Les associations professionnelles, toutes formées en confréries ont marqué profondément l’histoire des petites villes du Hainaut sous l’ancien régime. Avesnes n’échappa pas à la règle. A l’origine, c’est l’habitude de se réunir pour des exercices religieux qui amena à la constitution de ces sociétés locales. Ces « communautés » exclusivement professionnelles, étaient fort puissantes au XVII e et au début du XVIII e siècle. Ces confréries vont nous permettre de nous faire une idée de ce qu’était la vie corporative avant la Révolution.
Les Confréries du Saint-Esprit et de Saint-Sébastien
La première réunissait les tireurs à l’arbalète, la seconde les tireurs à l’arc. L’arbalète différait de l’arc en ce qu’elle était composée d’une verge d’acier, bandée à l’aide dune fourche, ou crochet, montée sur un fût qui recevait le trait.
Les confrères du Saint-Esprit recevaient de la ville 20 livres par an pour faire l’exercice chaque quinzaine. Les confrères de Saint-Sébastien recevaient la même somme (Mémoires de la Société archéologique et historique de l’arrondissement d’Avesnes Tome XVII Peltrisot : « les Perruquiers d’Avesnes au XVIII e siècle ».)
Les souverains, comme les autorités communales, encourageaient, en effet, ces sociétés qui, non seulement entrainaient la jeunesse au maniement des armes, mais qui formaient en quelque sorte, des milices bourgeoises, chargées le cas échéant, de monter la garde aux remparts et même de défendre les villes aux cotes des troupes régulières. Ainsi, à partir de 1453, l’ancienne Place des Polies qui servait auparavant aux drapiers pour le séchage de leurs étoffes, fut mise à la disposition de la confrérie du St-esprit pour servir de terrain d’exercice au tir à l’arbalète.
La confrérie du Saint-Esprit a laissé la trace d’un de ses exploits dans les annales de la ville.
Après avoir déjà participé en 1393 à un concours organisé à Tournai, elle obtint avec ses 9 tireurs en 1455 dans cette même ville le quatrième prix qui consista en « deux pots d’argent pesant 4 marcs » et une coupe en argent marquée aux armes de France et de St Georges. La compétition regroupait 553 tireurs venus de 53 villes différentes (Michaux Chronologie de Seigneurs d’Avesnes p 324)
Les deux confréries tombèrent cependant bientôt en décadence, le progrès des armes à feu donnant la première place aux arquebusiers. A la fin du XVIIe siècle, il n’y avait plus de confrères du Saint-Esprit. Le jardin des arbalétriers se trouvait derrière le couvent des Récollectines, entre l’ancien abattoir et le rempart de la porte de Mons.
Quant à la confrérie de Saint-Sébastien, elle survécut à grand peine jusqu’en 1747, date à laquelle il ne restait qu’un seul confrère, chargé de l’entretien de la chapelle à l’église. Aussi, il demanda et obtint la fusion de sa confrérie avec celle des arquebusiers.
Avant l’incendie de 2021, un tableau dans la chapelle St Nicolas rappelait cette fusion avec la représentation de Saint-Sébastien et de Saint Jean- Baptiste.
La Confrérie de Saint-Jean-Baptiste
Elle regroupait les arquebusiers et fut établie par lettres patentes de Charles-Quint. Son premier exploit que nous connaissions, remonte à 1602. A cette date, fut organisé, un concours à La Haye, où la confrérie d’Avesnes remporta le premier prix.
Un siècle plus tard, en 1725, à Cambrai, devant un congrès d’ambassadeurs qui devait ménager la paix avec l’Espagne, elle obtenait encore un prix.
Son règlement nous a été conservé (1) : Composée d’un certain nombre de confrères, 36 vers le milieu du XVII e siècle, 14 au XVIII e, tous pris dans la haute bourgeoisie, elle était dirigée par un Roi, celui qui « avait réussi à abattre l’oiseau », par un maitre ou capitaine, qui convoquait aux assemblées et gérait le revenu de la chapelle de Saint-Jean-Baptiste, et par un connétable, chargé de l’entretien du local et du jardin où les confrères s’exerçaient au tir. Le chevalier de l’arquebuse portait un uniforme, habit et doublure écarlate uni, boutons à 6 lames d’or, veste et culotte noires, chapeau uni et cocarde blanche.
