L’Architecture à travers l’Histoire de l’Avesnois

Autrefois, notre région était couverte de vastes forêts et peuplée par un vaillant peuple nommé les Nerviens, dont César a salué les qualités exemplaires avant la conquête romaine. Ils possédaient déjà une civilisation sophistiquée. Il est en effet indéniable que les voies construites par les Romains étaient déjà là avant leur arrivée. Selon J.-M. Duval, « les Celtes ont vécu dans leurs chariots ; ils avaient la tradition de la carrosserie. » Ainsi, si les chars étaient déjà présents, cela signifie que des routes avaient été construites pour les accueillir. Ces dernières étaient particulièrement abondantes autour de Bavay, ancienne et légendaire capitale depuis des temps immémoriaux. Selon M. de Sailly, ancien président de la Société préhistorique de France, Bavay était le centre d’un culte stellaire durant l’époque néolithique.

Le Forum de Bavay

Les fouilles ont depuis longtemps établi que les camps, appelés de César, sont d’origine nervienne. Les artisans de la Gaule nervienne, habiles dans l’art de la poterie, étaient réputés pour leurs créations qui trouvaient preneur à travers toute la France. On saluait également leur savoir-faire en matière de travail du bronze.

En l’an 57 avant J.-C., les Nerviens furent vaincus par César. Autrefois située entre Aulnoye et Hautmont, la localisation de la bataille est désormais révisée par les historiens, qui l’identifient sur la Selle, dans la région de Solesmes. De cette époque néolithique, à part quelques artefacts de musée, il reste uniquement des mégalithes, notamment à Solre, Sars, Bellignies, etc.

César entreprit l’aménagement du territoire, qui devint par la suite le bouclier de la Gaule face à la menace des Germains. Bavay se transforma en un vaste dépôt destiné à stocker les provisions des troupes stationnées sur le Rhin. Les routes furent empierrées et transformées en chaussées jalonnées de bornes milliaires. Des villas s’élevèrent ; et les fouilles à Bavay attestent de leur confort précoce, avec leurs piscines et hypocaustes, qui constituaient l’initiale version de notre système de chauffage central. À Bavay, on trouvait des chirurgiens et des oculistes, dont les instruments ont été découverts. Cette époque était particulièrement riche : les mosaïques et les bijoux en or exhumés le prouvent.

La Fontaine St Éloi à Floursies

Des travaux considérables furent entrepris, comme cet aqueduc qui amenait à Bavay l’eau de la fontaine de Floursies, et qui franchissait la Sambre vers Boussières sur une sorte de Pont-du-Gard en miniature. L’expression « travail de romain » conserve ici tout son sens. Ça et là, sur les routes, les Romains avaient disposé des colons à qui ils avaient remis des terres, à charge par eux de les défendre. On les appelait des Lètes (Laeti). Le village de Liessies n’a pas d’autre origine.

Pour défendre leurs villes et villages les habitants établirent des haies, c’est à dire des ceintures de Bois denses et touffues. Cette méthode de défense spécifique aux Nerviens a été détaillée par César dans ses commentaires. On parle encore aujourd’hui de la Haie d’Avesnes. Par la suite, apparurent la Haie de Fourmies et la Haie d’Anor, lesquelles furent mises en place vers le sud dans le but de contrer les incursions françaises. L’ancien mode de défense avait été préservé. Malheureusement, dès le IIIe siècle, les Barbares déferlèrent sur la Gaule. Bavay fut anéantie, et la région transformée en un vaste désert.

Les Francs s’installèrent, cachèrent leurs villages dans les vallées, au lieu de les construire sur les routes, afin de se protéger contre de nouveau Barbares. Leur assimilation sera lente : elle sera l’œuvre du christianisme au VIIe siècle.

