Les villes fortifiées de l’Avesnois

Le Quesnoy

Les remparts de Le Quesnoy

Le Quesnoy peut s’enorgueillir d’être aujourd’hui la deuxième ville de France après Carcassonne à avoir conservé ses fortifications en si bon état. Vue du ciel elle affiche clairement son statut de ville fortifiée.

Ses bastions recouverts de verdure se détachent nettement dans la partie sud-de la ville. De cinq sous Charles Quint, ils sont passés à huit sous Vauban. Cet homme de génie métamorphosa la ville : il y revint d’ailleurs plusieurs fois entre 1668 et 1673 pour s’assurer de la réalisation des travaux de la belle Quercitaine.

Deux promenades, « la promenade du bastion Vert et des Néo-zélandais » et « la promenade des bastions impériaux», au départ de la Porte du Fauroeulx et de l’office du tourisme  permettent de découvrir les principaux points d’intérêt de cette ville fortifiée : les bastions du Gard, Impérial, Royal et César, ainsi que tous les autres ouvrages : contre-garde, demi-lune ou tenaille…

La Porte du Fauroeulx ne date pas de Vauban, mais a été réaménagée en 1857 à la place d’une ancienne pour faciliter la circulation. Il en existe une seconde dite de Valenciennes située au Nord de la ville.

On peut lors de ses promenades découvrir le haut mur de la courtine entre le bastion Vert et le demi-bastion du Château et observer les boutis, qui permettent de faire tenir trois ou quatre épaisseurs de briques. Derrière ce demi-bastion, il y avait un château édifié par Baudouin IV, comte du Hainaut des le XII siècle. On peut continuer notre promenade le long d’une nouvelle courtine, vers le bastion du Gard où un jardin a été aménagé. A quinze mètres de hauteur du parapet de la courtine – auquel on accède par une poterne, apparaît une lagune aménagée, l’eau venant du seul étang non asséché sur les quatre qui entouraient la ville : l’étang du Pont Rouge alimenté par le canal de l’Ecaillon. Il vous reste encore à visiter  les galeries de contre-gardes, le bastion Royal au nord est de la ville et bien d’autres richesses architecturales que procure ce site exceptionnel.

Landrecies

Les fortifications médiévales
Les fortifications de Landrecies sont liées à la présence des seigneurs d’Avesnes.
Le site de Landrecies, traversé par la Sambre, constituait un point fort, passage obligé de routes mettant en communication l’Avesnois avec le Cambrésis et le Vermandois. Aussi, dès la fin du XI e siècle, fut érigé sur la rive gauche de la Sambre un donjon carré entouré d’eau, connu sous le nom de vieille tour
des Etoquies. Cette dernière contrôlait, à la corne de la forêt de Mormal, le franchissement de la rivière ainsi que la circulation en aval de Landrecies sur la route qui reliait les régions de la Thiérache du Nord et de la Haute Sambre à celle de la Sambre moyenne.
Une seconde étape fut franchie vers le milieu XII e siècle pour doter le fief de fortifications castrales périphériques à Trélon, Sassogne et Landrecies.
– Entre la Sambre et l’église paroissiale fut édifié un castrum de plan carré de 80 à 90 m environ de côté. Les courtines du castrum se développaient sur 80 m environ de longueur. Elles étaient renforcées aux angles par des tours rondes en forte saillie, à parois fortement talutées, percées de longues et fines archères. Le flanc nord possédait une tour supplémentaire occupant le milieu de la muraille. De ces tours, une seule, celle qui occupait l’angle sud-est du castrum subsiste.
– La ville basse formait à l’origine la basse cour du château et possédait pour unique moyen de défense un fossé noyé par les eaux de la Sambre.
– La ville haute comprenait une partie intensément bâtie qui s’étendait à l’est du château, formant un espace carré de 90 m de côté et une partie plus verdoyante et plus étroite de 60 m environ de largeur. Très vraisemblablement, l’agglomération n’était protégée à l’origine que par un très large fossé, de 23 à
25 m de largeur.
Ce n’est qu’au tout début du XIVe siècle que débute la construction des murailles urbaines et des portes en maçonnerie. Landrecies ne possédait que deux portes, l’une à l’entrée est, connue à l’époque sous le nom de « porte le Comte Guy » et l’autre, « la neuve porte », construite à la sortie de la ville basse. Dès cette époque, Landrecies avait atteint à l’est, à l’ouest et au nord les limites qui seraient celles, définitives, du corps de la place.
L’incendie de la ville en 1477, par les soldats de Louis XI, fut suivi d’une campagne de restauration et d’amélioration des fortifications urbaines. Les plus notables furent le remplacement des tours d’angle rondes par des tours carrées d’artillerie et le renforcement de la courtine la plus exposée, parallèle à la Sambre, par des terrées.

