Les textes médiévaux font mention de la construction en 1066 à Avesnes d’un donjon par le seigneur de la ville Wédric le Barbu. En 1105, un de ses descendants, Gossuin d’Oisy, fit construire un second donjon qui resta connu dans l’histoire du Hainaut sous le nom de « Grosse Tour ». En 1477, lorsque Louis XI détruisit la ville, la tour fut incendiée mais conserva ses murs. Au début du siècle suivant, un troisième château fut édifié, enfermant dans son enceinte les ruines de la « Grosse Tour » alors réaménagée, comme le montre un plan du XVII siècle. En 1815, l’explosion d’une poudrière souffla la ville basse, ébranla et emporta le château et les restes du donjon.
Après l’arasement de ces derniers vestiges, un tribunal et une maison d’arrêt furent construits sur leur emplacement.
Tribunal et Prison vers 1910 et vers 1935
Si l’ancien palais de justice, édifice remarquable au style néo-classique à l’abandon depuis 2007 et inscrit la même année au titre des monuments historiques de la France, est toujours visible de nos jours, la prison fut rasée en août 1973 et son terrain donna alors lieu à des fouilles qui nous permettent, à notre grand plaisir, de se faire une idée précise de l’ancien donjon et du château.
La Tour de Gossuin
Le contexte historique
Gossuin d’Oisy, seigneur d’Avesnes et premier pair du Hainaut décida vers l’an 1105 d’affirmer sa puissance et son indépendance en faisant « bastir en sa ville d’Avesnes une tour qu’on a depuis nommée la grosse tour d’Avesnes » » (Annales de la Province et Comté du Hainaut Tome 2 Ed 1848 François Vinchant, p 250). Il commença de construire son donjon sur une éminence rocheuse dominant la vallée de l’Helpe. Le site était alors défendu au nord par le piton rocheux abrupt et à l’ouest par un ravin qui deviendra plus tard la « Grand-Rue ».
N’ayant pas demandé l’autorisation à son suzerain le comte Bauduin III de Hainaut, celui-ci lui demanda de démolir le bâtiment en cours de construction et le fit comparaître en son château de Mons. Gossuin s’obstinant, le comte leva des troupes et fit emprisonner le seigneur d’Avesnes à Mons. « Il fut en peu de temps relaxé à l’instance et prières d’aucuns de ses amys, à condition touteffois qu’il auroit la barbe rasée en reconnaissance qu’il estoit vassal du comte de Haynaut… » ; « il lui fut permis d’achever ladite tour, laquelle apporta depuis grands détriments aux comtes de Haynaut » (Annales de la Province et Comté du Hainaut Tome 2 Ed 1848 François Vinchant, p. 251).
Hormis ses plans du XVII et XVIII e siècles, nous ne possédons pas de descriptions précises de cette grosse tour, pas plus que des dépendances qui, très certainement, entouraient le donjon.
L’apport des fouilles
En 1960, la maison d’arrêt se trouvait désaffectée, vouée pendant une dizaine d’années à un abandon total. Si les divers bâtiments restaient debout, une vaste cour offrait la possibilité d’un premier sondage à l’emplacement de la « vieille tour ».
Ce premier sondage fut entrepris début 1973 avec l’ouverture d’une tranchée de 4 m. x 10 m. dans la cour occidentale de la prison. Il permit de situer le mur ouest du second donjon sous 1,60 m de remblai et de révéler son épaisseur de 4 m 60, laquelle correspond aux dimensions indiquées sur le plan du XVIIe siècle qui le montre comme étant une tour rectangulaire de 17 m x 22,50 m. Par contre, le plan du XVIII e siècle n’indique quant à lui qu’une épaisseur de 3 m.
Ce mur ouest se présentait comme un mur de blocage fait de pierres bleues noyées dans du mortier à la chaux. Quant aux pierres de parement, à l’intérieur de la tour, elles se sont détachées du bloc de maçonnerie et portent toutes les traces du violent incendie de 1477. Un épais niveau brûlé a livré de nombreuses ardoises ; certaines mesurent 35 cm x 25 cm et sont épaisses de 1,5 cm. Leurs formes sont irrégulières, allant du rectangle au triangle. Cet amas d’ardoise témoigne d’un effondrement de la toiture qui a dû entrainer un éboulement d’une partie des murs. (1)
En août 1973 la prison fut rasée. Son vaste terrain pouvait alors faire l’objet de fouilles. Un rectangle de 20 m x 25 m, situé sur la moitié est du donjon, était quadrillé et les terres de remblai enlevées. Les substructions de la Grosse tour n’allaient pas tarder à apparaître.