Pour être admis dans la confrérie, il fallait témoigner de sa « prud’homie et de son honnêteté ». Le candidat était élu par les confrères et payait un droit d’entrée de 12 livres. Le dernier confrère admis portait le drapeau de la société dans les cérémonies. Celles-ci, nombreuses, avaient à la fois un caractère religieux et laïque. La veille de la Saint-Jean-Baptiste, les confrères allaient chercher le roi en sa maison et l’on se rendait aux vêpres en grande pompe. Marchait en tète, derrière le tambour, le roi, portant le collier de la confrérie, et ayant à sa droite le chapelain ; puis l’empereur, lorsqu’il y en avait un. L’empereur était celui qui avait eu la chance d’abattre l’oiseau trois années de suite. Enfin, marchaient le maitre et le connétable, puis les confrères. Apres le Magnificat, la confrérie sortait de l’église, prenait les armes et s’en allait, toujours avec la même pompe, présenter l’arquebuse au commandant de la place, pour se rendre ensuite au local de la confrérie, où il avait le privilège de tirer le premier coup.
Au local, le roi remettait son collier au maitre, se démettant ainsi de ses fonctions au profit de celui qui se révélera le meilleur tireur. On faisait publier un ban « pour que chacun se retire de l’endroit où l’on doit tirer » ; et chacun doit crier « Gare ! » avant de tirer lui-même, sous peine d’une amende de 10 patars. Tirent dans l’ordre, le commandant, le roi, le maitre, le connétable et les confrères. Il y avait une dignité secondaire : celui qui abattait « une partie de l’oiseau » était proclamé roi de quinzaine. Si l’oiseau entier était abattu, le chapelain remettait le collier au nouveau roi ; sinon on recommençait l’expérience le lendemain ou même les jours suivants, si besoin était (2).
Qu’était-ce au juste ce collier ? Un inventaire de 1685 nous l’apprend : c’était une chaine d’argent, à laquelle étaient suspendus un oiseau de vermeil, une statuette de Saint-Jean-Baptiste, patron et un certain nombre de médailles, une par année de la confrérie, pour commémorer la nomination de chaque roi. Le collier dont il est question en 1685, comportait ainsi des médailles, dont la plus ancienne était celle du roi Jean Bouly, en 1629.
Après le tir, les confrères reconduisaient le Roi chez lui ; et il célébrait sa royauté par un repas qu’il offrait à ses confrères. Le lendemain, jour de la St-Jean, les confrères s’assemblaient à 8 heures du matin chez le Roi, lui remettent son prix, ainsi qu’une somme de 3o patars chacun. On faisait l’inventaire du collier, et le Roi y ajoutait sa médaille personnelle. Apres quoi, et toujours en cérémonie, on se rendait pour la grand’messe et la procession.
Le même jour, à 2 heures, nouvelle réunion chez le Roi pour aller aux vêpres. Le soir, à leur tour, les confrères offraient au Roi un repas, tout le monde pouvant y amener des amis ; mais les dames n’étaient pas admises.
Ce n’est pas tout. Le lendemain, on se rendait de nouveau à l’église à 7 heures, pour un obit chanté à la mémoire des membres defunts. Apres quoi, en la Chapelle St-Jean-Baptiste, le chapelain remettait ses comptes. Il y avait des jetons de présence. On trouve chaque année dans les registres de comptes des indications comme celle-ci : « A MM. les confrères, pour leur droit d’audition du présent compte… 22 livres… A MM. les confrères, pour leurs droits ordinaires du jour de la dédicace, de la décollation de St-Jean-Baptiste et du jour du vénérable St-Sacrement… 26 livres… ».
Mais il y avait aussi des amendes qui s’appliquaient aux confrères qui manquaient aux offices. II en coûtait 10 patars de s’abstenir des messes ou vêpres de la confrérie. Et les offices de la St-Jean n’étaient pas les seuls où les arquebusiers devaient participer en corps.
