Le diocèse de Cambrai de 1789 à nos jours

L’évêché de Cambrai trouve ses origines au VI e siècle, diocèse alors de Basse-Lotharingie comptant six archidiaconés : Cambrai, Brabant, Bruxelles, Hainaut, Valenciennes et Anvers. Au traité de Verdun en 843 Cambrai fait partie du royaume de Lothaire Ier appelé par la suite royaume de Lotharingie. Par le biais de plusieurs traités ce royaume est ensuite intégré à la Francie Orientale (Germanie). Othon Ier roi de Francie Orientale de 936 à 961 accorde en 948 à l’évêque Fulbert les droits comtaux sur la ville de Cambrai avec droit de battre monnaie. Cette attribution provoque un long conflit avec le pouvoir temporel détenu jusqu’alors par le comte, qui avait toujours été le représentant officiel de l’empereur. Il faut attendre 1007 pour que l’empereur Henri II confirme à l’évêque Erluin le pouvoir comtal de tout le territoire du Cambrésis, à la suite de la cession par le comte Arnould. Dès lors l’évêque de Cambrai cumule les pouvoirs spirituel et temporel sur Cambrai et le Cambrésis, principauté ecclésiastique rattachée au Saint-Empire.

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Cambrai, BM, 539, f. 1 (Armoiries de l’évêché de Cambrai) » dans la base Bibale-IRHT/CNRS (permalink : https://bibale.irht.cnrs.fr/23580)

Cambrai reste terre impériale, possession des Habsbourg d’Espagne, intégrée aux Pays Bas espagnols jusqu’à sa conquête par Louis XIV en 1677. En 1686, le pape reconnait au roi de France le droit de nommer l’évêque de Cambrai qui demeure dans les textes Prince d’empire, duc de Cambrai, comte du Cambrésis. Fénelon est ainsi en 1695 le premier archevêque français nommé par Louis XIV. Cet homme sera incontestablement le personnage historique éminent de Cambrai très attentif aux affaires de son diocèse contrairement aux prélats qui lui succéderont jusqu’à la Révolution de 1789.

L’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe relève sur le plan spirituel du diocèse de Cambrai dont un rappel historique très succinct jusqu’au XVIII e siècle vient d’être rapporté. Il me semble cependant intéressant sur un plan intellectuel de retracer plus en détail l’histoire du diocèse sur la riche période s’étalant de la Révolution de 1789 jusqu’à nos jours. Ma présente étude se veut être un essai permettant d’évaluer les conséquences des évènements de l’Histoire de France sur le territoire de notre diocèse et plus précisément dans la mesure du possible sur ses parties « Hainaut français » (Maubeuge et la Haute-Sambre) et Avesnois.

La période révolutionnaire (1789-1799)

Le 2 novembre 1789, l’Assemblée nationale constituante sur proposition du député Charles Maurice de Talleyrand, par ailleurs évêque d’Autun, vote la nationalisation des biens du clergé afin de vouloir remédier à la grave crise financière que traverse le royaume.

Gravure allégorique de la Promulgation de la Constitution civile du clergé.Bibliothèque Nationale.

Le 12 juillet 1790, l’Assemblée constituante adopte la « Constitution civile du clergé », les députés souhaitant harmoniser l’organisation de l’Église de France avec les nouvelles institutions nationales. Ainsi les curés et les évêques doivent être désignés par les électeurs de leur paroisse ou de leur diocèse.

Image illustrative de l’article Pie VI
Portrait de Pie VI peint par Pompeo Batoni. 1775. Galerie nationale d’Irlande. Dublin

Le pape Pie VI, opposé à l’élection des curés et des évêques par les fidèles, condamne en bloc la Constitution civile du clergé. Il précise qu’il refusera toute investiture des évêques élus conformément à la Constitution civile, les plaçant devant l’obligation de choisir entre Rome et la Révolution. Devant cette situation, l’Assemblée exige que les curés et les évêques prêtent « en présence des officiers municipaux, du peuple et du clergé, le serment d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout son pouvoir la constitution ». La moitié des curés et tous les évêques à l’exception de 4 dont Talleyrand s’y refusent ! La plupart des prêtres réfractaires prennent le parti de la contre-Révolution et les patriotes suspectent les ecclésiastiques, ce qui engendre des haines passionnées.

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Image illustrative de l’article Ferdinand-Maximilien-Mériadec de Rohan
Portrait de Ferdinand-Maximilien-Mériadec de Rohan

Suite aux décrets brutaux des gouvernements révolutionnaires, l’archidiocèse de Cambrai est dépouillé de presque toutes ses ressources foncières et de ses privilèges féodaux. L’un des plus riche de France est soudain fortement appauvri : destructions du vandalisme révolutionnaire, confiscation des « biens nationaux », suppression des couvents et des revenus de main-morte. L’archevêque de Cambrai, Ferdinand de Rohan Guéméné installé depuis 1781 se retire à Mons après le vote de la Constitution civile du clergé. Cambrai redevient évêché en 1790, et le territoire de son diocèse, inchangé depuis 1559 épouse désormais la configuration du nouveau département du Nord. Dans ce département la proportion de membres du clergé ayant refusé de prêter le serment à la Constitution civile du clergé est parmi les plus élevées de France : 79 % 1. Bien plus, il semble que ce clergé cherche à entretenir une certaine agitation afin de soulever les fidèles contre les prêtres constitutionnels, donc contre la Révolution, tandis que beaucoup de religieux refusent de rejoindre les maisons de retraite prévues pour eux 2 .

Cependant le tribunal criminel du Nord, chargé d’examiner les crimes et délits contre-révolutionnaires se montre plutôt modéré : à Faumont un arbre de la liberté est abattu par une personne obéissant à l’ordre d’un laboureur, la volonté contre-révolutionnaire étant affirmée par le conseil général du Nord formé en comité de sûreté, la punition est inéluctable : le laboureur est condamné à la déportation à vie, l’exécutant à dix ans de déportation (un tel acte avait valu dans une autre région la peine de mort pour les responsables et le village livré aux flammes) 3

En 1797 un arbre de la liberté est abattu au hameau du Sarbaras à Berlaimont. Le commissaire du canton croit détenir le coupable : un maréchal ferrant nommé Grégoire Druez. Peu empressé le juge de paix égare la plainte. Il est contraint de la renouveler. Druez est arrêté puis libéré après un mois de détention, l’affaire étant classée sans suite par le commissaire du tribunal correctionnel d’Avesnes sur Helpe (A D N Série L 1264).