En 1976, le travail minutieux de fouilles entrepris par Annie Broez, professeur d’art et d’archéologie, responsable de la fouille et par la suite conservatrice du Musée d’Avesnes-sur-Helpe a permis de préciser les caractéristiques de cette tour.
Voici ce qu’écrivait Annie Broez concernant cette tour : « Le plan est donc quadrangulaire, de forme trapézoïdale ; la petite largeur mesure 16 m, la grande largeur 17,50 m. et la longueur 20 m. L’épaisseur des murs est, sur la face sud de 4,60 m, sur la face nord de 4 m, sur la face est de 4,50 m, et sur la face ouest de 4,60 m. Le parement intérieur en moellons, le parement extérieur en pierres de taille, le tout en moyen appareil. Le blocage est de petites pierres, à l’exception du mur sud qui présente des pierres beaucoup plus grosses. Il est certain que cette face était la plus exposée et devait présenter une solidité plus grande. Le mortier est un mortier blanc à la chaux, qu’il était aisé de fabriquer sur place puisque la roche calcaire existe partout. Il n’y a pas de contreforts. Il ne nous est pas possible de restituer la hauteur de la tour ; le rez-de-chaussée est aveugle alors que la porte d’entrée devait se trouver sur la face est, au premier étage. Il n’y avait certainement pas de pont levis, mais simplement un système d’échelles pour parvenir jusqu’à celui-ci. Quant à la toiture, elle est recouverte d’ardoises, de plaques d’ardoises plus exactement, dont certaines retrouvées dans le sondage A mesurent de 30 à 40 cm de long sur une largeur de 20 cm. Leur épaisseur est en moyenne de 1 ,5 cm ; la plupart possèdent encore leur trou de fixation. L’intérieur de la tour se composait d’une vaste salle de 8 m. sur 11m. Les étages étaient de bois, aux poutres maîtresses soutenues par des corbeaux ou plus certainement encastrées dans le mur. Aucun mur de refend n’a pu être décelé. Cependant la découverte de trous de poteaux permet d’affirmer que des piliers de bois disposés au centre et le long des murs étayaient les solives soutenant les planchers des étages supérieurs. Les trous -I-, -2-, creusés dans l’argile en place sur le rocher mesurent aux angles nord-est et sud-est 60 cm, de diamètre sur une profondeur de 40 cm. Des pierres comblaient l’espace entre le pilier et le bord du trou. Des planches posées à même l’argile et à une dizaine de cm. du mur reliaient ces poteaux. Le trou -3- situé dans la partie médiane de la tour et au tiers du mur sud présente une particularité que n’ont pas les autres. Le pilier, dont le pendant sera certainement retrouvé dans le carré DI, était certainement l’un des deux qui soutenaient le plus fortement la solive centrale de l’étage. Le trou est de forme légèrement ovale, de 50 cm. x 45 cm, et solidement entouré de pierres maçonnées. Il reste trois lits de pierres, à certains endroits sur deux rangées. Le long du mur sud, une série de trois trous vient d’être décelée dans le carré CI. Le premier -4- est à la hauteur du trou -3-, le second -5- se trouve vers l’angle sud-est de la tour. Ils ont été creusés jusqu’au rocher dans l’argile et présentent une forme ovale de 70 cm. x 50 cm. environ. Les deux trous séparés de 90 cm. présentent à égale distance l’un de l’autre un fragment de bois : poteau -6- en place. Situé à 15 cm. du mur, il ne présente aucun trou ayant servi à le mettre en place, cela pourrait s’expliquer cependant par le fait que l’argile fut rapportée à l’intérieur de la tour pour en égaliser le sol et placée directement autour du poteau en y ajoutant quelques petites pierres mêlées d’un peu de mortier pour en consolider le sol. Les autres trous n’ont pas présenté de traces de bois et n’ont révélé qu’un sol de terre et de pierres qui certainement, à l’origine, devaient constituer le remplissage des poteaux.
Comme première conclusion, nous pouvons donc supposer qu’un pilier était placé à chaque angle de la tour, quatre autres étaient placés dans l’axe médian de la salle, sur la largeur ; c’est à dire à 4,50 m. des murs est et ouest, deux au centre, à un tiers de la distance séparant les murs nord et sud, ceux-ci sont solidement consolidés par des pierres maçonnées. Les deux autres sont le long des murs dans cet axe médian ; de part et d’autre de cet axe deux autres poteaux sont placés le long des murs. Il y aurait donc en tout seize piliers de soutènement, les plus importants se situant au centre et à chaque angle de la tour. Un escalier de bois, ou tout simplement une échelle, devait donner accès à ce rez-de-chaussée aveugle. Nous avons vu que le sol avait été à l’origine couvert d’une couche d’argile variant suivant la disposition du rocher en place. Or cette argile s’est présentée, avant même l’occupation véritable du site, rubéfiée à plusieurs endroits. Il a été possible qu’un premier incendie se soit déclaré avant même l’achèvement de la tour et le bois en brûlant aurait rubéfié l’argile. Certains petits foyers ont été retrouvés d’ailleurs, là aussi directement sur l’argile rapportée, mais les fragments de bois recueillis sont de petite section et ne présentent aucune analogie avec un matériau de construction ou d’échafaudage. Nous savons que Gossuin a dû interrompre la construction de son donjon et, après avoir livré bataille à son suzerain et être resté prisonnier quelque temps au château de Mons, il n’a pu reprendre l’édification de sa tour que certainement plusieurs mois plus tard ; il est donc possible que celle-ci ait abrité pendant ce laps de temps une partie des maçons ou même des premiers habitants de la cité naissante. Aucune rubéfaction des murs ne laisse pourtant retenir l’hypothèse d’un premier incendie. L’argile présentant un degré de rubéfaction plus élevé se trouve vers la partie centrale du donjon autour des trous centraux de piliers, dont certaines pierres présentent quelques traces rougeâtres. A-t-on brûlé en surface, au moyen d’herbes et de petit bois, l’argile afin de la rendre plus compacte et plus solide ? Cela peut être une hypothèse plausible, car la première phase d’occupation se situe directement au-dessus de cette zone rubéfiée. L’entrée était donc située au premier étage, certainement au centre de la face est. Les quelques fondations de bâtiments antérieurs au XVIe siècle situées directement autour du donjon laissent supposer que les fossés, s’ils existaient sur les faces est et sud, n’étaient pas situés directement au pied du donjon. La première phase d’occupation du donjon, celle qui correspond à Gossuin d’Oisy lui-même, a été continuée et montre qu’il habitait directement le donjon. Le rez-de-chaussée n’indique pas une propreté exemplaire, puisque plusieurs mètres cubes d’ossements d’animaux furent retrouvés: os de petits et gros gibiers, sangliers, boeufs ; ce sont évidemment des déchets de cuisine. La céramique, très abondante aussi, a été brisée et laissée sur place. Après avoir bataillé, pillé, rançonné, Gossuin – comme ses prédécesseurs – a voulu racheter ses fautes et, après être allé en Terre Sainte, est revenu à son donjon d’Avesnes qu’il n’habitait plus qu’un jour ou deux par semaine, car il avait décidé de favoriser l’abbaye de Liessies – après l’avoir détruite – et participé lui-même à la construction de l’église. Son goût de la construction est peut-être une explication à ce désir de faire de son donjon d’Avesnes un donjon avec lequel nul autre ne pouvait rivaliser ». (2)
Nous savons donc que ce donjon bâti vers l’an 1100 était un bâtiment quadrangulaire de 17 m sur 20 m, aux murs d’une épaisseur moyenne de 4,50 m. Plusieurs piliers de bois soutenaient les solives du ou des étages. L’entrée se situait au niveau du premier étage, le toit était couvert d’ardoises. De plus des dépendances entouraient le donjon. En effet lors de fouilles en 1981 le niveau d’occupation du XIe siècle fut alors atteint sur la moitié sud de la cour. Il fut démontré que des bâtiments légers marqués par des emplacements de trous de poteaux découverts lors des fouilles de 1976, jouxtaient le donjon, notamment une cuisine. (3) .
Qu’est devenue la « grosse tour » d’Avesnes après la mort de Gossuin ?
Après la mort de Gossuin, ses descendants abandonnèrent en partie la tour qui ne devait pas être un lieu confortable de résidence et durent habiter à proximité du donjon.
Un siècle plus tard, le bâtiment subit un premier remaniement dû à son abandon et à l’effondrement de la toiture d’ardoise qui très probablement a entraîné la destruction des niveaux en bois. Par ailleurs, il semble que le mur ouest du donjon, exposé près du versant naturel du rocher, ait souffert d’un affaissement du terrain, que confirme l’effondrement et l’abandon d’un bâtiment situé entre le donjon et le rempart. Le donjon reconstruit se vit doté d’un mur de refend, large de 2 m, supplantant les piliers de bois. Il fut, cette fois, couvert de tuiles plates à tenon. La stratigraphie non bouleversée démontra l’utilisation du rez-de-chaussée aveugle comme dépotoir durant plusieurs siècles, s’étendant du XIe au XVIe siècles. Le donjon naturellement défendu sur les faces nord et ouest par le rocher abrupt, entouré de murailles dès le XIe siècle, ne fut donc pas été protégé sur les faces est, et sud par un fossé. A l’Est, dans le prolongement du donjon, un mur de pierre, épais de 1,10 m, sépare la cour de la basse-cour située au Sud. Cette cour, non seulement devait protéger l’entrée du donjon, mais abritait divers bâtiments dont la cuisine.(4)
De même lorsque la Terre d’Avesnes passa en 1279 à la famille de Châtillon, le château d’Avesnes fut délaissé pendant plus d’un siècle, avant qu’en 1423 Olivier de Bretagne fasse remettre le donjon en état. Le toit fut alors couvert de tuiles plates à tenon, dont certaines présentaient des glaçures ocre orange. Il fit remettre les murailles en état, les couronna d’un parapet et les flanqua de tours crénelées.
Le Château
Le contexte historique
Au début XVIe siècle, Louise d’Albret non seulement décida de résider à Avesnes, mais contribua largement à la reconstruction de la ville. C’est certainement à elle que nous devons l’édification du château tel que nous l’a légué le plan du XVIIIe s. La résidence en elle-même était située à l’emplacement actuel du tribunal et la « grosse tour » fut aménagée.
Lorsqu’Avesnes devint terre espagnole, le gouverneur rentra, par la même occasion, en possession du château et le donjon cessa d’être occupé, même partiellement ; peu à peu il tomba en ruine et n’était plus au XVIIIe siècle qu’une « vieille tour en partie démolie La « grosse tour » d’Avesnes n’était plus qu’un souvenir vite oublié. Les bâtiments du château furent rasés et on décida en 1827 d’y construire le tribunal sur l’emplacement de la chapelle et des cuisines du château, avant de remplacer en 1864 la Maison d’Arrêt construite en 1805 jugée trop insalubre.
L’apport de ses représentations
Si l’histoire nous a appris l’existence et l’emplacement du château, elle nous a livré peu de descriptions. Il faut attendre le XVIe siècle et les miniatures de Croy pour avoir une vue incomplète et imparfaite du château. Le donjon n’existe plus en tant que tel, ce n’est plus qu’une bâtisse rectangulaire, peu haute (un étage ?), couverte de tuiles et flanquée de bâtiments plus petits
Un plan du XVIIIe nous offre, par contre, un peu plus de précisions. Le château occupait toute la partie de la hauteur s’étendant de la Petite Place à la Grand- Rue. Un puits foré dès l’origine jusqu’à la source qui nait au pied du rocher, pouvait alimenter ses occupants au cours d’un siège. Vers 1700, ses bâtiments et dépendances étaient limités à l’est par la descente des Petits Degrés et la Place Verte, et bordés de ce côté, entre l’Arsenal et la porte d’entrée, par un abreuvoir ; au nord par la ruelle des Grands Degrés, son escalier et la Basse Rue (rue Sainte Croix). L’arsenal, dépendance naturelle du château, le clôturait vers le sud. De part et d’autre de la porte d’entrée voûtée en ogive, débouchant de biais par rapport à l’orientation générale des bâtiments dans une première cour, se trouvaient les communs : à droite, dans une tour, dépassant l’alignement des autres pièces sur les Grands Degrés, la cuisine, puis la « salle de communs », l’office ; à gauche le « fourny », la « buanderie », deux ou trois chambres donnant sur une autre cour, séparée de la première par un mur. En retour, le bâtiment principal rectangulaire dominait la ruelle des Grands Degrés et communiquait avec le précédent par un vaste escalier. Un vestibule donnait accès : à droite à la chapelle, à gauche à la « Grande Salle », la pièce la plus importante, à une autre chambre et à deux cabinets ; en face, le vestibule ouvrait sur la terrasse. De là – comme des trois fenêtres de la grande salle – on jouissait d’une agréable vue sur la vallée de l’Helpe et les coteaux de Guersignies. Plus loin, et au delà d’un second vestibule, deux pièces dont une « Garde- robe » ; deux jardins établis à des niveaux différents, le « jardin bas » et le « jardin plus bas », dominaient la « Basse rue ». Enfin, deux grandes écuries et un bûcher, contigus à l’arsenal, ouvraient sur la « Basse cour » dont un des côtés était clos par la « vieille tour en partie démolie », vénérable souvenir des origines de la ville. En 1780, on estimait que « MM. les Gouverneurs préféraient une jouissance utile de quatre cents livres environ de redevance annuelle à celle d’un vieux bâtiment qui leur est inutile à tous égards et dont l’entretien et les réfections coûteraient immensément au Roy pour le rendre habitable au cas de résidence d’un officier général » (Ch. Croix, Avesnes, ses rues, ses maisons, 1950, p. 52)
L’apport des fouilles et leurs interprétations
Les fouilles de 1976
Elles témoignent d’un aménagement de la « grosse tour » au début du XVI e siècle. « Tout d’abord on perçât une porte au rez-de-chaussée jusqu’alors aveugle afin de ne pas affaiblir le mur est ; cette porte orientée vers le sud était décalée par rapport à la porte du premier étage située au centre du mur. Elle était large de 1,10 m et comportait deux seuils, l’un placé sur un muret dans le parement du mur intérieur du donjon et le second seuil situé à l’entrée du donjon. Des fenêtres furent percées sur les faces nord et sud, là où de nombreux fragments de verre de vitrail incolore furent retrouvés. Le toit était couvert de tuiles plates à tenon et le sommet de tuiles faîtières glaçurées vertes ; chaque tuile pesant 3 kg 200 laisse supposer la solidité de la charpente. Sur la face est, on construisit de part et d’autre du couloir , deux petites salles qui communiquaient uniquement vers l’extérieur, donc sans ouverture sur le couloir. La salle sud , la plus petite, fut certainement bâtie de façon fort hâtive ; sa forme était trapézoïdale, la petite largeur étant située sur le mur du donjon. On y accédait en descendant une marche. La salle nord était plus vaste, bien que sa longueur n’atteigne pas l’arête du mur du donjon. La dénivellation entre les deux salles était de 68 cm., la salle nord étant la plus basse. Une entrée précédait le couloir central percé dans le mur du donjon. A l’extérieur, un dallage dont il ne subsiste que quelques pierres précède le seuil duquel on descendait une marche pour atteindre le couloir dallé. Vers le mur du donjon et sous le sol dallé disparu, a été découvert un foyer d’un m. de diamètre, bordé d’une double rangée de tuiles posées obliquement vers l’intérieur. Il s’agit certainement de ces foyers rencontrés généralement dans les églises, qui servaient à fondre sur place les cloches. Sa présence à cet endroit reste certes inexpliquée. Y avait-il à proximité une chapelle dépendant du donjon ? Cela est fort possible ».(5)
Les fouilles de 1977
« Les recherches exécutées durant l’année 1977 portèrent essentiellement sur les constructions externes au donjon. Une tranchée de 12 m x 10 m fut ouverte vers le sud. Cette recherche révéla, outre des bâtiments du XVIe siècle (écurie du château datant de cette époque), des constructions plus anciennes, contemporaines du donjon. Daté par la céramique recueillie à ce niveau, un moulin à huile fut mis au jour. Cette meule dormante d’un diamètre de 2,40 m , recouverte de mortier à la chaux, reposait sur quatre poutres de chêne, placées en croix au centre desquelles était fixé l’arbre central. Une meule verticale, aujourd’hui disparue, était actionnée par un manège. Des fragments de coquilles d’amandes semblent confirmer l’hypothèse d’un moulin à huile. Des fondations de pierres sèches, appartenant à un bâtiment rectangulaire ayant porté une structure charpentée, pourraient laisser supposer qu’il s’agissait du bâtiment protégeant le moulin. La céramique trouvée à ce niveau s’avéra être essentiellement du XIe siècle, avec une prédominance des pots sphériques décorés à la roulette. Ce moulin faisait certainement partie d’un ensemble artisanal situé dans la basse-cour du donjon, comprenant fours, moulins et peut-être cuisine puisque le rez-de-chaussée du donjon n’en comportait pas ».(6)
Conclusion
Les dimensions de ce donjon du tout début du XIIe siècle étaient remarquables. Il n’y a pas dans la région un seul bâtiment présentant des dimensions aussi importantes. La fouille de la première moitié du donjon — partie est — a montré que l’intérieur du bâtiment était de bois, et, d’après le nombre de piliers dont les emplacements avaient été retrouvés dans cette première partie, il était possible de supposer que 16 piliers soutenaient les solives des étages supérieurs. Il s’agissait d’une grosse tour comme on on en voit encore des vestiges à Beaufort, Jeumont et Saint-Waast avec deux ou trois étages. Le rez de chaussée n’avait pas de fenêtres et servait de cuisine et de magasin. Au dessus se trouvaient le logis et la salle commune; et plus haut encore les chambres avec la salle de guet. L’entrée se faisait au premier étage. L’ensemble devait constituer une position militaire très solide et cette tour ne devait pas être une résidence seigneuriale à proprement parler mais un ouvrage de fortification.
C’est certainement à Louise d’Albret que nous devons l’édification du château tel que nous l’a légué le plan du XVIIIe. Lors de la reconstruction du château au début du XVI e siècle, la cour et la basse-cour qui existaient déjà à cet endroit au XI e siècle furent maintenues et agrandies. Le château à l’image de la grosse tour était un édifice impressionnant, tant par sa superficie occupée que par ses nombreuses dépendances comme peut en témoigner le lever nivelé de 1822. Il s’agissait alors d’une résidence féodale comprenant avec le donjon, des dépendances , une basse cour c’est à dire une esplanade qui deviendra par la suite la Petite Place, berceau de la cité. Il existait des communs, des écuries, et sans doute une chapelle. La chapelle Ste Marguerite que l’on trouve dans les anciens plans sur la petite Place était vraisemblablement la chapelle du château, à l’origine du moins. Le château nécessitait du personnel, de la troupe, des artisans, des commerçants qui logeront à proximité. Le mur d’enceinte va former une ceinture autour de toutes les habitations, groupées elles-mêmes autour du château et de l’église.
Sources
(1) Nord. — Avesnes-sur-Helpe. Donjon de Gossuin d’Oisy (XIIe siècle) https://www.persee.fr
(2) Fouilles des substructions du donjon roman d’Avesnes-sur-Helpe : Revue du Nord Année 1976 – Annie Broez: https://www.persee.fr
(3) Avesnes-sur-Helpe (Nord). Château [compte-rendu] 1982 Annie Broez https://www.persee.fr
(4) Nord. — Avesnes-sur-Helpe. Centre-ville [compte-rendu] 1980 Annie Broez https://www.persee.fr
(5) Fouilles des substructions du donjon roman d’Avesnes-sur-Helpe : Revue du Nord Année 1976 – Annie Broez: https://www.persee.fr
(6) Nord. — Avesnes-sur-Helpe [compte-rendu] 1978 Annie Broez https://www.persee.fr