Les fortifications du XVIème siècle

Plan de Landrecies début XVI e siècle Gallica

Prise par les troupes du duc de Vendôme en 1521, Landrecies fit retour à l’Empire par le traité de Madrid. Dès juillet 1523 commença une campagne de nouveaux travaux qui marquèrent progressivement le passage à une fortification horizontale en renforçant les capacités du site à éloigner l’assaillant (construction d’un batardeau destiné à retenir les eaux des fossés, creusement sur le front nord d’un fossé régulier avec escarpe et contrescarpe…).
Néanmoins, les défenses étaient encore archaïques et hétéroclites lorsque la place fut prise en 1543 par François I er. Le roi fit alors appel à un ingénieur italien, Giralamo Marini, afin de pourvoir Landrecies de fortifications plus modernes. Mais, parant au plus pressé, les travaux de bastionnement des murs
se firent hâtivement.
Rendue à son propriétaire Philippe de Croÿ, par le traité de Crépy-en-Laonnais, Landrecies fut cédée en 1545 à Charles Quint qui fit de celle-ci « le sûr rempart du Hainaut » : fossés élargis, approfondis et réguliers, courtines terrassées plus épaisses et revêtues, cinq bastions assez réguliers à orillons plats, portes ouvertes dans les fronts est et ouest.


Les innovations du XVIIème siècle
Sous la domination espagnole, les améliorations notables du corps de la place portèrent sur les dehors (construction de demi- lunes, de petits bastions, …).
Prise par les troupes du cardinal de la Valette en 1637, Landrecies allait rester française pendant dix ans. Les défenses de la place furent alors reconsidérées et exécutées selon les principes du chevalier Antoine Deville chargé de fortifier les villes cédées à la France. L’effort porta principalement sur les dehors. La ville basse, complètement détruite en 1637, fut quasiment abandonnée.
Reprise par Turenne et la Ferté en 1655, Landrecies devint définitivement française par le traité des Pyrénées en 1659. Des travaux furent exécutés de 1667 à 1688 selon les vues et les principes de Vauban. La mise en eau des fossés et l’inondation tendue autour de la place furent nettement améliorées.

Le démantèlement
Malgré la leçon donnée par le siège de 1712 et la résistance de Landrecies qui permit la victoire de Villars à Denain, malgré les rapports rédigés par plusieurs ingénieurs militaires, les défenses de « Vauban » restèrent quasiment inchangées jusqu’au XIXème siècle.
Devenue « un bijou archaïque », la place fut déclassée en 1894 et le démantèlement commença en mai 1895. Malheureusement, les projets de la municipalité furent en grande partie anéantis par la première guerre mondiale. En 1918, il ne s’agissait plus de créer de nouveaux quartiers mais de rebâtir tous les édifices publics bombardés et de relever de ses ruines une ville exsangue.
Malgré ces destructions, Landrecies a conservé son aspect d’ancienne ville de garnison. Quelques constructions rappellent le passé militaire de la cité : la tour du château, la caserne Clarke et la caserne Biron.
(Extrait : Évolution des fortifications de Landrecies. J.-L. BOUCLY)

Avesnes-sur-Helpe

Le Bastion Saint Jean d’Avesnes-sur-Helpe

Avesnes-sur-Helpe a beaucoup de charme et de cachet, ses hauteurs se découpant dans un paysage de bocage et  les pierres bleues de ses courtines répondant harmonieusement aux maisons de pierre et de briques couvertes d’ardoises. Vauban jugeait ses murailles des plus belles et des mieux entretenues.

La ville a toujours été une place forte. Juchée sur des plateaux escarpés, elle domine le cours de l’Helpe et possède des fortifications depuis le début du Moyen-âge, notamment lorsque le seigneur des lieux, Wédric le Barbu édifia une tour au XIe siècle. Il s’agissait d’une grosse tour dont les fouilles effectuées au milieu des années 1970 ont permis d’en déterminer les dimensions :20 m x 17 m. Elle avait deux ou peut-être trois étages. Le rez-de-chaussée servait de grenier et de magasin; au-dessus se trouvaient le logis et la salle commune; et plus haut encore les chambres avec la salle de guet. Pas de porte au rez-de-chaussée : on accédait au premier étage par une passerelle en plan incliné (source : Camille Enlart : Manuel d’archéologie française). Ce donjon couronnait le rocher sur lequel fut édifié par la suite la prison, laquelle existait encore dans les années 1970. An nord de la tour, c’était le roc abrupt, à l’ouest un ravinement qu’emprunte de nos jours la rue Léo Lagrange dite Grand’Rue. Ailleurs, elle était protégée par un fossé at au delà, sur une levée de terre, une palissade en planches solidement attachées formait l’enceinte. Ce château n’était pas en fait une résidence seigneuriale à proprement parler mais un ouvrage de fortifications. Les textes du XI e siècle qualifient Avesnes de Castellum ou de castra.