Sous l’égide du roi Dagobert, qui malgré ses mœurs débauchées, multiplia les donations et les fondations pieuses, des personnages de sa Cour allaient affermir le christianisme dans le pays. Ce seront le comte Chonebert et Wibert, comte de Poitou. Puis des évêques, comme saint Guislain, saint Amand et saint Waast, viendront prêcher et évangéliser les colonies franques, mêlées aux autochtones. De saints personnages aussi, comme saint Etton et saint Vincent Madelgaire, venus d’Irlande, voire des habitants convertis à leur tour, comme saint Ursmer et saint Dodon.

Le comte Wibert s’installa à Liessies, où sa fille sainte Hiltrude fonda le monastère, dont son frère Gontrad deviendra le premier abbé.

Chonebert fonda l’abbaye de Maroilles, et y appela un saint évêque, saint Humbert, qui en fut le premier supérieur.

Saint Vincent Madelgaire fonda l’abbaye d’Hautmont, tandis que sainte Aldegonde, fille du comte Walbert, de Cousolre, créa le monastère de Maubeuge. Vincent, qui a épousé Waudru, sœur d’Aldegonde, s’en sépara. La chasse de saint Vincent est aujourd’hui à Soignies ; celle de sainte Waudru est à Mons.

Le tombeau de saint Etton Église de Dompierre-sur-Helpe

Saint Etton s’installa à Dompierre ; saint Ursmer, de Fontenelle, devint abbé de Lobbes ; saint Dodon créa l’ermitage de Moustier. Tous organisèrent des paroisses, des centres, qui tout en étant de pieux refuges, deviendront bientôt une source de prospérité pour le pays.

Liessies, Hautmont et Maroilles adopteront la règle bénédictine, ce qui signifie que les moines alterneront le travail manuel et la prière. Ils entreprendront de défricher, cultiver, et finiront par acquérir d’immenses richesses, qui seront avant tout le résultat de leur labeur. Ils fonderont des succursales, des refuges, des prieurés.

Le Prieuré de Dompierre

L’abbaye de Liessies aura son prieure à Dompierre, tandis que l’abbaye d’Anchin aura le sien à Aymeries.

Les abbés exerceront conjointement le pouvoir féodal avec les seigneurs. Les uns et les autres, grands propriétaires, bénéficieront des Croisades, d’où seront ramenés des objets de valeur et de nouvelles richesses. C’est cette organisation sociale qui prévaudra jusqu’à la Révolution.

Ça et là, des châteaux forts se dressèrent. Il s’agissait généralement de simples mottes, des tours entourées d’un fossé, dont on peut encore apercevoir des traces à Saint-Waast, Jeumont et Beaufort.

Motte féodale avec sur la droite de la photo le ruisseau du Sart. Chemin du Criaulleu
Tour Saint-Waast-la-Vallée

Ces constructions militaires expliquent que les XIe et XIIe siècles ont été pour la région, des périodes troublées. Il est probable que l’on ait également bâti des sanctuaires. Cependant l’art roman ne laissera que des vestiges forts rares dans le pays, la majorité des monuments ayant disparu depuis longtemps. Cela représentera une période plutôt pauvre pour l’archéologie de l’Avesnois.

L’ère des grandes cathédrales gothiques au XIIIe siècle marquera le début d’une phase d’art religieux qui engendrera des œuvres et des souvenirs plus durables.

Chœur de la collégiale d’Avesnes-sur-Helpe

Les chœurs de la collégiale d’Avesnes, ainsi que ceux de Dompierre et de Sebourg, datent de cette époque. Les XIVe et XVe siècles verront également une abondance croissante d’œuvres, non seulement en matière d’architecture, mais aussi de sculpture et de peinture.

Grâce aux chartes octroyées par les seigneurs, les villes acquirent un certain degré d’autonomie. En dépit de troubles et de conflits, le Hainaut connut une prospérité sans précédent, probablement en raison de sa proximité avec la Flandre avec laquelle il entretenait des échanges commerciaux mais aussi en raison qu’il était devenu bourguignon, jouant ainsi un rôle de lien entre la Bourgogne et la Flandre.

L’industrie du drap se développa dans les villes, notamment à Maubeuge et à Avesnes. On ne doit pas considérer le moyen âge comme cette période obscure que l’on dépeint parfois. Malgré les défauts de son système social, il générera cependant de la prospérité ; et au fil de  nos promenades, nous aurons l’occasion de découvrir d’innombrables chefs-d’œuvre immortels qu’il nous a transmis, et qui ont survécu aux destructions sauvages perpétrées par Louis XI et certains de ses successeurs.

Les seigneurs du pays étaient alors Grands d’Espagne : citons notamment les Croÿ à Solre et à Avesnes. Ils étaient éclairés et bienfaisants. Ils firent travailler les artistes, et le XVIe siècle sera une période prolifique en termes de création artistique.

Maison XVI e siècle à Moustier-en-Fagne

Chaque village aura une jolie église ; toutes les villes et tous les villages auront de charmantes maisons aux portes et fenêtres décorées de meneaux finement taillés. Mais c’est principalement la statuaire qui nous laissera les œuvres les plus notoires. C’est l’époque des magnifiques retables finement sculptés de Ramousies et de La Flamengrie, des chasses, des reliquaires en métal précieux, des statues en bois ou en marbre polychromes. C’est également l’époque d’un nouvel art musical avec la mise en œuvre d’orgues dans nos plus belles églises. Ces instruments disparurent avec le temps mais furent bien heureusement remplacés au fil des siècles comme en témoignent encore de nos jours ceux de la collégiale d’Avesnes-sur-Helpe et de l’église de Maroilles qui se hissent parmi les plus notables et les plus remarquables de notre région.

Toutefois, l’art se développa sous des formes moins liées au christianisme. L’époque de la Renaissance remit l’Antiquité à l’honneur, tout comme les Amours. Les guirlandes prirent la place des figures des saints ou des donateurs les mains jointes. Il s’agissait généralement d’artistes locaux qui œuvraient pour les seigneurs, les églises et les abbayes, des « tailleurs d’image » comme on les appelait à l’époque.

A l’inverse de ce que l’on croit souvent, l’Espagne, qui occupait le pays n’y a laissé que peu de marques. Le style architectural et sculptural demeurait le style Hennuyer, avec ses propres caractéristiques distinctives.

Toutefois, de nombreuses œuvres d’art, y compris des statues en bois et des retables furent commandées par les seigneurs, les paroisses et les abbayes,  dans les ateliers flamands de Bruxelles, Malines, Anvers.

Malheureusement, de 1600 à 1715 le Hainaut traversa une seconde guerre de cent ans. Durant la domination espagnole qui s’étendit jusqu’en 1659 pour Avesnes Landrecies et Le Quesnoy, et 1678 pour Maubeuge, Solre et Bavay, notre territoire subira les incursions répétées des troupes françaises stationnées de l’autre côté de la frontière, au-delà de Larouillies. Suite à la conquête française, le pays connut les incursions espagnoles et tous les troubles de guerres liés aux conflits de Louis XIV, qui se déroulèrent sur son sol.

l’église fortifiée de Féron

La province était dévastée de toutes parts. Alors, si des constructions furent entreprises, elles n’étaient qu’à des fins militaires. On éleva des donjons, des tours de guet (Bavay, Pont-sur-Sambre), on fortifia les églises transformées en refuges (Féron, Liessies, Neuville, et bien d’autres), on érigea les fortifications de Vauban autour des villes pour y soutenir de véritables sièges. Ces villes devinrent alors les « clefs du royaume ».

Apres la Paix d’Utrecht en 1714, un renouveau significatif eut lieu. On recommença à bâtir. Cependant, les périodes de foi intense étaient révolues. Sans doute qu’il existait toujours des artistes œuvrant pour les monastères ou les églises, mais l’œuvre du siècle fut profane, tout comme son style.

Le château de Coutant à Saint-Hilaire-sur-Helpe

On préféra la construction de maisons, d’hôtels de ville et de châteaux plutôt que de sanctuaires. Malgré ce qu’on pourrait croire, il y eut une époque de prospérité précédant la Révolution qui a laissé de nombreuses marques dans la région et a favorisé l’épanouissement du bien-être.

L’ensemble de l’arrondissement connut une période de destructions massives. D’abord la guerre étrangère ravagea une fois de plus le Hainaut, de 1792 à 1795. Mais surtout à la guerre militaire s’ajouta la guerre religieuse et une multitude d’iconoclastes firent des ravages dans l’Avesnois. Les abbayes furent pillées, dévastées et complètement anéanties. Leurs trésors artistiques furent disséminés. Cela a été une catastrophe d’une ampleur incroyable pour la région. De nos jours, on ne retrouve dans les églises de campagne, ou parfois dans les musées, qu’une fraction des objets précieux que des mains dévotes avaient préservés durant les années tumultueuses de la Révolution.

On a parlé du « stupide XIXe siècle ». Ce n’était qu’une plaisanterie, mais qui renferme une part de vérité. Au cours de ce siècle, tout a cédé la place à l’industrie émergente : ce fut l’époque utilitaire. L’architecture fut désastreuse : on érigea des églises en faux gothique, des palais de Justice en néo-grec, sur une esthétique uniforme, des châteaux comme au temps de Louis XIII. L’influence des ateliers nationaux qui prévalaient à Paris et avaient produit les célèbres gares de la ville, fit également des ravages en province. Même les reconstitutions laissèrent à désirer. Un toit de grange fut installé sur l’église d’Avesnes. Celle de Maubeuge d’avant 1940, fut surmontée d’un petit observatoire ridicule et évoquait une certaine citation de Victor Hugo : « Imaginez le pape à qui l’on aurait enlevé sa tiare pour le coiffer d’une casquette ! ».

Nous remarquerons que le XIXe siècle n’aura rien laissé de riche dans notre arrondissement. Et nous ne parlerons même pas de nos gares et de nos usines, de nos bâtiments communaux à qui l’aspect esthétique et artistique a été totalement négligé. Il nous faudra chercher ce qui reste encore des siècles passés. Heureusement, nous avons toujours ces magnifiques chefs-d’œuvre des temps passés devant lesquelles nous pouvons méditer, rêver ou nous enthousiasmer.

Au cours de la première moitié du XXe siècle, la région fut durement touchée lors des deux guerres mondiales. Celle de 1914-1918 blessa profondément le cœur de l’Avesnois tant  les pertes, aussi bien humaines que matérielles, furent innombrables. Notre territoire se releva en devenant le théâtre d’importants chantiers de constructions. Les destructions causées par la Seconde Guerre mondiale, l’expansion industrielle et de l’évolution urbaine entraînèrent une seconde phase de reconstruction.

La Salle Sthrau à Maubeuge

Un grand nombre d’infrastructures publiques, de lieux de culte, de cités industrielles et de résidences individuelles furent remis au goût du jour avec une réinvention des styles architecturaux comme l’Art déco à travers notamment son joyau qu’est la salle Sthrau de Maubeuge ou l’architecture moderne incarnée par la salle des fêtes du faubourg de Mons de Maubeuge.

Au début des années 1950, l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe semblait avoir retrouvé sa splendeur industrielle et son prestigieux héritage agricole. Toutefois, les années 1950 aux années 1980 virent l’arrêt progressif des activités liées au textile, à la sidérurgie et à la métallurgie. L’État essaya de stimuler l’économie en favorisant l’implantation d’usines principalement dans l’industrie automobile. De leur côté, les communes puis les communautés de communes s’efforcèrent de revitaliser leurs territoires en incitant l’arrivée de petites et moyennes entreprises axées notamment sur le secteur tertiaire et les technologies novatrices.

Aujourd’hui l’Avesnois est un territoire qui renoue progressivement avec la réussite en s’appuyant sur ses atouts : la vitalité industrielle et agricole, la qualité du patrimoine naturel et la richesse du patrimoine artistique historique.