Le dimanche dans l’octave de la St-Jean, ils devaient aller avec, le cérémonial accoutumé à la messe et à l’offrande. La veille de la dédicace (ducasse) c’étaient les vêpres. Le jour de la ducasse, c’était la messe et la procession. Le jour de la Décollation de St-Jean-Baptiste, le jour de la St-Jean l’Evangéliste, le jour de la St-Etienne, même assistance imposée à la messe. A cette dernière fête, les confrères faisaient distribuer des pains blancs dans l’église… coût : 4 livres, disaient les comptes. Et il y avait encore les funérailles des confrères, les trois processions de la Fête-Dieu et celle de l’Assomption, où l’on payait des porteurs pour promener la statue de St-Jean-Baptiste (18 sols)…
Les recettes de la confrérie consistaient en rentes sur maisons et jardins de la ville et des alentours, ainsi qu’en dons divers. En 1685, un confrère Pierre-Paul Orphée, faisait don de 50 écus à la suite d’un vœu qu’il avait fait au cours d’une grave maladie. La somme servit à l’achat d’une statue de St-Jean en argent pour la chapelle et partiellement à la construction d’une « chambre des arquebusiers » à l’extrémité de leur jardin. Tout confère qui se mariait devait payer 6 livres à la confrérie.
Les dépenses consistaient à payer les offices avec « contrepoint et musique « les messes pour les confrères défunts (3 messes par semaine à 12 sols chacune). Il fallait en outre entretenir la chapelle St Jean et le banc des confrères, acheter les ornements, les objets du culte, etc…Cette chapelle de St-Jean-Baptiste se trouvait à l’église entre le chœur et la chapelle St-Nicolas. Elle fut supprimée en 1748, de même que la chapelle de St-Eloi qui lui faisait pendant, et ce afin d’embellir l’église. Les confrères émigrèrent alors dans la chapelle de St-Nicolas.
Il y avait encore les dépenses de personnel. La confrérie avait un tambour. Elle avait aussi un huissier, qui était en 1699 un sieur Dousies, chargé de porter les plis et convocations. Il portait d’ailleurs un uniforme : capote de drap rouge avec aiguillettes, frange et arquebuse. Enfin, les dépenses s’appliquaient à l’entretien du local.
Où était situé ce local ? Un plan de 1772 le situe exactement. Le jardin des confrères longeait au sud la ruelle Flajolet, par laquelle on y accédait. II comportait une triple allée. La première, contre la ruelle, et « était auparavant le jardin de Daniel Cornil Farel » la seconde a qui a toujours servi pour tirer au fusil » ; et la troisième parallèle aux deux autres, qui comportait un jeu de quilles. Le jardin devait donc se trouver sur l’emplacement actuel du couvent de Ste-Thérèse. A l’extrémité de ces allées, sur le rempart, un bâtiment avait été édifié en 1685 : c’était la « chambre » des confrères, où se tenaient toutes leurs réunions. La porte du jardin donnait sur la ruelle Flajolet, vers l’endroit où celle-ci rejoignait la rue des Lombards. En 1747, le sieur Pillot, membre de la confrérie, se fit autoriser à percer une porte « au coin du mur, de côté de la ruelle, pour aller du jardin à la brasserie qu’il avait fait bâtir, rue Ste-Croix, à laquelle ne pouvant aussi aboutir qu’au moyen d’un pont de bois qu’il nous a requis lui permettre de construire sur une muraille dépendant de notre jardin, pour entrer par la fenêtre du grenier de la dite brasserie ».
La confrérie de St-Jean était assez aristocratique. Parmi ses « maitres », on relève des noms connus : Philippe Jean d’Anneux, prince de Barbencon (1718), Antoine Francois Bady, seigneur de Dourlers, grand bailli de la terre d’Avesnes(1716) ; les Pillot, les Gossuin, etc… Parmi les « rois de l’oiseau » : les Diesme, les Pillot, les Guillain, les Pasqual les de Parèdes. Cependant les charges civiques qui frappaient les confrères étaient lourdes. On a vu que les chevaliers de l’arquebuse montaient la garde aux remparts, concurremment avec la troupe (3). Il arriva parfois qu’Avesnes fut privée de garnison, comme ce fut le cas en 1746. Et les confrères de St-Jean-Baptiste durent assurer le service de la place « en qualité de capitaines de la bourgeoisie », assurer le guet, garder les portes de Mons et de France. Aussi tinrent-ils à consigner l’événement sur leurs registres : « Afin que la postérité ne révoque point les faits en doute, la Compagnie a jugé nécessaire de les insérer sur son registre de délibérations ». Voila qui est fait : la postérité leur rendra hommage.