Gossuin d’Oisy, neveu de Thierry lui même fils de Wédric le Barbu améliora non seulement les fortifications du château mais établit une seconde enceinte renfermant et protégeant les maisons de la ville. Il est ainsi le premier à avoir créé les remparts d’Avesnes. Il étendit son château qui devint une résidence féodale comprenant avec le donjon, des dépendances, une « basse-cour » c’est à dire une esplanade qui deviendra par la suite la Petite Place, berceau de la cité. Il existait des communs, des écuries, une caserne, une prison, des logements et sans doute une chapelle (Dechelette manuel d’Archéologie). Le mur d’enceinte forma alors une ceinture autour de toutes les habitations, groupées elles-mêmes autour du château et de l’église. Gossuin fit bâtir, nous l’avons dit, un donjon c’est à dire une tour, qu’il ne faut pas confondre avec celle édifiée par Wédric quarante ans plus tôt et qui existait encore. On peut donc imaginer que cette grosse tour fut l’une des tours d’angle des fortifications et peut-être celle qui deviendra la tour St Jean dont les proportions permirent à une partie de la population d’y trouver refuge lors des guerres du moyen-âge. On peut ainsi supposer qu’il existait plusieurs tours et que la ville formait alors un véritable quadrilatère, borné par le donjon d’une part et la Tour St Jean (sur l’actuel emplacement du jardin du presbytère) et d’autre part une enceinte supposée se trouvant derrière l’église et allant rejoindre une autre tour dont les vestiges existaient encore autrefois vers les Petits Degrés. Vers le nord, le rempart épousait le rocher, depuis le ravin de la Grand’Rue jusqu’à la Grimpette du Couvent, bordé par un chemin de ronde qui devint par la suite la ruelle Flajolet. Puis il contournait l’église et la Grand’Place pour venir rejoindre la Grand’Rue aux Petits degrés. Telle était vraisemblablement la première enceinte de la ville.

Le comte de Penthièvre, Olivier de Bretagne, seigneur d’Avesnes, songea en début du XV e siècle à sécuriser la ville. Il obtint de la comtesse du Hainaut Jacqueline de Bavière des lettres d’octroi pour lever, dans toute l’étendue de la terre d’Avesnes , pendant six ans à compter du jour de la purification 1422 six deniers au lot de vin ou de bière, avec affectation du produit aux fortifications du chef-lieu de la seigneurie. Ainsi l’enceinte fut considérablement élargie. Au nord, elle dépassait l’Helpe pour englober la basse ville, quartier regroupant l’hôpital et bientôt deux couvents, dont l’un, celui des sœurs grises (plus tard les Recollectines) fut fondé en 1434 par Quentine de Jauche, dame de Mastaing, pour le service de l’Hôpital, et l’autre, celui des Cordeliers (plus tard les Recollets) fondé par la même dame en 1460 sous l’invocation de Saint Bernardin. L’enceinte comportait cinq portes : celle d’Enghien ou du Mauvinage (porte de Mons), celle des Demoiselles (porte de France), la porte Cambrésiene, la porte du Crochet, à l’extrémité de la rue Ste Croix, et une autre porte vers les prairies marécageuses qui ont donné leur nom à la rue des Près.

La lutte de Louis XI contre le Téméraire créant une lourde menace pour le Hainaut, Isabeau de la Tour, agissant comme tutrice de sa fille Françoise de Bretagne (nièce d’Olivier), fit lever un impôt, dit maltote, sur le vins, brassins et breuvages consommés en la ville d’Avesnes, impôt affecté aux fortifications. Cela n’empêcha pas Louis XI de prendre Avesnes le 11 juin 1477. La ville fut arasée avec ses remparts. Les tours avaient été démolies, les murailles abattues, les fossés comblés. En 1490, nouveau désastre. les français s’emparèrent à nouveau de la ville, la pillant et la brûlant.

Cependant en 1502 le seigneur d’Avesnes Charles de Croÿ fit remettre la ville en état de défense, l’enceinte étant reconstruite et les portes rétablies. Un homme était alors chargé d’aller ouvrir les portes le matin et de les fermer le soir, accompagné par le mayeur et le massard, représentant la commune (Michaux, Chronologie des seigneurs d’Avesnes).

C’est en ce début du XVI e siècle que le duc de Croÿ fit bâtir six bastions à oreillons complétés par des galeries de contre-mine. De cette époque a survécu le bastion de la Reine que Vauban doubla dès le début de ses travaux en 1673.

