cambrai et la « Clémente Amitié » à Dunkerque. Entre temps en effet la fermeture des casernes, le déclassement de la ville en tant que place militaire en 1867 et la baisse de la démographie ont « participé à ce mouvement de migration des franc-maçons vers des centres économiquement plus actifs comme Maubeuge en particulier où la Grande Loge, propriétaire du temple, accueilla les maçons d’autres obédiences » (interview donné par Pierre-Marie Adam Grand maître de la Grande loge de France à La Voix du Nord le 25 février 2019).

Façade de l’Institut Villien (1867)

De nos jours il reste cependant à Avesnes-sur-Helpe des traces de ce passé maçonnique : il suffit de lever la tête pour voir en façade de l’Institut Villien une équerre et un compas sculptés. En face dudit Institut se trouve une maison ayant appartenu au duc Philippe d’Orléans, franc-maçon célèbre.

La loge de Maubeuge : « Geoges le Victorieux »


S’appuyant sur une large documentation en partie inédite, Jean Breuillard nous apprend qu’à Maubeuge en 1817-1819, une importante loge militaire russe fut constituée de militaires du corps d’occupation russe commandé par le comte Mihail Semënovič Voroncov (Jean Breuillard, Irina Ivanovna, éds., La franc-maçonnerie et la culture russe. Slavica occitania, 24, 2007,p. 307-342). Cette loge, nous l’avons vu, avait de relations privilégiées avec la loge d’Avesnes. Elle devait également être affiliée au Grand Orient. Elle disparut avec le départ des russes.


La loge de Maubeuge : « Les droits de l’Homme »

Le Temple de Maubeuge


Vers 1880 l’atelier « Les droits de l’Homme » fut créé et adhéra par la suite à la Grande Loge de France, de rite écossais et issue en 1894 d’une scission, à l’initiative de maçons lillois, avec le Grand Orient. La Grande Loge de France était majoritaire dans le département, cela s’expliquant peut être par l’essor du socialisme dans la région dont elle était plutôt proche (R.Vandenbussche, « Libre pensée et libres penseurs dans le Nord sous la Troisième République », dans J.-M. Mayeur (dir.), Libre pensée et religion laïque en France de la fin du Second Empire à la fin de la Troisième République, Strasbourg, Cerdic publications, 1980, p. 131-144). Précisons ici que la Grande Loge de France, Ordre initiatique traditionnel, travaille aux trois premiers degrés du Rite Écossais Ancien et Accepté, qui en compte 33. Elle a selon elle pour objectif l’élévation de l’Homme et l’amélioration de la société par une méthode initiatique fondée sur la liberté de penser. Elle confond sa devise avec celle de la République : Liberté-Égalité-Fraternité.

« Au sein de la Grand loge de France, il y a deux axes. Tout d’abord, c’est le partage des valeurs que nous défendons : le respect de l’autre, la justice, la fraternité, la tolérance… Le second, c’est une réflexion sur les questions que pose la société, dans les domaines des droits de l’homme, de la laïcité par exemple. Chaque loge est amenée à travailler sur ces sujets et fait remonter des synthèses d’opinions. Nous sommes régulièrement consultés, notamment par différents ministères, pour connaître ces avis qui remontent. La franc-maçonnerie permet de se construire soi-même, mais aussi de participer à l’évolution de notre société. Et même si l’on doit respecter le secret de nos travaux, on peut très bien être impliqué par ailleurs, par exemple en étant élu local ou national, membre d’une association ou encore acteur public dans quelque domaine que ce soit ».(interview donné par Pierre-Marie Adam Grand maître de la Grande loge de France au journal La Sambre le 21 février 2019).

Nous avons replacé dans leur contexte historique les origines de la franc-maçonnerie dans l’Avesnois, région dont l’écho au mouvement maçonnique fut relativement faible car la région profondément catholique fut marquée par le peu d’influences des Lumières. Si l’implantation fut modeste elle a néanmoins été solide comme en témoigne de nos jours la petite dizaine de loges en Sambre-Avesnois.

