La Sambre tirerait son nom du celtique Samara voulant dire « tranquille » , l’appellation « Sambra » faisant son apparition au IXème siècle.
La Sambre prend sa source sur le plateau de Thiérache, dans l’Aisne, à Fontenelle , au lieu-dit le-Garmouzet, dans le bois de la « Haie Equiverlesse ». Rivière franco-belge longue de 190 km dont 88 km en France, elle se jette dans la Meuse à Namur au lieu-dit le Grognon. Notre étude sera dédiée essentiellement à la partie française traversant l’Avesnois. La partie de cette rivière ainsi désignée est comprise entre Landrecies et la frontière belge, soit entre le canal de jonction de la Sambre à l’Oise et la Sambre belge.
Caractéristiques actuelles du canal de la Sambre :
L’altitude à Landrecies (origine physique et administrative) est de 133,32 m alors qu’à Jeumont (extrémité physique et administrative en France) la côte est de 122,11 m. La longueur de la partie classée navigable étant de 54 km, sa pente moyenne en France est donc de 0.2 0/00. Son débit moyen est de 36 m3 par seconde. Elle comporte 9 écluses.
Historique :
En amont et en aval de la date de 1830, la Sambre a une histoire passionnante à nous raconter…
En effet avant cette date, la Sambre était une rivière sauvage au tracé très sinueux. Son régime était fluctuant et irrégulier à cause des gels, des crues et des assèchements partiels. Ses berges étaient fragiles même si en quelques endroits (Landrecies, Berlaimont Pont-sur-Sambre, Maubeuge) les seigneurs locaux firent entreprendre des endiguements, ouvrages davantage pour assurer un apport régulier en eau pour les moulins que pour faciliter la navigation. Son lit comprenait beaucoup d’îlots, des bancs de roche ou de glaise et était de plus parsemé de déchets issus de l’activité artisanale et domestique. Toutes ces conditions ne rendaient alors la rivière navigable que difficilement et que 5 à 6 mois par an.
Le cours de cette rivière resta libre jusqu’aux environs de 1690, époque à laquelle l’intendant français du Hainaut proposa de faire des travaux sur la Sambre et d’opérer sa jonction à l’Oise. Ce fut à la même période avec la prise de Namur en 1692 que l’armée de Louis XIV suggéra l’idée de construire des écluses et des barrages en bois en vue de son approvisionnement. Quelques années plus tard, ces barrages éclusés ou portes d’eau à pertuis furent reconstruits en pierre (pratiquement à l’emplacement des écluses actuelles).
Ainsi de 1692 à 1747, des écluses barrages, furent établies sur des plans irréguliers, « les unes, ayant pour but le roulement d’usines, d’autres, formant réservoirs pour effectuer les chasses, à l’aide desquelles les bateaux, obliges de naviguer par rames (c’est-a-dire convois), franchissaient les hauts fonds ». Source : Études pratiques sur la navigation du centre, de l’est et du nord de la France, et des principales voies navigables de la Belgique, par F. Aulagnier
La navigation, périlleuse, se pratiquait donc par bonds d’eau ou « aiwées » dont la technique consistait à accumuler une réserve d’eau en amont des barrages, puis à la libérer au moment du passage des bateaux. Ces « aiwées » étaient payantes, ce qui incitait les petits bateliers à se regrouper et franchir ensemble chaque bief.
Les « aiwées », nécessaires aux bateliers, entraînaient des conflits avec les meuniers, forgerons et autre usiniers car, en faisant baisser le niveau de l’eau, le passage des bateaux perturbait l’alimentation des moulins. Source : La Sambre. Chronique d’une normalisation, Namur, Ministère de l’équipement et des transports, 1997 par Colette Piérard.
Lorsqu’ils remontaient la rivière, les bateaux étaient tractés par des attelages de chevaux. Cependant le service du halage était bien souvent défectueux. « Partout les chemins de halage tantôt à droite, tantôt à gauche de la rivière, étaient tellement impraticables pendant l’hiver, que les chevaux se trouvaient souvent obligés de passer sur les terres riveraines… », .Telle était, d’après M. de Rive (pages 507 a 509), l’état de la Sambre avant sa canalisation.
Au milieu du XVIIIe siècle, plusieurs études et mémoires sur l’état de la rivière furent rédigés en vue d’entreprendre des travaux de grande ampleur. Ainsi par exemple on fit appel en 1747 aux conseils de Louis Franquet, officier, ingénieur militaire pour procéder à l’inspection des ouvrages et recommander les travaux qui s’imposaient. (Voir Mémoire sur la rivière de Sambre et la navigation, depuis son origine jusqu’à son confluent : suivant la visite qu’en a fait M. Franquet, par ordre de la cour l’année 1747, Bibliothèque royale Albert 1er, ms. 3519).
Toutefois aucun de ces projets ne se concrétisa faute de moyens financiers. Signalons qu’une étude fut également réalisée en 1795 sur une éventuelle jonction artificielle entre Landrecies et La Fère (le futur canal de la Sambre à l’Oise).
Il faudra donc encore patienter.
Avant 1800 circulaient des bateaux de 21,50 m x 3,20 m et 1,20 m d’enfoncement et des bateaux plats. Leur charge était de 10 à 50 tonnes sur l’aval de la rivière et de 10 à 15 tonnes sur son cours amont.
En 1806 les diverses suzerainetés seigneuriales ecclésiastiques ou industrielles riveraines sur la Sambre furent remplacées par l’Administration des Ponts et Chaussées.
Puis arriva l’année 1823. De l’autre côté de la frontière française, il y avait le royaume des Belgiques dénommé ainsi depuis que le congré de Vienne en 1815 avait décidé d’adjoindre les Pays-Bas du Sud aux Pays-Bas du Nord.
A la tête de ce Royaume uni des Pays-Bas se trouvait alors Guillaume Ier d’Orange. Celui-ci souhaitait le développement industriel du sud du pays. C’est ainsi qu’un nouveau mémoire, signé par l’ingénieur De Behr ayant pour objet la nécessité de réaliser des travaux de canalisation sur la Sambre attira toute son attention.
C’est donc en voulant jeter les bases de la prospérité économique de cette région qui deviendra en 1886 la Wallonie que Guillaume Frédéric d’Orange-Nassau décida la réalisation de ce projet de canalisation. En effet de son état de navigabilité dépendait, en partie, le développement industriel et commercial des régions qu’elle traversait. La Sambre fut donc canalisée pour permettre à de plus gros bateaux l’alimentation en matières premières des usines riveraines, pour faciliter l’écoulement de la production de ces dernières mais aussi pour devenir le moyen de transport le plus rapide de l’époque en vue de l’exportation des charbons du borinage et du minerai de fer du pionnier liégeois de la sidérurgie John Cockerill.
Dans ce contexte et sur cette même lancée, un accord fut conclu avec les autorités françaises afin de coordonner les travaux de part et d’autre de la frontière. La canalisation commença en 1825 sur le cours belge et la Sambre fut la première rivière du pays à être canalisée (entièrement canalisée le 22 octobre 1830). La Belgique venait le 4 octobre 1830 de se proclamer indépendante.
Sur le cours français, la canalisation débuta en 1832 pour aboutir en 1836.
Sa canalisation fut une entreprise titanesque, avec notamment la rectification de nombreux méandres. Elle fut concédée au sieur Foqueur, le 7 septembre 1835 , avec jouissance de 54 ans et 10 mois, à partir de la date de sa réception. Le tarif de concession était de 16 centimes la tonne et distance, taxation générale ; 8 centimes de taxe exceptionnelle pour le sable grès, les cendres de bois et de houille ; 1 fr. 50 par bateau vide, chaque distance.
Cette concession en 1850 allait devenir la société anonyme dénommée » Canal de la Sambre à l’Oise et Sambre française canalisée. Elle était patronnée par la Société Générale selon le journal quotidien « L’Europe » du vendredi 5 mars 1880.
La canalisation souffrit au départ d’imperfections. Des travaux supplémentaires furent donc nécessaires comme :
1° Le redressement du parcours sinueux des fortifications aval de Maubeuge.
2° Le relèvement de la voûte d’un pont fixe dans Maubeuge.
3° Le redressement des courbes très resserrées de la rivière, particulièrement entre les deux Helpes, sur un parcours de 6 à 7 kilomètres où le croisement des bateaux y étaient très difficile.
4° L’enlèvement de quelques rochers qui embarrassaient encore le chenal.
Ainsi en quelques années, la Sambre prit alors une tout autre physionomie. Sa largeur fut uniformisée, ses berges aménagées et son tirant d’eau fut fixé à 1m55 par le règlement de navigation. Cependant l’inconvénient le plus grave qui s’opposait à une immersion régulière fut l’abus que les usiniers firent des prises d’eau établies à côté de la plupart des barrages, provoquant l’arrêt et l’échouage de bateaux.
On note également qu’en 1841 les chemins de halage, bien que plantés partout, s’éboulaient en quelques endroits et étaient interrompus à Maubeuge sur environ 300 mètres. Il fallait alors faire marcher le bateau au pieu. Il y avait également une interruption en amont de l’écluse d’Hautmont.
Ces difficultés furent progressivement partiellement résolues avec la mise en application d’une ancienne ordonnance du 9 février – 1 er mars 1825 qui prévoyait déjà que tous les établissements (moulins, forges, fourneaux, fenderies, platineries etc ) devaient faire l’objet d’enquêtes et être autorisés à fonctionner par un règlement d’eau. De plus les chemins de halage firent l’objet d’un sensible aménagement . Ainsi ces obstacles quelque peu solutionnés, cette voie d’eau devint l’infrastructure de désenclavement des industries de la Sambre et de l’Avesnois. Reliée au bassin charbonnier belge de Charleroi, elle permit également d’assurer en partie l’approvisionnement du bassin parisien en énergie avec l’adjonction du canal de la Sambre à l’Oise réalisée en 1838. A l’aube du XX e siècle le chemin de fer devint la voie de transport la plus rapide et donc la voie concurrente aux voies navigables. Cependant en 1913 on portait encore un intérêt particulier à ce mode de transport comme en témoigne un rapport présenté, au nom de la Commission des Voies et Moyens de communication, par M. PINGAULT, et dont les conclusions ont été adoptées par la Chambre de Commerce de Paris, dans sa séance du 4 juin 1913.
Ce rapport contenait un exposé des raisons économiques qui justifiaient la nécessité impérieuse de poursuivre l’amélioration de la Sambre française. (Transcription en bas de cet article).
A cette époque, la vallée de la Sambre regroupait en effet plus de 300 entreprises métallurgiques et employait près de 40 000 ouvriers, faisant de ce territoire une terre reconnue pour son industrie. Ce territoire était celui des premiers hauts fourneaux, des fonderies et des laminoirs. Le Val de Sambre était alors le fleuron de l’industrie et de la sidérurgie. Le canal de la Sambre et le développement du ferroviaire étaient ses artères vitales en permettant l’acheminement et l’écoulement de ces produits industriels.
Mais tout cela allait bientôt changer avec la Première Guerre Mondiale.
Ainsi, les installations du bassin de la Sambre furent presque complètement démantelées et expédiées en Allemagne. Il fallut alors une dizaine d’années à la région pour se remettre de ce conflit. Dans les années 1930, le ferroviaire prit un développement considérable alors que parallèlement le bassin amorça une réduction de l’activité des hauts fourneaux en faveur d’une plus importante transformation des produits des aciéries et se développa avec une implantation d’usines de transformation du métal (fabrique de tubes, machines outils etc).
La Seconde Guerre mondiale entraina au début du conflit le réquisitionnement des installations et par la suite bien souvent leurs destructions. Toutefois, la reconstruction des infrastructures et des équipements redonna alors un coup de fouet à l’économie locale et les années 1950 1960 furent des années de pleine croissance.
En 1972 l’enfoncement de la Sambre fut porté à 2,20 m entre la frontière et la commune d’Hautmont en raison de la présence de nombreuses industries le long de la Sambre. Cependant le bassin dans le milieu des années 1970 fut frappé par une crise industrielle sans précédent à l’instar de toute la sidérurgie mondiale et perdit en 20 ans près de 20 000 emplois avec la délocalisation d’USINOR et la fusions de nombreuses entreprises. La recherche de compétitivité de ces usines les obligèrent à se tourner vers les infrastructures routières, délaissant le canal de la Sambre qui n’ayant subi aucune transformation devint un handicap. Son gabarit était de type Freycinet, signifiant qu’il ne pouvait accueillir que des péniches allant jusqu’à 400 tonnes, ce qui correspond à un petit gabarit. Le trafic commercial sur la voie d’eau se réduisit des 2/3 entre 1970 et 1991 (1 500 000 T en 1970 – 500 000 T en 1991). La fréquentation de cette voie devint au début des années 2000 marginale en terme de fret, de l’ordre d’une vingtaine de péniches sur chacun des versants pour environ 3 à 4 000 tonnes de produits chargés ou déchargés. En revanche le trafic de plaisance se développa avec environ 700 bateaux sur le versant Sambre et de 500 sur le versant Oise.
Malgré son faible gabarit, la Sambre resta connectée sur des réseaux de gabarit supérieur et le trafic marchandises persista jusqu’en 2006, même s’il fut marqué par l’arrêt des déchargements en 2000 et une coupure temporaire de la circulation en 2003 suite à l’envasement du canal.
Cependant en 2006, la navigation sur le canal de la Sambre à l’Oise, qui fait suite à la Sambre, fut interrompue à Vadencourt, où un pont-canal menaçait de s’effondrer. La liaison entre la Sambre et le bassin de la Seine n’étant donc plus assurée depuis cette date, le canal de la Sambre se retrouve brutalement en impasse avec la disparition complète du trafic marchandise. Depuis la fermeture, seul le trafic de plaisance est maintenu mais est descendu à moins d’ une centaine de bateaux qui passent la frontière belge pour effectuer un demi-tour en France.
Un protocole entre les Voies Navigables de France, les intercommunalités, la Région, le Département et l’Etat fut signé fin 2015 visant à la reconstruction complète du pont ainsi que des travaux permettant la navigation. La réouverture prévisionnelle du canal à la navigation est prévue pour 2021 mais de plaisance uniquement.
En conclusion l’histoire de la Sambre ne fut pas contrairement à son étymologie un fleuve tranquille. Sauvage au Moyen Age, devenue une artère indispensable unissant la Meuse belge au bassin parisien lors de la révolution industrielle, elle perdit peu à peu son trafic commercial au profit de la plaisance. Les enjeux forts de développement du fret se sont ainsi estompés même si un groupe de chargeurs potentiels ( carriers, céréaliers, métallurgiste, verrier), estimait encore en juillet 2009 qu’il existait un potentiel d’environ 500 000 tonnes de fret pouvant transiter par la Sambre. Or les coûts de ce transport freycinet ne paraissent pas à ce jour compétitifs avec d’autres modes de transport.
Cependant une tendance politique orientée d’avantage sur l’écologie, un recalibrage de cette voie d’eau et la construction du canal Seine-Nord à grand gabarit, qui reliera l’Oise à l’Escaut, pourraient inciter à un retour partiel du trafic de marchandises sur le canal de la Sambre. Cette dernière réalisation pourrait indirectement avoir pour conséquence qu’une « partie du trafic puisse transiter sur des péniches de plus petit gabarit, pour une desserte économique plus locale ou pour faire office de raccourci ». Ainsi peut-on émettre le vœu de voir à terme un projet développé autour d’un retour opportun du fret sur ce canal, la boucle serait alors bouclée.
En attendant cet éventuel scénario, il nous tarde de revoir sur notre Sambre beaucoup plus de plaisanciers et de refaire de notre cours d’eau « un chemin de vie » ouvrant les villages de l’Avesnois sur le monde extérieur.
Sources :
La Sambre (Wikipédia)
Le canal de la Sambre à l’Oise (Wikipédia)
Histoire & Patrimoine des Rivières & Canaux
Réseaux de transport en Sambre Avesnois
La Sambre, affluent de la Meuse par G Caffier et J Benoit
Canal de la Sambre à l’Oise et Sambre canalisée Le devenir de cette voie d’eau
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Transcription du rapport de 1913 en vue d’une meilleure lecture :
Rapport présenté, au nom de la Commission des Voies et Moyens de communication, par M. PINGAULT, et dont les conclusions ont été adoptées par la Chambre de Commerce de Paris, dans sa séance du 4 juin1913.
Dans sa séance du 4 décembre dernier, notre Compagnie adoptait les conclusions d’un rapport présenté sur cette question au nom de votre Commission des Voies et Moyens de communication (1).
(1) Voir le Bulletin du -14 décembre 1912, p. 1780. Cf. Ibidem, n » du 2 novembre 1912, p. 150-1
Ce rapport contenait un exposé des raisons qui justifient la nécessité impérieuse de poursuivre l’amélioration delà Sambre française et se terminait ainsi :
« Votre Commission a pensé qu ‘il y avait là pour la Chambre de Commerce de Paris une oeuvre utile à accomplir, du domaine absolu de ses attributions. Elle a été unanimement favorable au principe de son intervention, comme prêteur à l’Etat de la somme qui pourrait être, après discussion, jugée nécessaire et sufffisante pour permettre l’exécution des travaux projetés, sous réserve, toutefois, que la Société concessionnaire actuelle du canal de jonction de la Sambre à l’Oise apporterait son concours financier en faisant l’abandon d’une somme importante, témoignant ainsi de sa confiance en l’oeuvre entreprise, et que toutes les dispositions seraient prises de telle sorte que le prêt consenti par notre Compagnie ne saurait, dans aucun cas, être onéreux pour elle. .
« C’est cet avis de principe que nous vous demandons, Messieurs, de vouloir bien consacrer, en laissant toute latitude à votre Commission pour l’examen plïus approfondi de la question et en confiant à votre Bureau le soin de poursuivre toutes négociations utiles en vue d’arriver, si possible, à un accord définitif, dont les termes seront au préalable soumis à votre approbation. »
Nous vous apportons aujourd’hui le résultat de nos études et de nos pourparlers et nous vous demandons de vouloir bien sanctionner les bases sur lesquelles pourrait être établie la convention à passer avec l’État en ce qui touche notre participation financière.
La Sambre, en France, s’étend de Jeumont à Landrecies sur une longueur de 54km,253, divisée en dix biefs, avec des chutes variant de 0m,92 à lm,65. La largeur du chenal est de 10 mètres au plafond, le mouillage de 2 mètres à 2m,20; les écluses ont les dimensions réglementaires des lignes principales (5m,20 de large, 38m,50 de long).
Le trafic absolu, en 1912, s’élève à 779070 tonnes; à distance entière, il atteint 664204, ce qui montre qu’il est presque entièrement un trafic de transit.
C’est qu’en effet la Sambre canalisée dessert une région industrielle d’une richesse considérable, qui comprend principalement toutes les grandes usines de la région de Jeumont, Hautmont et Maubeuge.
D’autre part, des événements récents ont permis d’attribuer aux voies navigables un rôle économique qui n’était pas apparu depuis la construction des chemins de fer.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que l’intérêt public exige aujourd’hui que les grandes lignes ferrées, desservant un trafic indispensable à la vie nationale, soient doublées par des voies de navigation capables,, à un moment donné, de les suppléer dans la mesure du possible et établies, par conséquent, dans des conditions qui les mettent à l’abri de tout chômnage inutile.
La Sambre présente indiscutablement ce caractère, puisqu’elle constitue, un tronçon de Ja ligne navigable qui double la voie ferrée reliant Paris à l’est de la Belgique et à l’Allemagne. Elle- peut être certainement appelée à concourir très largement à l’approvisionnement de notre région et de notre ville.
Sa valeur économique est démontrée, d’ailleurs, non seulement par les considérations générales qui précèdent, mais par ce fait que, malgré les difficultés et les incertitudes de navigation quelle présente pour la batellerie, le trafic actuel y attèint prés de 780000 tonnes.
Il est, par conséquent, de l’intérêt public et national que la Sambre soit améliorée et mise dans un état de navigabilité correspondant à son importance écomomiqpe.
Or, la Sambre est restée ce qu’elle était il y a soixante-quinze ans. Le trajet suivi par les bateaux montants au départ du bassin houiller et industriel de Charleroi est le suivant : Sambre belge, Sambre française, canal de la Sambre à l’Oise, canal de Saint-Quentin, canal latéral à l’Oise, l’Oise, la Seine, etc. À part la Sambre, toutes ces voies ont subi dans ces dernières années des améliorations qui y ont rendu la navigation bonne et facile en tout temps: c’est à peine si, en hiver, la circulation des bateaux y subit quelques rares et courtes interruptions. Il suffit donc d’un mauvais état de navigabilité sur 55 kilomètres pour entraver les transactions par eau sur un parcours total de 381 kilomètres (distance de Paris à Charleroi seulement).
Sur la Sambre, en effet, les crues sont extrêmement nuisibles à la navigation. Le débit d’ëtiage n’est pas supérieur à 4 et 500 litres par seconde; en eaux ordinaires, il atteint 1 mètre cube; en temps de hautes eaux, il s’élève à 80 mètres cubes,.mais,, dès que le débit dépasse 10 mètres cubes, il faut des chevaux de halage supplémentaires, et la navigation s’arrête à 20 mètres cubes. De ce fait, la navigation a été complètement interrompue de 1905 à 1911, en moyenne pendant cinquante-sept jours pour les bateaux chargés, en plus du chômage réglementaire, et le tableau en annexe nous indique en outre les périodes de navigabilité difficile.
De plus, le lit de la Sambre française comporte des sinuosités multiples et à faible rayon, il manque de profondeur et de largeur, et certains ouvrages constituent des obstacles à la navigation.
Le Gouvernement belge a mis à l’étude, en 1907, l’amélioration de la partie de la Sambre canalisée située sur son territoire et a provoqué ainsi une étude parallèle sur le territoire français.
Cette étude a été poursuivie par une Commission composée d’ingénieurs français après entente avec une Commission belge.
La Commission française a adopté des conclusions qui peuvent se résumer comme suit :
Il faut, en premier lieu, assurer les conditions que la circulaire ministérielle du 19 juillet 1880 a prescrit de réaliser sur les voies navigables principales en exécution de la loi du 5 août 1879, conditions qui avaient pour but de permettre la circulation normale des bateaux du type péniche, portant 300 tonnes à renfoncement de 1m,80. Il convient de remanier la plupart des ponts, qui sont trop étroits ou trop bas; il faut améliorer le chenal, qui présente, surtout dans les courbes, une section insuffisante et des sinuosités excessives. Ces défectuosités du chenal ont pour effet d’arrêter la traction à la remonte dès que les affluents principaux, et notamment les deux Helpes, subissent la moindre crue. Enfin, il est nécessaire d’élargir et de compléter les ouvrages de retenue, barrages à poutrelles et vannages, dont les débouchés sont irréguliers et insuffisants, de manière à obtenir une diminution de la hauteur et de la durée des crues moyennes.
L’exécution de ces travaux aura pour effet, d’ailleurs, sinon de supprimer, tout au moins de réduire dans une large mesure la fréquence et la durée des submersions des terrains riverains.
Elle aura également pour conséquence de permettre la suppression du halage par chevaux et l’organisation de la traction des bateaux sur la Sambre au moyen de remorqueurs à vapeur qu’il est impossible d’utiliser actuellement.
Le montant des dépenses prévues s’élève à 6 000 000 de francs pour l’amélioration de la partie française de la Sambre canalisée. Par une décision du 9 novembre 1912, M. le Ministre des Travaux publics a invité M. l’Ingénieur en chef du service de la navigation entre la Belgique et Paris à dresser l’avant-projet de cette amélioration sur les bases des propositions, de la Conférence internationale, étant entendu que des recherches seraient faites en vue de provoquer l’intervention des intéressés dans la dépense.
La Chambre de Commerce de Paris, la Compagnie concessionnaire du canal de la Sambre à l’Oise et l’Office national de la Navigation ont alors décidé de collaborer à l’oeuvre d’amélioration entreprise par l’Administration des Travaux publics ; mais, avant d’exposer la combinaison financière et administrative envisagée, il convient de faire ressortir lès conditions actuelles de l’exploitation de la Sambre et du canal de la Sambre à l’Oise.
Sambre canalisée : — C’est’ la Compagnie concessionnaire du canal de la Sambre à l’Oise qui a organisé la traction par relais depuis la frontière jusqu’à La Fère.
Elle ne jouit d’aucun monopole légal sur là Sambre,;mais en fait, elle tractionne presque tous les bateaux. La proportion des bateaux possédant leurs chevaux à bord est inférieure à 5 pour 100; quelques rares mariniers emploient encore des haleurs aux longs jours.
Canal de la Sambre à l’Oise : — Le canal de jonction de la Sambre à l’Oise, dont la création a été autorisée par la loi du 30 avril 1833, a fait, le 8 août suivant, l’objet d’une concession, qui expirera le 29 octobre 1937. Cette concession est aujourd’hui exploitée par une Société anonymie, qui a organisé un service de traction par chevaux sur toute l’étendue du Canal et qui a installé, en outre, une agence d’affrètement à Charleroi.
La Compagnie prélève sur le canal de la Sambre à L’Oise, dont la longueur est de 67 kilomètres, un péage de 2 fr. 01 par tonne-transit pour les houilles de provenance étrangère, qui sont le principal élément du trafic (ce péage comprend la taxe de traction des bateaux à la traversée du canal).
Pour les bateaux qui s’affrètent à l’agence de Charleroi (et c’est le cas de presque tous les bateaux), la Compagnie consent une réduction de 0 fr. 48 par tonne-transit sur le péage ci-dessus indiqué dé 2 fr. 01, qui se trouve ainsi ramené en fait à 1 fr. 53. Toutefois, cet avantage est réduit à 0 fr. 23 pendant les mois d’hiver (du 1er novembre à fin février).
Concours de la Chambre de Commerce de Paris : — La Chambre de Commerce s’engage à concourir aux dépenses d’amélioration de la Sambre canalisée, évaluées à 6 millions, pour une somme de 1 200 000 francs qu’elle versera à l’État. Pour réaliser son offre de concours, elle demandera l’autorisation d’emprunter la somme de 1 400 000 francs pour être employée, savoir :
1 200000 francs au versement susmentionné; 200 000 francs pour faire face aux premières annuités de l’emprunt qui seront dues avant la perception du péage prévu ci-après.
En vue de faire face aux annuités de l’emprunt qu’elle aura contracté, il sera établi au profit de la Chambre, pendant 40 ans au maximum;, un péage de 0,002 par kilomètre et par tonne de marchandises transportée sur la Sambre canalisée à partir de l’achèvement des travaux. Cette taxe de 0,002 par tonne kilométrique correspond à un péage de 0 fr. 108 pour les 55 kilomètres de la Sambre canalisée.
L’État s’engage à terminer les travaux avant le 31 décembre 1917. Dans le cas où cette condition ne serait pas réalisée, l’État prorogerait la concession du péage de la quantité nécessaire pour compenser les pertes résultant du retard constaté dans l’achévement des travaux.
Concours dé la Compagnie concessionnaire du Canal de la Sambre à l’Oise : — La Compagnie s’engage, à partir du jour de l’achèvement des travaux de la Sambre à abaisser son trafic en houilles en transit, entrant par Landrecies, de 0,40 par tonne (tonnage effectif), tout en maintenant les primes actuellement accordées aux bateaux affrétés par l’intermédiaire de l’agence de Charleroi.
Étant donné, d’autre part, que l’Office national de la Navigation demandera la concession du monopole de La traction des bateaux au moyen de remorqueurs sur la Sambre canalisée, avec rétrocession du dit monopole à la Compagnie concessionnaire du canal de la Sambre à l’Oise, cette Compagnie versera à l’Offîce jusqu’à l’expiration de la concession du canal, c’est-à-dire jusqu’en 1937, une annuité de 25000 francs.
Indépendamment de l’abandon de 0 fr. 40 par tonne consenti par elle sur les péages actuellement perçus, la Compagnie s’impose sous cette forme forfaitaire un sacrifice important; elle ne pouvait reconnaître la nécessité des travaux projetés, elle ne pouvait en même temps affirmer de façon plus évidente sa confiance dans la réussite de l’oeuvre entreprise.
Concours del’Office national de la Navigation et constitution de fonds de réserve : — En cas d »insuffisance de produit du péage de 0,002 par tonne kilométrique pour faire face aux annuités de l’emprunt contracté par la Chambre de Commerce, l’Office national de la Navigation prendra à sa charge chaque année le montant de l’insuffisance jusqu’à concurrence d’un Maximum de 22000 francs, aussi longtemps que durera la perception du péage.
Au cas où le produit du péage donnerait une somme supérieure à celle qui est nécessaire; pour faire face aux annuités dé l’emprunt réalisé par la Chambre de Commerce, l’excédent sera employé à la constitution d’un fonds de réserve, qui servira à contribuer à faire face aux insuffisances éventuelles du produit du péage augmenté de la somme de 22 000 francs affectée par l’Office de la Navigation à la garantie dela Chambre. Ce fonds de réserve cessera de s’accroître quand il aura atteint la somme de 100 000 francs.
De son côté, l’Office de lia Navigation constituera un fonds de réserve au moyen des parties restant disponibles, chaque année, de la somme de 22 000 francs, sans que ce fonds de réserve puisse dépasser la somme de 100 000 francs.
Au cas où le produit du péage augmenté de la somme de 22000 fr serait insuffisant pour faire face aux annuités de l’emprunt, le déficit serait supporté par les deux fonds de réserve constitués comme il est dit ci-dessus, la répartition du montant de ce déficit étant effectuée entre le fonds de réserve de la Chambre et celui de l’Office, au prorata du montant des sommes en caisse, au titre de fonds de réserve.
Dès que le fonds de réserve de la Chambre de Commerce aura atteint le chiffre de 100 000 francs, les excédents seront employés, à des amortissements anticipés de l’emprunt contracté par la Chambre, et tout péage cessera d’être perçu dès que le fonds de réserve de la Chambre de Commerce permettra d’effectuer le remboursement de la partie non encore amortie du capital emprunté.
Avantage de la combinaison au point de vue du public : — Depuis l’achèvement des travaux d’amélioration jusqu’en 1937, la détaxe sur le canal sera de 0,40 par tonne-transit pour les houilles dirigées vers Paris. Il faut en déduire 0,108 pour le péage à établir sur la Sambre. On arrive ainsi à une détaxe nette de 0,292 par tonne de houille allant de la frontière belge à Paris.
En outre, la navigation se fera beaucoup plus rapidement et plus sûrement. Elle ne sera plus interrompue comme aujourd’hui par les crues, et il en résultera logiquement une diminution du fret. De plus, à partir de l’expiration de la concession du canal de la Sambre à l’Oise et jusqu’à la cessation de la perception du péage établi au profit de la Chambre de Commercé, on verra disparaître le péage de 1,13 (1,53 —0,40). Il ne subsistera que les frais de traction des bateaux sur le canal de la Sambre à l’Oise : ces frais pourront s’élever alors à 0,25 environ pour l’ensemble du canal.
Nous croyons avoir suffisamment démontré que l’opération que nous vous proposons aujourd’hui se présente d’une façon exceptionnellement favorable à tous points de vue. Avec les garanties obtenues, la Chambre de Commerce ne court aucun risque.
Il est évident que le trafic ne peut que prendre un développement important, puisque à l’abaissement des taxes et du fret vient s’ajouter une certitude de régularité et de rapidité de la navigation. Actuellement, on cesse les chargements par eau dès le mois de novembre par crainte des grandes eaux ou des gelées, et les approvisionnements se font par chemin de fer. Les mariniers en souffrent ; eux-mêmes ne se soucient pas de naviguer pendant l’hiver, même en fret de retour, de crainte d’être arrêtés en cours de roule ou retenus à leur arrivée au pays charbonnier.
Il est à noter, enfin, que la Chambre de Commerce d’Avesnes, qui a la Sambre dans sa circonscriplion et est directement intéressée dans la question, a donné son adhésion à l’intervention de la Chambre de Commerce de Paris par délibération en dale du 9 avril 1913, concluant en ces termes :
« La Chambre de Commerce d’Avesnes est heureuse de la communion d’idées qui existe entre elle et la Chambre de Commerce de Paris sur cette question de la Sambre et la nécessité urgente d’améliorer cette voie. »
Nous avons donc conscience non seulement de servir en temps normal l’Intérêt général — car chacun doit en tirer profit, qu’il s’agisse du batelier, du destinataire ou du consommateur, public et industriel—mais encore de contribuer au développement d’un de ces puissants auxiliaires de ravitaillement que constituent les voies navigables.
Et nous vous demandons, Messieurs, de vouloir bien autoriser votre Bureau à poursuivre les négociations sur les bases indiquées ci-dessus, et à prendre les engagements nécessaires à la réalisation du projet qui vient de vous être exposé.