Plan d’Avesnes XVI e siècle (Plan de Guichemin vers 1575) Gallica

Ce plan est remarquable car tout est reproduit dans le moindre détail (configuration du terrain, des rues, le château et sa tour, les couvents, les chapelles St Jean, Ste Madeleine, Ste Marguerite, St Michel, le terrain vague de la Sottière, les Grands et Petits Degrés, même la Cour du Seigneur).

Ses travaux furent impressionnants avec une redéfinition des ouvrages détachés, un renfort de la garnison de casernes et de poudrières, le perforage de nouvelles portes et la création du Pont-des-Dames. Ce pont écluse à quatre vannes permit de réguler le cours de l’Helpe et de tendre des inondations défensives.

Un mémoire instructif sur la ville d’Avesnes et ses fortifications d’octobre 1742 nous permet de connaitre plus en détail ses remparts.

Ainsi, « Avesnes est fermé par 6 Bastions, dont 4 ont à leur gorge un cavalier ; elle a 5 courtines droites et une brisée, revêtues de maçonnerie commune ; il y a des demi-lunes aussi devant toutes les courtines, dont trois ont des réduits, et 2 bastions sont couverts chacun d’une contre-garde, et à la porte de Mons (35), sur la face droite de la contre- garde (!o), une petite demi-lune coupée avec un réduit
pour couvrir la porte et un autre réduit crénelé à la tête du pont de la porte de France (44). Tous les ouvrages ci- dessus sont environnés de leurs fossés, dont les deux tiers sont secs et l’autre plein d’eau, et garnis dans leur pourtour d’un chemin couvert ; toutes ces pièces de même que les contrescarpes, parapets intérieurs du corps de la place et celui du chemin couvert sont revêtues de maçonnerie.

Il y a deux lunettes et une redoute aussi revêtues de maçonnerie, dont les deux lunettes sont fermées par un avant-chemin couvert faisant front au village d’Avesnelles. La redoute qui est carrée est à la sortie des eaux ; elle n’est
environnée seulement que de la rivière d’un côté.

Il n’y a que le bastion (3) appelé la reine, qui est contre-miné ; tous les autres bastions et demi-lunes ne le sont point, non plus que les chemins couverts.

Le rempart du corps de la place, est fort étroit ; il est appuyé dans son pourtour des maisons bourgeoises, ce qui fait qu’on ne peut faire dans un besoin aucune manœuvre derrière ce rempart ». Source Archives de la Section Technique du Génie Art. 8, Carton 1, N° 17, Avesnes.

Après le déclassement en 1873, la ville oublia son passé militaire. Les remparts restent cependant très présents. Le Bastion royal porte la sous-préfecture et le bastion Saint-Jean restauré en 2006 est le prétexte à la promenade.

Maubeuge

Les fortifications de Maubeuge

Maubeuge, assise sur un coteau culminant à plus de 20 mètres, laisse découvrir ses fortifications qui ne furent sauvées que de justesse.

En 1677 les Espagnols en quittant la ville détruisirent ses fortifications. Vauban ne souhaitait pas inclure Maubeuge dans le Pré Carré. C’est à la demande des Chanoinesses auprès de Louis XIV que la ville fut fortifiée, servant de rempart à la vallée de la Sambre en fermant la frontière entre Le Quesnoy et Philippeville. Vauban fit table rase du passé : tous les vestiges des fortifications précédentes furent rasés. Vauban fit alors établir des lignes de remparts imposants, hauts d’une dizaine de mètres, flanqués de sept bastions à oreillons. Une ceinture de demi-lunes cernée de fosses renforçât l’ensemble. La construction s’effectua en un temps record de 1679 à 1685. Vauban modifia également le passage de la Sambre pour ses nouvelles fortifications qui furent une véritable réussite.

Jusqu’en 1914 la place forte de Maubeuge était considérée comme une place forte de 2 ème classe. Détruite à 98 % pendant la première Guerre mondiale la ville conserva cependant ses fortifications. A partir des années 1920 commença le démantèlement qui s’arrêta lorsque la menace de la Seconde Guerre mondiale devint une réalité. Malheureusement, le mal était fait : toute la partie sud de l’enceinte (la rive Limite de la Sambre) avait disparue.

On peut néanmoins parcourir le chemin couvert et le fossé de la demi-lune. Les cavaliers, les arrondis, les obliques et saillants des murailles offrent de superbes perspectives. Il faut également admirer la Dame de garde avec son chapeau chinois, cet obstacle massif en forme de tourelle, posé au dessus d’un batardeau pour empêcher le passage de l’assiégeant.

Source : Extraits du Hors Série Pays du Nord Année 2007 : Vauban Balades sur les traces d’un homme de Génie