Avant de les répertorier, arrêtons nous quelques instants sur le paysage maçonnique français actuel. Il tire ses caractéristiques présentes des décennies 1870 à 1910. Ainsi, le convent dit « international » de Lausanne de 1875 fixa le cadre d’une maçonnerie représentée aujourd’hui par la Grande Loge de France (GLDF). En 1877, le Grand Orient de France supprima l’obligation de la référence au Grand Architecte, faisant de cette obédience le référent de la maçonnerie libérale adogmatique. En 1893-1894 l’Obédience mixte internationale Le Droit humain vit le jour à Paris. En 1913, deux ateliers sécessionnistes donnèrent naissance à la Grande Loge nationale indépendante et régulière pour la France, devenue en 1948 la Grande Loge nationale française (GLNF). Enfin des loges souchées dès les années 1900 auprès d’ateliers masculins de la GLDF créèrent en 1945 l’Union maçonnique féminine de France, transformée en 1952 en obédience dite « Grande Loge féminine de France » (GLFF).

La franc-maçonnerie en France présente au sein du Landerneau maçonnique mondial des traits spécifiques comme notamment son hétérogénéité. « Au-delà des différences politiques, sociétales, religieuses et philosophiques des maçons (qui relèvent du choix de chacun), jamais les usages dans les loges ne se sont autant diversifiés, de l’esprit libertaire à la stricte observance traditionnelle….Autre nouveauté : depuis ces mêmes années 1990, la majorité des loges françaises travaille à nouveau « à la gloire du Grand Architecte de l’univers » – il est vrai avec des conceptions fort diverses, d’une simple interprétation symbolique pour les uns à une affirmation théiste pour les autres…Aujourd’hui, le paysage maçonnique français offre un large panel d’obédiences masculines, mixtes et féminines qui se veulent régulières, traditionnelles et / ou libérales » (Le paysage maçonnique français actuel par Yves Hivert-Messeca Dossier BNF).


Les loges maçonniques actuelles de l’Avesnois

Les loges maçonniques en Sambre Avesnois en 2020


Chaque loge comprend en moyenne 30 membres, ce qui fait environ 300 francs-maçons qui se réunissent régulièrement pour leurs travaux dont une majorité d’entre eux au temple maçonnique de Maubeuge fréquentés par les membres de six ateliers ou loges. Tandis que les autres maçons vont dans le Bavaisis ou à Étrœungt. Six obédiences sont représentées en Sambre-Avesnois mais les adhérents les plus nombreux font partie de la famille philosophique du Grand Orient ou de la Grande Loge de France.

Le Temple de Maubeuge

La Grande Loge de France compte à Maubeuge deux loges ( « les Droits de L’homme » que nous avons déjà évoqué et dont le Vénérable Maitre actuel est Jean-Claude Lecat , et « les Amis de la Paix » auxquelles vient s’ajouter une troisième loge de Fourmies qui se réunit à Maubeuge («Universalité fraternelle »). Nous l’avons dit, la Grande Loge de France fut constituée en 1894-1895. Sa déclaration de principes, adoptée le 5 décembre 1955, résume l’esprit de l’obédience : « I. La GLDF travaille à la gloire du Grand Architecte de l’univers ; II. Conformément aux traditions de l’Ordre, trois Grandes Lumières sont placées sur l’autel des loges : l’équerre, le compas et un Livre de la Loi Sacrée. Les obligations des maçons sont prêtées sur ces trois Lumières ». Ses loges exclusivement masculines travaillent presque toutes au REAA ((Rite Écossais Ancien et Accepté).

Le Grand Orient compte, lui, une seule loge maubeugeoise «La Lumière du Hainaut », fondée il y a une vingtaine d’années. Le Grand Orient définit la franc-maçonnerie comme « une institution essentiellement philosophique, philanthropique et progressive » qui a pour objet « la recherche de la vérité, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité » et pour travail « l’amélioration matérielle et morale, le perfectionnement intellectuel et social de l’humanité ». Le rite français dans diverses variantes demeure prépondérant au sein de ses loges.