Parce qu’aristocratique, la compagnie des arquebusiers fut assez fermée. Le candidat, après avoir donné des gages de sa « prudhomie », devait prêter le serment de fidélité au Roi et jurer de respecter les statuts. En cas de manquement aux règlements, l’exclusion était prononcée. Cette clause joua le 2 Août 1715 contre un sieur Lheureux. Ses confrères l’avaient chargé d’aller demander à M. de Montaut, lieutenant de Roi, les drapeaux du régiment de Monroux qui venait d’être dissous. Ces drapeaux devaient orner la chapelle de St-Jean-Baptiste ; c’est à cette fin qu’ils avaient été accordés à la confrérie. Les arquebusiers avaient décidé d’aller en corps remercier le lieutenant de Roi et d’aller prendre les drapeaux le lendemain, qui était la veille de la ducasse. Or, le sieur Lheureux, qui voulait que la cérémonie se fit incontinent, s’emporta et alla raconter à M. de Montaut, que les confrères ne tenaient pas du tout aux drapeaux, qu’ils voulaient les faire prendre par des valets ; à la suite de quoi il alla les offrir avec le lieutenant de Roi, au doyen Lecomte qui les accepta pour son Eglise Les confrères irrités de cette imposture, désolés que leur chapelle fut frustrée des drapeaux qui lui avaient été promis, décidèrent à l’unanimité d’exclure Lheureux de leur compagnie.
En récompense des services rendus, les chevaliers de l’arquebuse posse laient quelques privilèges. Par lettres, patentes de décembre 1715, le Roi avait accordé au capitaine, sa vie durant, et à celui qui aurait abattu l’oiseau, pendant l’année, l’exemption des droits sur 4 pièces de vin et 2 brassins de forte bière, outre l’exemption du logement des gens de guerre. Ce privilège provoqua des discussions, des incidents et des procès pendant tout le XVIII siècle (4). D’abord on discuta pour savoir si l’exemption s’appliquait aux droits d’octroi. Puis, le capitaine et le « roi de l’oiseau » profitèrent de leur privilège pour revendre le vin et la biere qu’ils avaient sans impôt ; ils prétendaient pouvoir le faire, disait-ils, au même titre que le maitre des postes ou celui de la maréchaussée. Mais le fermier des domaines ne l’entendait pas ainsi. On plaida, on fit de la procédure ; et il semble bien que les arquebusiers aient du finalement payer.
Les chevaliers de l’arquebuse persistèrent jusqu’à la Révolution. Ils payaient chaque année, le 10 Juillet, 11 livres 3 sols de Hainaut de rente sur le pavillon et le jardin servant à leurs exercices. Cette rente fut payée jusques et y compris 1791, mais cette dernière année en assignats (5).
On peut dire que la confrérie de Saint-Jean-Baptiste d’Avesnes fut renommée en son temps. Elle reçut des invitations pour participer à des concours dans la France entière. Parmi ces invitations qui ont été conservées, on trouve celle de la Compagnie de Meaux (1717), où les arquebusiers avesnois remportèrent le prix, de Compiègne (1729), de la Ferté sous Jouarre (1766). Malheureusement les avesnois ne purent se rendre dans cette dernière ville en raison de la maladie, de l’absence de plusieurs membres, et surtout des obligations militaires qui leur incombaient (6).
(1) Bibliothèque municipale d’Avesnes-sur-Helpe : Règlements faits entre messieurs les chevaliers de l’Arquebuze, confrères sous la protection de S. Jean-Baptiste de la ville d’Avesnes*. 3 février 1715.
(2) Bibliothèque municipale d’Avesnes-sur-Helpe : Registre des réceptions de messieurs les confrères de l’Arquebuze sous la protection de S. Jean-Baptiste de la ville d’Avesnes*. XVIIIe s.
(3) Le fait était normal en temps de guerre, exceptionnel en temps de paix.
(4) Un arrêt du 10 septembre 1716 avait supprimé le privilège sur une plainte de la Municipalité. (Arch. Nat. E – 1986). Il semble cependant qu’il ait été rétabli par la suite, car on discuta là-dessus jusqu’à la Révolution.
(5) Registre des pauvres d’Avesnes folio 4.
(6) Archives de la Société d’Archéologie.
La Confrérie des Orfèvres
Au XV e siècle les orfèvres d’Avesnes constituaient une corporation importante sous le vocable de St Eloi. Ils avaient une marque à eux, figurée par une bêche (cf A. Dinaux Arch Historiques et littéraires 3è série, tome VI). Un siècle plus tard, après le traité des Pyrénées, il ne restait dans la ville qu’un seul orfèvre, nommé Lermuzeau.
Pour rappel, Éloi de Noyon (v. 588 – 1er décembre 660), devint contrôleur des mines et métaux, maître des monnaies, grand argentier du royaume de Clotaire II, puis trésorier de Dagobert Ier avant d’être élu évêque de Noyon en 641.
La Confrérie de St Crépin et St Crépinien
Les cordonniers d’Avesnes étaient constitués de longue date en corporation et en confrérie sous le vocable de St Crépin et de St Crépinien. Ils s étaient protégés par un règlement que le prévôt, le mayeur et les jurés avaient établi le 5 Novembre 1599. Cependant, bien avant cette date, les usages existaient ; et tel cordonnier qui allait acheter des « solers » au dehors pour les revendre en ville était poursuivi devant le Magistrat. De même, celui qui utilisait les cuirs d’empeigne, « non marqués au bon fer » (Livre Rouge d’Avesnes). Pour travailler le cuir et vendre des chaussures, il y avait avantage à s’affilier à la confrérie, en payant un droit d’entrée, au profit de la chapelle Saint-Crépin et Saint-Crépinien l’église (c’est la chapelle actuelle des fonts-baptismaux). Le droit était de 6 livres les cordonniers et corroyeurs, et de 4 livres 10 sous pour les savetiers. Cependant, ceux qui ne faisaient pas partie de la confrérie étaient tenus de payer un droit annuel pour la décoration de la chapelle : 40 sous pour les cordonniers, 20 sous pour les savetiers. Mais ceci ne s’appliquait qu’aux maitres ; les apprentis payaient une redevance unique de 20 sous. Quant aux marchands de « souliers de bois », ils étaient taxés annuellement à 40 sous. Le sabot tenait donc le haut du pavé.
Les confrères tenaient la main au paiement de ces redevances, qui étaient acquittées « de temps immémorial par maitres, apprentis et marchands ». Car leur chapelle n’avait pas d’autres ressources, à part, quelques maigres rentes. Et les confrères exposent dans les procédures qu’ils engagent contre des artisans récalcitrants « qu’il ne convient pas de causer un déshonneur à l’église » en laissant la chapelle sans ornements.
Au début du XVIII e siècle, la confrérie avait recu du pape des ossements des deux saints patrons. Mais il fallait pour le bien les faire enchâsser, et les cordonniers ne pouvaient faire face à la dépense. Ils adressaient un placet au Magistrat de la ville pour que celle-ci subvînt partiellement aux frais ; mais il ne semble pas que cette requête ait été couronnée de succès. Cette corporation, comme toutes les autres, tombait en effet en décadence à cette époque. Toute l’armature sociale qu’on avait édifiée au moyen-âge était en train de s’effondrer. Chacun entend exercer librement sa profession, et beaucoup d’artisans refusent de s’affilier à la confrérie. Les maitres-cordonniers engagent des procès, en s’appuyant sur les règlements approuvés en 1599, contre les isolés qui entendent conserver leur indépendance. « Vos usages, répondent ceux-ci, n’ont pas force de loi ; vos réclamations de droits d’entrée et de redevances sont une vexation odieuse » « Vous parlez de la décoration de votre chapelle ; mais en réalité les fonds que vous recueillez servent uniquement à la buvette de la confrérie »… Chose curieuse, les tribunaux ne sanctionnent plus les vieux règlements. Par décision du 26 Janvier 1729, les maitres-cordonniers d’Avesnes sont déboutés de leur demande et condamnés aux dépens (Mémoire des maitres-cordonniers d’Avesnes Arch Sté d’Archéologie). Leur monopole avait vécu.
La Confrérie de St-Michel
Elle groupait les marchands graissiers, ciriers, et merciers. Abandonnée à la fin du XVIe elle fut par ordonnance du Magistrat en date du 11 Décembre 1711, reconstituée conformément à ses anciens statuts.