Claude François Primat

En avril 1791, Claude François Primat est le premier évêque constitutionnel installé dans la ville. Il est accueilli avec méfiance par les 1247 prêtres (dont 79% rappelons-le sont réfractaires) et par les fidèles (en majorité hostiles à l’Eglise révolutionnaire). Il semble d’ailleurs entreprendre qu’une seule fois la visite pastorale du diocèse. Il s’entoure de 16 vicaires épiscopaux dont 12 sont des ex-religieux du Cambrésis. Il tente en vain d’organiser une « Eglise constitutionnelle » en confiant les paroisses (regroupées en municipalités) à des clercs jureurs, élus par les citoyens. En effet il ne dispose que de 60 curés jureurs si bien qu’il doit confier la majorité des paroisses à des curés réfractaires qui pour certains qualifiés de « suspect » doivent se cacher.

Suite à l’ordonnance du 18 août 1792 de l’Assemblée législative relative à la dissolution des congrégations, donc des confréries, celles ci disparaissent de son diocèse. C’est le cas par exemple de la confrérie de Saint-Antoine à Berlaimont.

En novembre 1793 Primat se déclare « vrai sans-culotte » après que les sans culottes de Pichegru et Jourdan aient libéré le département du Nord des Autrichiens. Robespierre y fait régner la Grande Terreur et le diocèse connait alors la « folie sanguinaire » de l’An II. On ne cite de Primat que son adhésion aux Encycliques et aux Conciles de cette époque, auxquels il assiste, et un écrit qu’il compose pour justifier son serment.

Après le 18 fructidor (27 juillet 1794), lors de la mise hors la loi de Robespierre et de sa condamnation à mort, Primat, qui s’est éclipsé pendant le fort de la Terreur, réapparait un instant à Cambrai pour essayer de rentrer à la métropole; mais il est éconduit. Honteux de son aventure, Primat se retire à la paroisse de St-André, à Lille 4.

Illustration.
Joseph Le Bon, estampe de François Bonneville, Paris, BnF, département Estampes et photographie, 1796

Avec l’arrivée du révolutionnaire Joseph Lebon 4b à Cambrai le 16 floréal an II (5 mai 1794), le diocèse souffre des événements douloureux de la Terreur. Des aristocrates sont envoyés à la guillotine. A partir de 1796, le diocèse doit supporter les difficultés de l’Église jusqu’au Concordat.

Les constitutionnels ont peu d’influence dans notre diocèse car il leur faut deux ans pour donner un successeur à Primat depuis son transfert en 1798 à Lyon. En effet depuis cette date, l’archidiocèse est administré par un presbyterium (conseil de 26 clercs jureurs). Les catholiques sont partagés entre l’Église romaine (clandestine) et l’Église constitutionnelle et gallicane (minoritaire et discréditée notamment dans les Flandres). Il faut attendre l’avènement du Consulat pour que le presbyterium convoque un synode et élise l’évêque Jacques Schelle, un prêtre d’origine flamande, emprisonné à Lille pour refus de serment puis libéré avec la pacification religieuse en fin 1799, sous le Consulat. Il doit démissionner en 1802 lors de l’application du Concordat.

Le Concordat de 1801

A la période révolutionnaire succède la période du Consulat de Bonaparte suite à sa réussite du coup d’État du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799). Le « premier Consul » comprend que, pour mettre un terme à dix années d’anarchie révolutionnaire, il se doit de rétablir la paix religieuse. Il estime que la religion est la garantie de l’ordre social et que le catholicisme est « le ciment de la société et de l’État ». Pour cela, il doit négocier avec le Saint-Siège, convaincu d’autre part que les négociations vont lui permettre de se concilier avec les catholiques de France et d’obtenir la confiance des rois catholiques d’Europe. Il se fait alors aidé de Talleyrand, l’ex-évêque marié devenu diplomate retors, de l’abbé Bernier, le « pacificateur de la Vendée », et le breton Cacault. Du côté de Rome, le pape Pie VII choisit le cardinal-secrétaire d’État Consalvi pour négocier le Concordat.

Le Cardinal Consalvi, secrétaire d’État du Saint-Siège … LAWRENCE Thomas…Musée national du Château de Malmaison

Les négociations :

Elles vont être longues et laborieuses. Une douzaine de projets sont élaborés mais rejetés. La marge de manœuvre s’avère en effet étroite.

A Paris, l’opinion est majoritairement hostile à la réconciliation avec le chef de l’Église catholique. Les assemblées législatives du Consulat et la bourgeoisie, pénétrées du philosophisme anti-papiste, identifient l’Église romaine avec l’Ancien régime abhorré. Les partisans de l’Église gallicane dont leur chef Grégoire sont contre toute négociation, rappelant leur fidélité à la République, leur combat contre l’Église romaine et les victimes du Jacobinisme. Quant à la Police de Fouché elle est favorable au Gallicanisme.

A Rome, les cardinaux s’inquiètent du contexte politique de la France d’autant que les royalistes, amis de Louis XVIII refusent tout accord avec le pouvoir en place. Celui-ci est également critiqué par les souverains catholiques d’Europe qui considèrent Bonaparte comme « l’héritier des révolutionnaires gallicans et un dangereux autocrate ».

File:AduC 207 Bernier (Abbé E.A.J.B.M., 1764-1806).JPG
L’abbé Bernier Album du Centenaire H. Rousseau (designer graphique), E. Mons (graveur)

Les négociations se déroulent en trois phases. Tout d’abord, à l’invitation de Bonaparte, Pie VII délègue en mai 1800 à Paris le cardinal Spina pour rencontrer le royaliste vendéen l’abbé Bernier. Seulement, les discussions n’aboutissent pas ; Bernier en tant que gallican s’oppose à la « primauté de principe de l’Église » proclamée par le cardinal et rejette par la suite divers projets qu’il estime « ultramontains ». La deuxième phase de janvier à mai 1801 fait intervenir le breton Cacault, délégué à Rome par Bonaparte. Or les cardinaux refusent tous les projets de Cacault, celui-ci se heurtant aux hauts dignitaires de l’Église catholique qui veulent imposer deux principes : la primauté du catholicisme « reconnu comme religion d’État » et la liberté totale du culte catholique. Dès lors s’ensuit la troisième phase de juin à juillet 1801 dans laquelle Consalvi négocie à Paris avec Bonaparte, Talleyrand et Bernier. Les discussions se circonscrivent toujours aux deux principes déjà énoncés par Cacault lors de son séjour à Rome. Pourtant une ultime rencontre en date du 14 juillet permet d’aboutir à la signature d’un concordat.

Fichier:Allégorie du Concordat de 1801.jpg
Allégorie du Concordat de 1801 Peinture de Pierre Joseph Célestin François (1759–1851)

Le contenu du Concordat :

Cet accord entre le Saint-Siège et la République française se décline en deux parties :

  • Un préambule comportant deux déclarations de principe :

« le gouvernement français reconnait que la religion catholique et romaine est la religion de la grande majorité des Français » (le catholicisme n’est donc pas reconnu religion d’État comme le voulaient les cardinaux, ni religion nationale comme le souhaitaient les gallicans) ;

le souverain Pontife attend « le plus grand bien et le plus grand éclat de l’établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu’en font les Consuls de la République » (reconnaissance implicite de la légitimité du régime républicain).

  • Une série de 17 articles énumérant les engagements réciproques : le libre exercice du culte catholique  » sous réserve d’une réglementation que le gouvernement français jugera nécessaire à la tranquillité publique », la réorganisation administrative de l’Église en France (renouvellement du corps épiscopal avec nomination par le Premier consul, suivi de l’investiture canonique donnée par le Pape, alignement des diocèses sur les départements civils et des paroisses sur les municipalités) et la dotation de l’Église comprenant la nationalisation des biens acceptée par Rome pour « le bien de la paix  » en échange d’un traitement « convenable » des membres du clergé séculier.

La ratification du Concordat

La signature du Concordat par Pie VII et Napoléon Bonaparte, le 16 juillet 1801 Claude-Louis DESRAIS (1746, Paris – 1816, Paris) Plume, encre de Chine et lavis de bistre, rehauts de gouache blanche 20 x 30,2 cm

Pie VII publie le concordat le 15 août 1801 sous forme de l’encyclique Ecclesia Christi. Il est obligé sur les 93 évêques d’en déposer d’office 29 qui refusent de démissionner. Le premier Consul ratifie le Concordat le 8 septembre mais la nécessité de l’approbation de l’Assemblée législative demandera deux ans, et encore, après un renouvèlement d’autorité des deux tiers des membres du Législatif.

L’application du Concordat

Bonaparte désigne les 60 nouveaux évêques « concordataires » selon un habile dosage diplomatique : 16 sont d’anciens évêques « romains », 12 d’anciens « constitutionnels » et 32 de nouveaux évêques choisis parmi les chanoines et les vicaires généraux. Pie VII dut démissionner 37 évêques rebelles aux articles dits organiques (articles que le Consul joindra unilatéralement au Concordat avec par exemple l’extension de la liberté de culte aux protestants et aux juifs).

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Dans le diocèse de Cambrai Bonaparte concrétise la mise en œuvre du Concordat en attribuant le 11 avril 1802 le siège épiscopal à un ex-curé jureur de Castelnaudary, évêque « constitutionnel » de l’Aude, Louis Belmas, qui est intronisé le 27 mai. Bonaparte vient de supprimer le titre archiépiscopal et de rattacher Cambrai à la métropole de Paris, ce qui est perçu comme une humiliation par les catholiques de la région. Par contre ceux-ci, comme une majorité de Français, plébiscitent le coup d’État de 1804 qui proclame « l’Empire français » et le sacre de Napoléon Bonaparte par Pie VII à Notre-Dame le 2 décembre de la même année. L’Empereur gagne d’abord l’estime du diocèse de Cambrai en développant l’activité textiles et la culture betteravière pour suppléer au sucre de canne lors du » blocus maritime ». Il est ensuite critiqué à cause de la meurtrière conscription lors des conquêtes glorieuses et en raison des entraves économiques. La communauté religieuse est en effet hostile à l’autocratie de l’Empereur marquée par la décision de la mise en place du « blocus continental », décret rejeté par le Pape refusant dès lors l’investiture des nouveaux évêques choisis par Napoléon Ier. Cette même communauté s’indigne de l’instauration obligatoire du « catéchisme impérial » en 1806. Elle s’outrage de l’annexion des États pontificaux en mai 1809, se scandalise de l’emprisonnement du pape près de Gênes en juin 1809 , de la nomination d’autorité de nouveaux évêques en 1811 que Pie VII qualifie d’usurpateurs », et du transfert du Pape à Fontainebleau en juin pour négocier un nouveau concordat. Cette antipathie prend fin avec les abdications de Napoléon Ier suite aux revers militaires, puis avec son exil à Sainte Hélène mettant fin à l’Empire napoléonien en 1815.

Image illustrative de l’article Louis Belmas
Mgr Belmas

L’évêque Belmas (1802 1811) lors de son arrivée à Cambrai prononce des discours agressifs, sur fond d’esprit gallican, qui indisposent son clergé presque unanimement « romain ». Il adopte également à l’égard de l’Empereur une attitude de « servilisme » qui le rend suspect au Saint-Siège. Cependant il consacre ses efforts aux graves problèmes de son diocèse gagnant ainsi progressivement l’estime de ses diocésains. Les principales difficultés rencontrées, en plus d’un territoire fort étendu aux régions disparates, sont le manque de prêtres réduits à 2297 par la Terreur et l’âge avancé de son clergé. Il s’attache à répartir au mieux les plus anciens gagnant ainsi leur confiance. Il recrute et forme les rares candidats dans le nouveau grand séminaire installé en 1806 dans un ex-couvent diocésain des « Sœurs de Badar » à Cambrai. La tâche s’avère difficile à cause de la souscription militaire et de la médiocrité des études. Il ouvre un petit séminaire en 1808 à Cambrai dans un ex-couvent exproprié, puis transféré dans une usine désaffectée. 180 nouveaux prêtres sont ordonnés durant le Consulat et l’Empire.

Pie VII

En 1817 le diocèse retrouve grâce à Pie VII son rang de métropole. En 1831, le pape Grégoire XVI entérine la dignité et les prérogatives de l’archevêché, avec l’évêché d’Arras pour suffragant. Le 12 septembre 1835, Mgr Belmas établit par lettre la confrérie du saint Rosaire à Berlaimont à la demande de son doyen curé Me Foumié, lettre approuvée par un bref du pape Grégoire XVI, donné à Rome le 28 août 1837, sous le titre de la « Bienheureuse Marie Vierge du Rosaire ». Louis Belmas demeure dans ses fonctions jusqu’à sa mort en 1841. Entretemps au niveau national, les Français restaurent la monarchie en 1815, mais cette monarchie autoritaire des Bourbons est renversée en 1830 par la petite bourgeoisie « voltairienne ». La monarchie libérale des Orléans est à nouveau renversée par la crise socio-politique de 1848.

L’archidiocèse ultramontain de 1848 à 1914

Avant d’aborder l’histoire de l’archidiocèse durant cette période analysons tout d’abord les conséquences sur le plan religieux des événements politiques de cet intervalle de temps.

Alfred de Falloux (1811 1886)

Dans ce contexte de crise économique et sociale généralisée signalée ci-dessus, un gouvernement provisoire proclame en février 1848 la Seconde République. Celle-ci accorde aux catholiques, encore très nombreux dans les campagnes et les zones de chrétienté, la loi Falloux qui privilégie les écoles « confessionnelles privées », loi dans laquelle l’instruction morale et religieuse figure au premier rang des matières enseignées.

Image dans Infobox.
Portrait photographique de Veuillot par Nadar (années 1850)

Sous le Second Empire (1852 1870) Napoléon III soutient l’enseignement privé et les ordres religieux au point que la majorité du clergé et des catholiques, entrainée par Louis Veuillot et par les évêques se rallie bruyamment à l’Empire.

Illustration.
Portrait de Napoléon III en uniforme de général de division dans son grand cabinet des Tuileries (huile sur toile d’Hippolyte Flandrin, 1861).

Cependant à l’adhésion enthousiaste du clergé français, Napoléon III répond en livrant le territoire pontifical aux convoitises de l’Italie, s’aliénant ainsi la confiance des évêques qui le traitent de Judas 5 A partir de 1860 Napoléon III soutient les écoles « publiques » occasionnant un désaveu des catholiques, hostiles à la démocratie et à l’école laïque. La défaite de Sedan provoque l’abdication de l’Empereur et la naissance d’une Troisième République (1871 1914) qui déclenche en 1879 sa politique de laïcisation scolaire.

Caricature de Jules Ferry croquant un curé en pain d’épices, 1879. André Gill Bibliothèque nationale de France

En décembre 1879 un projet de loi prévoit en effet de rendre l’école primaire « gratuite, obligatoire et laïque ». Il soulève l’opposition véhémente des catholiques et des nostalgiques de la monarchie qui ne veulent pas de « l’école sans Dieu ». L’épiscopat prend la tête de la lutte contre cette « loi Ferry » de 1880 qui exclut de toutes les écoles primaires les Congrégations « non autorisées » (notamment les Jésuites) et contre la « loi Sée » de 1881 qui laïcise les écoles secondaires féminines. Contre le projet de 1879 voté en mars 1882, l’épiscopat tente de sauver ses écoles en créant le « Denier des écoles libres » et des « Comites paroissiaux et diocésains ».

1886 : laïcisation du personnel enseignant
École laïque contre école confessionnelle (1886) Caricaturiste de Gibet à la Une de l’hebdomadaire Le Pilori, numéro 28, du dimanche 31 octobre 1886
Impression sur parier (53,5 x 37 cm)
Archives nationales, AE/II/4064
© Bibliothèque nationale de France

La « loi Goblet » (1886) expulse des écoles communales « laïcisées » les enseignants congréganistes. Faute de ressources, l’enseignement privé doit renoncer à la gratuité; mais les parents acceptent de verser un minerval. Alors le gouvernement socialiste abolit la « loi Falloux » de 1850 et annonce la suppression des congrégations enseignantes. La France est alors divisée en deux blocs antagonistes : d’une part la Droite cléricale, puissamment organisée et financée par les Grands bourgeois d’affaires, et d’autre part les républicains socialistes soutenus par les loges et les syndicats ouvriers. L’affaire Dreyfus en 1899 renforce cette division en deux camps passionnés : la Droite « cléricale et patriote » et l’anticléricalisme de la Gauche « républicaine et laïque ».

A cette « guerre scolaire » s’ajoute une divergence doctrinale sur la question de la révolution industrielle. Le fossé se creuse encore plus entre l’Église contre-révolutionnaire qui soutient « l’Ordre social » et la Contre-Église socialiste fondée par Jules Guesde promouvant les « droits de l’ouvrier ». Face à cette Contre-Église socialiste apparait un « catholicisme social » et « paternaliste » mais à l’impact limité car reposant sur des structures « hiérarchisées » et longtemps hostiles à la démocratie, à l’inverse du Socialisme qui séduit par son égalitarisme.

A partir de 1899 jusqu’au premier conflit mondial, le socialisme se radicalise sous la conduite de Waldecq-Rousseau qui engage la lutte contre les écoles cléricales, Émile Combes qui rompt les relations diplomatiques avec le Saint-Siège, Georges Clemenceau un adversaire implacable de l’Église avec comme unique crédo : les droits de l’Homme et la loi républicaine devant l’emporter sur le dogme religieux et les droits de Dieu. Devant cet anticléricalisme acéré et ce laïcisme jacobin, l’Église de France est repliée dans la défensive, ses catholiques divisés en deux camps : celui des conservateurs, intégristes, réactionnaires, monarchistes et celui des progressistes ralliés au catholicisme libéral, à la démocratie et même au laïcisme modéré. Ce repli de l’Église n’entrave pas pour autant sa vitalité, qui se traduit par le dynamisme des congrégations religieuses, la vitalité des missions étrangères, le rayonnement de l’enseignement et de la charité, sans oublier le zèle pastoral du clergé.

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Image illustrative de l’article Pierre Giraud (cardinal)
Pierre Giraud, tableau d’après une gravure par Auguste Moreau-Deschanvres, 1903

A Cambrai, au décès de l’évêque Balmas en 1841 succède l’archevêque conservateur Mgr Giraud (1841 1850) qui bénit sans hésiter « l’arbre de la Liberté et de la Fraternité » mais s’oppose aux socialistes avec « conservatisme » en soutenant la politique de « l’ordre social » de Napoléon III. Il s’illustre par l’édition d’un catéchisme et par l’attention qu’il porte au suivi des études dans les collèges libres et les séminaires 6 . Il se révèle un prélat animé de sentiments ardemment « ultramontains ». Peu troublé à priori par les sanglantes grèves que connait le Nord, il se polarise en effet sur la révolution de Rome et l’exil de Pie IX à qui il rend visite en 1849 et auquel il offre l’hospitalité de son diocèse. Il décède d’une crise cardiaque l’année suivante.

Image illustrative de l’article René-François Régnier
René-François Régnier, tableau d’Auguste Moreau-Deschanvres, 1903.

René-François Régnier, ancien directeur du Collège royal d’Angers et évêque d’Angolème depuis 1842 occupe le siège de Cambrai. Mgr Régnier est un travailleur méthodique, dune vitalité exceptionnelle mais un homme austère et traditionaliste. C’est un ultramontain inconditionnel qui met son diocèse au service de Pie IX, collectant des dizaines de milliers de francs or pour le Denier de St Pierre et subsidiant les Zouaves Pontificaux. Ses diocésains l’appellent l’évêque des Zouaves ». En 1863, son diocèse est partagé en quatre archidiaconés : Cambrai avec les arrondissements de Cambrai et de Douai), Lille (avec l’arrondissement de Lille), Dunkerque, (avec les arrondissements de Dunkerque et d’Hazebrouck) Valenciennes (avec les arrondissements de Valenciennes et Avesnes sur Helpe).