Toujours à Maubeuge une loge «Persévérence du Hainaut » est de l’obédience du Droit Humain dont l’article 1 de sa Constitution internationale précise : « […] composé de francs-maçons, hommes et femmes fraternellement unis, sans distinction d’ordre racial, ethnique, philosophique ou religieux, l’Ordre s’impose pour atteindre ce but une méthode rituelle et symbolique, grâce à laquelle ses membres édifient leur temple à la perfection et à la gloire de l’humanité. » Les loges de sa fédération française travaillent au REAA, « à la gloire du Grand Architecte » et / ou « au progrès de l’Humanité ».

Cette obédience est également présente à Houdain-lez-Bavay avec la « Constance du Hainaut ». Cette antenne maçonnique bavaisienne « Le Hainaut » invita le 13 avril 2020 Alain Sède (ancien président de la fédération française de l’Ordre maçonnique mixte international le Droit humain) à donner une conférence publique là la salle des fêtes sur le thème de la mixité dans la franc-maçonnerie. Il rappela ainsi que si la première initiée fut la journaliste Maria Deraismes, en 1892 avec le concours des membres d’une Loge de l’ouest parisien, il a fallu attendre 1893,pour que naisse la franc-maçonnerie mixte avec l’obédience du « droit humain », première obédience mixte dans le monde, qui rassemble aujourd’hui quelque 30 000 adhérents dont 20 000 environ pour la branche française.

Toujours à Houdain-lez-Bavay deux autres loges, l’une « les Pythagoriciens » est de l’obédience Grande Loge Traditionelle et Symbolique de l’Opéra. Celle-ci est née d’une scission avec la Grande Loge nationale française en 1958 devenant en 1982 la Grande Loge traditionnelle et symbolique dite « Opéra » (à Levallois-Perret). Son rite majoritaire est le RER (rite écossais rectifié). Sa particularité est de pratiquer une maçonnerie qui se veut traditionnelle tout en conservant des liens avec les autres obédiences françaises masculines. L’autre loge à Houdain est « le Ginkgo d’Or » de l’obédience Grande Loge mixte universelle. Celle-ci est issue de la scission en 1973 avec la Fédération française du « Droit humain » formant une nouvelle obédience mixte, la Grande Loge mixte universelle (1973), puis se transformant par scission de la précédente en Grande Loge mixte universelle (1982).

Signalons également à Etroeungt la loge «Solvitiur acris hiems » de l’obédience Grande Loge nationale française, obédience fondée en 1913 sous le nom de Grande Loge nationale indépendante et régulière pour la France et ses colonies. Ses ateliers sont inféodés à une autre tradition: la maçonnerie anglaise, qui fait référence à Dieu et au dogme de l’immortalité de l’âme. Elle est l’institution française de la franc-maçonnerie dite « régulière » largement majoritaire dans le monde. L’article 1 de sa règle est explicite : « La Franc-maçonnerie est une Fraternité initiatique qui a pour fondement traditionnel la foi en Dieu, Grand Architecte de l’univers. » Elle autorise la pratique de divers rites, notamment le REAA, le RER, le style émulation et le rite français.

Reste une absente dans ce paysage, c’est la Grande Loge Féminine de France, exclusivement féminine, et pourtant bien présente dans le Cambrésis et le Valenciennois voisins. Basée cité du Couvent, à Paris, la Grande Loge féminine de France est une obédience exclusivement féminine dont les ateliers reçoivent en visite les frères sous certaines conditions. La majorité travaille au REAA avec référence au Grand Architecte, même si la GLFF possède et pratique le rite français depuis 1973, et le RER (premier atelier en 1974). Elle fédère 14 000 sœurs. Elle a largement contribué à développer la franc-maçonnerie féminine en Europe et en Afrique francophone.