La Confrérie de St-Arnould
Saint-Arnould, évêque de Soissons, que l’on représente, comme Gambrinus, auprès d’un tonneau est le patron des brasseurs. Ceux-ci groupés à Avesnes en confrérie sous son vocable, avaient le privilège de vendre la bière. Tous ceux qui « faisaient trafic de bière » étaient obligés de payer à la confrérie des « cambiers », comme on disait autrefois, une indemnité annuelle de 8 livres. Les règlements étaient très anciens, mais les titres avaient disparu, dans l’incendie de la ville en 1514. Aussi lorsqu’au début du XVIII° siècle, les cambiers voulurent faire valoir leurs droits, ils durent s’appuyer uniquement sur les «usages» « nul n’ignorant qu’il n’y a pas de ville en Hainaut dans laquelle il n’y ait une confrérie pour chacun des arts et métiers, dont les règlements sont perpétuellement observés, et qui ne sont fondés que sur des usages anciens qui ont force de loi… » Et on les vit dans leurs litiges invoquer l’autorité de Solon et de Numa Pompilius ! Ce qui était un peu audacieux pour des usages relatifs à la fabrication de la bière ! Aussi, après avoir plaidé au parlement de Metz, les confrères de Saint-Arnould perdirent leur procès. C’était en 1727, et la corporation était déjà en décadence (Mémoire Faussadry Archives Sté d’Archéologie)
La Confrérie de St-Jacques et St-Philippe
C’était la confrérie des « toiliers ». Elle fusionna avec la confrérie de N.-D. de Bonsecours. Elle avait pour privilège de percevoir la somme de 8 livres au profit de sa chapelle pour chaque personne du pays ou de l’étranger qui venait vendre à Avesnes des toiles grosses ou fines, ainsi que toutes autres marchandises en toile. Ce privilège fut confirmé avec ses statuts par le Grand Bailli de Hainaut le 26 Juin 1635 (Mémoire Faussadry Archives Sté d’Archéologie). Le règlement de la confrérie prévoyait le serment prêté par les confrères et le paiement d’un droit d’entrée de 6o sols, moitié au profit de la chapelle, moitié au profit de la confrérie. Les confrères étaient tenus à l’assistance aux processions, offices, assemblées, recréations et solennités sous peine dune amende. Un « maitre était élu en la fête de Saint-Philippe et Saint-Jacques pour gérer les biens de la corporation.
Conclusion : une vie corporative en déliquescence à la fin du XVIII e siècle
Malgré la paix, les artisans d’Avesnes n’avaient pas su reprendre la place qui était la leur avant la conquête française. Les petites industries locales vivotaient et tendaient à disparaitre les unes après les autres. La vie artisanale et commerciale fut alors caractérisée par la perte de son identité culturelle, engendrant la disparition des confréries locales.
La crise qui frappait ces industries atteignait surtout les textiles. Les petites fabriques de serges et de casées ne comptaient plus en 1779 que 8 métiers qui occupaient 8o personnes. Ces artisans fabriquaient annuellement 400 pièces dune valeur totale de 28.000 livres. On ressentait alors lourdement la concurrence des casées de Thuin qui se vendaient moins cher. A la veille de la Révolution, la production était tombée de moitié, et il restait en ville 2 ateliers et 6 tisseurs. D’autre part, la laine filée à la campagne était apportée pour la fabrication des bas. Toujours en 1779, Avesnes possédait 2 métiers qui produisaient chacun 9 paires de bas par semaine, à 30 sous la paire. La laine permettait aussi la fabrication de gros gants appelés moufles et qui se vendaient 20 sous la paire. Ajoutons une petite fabrique de chapeaux qui appartenait à un maitre fabricant, aidé d’un seul ouvrier, et qui faisait pour 22.000 livres d’affaires avec les 8oo chapeaux qui étaient vendus dans la ville.
Les tanneries subsistaient au nombre de cinq ; elles travaillaient 14.908 peaux en 1790. Avec les trois brasseries de la rue Sainte-Croix, c’était la toute l’industrie avesnoise au XVIII siècle (C J Peter « l’industrie dans la région d’Avesnes au XVIII e siècle Mémoires Société d’Archéologie Tome XI).
Source du texte : Extraits de « Histoire de la ville d’Avesnes » de Jean Mossay Editions de l’Observateur 1956. Pour rappel Jean Mossay fut le prestigieux président de la Société archéologique et historique d’Avesnes de 1957 à 1985. Il contribua à animer la vie culturelle de sa ville et de sa région pendant un demi-siècle et il apporta considérablement à la connaissance du passé de notre arrondissement à travers son œuvre historique élaborée très souvent à partir de documents inédits.