En 1866 il fait publier la « Semaine religieuse du diocèse de Cambrai », revue de presse de l’ultramontanisme antilibéral le plus intransigeant. Il prend également une part active au premier concile œcuménique du Vatican qui se tient du 8 décembre 1869 au 20 octobre 1870 et qui définit notamment l’infaillibilité pontificale 7 . Administrateur zélé, il se soucie du recrutement des prêtres dont il juge insuffisant le nombre de 800 en 1860. Il se préoccupe aussi de l’essor des écoles secondaires privées, faisant de son diocèse l’un des bastions en la matière. Il souhaite également augmenter le nombre de petits séminaires notamment à Solesmes, Bavai mais le ministre des Cultes s’y oppose. Dans les grands séminaires, il met en place avec l’aide des Lazaristes un enseignement austère qui forme un clergé pieux et docile. Il réglemente tout : les patronages, les processions, le culte des saints populaires, les dévotions mariales jusqu’au service du personnel d’Église (sacristains, bedeaux…). Entre 1860 et 1870 les congrégations enseignantes prolifèrent notamment les collèges jésuites.

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Expulsion des congrégations (1880) Wikiwand

La Révolution de 1870 marque cependant un tournant dans l’épiscopat de Mgr Régnier qui espère une restauration monarchique. Les Républicains anticléricaux triomphent en 1876 et promulguent des décrets en 1880 qui forcent les Jésuites à quitter leur collège de Lille malgré la résistance indignée de Mgr Régnier promu cardinal depuis 1874. Le cardinal Régnier participe au conclave de 1878 8., à l’issue duquel Léon XIII est élu. Il décède le 4 janvier 1881 à Cambrai.

Se succèdent de 1881 à 1892 trois archevêques. D’abord jusqu’en 1884 l’ultramontain et agressif Alfred Duquesnay dont ses abus verbaux contre les républicains le privent de son allocation gouvernementale de 25 000 Francs. Puis de 1884 à 1888, après avoir été évêque de Beauvais et archevêque d’Avignon, l’autoritaire François Hasley qui prétend tout régenter. Enfin le vertueux mais timide Odon Thibaudier après avoir fondé en 1871 « l’Institut catholique de Lyon » et avoir été en 1876 évêque de Soissons. C’est sous son épiscopat qu’ont lieu les dramatiques événements de Fourmies du 1er mai 1891. Il se montre sympathique à la « question sociale », préconisant la création de corporations mais lui et son clergé restent passifs. Perclus de rhumatisme aigu, il décède en janvier 1892.

Illustration.
Jules Guesde photographié par Nadar (avant 1910)

Le siège de Cambrai est vacant près d’un an. Il n’y a pas de prétendant car la situation politique est marquée par la « contre Église socialiste » de Jules Guesde, marxiste pragmatique et fondateur depuis 1880 de « syndicats ouvriers athées » dans « son fief central de Lille Roubaix Tourcoing ; ces mêmes syndicalistes qui mènent en juin 1892 une violente campagne « contre les curés et les patrons », soutenus par « la Libre Pensée socialiste du Nord » qui prône l’enterrement civil et le « laïcisme radical ».

Dans ce contexte, le pape Léon XIII impose le poste en décembre 1892 à l’évêque de Saint Dié Mgr Marie-Alphonse Sonnois, prélat modéré rallié à la cause républicaine. Cependant il doit vite s’opposer aux décrets gouvernementaux portant sur le contrôle des Fabriques de l’Église et les taxes sur les biens des Congrégations. Il tient tête au ministre des Cultes Raymond Poincaré qui le défère au Conseil d’État en 1895. L’accusé est suspendu de sa fonction en 1897. Nous sommes en pleine période de « guerre scolaire » débutée, rappelons le, en 1879. Son diocèse se déchaine pour son maintien, encadré alors par un clergé fort nombreux et par la grande bourgeoisie « apostolique » groupée en de multiples « comités » et « œuvres » (notamment celle des écoles catholiques ayant vocation la défense des enseignants catholiques du Primaire, du Secondaire et des facultés de Lille). L’archevêque de Cambrai fait également face à l’opposition entre un patronat puissant et des prêtres attentifs à la misère ouvrière et marqués par le catholicisme social 9 dont le plus célèbre est l’abbé Lemire.

Illustration.
Jules Lemire

Celui-ci, député d’Hazebrouck étendant son mouvement dans le Nord grâce à la revue « La démocratie chrétienne » dirigée par l’abbé Paul Six, aumônier à Tourcoing, irrite « les patrons du Nord » et inquiète Mgr Sonnois hostile à l’émancipation des « jeunes abbés ». Les huit dernières années de son épiscopat (1898 1906) sont pour lui un véritable calvaire, jalonné par les mesures persécutrices des ministres Waldeck-Rousseau et Combes (1899 1904). Les congrégations sont expulsées en 1903 et leurs écoles presque toutes fermées. L’Assemblée des catholiques du Nord et les Comités d’action catholique tentent désespéramment de sauver les écoles privées en y remplaçant les religieux par les laïcs.

Mgr Sonnois condamne la « loi de séparation des Églises et de l’État » et les « Inventaires » imposés en 1906. En cette fin d’année, il est expulsé de sa résidence épiscopale de Cambrai. Il perd progressivement ses facultés et laisse l’administration de son diocèse à Mgr Delamaire . Il meurt le 7 février 1913.

Image illustrative de l’article François Delamaire
Mgr Delamaire (Le Pèlerin, 1913)

Mgr Delamaire, coadjuteur de Mgr Sonnois est promu archevêque en 1913. C’est une personnalité « autoritaire quoique d’esprit démocrate ». Sa première démarche est de rétablir l’union des forces catholiques. Il s’affronte par la suite à l’Association catholique de la jeunesse française qui prône le « modernisme social ».

Marc Sangnier au début du XX e siècle

Il se heurte ensuite au « Sillon » mouvement politique et idéologique fondé en 1894 par Marc Sangnier visant à rapprocher le catholicisme de la République, en offrant aux ouvriers une alternative aux mouvements de la gauche anticléricale et « matérialiste ». Voyant son jeune clergé séduit par ce mouvement, l’évêque le qualifie « d’apostolat exalté, militarisé, indépendant de l’autorité hiérarchique et doctrinalement flou ». Le pape Pie X interdit à ses prêtres en 1909 toute participation au « Sillon ». Mgr Delamaire doit de nouveau lutter contre le « modernisme social » de l’abbé Lemire, le condamnant fermement en 1913 après avoir tenté de ménager le député réélu d’Hazebrouck. Après la « Séparation » de 1905, la partition du diocèse est souhaitée par les fidèles et les Facultés de Lille, souhait qui tracasse vivement l’archevêque jusqu’à hâter sa mort le 21 juillet 1913.

Remise de la croix de la Légion d'Honneur à Mgr Chollet : Mgr Julien évêque  d'Arras : [photographie de presse] / Agence Meurisse | Gallica
Jean-Arthur Chollet

La partition de l’archidiocèse de Cambrai en septembre 1913 est un appauvrissement pour Cambrai (400 prêtres au lieu des 1100 de l’ancien diocèse, 1/3 de pratiquants sur les 800 000 habitants contre 70% dans le nouveau diocèse de Lille qui compte plus d’un million d’habitants). Sans se laisser décourager par cet « appauvrissement » Mgr Chollet entame, dès son intronisation à Cambrai, son apostolat dans les 783 paroisses dont il partage la charge avec un clergé encore relativement abondant, en dépit de la partition, de la politique hostile des radicaux-socialistes et de la laïcisation des « zones rouges ». Il est aidé par les chrétiens engagés, par la ferveur mariale de la population et par la presse catholique. La guerre mondiale éclatant, le diocèse connait les champs de bataille, l’occupation et la douleur de ses ouailles dans ce conflit particulièrement meurtrier et destructeur même si durant ces quatre années « l’Union sacrée » apaise les tensions religieuses. Les relations s’améliorent entre les catholiques et la République. Le gouvernement suspend l’application des mesures visant les congrégations et sollicite le soutien des forces religieuses. Les catholiques, comme l’ensemble de la société française d’ailleurs, font valoir la primauté de la patrie, relève la revue Vie chrétienne.

Le diocèse ultra-conservateur de Cambrai de 1914 à 1945

Photo Ministère de la Culture © AFP

La rivalité politico-économique de deux blocs, la Triple Entente (Angleterre France et Russie) d’une part et la Triplice (Allemagne, Autriche, Italie) d’autre part dégénère en une guerre qui commence dans les Balkans et s’étend progressivement à toute l’Europe en vertu des alliances. Ce conflit impose aux peuples européens des sacrifices humains, matériels et financiers si considérables que toute l’Europe sort ruinée de cette « Grande Guerre ». Après la reconstruction et quelques « années folles », la crise de 1929 provoque également sur le « vieux continent » chômage, pauvreté et troubles politiques. C’est « la montée irrésistible des dictatures » (Bolchévisme, Fascisme, Nazisme) qui prélude en 1936 au triomphe en France du Front populaire de Léon Blum et en 1939 au déclenchement de la seconde Guerre Mondiale. Dans cette période « d’entre deux guerres », l’Église prône l’Action Catholique des Jeunes et l’apostolat des adultes avec l’espoir de « reconquérir les brebis sans pasteur » et de rechristianiser ce monde sécularisé.

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Crédit photo: Association wagon de l’Armistice

Après la la demande d’armistice du gouvernement français en juin 1940, la Troisième République est remplacée par « l’État de Vichy » en juillet présidé par Pétain qui exalte des valeurs chrétiennes (Famille-Travail-Patrie) mais qui impose à travers ses courtisans Laval et Darlan la collaboration servile, l’antisémitisme criminel et la déportation pour le travail forcé. Face à cette situation, les réseaux de résistance s’organisent à « l’appel du général de Gaulle », appel qui triomphe en 1944. Après la libération de Paris, la Quatrième République est inaugurée.

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Le diocèse de Cambrai assiste, nous l’avons dit, à l’invasion destructrice de 1914 et de l’occupation durant quatre ans. Nombre de bâtiments religieux sont détruits, d’autres abandonnés par le clergé mobilisé.

Prêtres et religieux, héros de 14-18
Un aumônier militaire célèbre une messe devant des soldats français.Photographie par Louis BEAUFRERE. Crédit: Collection NBL/KHARBINE-TAPABOR

Le clergé reste un repère pour ces populations déboussolées. Monseigneur Chollet, évêque de Cambrai, ou Monseigneur Charost, évêque de Lille, jouent ainsi un rôle essentiel en impulsant une politique ecclésiastique claire, qui pour autant ne remet pas en cause leur sentiment patriotique 10. Certains religieux sont allés encore plus loin, en s’engageant dans la résistance, à l’image de Joseph Peter, curé de Maroilles.

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Ruines de l’archevêché de Cambrai Photographie de presse Agence Meurisse

Mgr Chollet se préoccupe dès 1919 de reconstruire les églises et les édifices religieux détruits. Ultra-conservateur, il se préoccupe de la question sociale dans l’esprit paternaliste du XIX e siècle.

Remise de la croix de la Légion d’Honneur à Mgr Chollet : le général Daumé, Mgr Chollet, Mgr Dubois et Mgr Julien : [photographie de presse] / Agence Meurisse.
Image illustrative de l’article Jean-Arthur Chollet
Jean-Arthur Chollet en 1920

Il consacre aux ouvriers polonais arrivés en masse depuis 1920 plusieurs prêtres, un bulletin et un catéchisme en polonais. Son message évangéliste est centré sur les écoles privées et le ressourcement spirituel : Croisade eucharistique, pèlerinages, Confréries mariales. Il appelle les prêtres à « l’Union apostolique » et à « l’Union missionnaire du clergé ». Il participe au 40 ème Congrès des Catholiques du Nord et Pas de Calais en novembre 1924, congrès dans lequel le Vicaire général Delannoy lance pour les diocèses de Cambrai et de Lille la « grande manœuvre de l’armée catholique autour de trois bataillons sacrés  » : la Fédération Nationale Catholique groupant plus de 100 000 militants des comités décanaux et paroissiaux, la Ligue Patriotique des Françaises groupant des centaines de femmes engagées dans les œuvres et le Syndicalisme Chrétien groupant les syndicats en une « Union du Nord » adhérant à la C.F.T.C.

Après ce 40 ème Congrès, Mgr Chollet réunit un Congrès diocésain à Valenciennes pour inaugurer officiellement l’Action Catholique, prônée par le Saint-Siège. Dans cet esprit Il crée une « Association des Jeunes » regroupée par la suite dans l’A.C.J.F. Il confie au chanoine Auguste Scorssery le lancement de la JOCF, la fondation à Valenciennes en 1931 d’un secrétariat social, d’une École Normale Ouvrière, des syndicats chrétiens, des écoles professionnelles, Scorssery devenant ainsi le premier « missionnaire diocésain du milieu ouvrier » (1932), aumônier des Jocistes, de l' »Union Sociale des Ingénieurs chrétiens » et de l’Action Catholique des Adultes. En 1937, les sections spécialisées de l’Action Catholique se structurent : JEC, JOC, JAC…et la « Ligue Ouvrière Catholique (L.OC) est fondée.

Mgr Jean-Arthur Chollet

Par ailleurs Mgr Chollet fait prospérer dans la décennie 1930 l’enseignement privé qui compte six collèges diocésains, une dizaine d’écoles d’apprentissage et des centaines d’écoles primaires. Il stimule les vocations sacerdotales en recommandant les « œuvres pies » dans les collèges et sollicite la générosité des chrétiens envers le « denier du culte » car son clergé à la veille de la seconde guerre mondiale est âgé, pauvre et trop peu nombreux par rapport au nombre de paroisses.

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Premier gouvernement du régime de Vichy en juillet 1940. De gauche à droite : Pierre Caziot, François Darlan, Paul Baudouin, Raphaël Alibert, Pierre Laval, Adrien Marquet, Yves Bouthillier, Philippe Pétain, Émile Mireaux, Maxime Weygand, Jean Ybarnégaray, Henry Lémery, François Piétri, Louis Colson.

L’offensive allemande de mai juin 1940 est destructrice dans le diocèse qui accueille l’instauration du « régime de Vichy » avec indifférence, voire avec hostilité. Par contre Mgr Chollet se comporte de façon ambiguë sous l’occupation, cherchant avec son coadjuteur Mgr Guéry refuge pendant trois ans dans la zone non occupée. Rentré à Cambrai en 1943, il accepte « loyalement » le gouvernement de Pétain parce qu’il favorise l’enseignement privé, ne semblant pas indisposé par la « charte du travail » du vieux maréchal qui envoie les ouvriers en Allemagne contrairement à la liberté syndicale! A cette attitude équivoque de l’évêque contraste la position des nombreux adhérents de la C.F.T.C et de la J.O.C qui se mêlent dès 1941 aux militants de la Gauche à la première « armée de l’ombre », structurée par un « Comité départemental de libération », pourchassant les « collaborateurs ».

A la libération par les Alliés en 1944 le diocèse est dévasté et ruiné.

Le diocèse de 1945 à nos jours

Charles de Gaulle
Charles de Gaulle en 1942

Le général de Gaulle, fort de son combat pour l’honneur, devient sans contestation le chef du gouvernement de la République française où cohabitent des communistes (PCF), des socialistes (SFIO) et des démocrates-chrétiens (MRP). C’est le temps des nationalisations dans le secteur bancaire, de l’énergie (création d’EDF-GDF), des mines, des transports aériens (création d’Air France) et de l’industrie comme par exemple Renault. Dès 1945 les femmes sont appelées à voter. Mécontent de la préférence de la classe politique pour un régime parlementaire, le général de Gaulle se retire au bout de quelques mois, en janvier 1946, laissant place à la IV e République. Malgré une grande instabilité ministérielle, celle-ci accomplit une œuvre colossale, modernisant le pays (constructions de routes,de trains, de barrages, de paquebots, de trains, d’avions, recherches sur l’énergie atomique…) et entamant la décolonisation et la construction européenne. De Gaulle revient sur le devant de la scène en mai 1958, à 67 ans. Il instaure la V e République qui met fin au régime parlementaire et qui adopte une Constitution à caractère plus présidentielle. Sur le plan économique la France connaît une expansion sans précédent jusqu’à la crise de 1973. Entre-temps elle la France s’embrase avec les évènements de 1968, année charnière dans l’évolution des mœurs, et voit la démission l’année suivante du général de Gaulle après que le peuple eut rejeté par référendum son projet de régionalisation.

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Georges Pompidou en 1969

Son remplaçant Georges Pompidou multiplie les grands travaux d’infrastructure , lance les recherches sur le futur TGV (train à grande vitesse) et relance le programme de centrales nucléaires.

Valéry Giscard d’Estaing

En 1974 Son ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing lui succède et engage avec audace des réformes majeures: droit de vote à 18 ans, légalisation de l’avortement et du divorce par consentement mutuel, collège unique…Son mandat débute en pleine crise économique et énergétique. Impuissant devant la situation il fait appel en tant que premier ministre en 1976 à Raymond Barre qui entame une politique de rigueur économique. Cette politique d’austérité porte à la Présidence de la République en 1981 François Mitterand, chef de la gauche unie qui inaugure son mandat par l’abolition de la peine de mort.

François Mitterand en 1984

Après des réformes audacieuses (nationalisation des grandes entreprises, hausse des salaires et des prestations sociales…) le gouvernement est contraint de mettre en place des plans de rigueur qui aboutissent en 1986 à une première cohabitation, la gauche présidentielle atteignant des abîmes d’impopularité et perdant la majorité aux élections législatives. François Mitterrand nomme donc à la tête du gouvernement le chef de la majorité parlementaire, Jacques Chirac qu’il battra cependant deux ans plus tard aux élections présidentielles.En 1991, le traité de Maastricht jette les bases d’une monnaie unique au sein de l’Union européenne. 1993 voit l’ouverture du tunnel sous la Manche. Deux autres cohabitations (Mitterrand-Balladur 1993-1995, Chirac-Jospin 1997-2002) suivront.

Le mandat présidentiel ramené à cinq ans à cette date verra la réélection de Chirac puis la nomination de Nicolas Sarkosy (2007 2012). Son mandat est caractérisé par l’impact de grands événements internationaux tels que la crise économique mondiale de 2008 et la crise de la dette dans la zone euro.

Candidat à sa propre réélection en 2012 il est battu par François Hollande (2012 2017) dont la présidence est marquée par une augmentation de la fiscalité, la loi sur la mariage homosexuel , par la tenue de la Conférence de Paris sur le climat, par la crise migratoire en Europe et par l’institution d’un état d’urgence à la suite de plusieurs attentats islamistes en France .

En 2017 Emmanuel Macron accède à la Présidence de la République après avoir en 2016 fondé et pris la présidence de son propre mouvement politique baptisé En Marche. Son mandat est marqué par une réforme du code du travail, une loi de réforme de la SNCF, le mouvement des Gilets jaunes et le grand débat national qui s’ensuit, ainsi que par un projet contesté de réforme des retraites, l’entrée en vigueur de la loi de bioéthique, la mise en place d’une convention citoyenne pour le climat et la pandémie de Covid-19.

