César, au livre II du De Bello Gallico, raconte longuement la bataille où les Nerviens faillirent le vaincre en 57 avant Jésus-Christ; il nomme le chef qui les commandait, Boduognalus, et la rivière sur les bords de laquelle il fut aux prises avec eux, Sabis. Au livre V, il s’étend sur les dangers que, trois ans plus tard, ils firent courir, avec Ambiorix, les Eburons et les Aduatiques, à O. Cicero et à sa légion; il nous transmet le nom du seul Nervien qui, en cette occasion, ait voulu partager le sort des Romains, Verlico. Mais il néglige de noter quelle était la capitale de cette nation valeureuse (1).
Il faut attendre la première moitié du IIe siècle pour trouver mention de Bavai. Ptolémée, après avoir parlé des Tongres, écrit : « Au-dessous de ces peuples s’étendent, les plus au Nord, les Nerviens, dont la cite est Bavai (2). Les mots Bagaco Nervio[rum] sont inscrits sur la Table de Peutinger, accompagnés des deux tourelles à toit pointu qui, dans ce document, désignent, sauf exception, les villes capitales (3). On sait que cette carte date, pour le fond, de la première moitié du IIIe siècle. Vers la fin du même siècle, l’Itinéraire d’Antonin nomme trois fois Bagacum et une fois Bagacum Nerviorum (4). On le voit : les textes anciens sont peu nombreux à nous parler de Bavai et ils le font fort brièvement. Mais, en dépit des injures du temps et malgré les coups que trop souvent leur ont portés les invasions et les guerres, les édifices construits dans cette ville par les bâtisseurs romains n’ont pas complétement disparu; vers elle montent encore de tous les coins d’horizon, pour y former un remarquable carrefour, les routes que suivaient les légions; le sol où elle se survit n’a point cessé d’être un champ de fouilles particulièrement fertile.
(1) DE BELLO GALLICO, II, 23, 4 « Boduognato, qui summarn imperii tenebat… » ; II, 16, 1 « Sabim /lumen… » ; V, 45, 2 : « Nervius, nomine Vertico… (2)Cl. PTOLEMAEI Geographia, lib. II, c. 9, n. 6, ed. Muller, Paris, 1883, pp. 223 s. : « trnO Tec etp.viva. 8vi TCUpi;xoucscv dcpxTtexc’oTacToL pA:v NepoOtoL, aiv rc6Atc Riyavov. » L’apparat critique donne les variantes Bdcaomov et B&yxvov. D’apres la forme francaise Bavai, ii semble qu’on doive retablir Bc’crxxov, correspondant a la forme latine Bagacum, laquelle, par l’intermediaire des formes *Bagacum et Bavaeum, a abouti phonetiquement a Bavai. (Note de M. Rene Louis, professeur à la Faculté des Lettres de Lille, directeur de la Ire circonscription archeologique historique.) (3) Cf. Rev. Et. Anc., XIV , 1 (1912), pl. III. (4) Otto CUNT; Teubner, 1929, Ilineraria Romana, vol. I, Ilineraria Antonini Augusli el Burdigalense, p. 58, n. 376, 2 ; n. 377, 1 ; n. 378, I.
I Du Moyen Age à la fin du XVII e siècle.
« Chastel » ou « castelet » est le nom sous lequel étaient connues, au Moyen Age, les ruines imposantes qui étaient groupées au N.-O. de la ville et qui sont en bonne partie restées visibles (1). Au XIV e siècle, Lucius de Tongres voit dans ces ruines celles d’un palais que, s’il fallait l’en croire, aurait élevé, en fondant Bavai, Bavo, le cousin de Priam. La description qu’il nous en donne et que nous a gardée Jacques de Guyse, n’est pas pure fantaisie. Il écrit par exemple : « Toutes ces constructions formaient des masses bien solides, sans vides, constituées par un béton fait de briques broyées et mêlées avec de la chaux… Ce palais, quant à la forme, était long et étroit à la façon d’un navire. La partie principale du palais était pavée de pierres d’un grand prix, comme le constatent ceux qui creusent là un peu profondément (2). » De sa ville natale Jean Lemaire de Belges écrit, en 1512, dans les Illustralions de la Gaule el Singularilez de Troye : « Bauais en Haynau… à présent n’est qu’une petite ville déserte et désemparée mais les ruines dicelle monstrent bien que au temps passé elle ha esté de merveilleuse estendue (3). » Dans ses Reruin Belgicarum Annales, dont la dédicace est datée de 1624, Aubert Lemire est le premier témoin, à notre connaissance, d’une tradition d’après laquelle les ruines du N.-O. de la ville seraient les restes d’un cirque romain : « On va voir aujourd’hui encore, dans cette ville, les murs en ruines d’un cirque bâti par les Romains ; il est de forme oblongue, à la façon d’un navire ; on l’appelle le « Vieu-Chastel » (4).
(1) Cf. au plan la rue du Chastelaire. (2) Jacques DE GUYS; Annales historiae illustrium principum Hannoniw, lib. I, cap. XIII, edit. Fortia d’Urban, Paris et Bruxelles, 1826, t. II, p. 235 : « Omnia siquidem dicta xdi ficia… erant admodum masses non concavx, de biturnine compact° ex lateribus pulverisatis cum calce artificiatiter permistis… Hoc autem palatium.., quantum ad forinam tan um et strictum ad modurn navis protendebatur… Era! autem planities intrinseca palatii principalioris partis lapidibus preciosis constrata, prout patet ibidern terram aliquantulurn profunde effodientibus. » Si on n’a pas trahi la pensée de Lucius de Tongres en traduisait, bitumen par béton, tour les traits de cette description relevés ici sont exacts. (3) Ed. STECHER, Louvain, 1882, t. II, p. 290. in modum navis ; vulgo « Vieu-Chastel » vocant… » (4) P. 39 « In eodem oppido hodieque visuntur muri ac minx circi a Ronianis structi, forma oblonga, in modum navis; vulgo « Vieu-Chastel » vocant …»
Aubert Lemire nous signale d’autres ensembles de ruines romaines qui étaient visibles jadis et qui ont cessé de l’être ou furent détruites • « … sous l’église paroissiale de Bavai les murs dégradés d’une sorte de crypte subsistent encore de nos jours ; les savants conjecturent que ce sont des restes de thermes… Hors de la ville de Bavai on va voir un aqueduc remarquable partant de la ville même, du côté de Hautmont, il s’étend à plus de trois milles au delà de la Sambre, jusqu’à Floursies… (1) ». « Sur les cloaques, jusqu’à présent je n’ai rien trouvé. Je sais ceci : dans la campagne voisine aujourd’hui encore des cryptes ou des galeries souterraines font l’admiration de ceux qui les voient ; mais quelle en était anciennement la destination, je ne le sais pas (2). »
(1) ouv. cit., p. 40 • « Sub templo parochiali Bavacensi, parietinx velut cryptx etiamnum .restant, qua’ thermarum reliquias esse erudili suspicantur… Extra oppidum Bavacense visitur aquwductus tnstgnts, qut facto initio ab ipso oppido, versus AlturaMontem… ultra Sabim, usque Fontem Floridum… ad trta amplius miliaria extenditur. » (2) P. 42 : « De cloacis nihil mihi adhuc compertum ; hoc scio, in agro suburbano hodieque cryptas seu vias sublerraneas cum admiratione spectari, sed in quem olim usum nescio. » S’il fallait en croire une chanson de geste qui date de la première moitié du XIV e siècle, Li Romans de Bauduin de Sebourg, éd. B. HENRY, Valenciennes, 1841, XIX, v. 705 a v. 725 et XX, v. 297 a v. 305 et v. 316 a v. 320, Bavai, Sebourg et Famars auraient été reliés par un souterrain établi par les « payens ». C’est ainsi qu’aux vers 708 et suivants du chant XIX, on lit :
Et s’avoit dessous Jerre une croute establie Ensi c’une cisterne grande et lee… Qui aloit a Bavai, uine ville prisie, Qui fut au temps jadis de grande seignourie. La cisterne… fu faite et establie En l’anchiene loy, par le gent payenie. Jusqu’a Bavai allot…
Dans son Étude sur Bauduin de Sebourg, Paris, 1940, p. 68, M. Edmond-René LABANDE écrit de l’auteur de ce poème : « Il connaissait… (la région) qui se trouve au sud et au sud-est de (Valenciennes). En effet, on voit aux vers XIX, 710 et 716, les villages de Famars et de Bavai reliés au château de Sebourg par des souterrains ; non seulement ce n’est pas une invraisemblance, étant donné le peu de distance entre les points considérés, mais c’est un élément facile à contrôler. Il existe encore de nos jours d’immenses galeries souterraines dans les environs de Bavai, portant le nom de « Trous des Sarrasins » : ce sont probablement des carrières de calcaire largement exploitées à l’époque romaine. » Et M. Labande renvoie ses lecteurs à l’étude de M. DESAILLY, publiée dans le Bulletin de la Société préhistorique française, t. XX [1923], pp. 306 ss. et intitulée « Notice sur les souterrains connus sous le nom de trous des Sarrasins des environs de Bavai (Nord) ». A vol d’oiseau, entre la ville de Bavai et le village de Famars il y a 20 kilomètres. Le peu de distance qui sépare deux points ne suffit pas à rendre vraisemblable l’affirmation qu’un souterrain les relie. Il n’est d’ailleurs pas facile de s’assurer qu’il existe dans les environs de Bavai d’immenses galerie souterraines. L’entrée du trou des Sarrasins, situé sur le territoire de Houdain-lez-Bavai, le seul qui fut encore accessible avant 1940, est pour le moment obstruée ; ce qu’on pouvait voir de ce souterrain était de proportions modestes. Aussi bien vaut-il mieux sans doute ne pas chercher à quelques kilomètres de Bavai et, de la route de Bavai à Sebourg une explication qu’on peut trouver à Bavai même. Il y a des souterrains dans le sous-sol de cette localité. Depuis Lemire, plusieurs auteurs en ont fait mention, sans donner beaucoup plus de précisions que lui. Cf., par exemple, LEBEAU, Archives historiques et littéraires du Nord de la France et Midi de la Belgique, nouvelle série, V, p. 143, et DELHAYE, Bavai et la contrée qui l’environne, