La Sambre des éclusiers et des mariniers

Haleurs 1931 Photo Emile Chavepeyer

Durant plusieurs siècles, la Sambre va connaitre une activité fluviale fort active. Mais que de révolutions !

Le tracé de la Sambre a toujours comporté de nombreux et amples méandres que reproduisent nos cartes anciennes, telle celle de l’atlas d’Ortelius, en 1579. Plusieurs de ces méandres furent abandonnés par la rivière, ce qui explique la grande largeur de la vallée à certains endroits.

Progressivement, la rivière sera domestiquée pour assurer la navigation. L’objet des premiers travaux consiste à créer de petites écluses: des barrages munis d’une vanne à glissières qu’on soulève pour livrer passage aux embarcations, vers l’aval et vers l’amont, et que l’on referme afin de hausser le niveau de l’eau du bief ainsi constitue entre deux barrages. Les monastères installés sur la Sambre, dont Lobbes et Floreffe, les font aménager pour permettre aux nefs d’arriver jusqu’à leurs abbayes. A la fin du XVIII siècle, on compte 18 petites écluses de ce type, notamment a Charleroi, Couillet, Grognaux (Auvelais), Salzinnes et Namur.

Il y passe des bateaux dits  Sambroises ou Sambresses, d’ un tonnage de 20 à 50 tonnes, mettant de Namur à Charleroi, 12 à 14 jours pour la montée, et 5 à 6 jours pour la descente, selon l’état des eaux.

Ces bateaux portent des noms tout simples: Le Vieux, L’Amitié, Le Petit, Le Chat, La Neda, Le Très Bon, Le Jules, Le plus Hardi, La Paresse, Le Changeant. Que transportent-ils ? Du foin, des fagots, des écorces de chêne, des céréales, des denrées alimentaires. Ils chargent aussi à leur bord divers matériaux de construction, tels des pierres, de la chaux, des ardoises. Les cargaisons comprendront plus tard du charbon de bois, de la houille, du fer travaille.

La Sambre connait des endroits privilégiés d’embarquement et de transbordement, là où une voie routière importance aborde ses rives, au terminus de sa navigation ou encore où se charge la houille extraite de son voisinage. Farciennes, Tamines et Ham possèdent des quais spéciaux pour embarquer la houille.

A  Maubeuge, point extrême de navigation à la fin du 18 e siècle, il se charge du blé venu, par route., de Condé, Valenciennes et des sources de l’Oise, à destination de Namur, Liège et Maëstricht.

Les nefs de jadis ne se construisent qu’à Thuin, vieux centre de chantier naval d’où sortent déjà, vers 1700, des bateaux en bois de 74 pieds de long et de 83 de large. Plus tard, à la fin du 19 e siècle, on connait un âge d’or de la batellerie de la Sambre. Des chantiers de construction et de réparation s’élèvent un peu partout: à Landrecies, Berlaimont, Maubeuge, Solre-sur-Sambre, Lobbes, Thuin, Marchienne-au-Pont, Dampremy, Couillet, Chatelet…

Les bateliers, constitués en métier sous le patronage de saint Nicolas, sont souvent originaires des villages riverains. Ils halent les chalands vides ou chargés mais uniquement à la descente, à l’aide d’un cordage fixé aux épaules. Cela s’appelle « tirer à la bricole ». C’est en général le travail de la femme et des enfants, l’homme tenant le gouvernail. Lorsque les bateaux sont chargés, la remontée se fait à l’aide de chevaux que le batelier loue avec leur maitre pour un tronçon de rivière.

On utilise surtout des chevaux que l’on ramène, le voyage terminé, par des raccourcis routiers appelés « chemins des bateliers ». Certaines sociétés de bateliers ont leurs propres chevaux. Nous ne voyons apparaitre les remorqueurs qu’au début du 20e siècle et bien plus tard à la veille de la deuxième guerre mondiale, les chalands autonomes motorisés.

Dans l’étude qu’il a consacré à la navigation sur la Sambre, publiée dans « Les mémoires de la Basse Sambre » (novembre 1990), Christian Bouchat observe aussi que la péniche sert d’habitation au marinier et aux membres de leur famille. « En général, écrit-il, la cabine mesure 1,50 m sur 2 avec une hauteur ne permettant pas de se tenir debout. C’est là pourtant que des familles de cinq, parfois sept personnes sont contraintes de vivre … manger, cuisiner, dormir dans un espace réduit, manœuvrer le bateau du lever du jour au coucher du soleil, six jours sur Sept… »

« Ainsi, poursuit l’auteur, lorsqu’un bébé vient au monde, c’est le premier tiroir de la commode qui sert de berceau. Et les enfants plus grands couchent dans l’espace existant sous le lit des parents, rangés perpendiculairement par rapport à eux, les pieds ou la tête dans la pièce de séjour selon l’intimité que le couple souhaite avoir. Quant a la cuisine, elle se fait accroupie. »

La situation de la navigation sur la Sambre fut maintenue jusqu’en 1825 lorsqu’une entente s’établit entre les Pays-Bas, gouvernant notre pays, et la France pour améliorer les conditions de la voie d’eau.

Le tracé de la rivière fut rectifie, le lit approfondi, le parcours pourvu de 13 écluses permettant le passage de bateaux de 300 tonnes. En 1828, le roi Guillaume visite les travaux, en bateau, sur le parcours Thuin -Charleroi. La mise en service debutera un an après. D’autres travaux vont profondément modifier la navigation. En 1832, s’ouvre au trafic le canal de Charleroi – Bruxelles. Trois ans plus tard, s’achèvent les travaux de la Sambre française canalisée et du canal de la Sambre à l’Oise tandis que se réalisent, de 1830 à 1878, les canaux Nord et de l’Est de la France. Quelques années plus tard, la canalisation de la Meuse permet la circulation des bateaux de 300 tonnes.

Cette extension des voles navigables, en connexion avec une Sambre rénovée, va désormais étendre ses services aux besoins de l’Escaut, de la Meuse et de la Seine, avec la possibilité, pour nos mariniers, de gagner le Pas-de-Calais, Paris, Rouen et l’Est de la France.

Les projets de modernisation de la Sambre sont envisages dans les années 50. Ils portent sur un calibrage à 600, puis à 1350 tonnes afin de se conformer aux résolutions de la Conférence européenne des ministres des Transports, en 1954. La modernisation de la rivière suppose la construction d’écluses doublant de volume, à Chatelineau, Farciennes, Grognaux, Roselies, Mornimont, Floriffoux, Montignies. Des berges surélevées sont édifiées en certains endroits pour éviter les inondations. Enfin, des quais et des aires de manutention sont aménagés à Tamines, Auvelais, Floreffe e Malonne.

Halage vers 1935 François Sauvage