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Image illustrative de l’article Émile Guerry
Émile Maurice Guerry

Dans le diocèse de Cambrai Mgr Émile Guérry succède en 1952 à Mgr Chollet. « Spécialiste de la doctrine sociale – il publie sur ce sujet d’imposants ouvrages : la Doctrine sociale de l’Église, l’Église et la Communauté des peuples, Église catholique et Communisme athée. Il n’hésite pas en de nombreuses occasions à prendre parti sur des sujets brûlants : ainsi dénonce t-il, en 1962, « les méthodes subversives et criminelles  » employées par l’O.A.S., et publie-il, en 1963, un long texte énonçant les raisons pour lesquelles il demandait l’amnistie. N’ayant pu, au concile, développer son argumentation sur « l’Église et la course aux armements », il en faisait l’objet d’une lettre pastorale, dans laquelle il affirmait le devoir impérieux qu’ont les chrétiens de militer pour la paix. Membre, au concile, de la commission des évêques, il ne peut ne pas s’intéresser au court débat qui s’engage, lors de la deuxième session, sur une éventuelle « mise à la retraite » des évêques. Le projet est d’ailleurs rapidement écarté au profit d’une simple recommandation.  » Les évêques diocésains, lit-on dans le paragraphe 21 du décret, sont instamment priés de donner leur démission, soit d’eux-mêmes, soit sur l’invitation de l’autorité compétente, si, du fait de leur âge avancé ou de toute autre raison grave, ils deviennent moins aptes à remplir leur tâche.  » 11 Il tient à s’appliquer à lui-même cette nouvelle décision conciliaire et renonce à sa charge épiscopale en 1966.

Mgr Jenny

Mgr Jenny lui succède. Né à Tourcoing le 11 juillet 1904, Henri-Martin Jenny est ordonné prêtre le 10 juillet 1927 à Cambrai. Docteur en philosophie scolastique et en théologie, il est directeur, de 1929 à 1950, au grand séminaire de Cambrai, où il enseigne l’Écriture sainte et la liturgie. Il est ensuite curé-doyen de Saint-Géry à Cambrai, puis archiprêtre de Saint-Jacques à Douai. Il est nommé le 14 mars 1959 auxiliaire de Mgr Guérry. Sa prise de charge, comme évêque auxiliaire, coïncide avec la convocation du concile Vatican II par le Pape Jean XXIII. Durant les travaux, Mgr Henri Jenny participe très activement aux réflexions de la commission sur la modernisation de la liturgie. En tant que Père conciliaire, il contribue largement à la rédaction de Sacrosanctum concilium (publiée le 4 décembre 1963)., Il devient le 18 mai 1965 coadjuteur de Mgr Guérry avec droit de succession puis évêque de Cambrai le 15 février 1966. Évêque réformiste et libéral, homme de terrain et grand connaisseur du clergé diocésain, il mène un travail de réforme de l’organisation et des institutions diocésaines. En 1966, il établit une « commission du clergé » chargée d’une réflexion sur les ministères des prêtres. En 1967, il rencontre le Pape Paul VI durant une visite à Rome. A cette occasion, il lui demande la nomination d’un évêque auxiliaire. Sa requête est acceptée par le Pape, qui nomme en 1968, Mgr Jean-François Motte. Le 25 mars 1980, âgé de 75 ans, il démissionne pour raison d’âge, à l’arrivée de Mgr Jacques Delaporte à la tête du diocèse. Il se retire auprès des Petites-Sœurs-des-Pauvres à Sin-Le-Noble, dans le diocèse de Cambrai, où il décède le 3 mars 1982 12.

Mgr Delaporte

Mgr Delaporte est une personnalité sensible aux questions sociales, dans un diocèse fortement touché par le chômage. Responsable du Service Incroyance Foi de 1979 à 1982, il préside la Commission épiscopale des migrations de 1982 à 1988. En 1989 il devient président de la Commission française «Justice et Paix» et membre de la Commission épiscopale de la mission universelle de l’Église. Passionné par les questions internationales, il dénonce en 1999 dans les colonnes du quotidien «Le Monde» «le caractère criminel» des opérations de l’armée russe en Tchétchénie visant délibérément une population civile. Au niveau de son diocèse composé de 465 prêtres il a le souci d’opérer un renouvellement diocésain dans le contexte difficile de la fin du XXe siècle, en mettant en place des conseils paroissiaux et des équipes de secteur, auxquelles leur sont confiées des missions d’animation pastorale. Il meurt subitement le dimanche 21 novembre 1999 alors qu’il était en pèlerinage à Jérusalem. Son cercueil porté par les compagnons d’Emmaüs dans les rues de Cambrai témoigne de l’homme qui fut toujours au service des plus déshérités, des malades, des oubliés du progrès 13.

Image illustrative de l’article François Garnier
François Garnier en 2012 Photo Peter Potrowl

Le 7 décembre 2000, François Garnier est nommé archevêque de Cambrai. Il poursuivit l’œuvre entreprise de son prédécesseur en regroupant en 2003 les anciennes paroisses en 51 paroisses nouvelles et 12 Doyennés. Il préside l’Union des associations diocésaines de France et est membre de la Commission pour la mission universelle de l’Église, chargé de la délégation catholique pour la coopération et membre du Conseil pour les affaires économiques, sociales et juridiques. Le 8 novembre 2008, il est élu président de la Commission pour la mission universelle de l’Église pour un mandat de trois ans et est réélu dans ces fonctions en 2011. Atteint d’une leucémie en 2017 il décède le 15 août 2018. Ses obsèques sont célébrées le 24 août 2018 par son successeur Vincent Dollmann.

Mgr Vincent Dollmann

Mgr Dollmann choisit comme devise épiscopale : « Caritas Christi urget nos, La charité du Christ nous presse » (2Co 5). Le 27 juillet 2020, quelques jours avant le vote en 2e lecture de la loi bioéthique au Parlement dans la nuit du vendredi 31 juillet au samedi 1er août, il publie un message intitulé : « Un jour de grande tristesse ». « Je suis pour ma part blessé et attristé », affirme-t-il, cependant, « l’indignation ne doit pas nous décourager à participer activement aux débats et à la vie de la société ». Le 5 octobre 2021, suite au rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, Mgr Dollmann se dit « sous le choc du nombre de victimes » et se demande « comment se fait-il qu’on n’ait pas pu voir l’importance de cela ? ». Il a depuis annoncé certaines mesures. Parmi elles, le renforcement de la cellule d’écoute avec un « accompagnement humain et spirituel des victimes », l’élaboration d’un protocole entre le diocèse et le ministère de la justice dans chaque arrondissement, la création d’un dispositif particulier dans les écoles privées nommé EARS (éducation affective relationnelle et sexuelle), la formation continue des clercs dont les diacres.

Conclusion

Le diocèse de Cambrai à l’instar de l’église catholique romaine est confronté à la baisse de la pratique religieuse s’accentuant depuis les années 1980 et concomitamment à la baisse des vocations sacerdotales. Le monde chrétien traverse en effet une crise de la spiritualité avec l’évolution rapide des mœurs et la montée fulgurante de l’esprit individualiste et matérialiste. Devant cette situation, l’œuvre entreprise par les derniers prélats doit se poursuivre en renforçant les liens et les responsabilités entre le clergé et les fidèles.

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Articles complémentaires émanant des Mémoires de la Société archéologique et historique de l’arrondissement d’Avesnes Tome XIV 1932 :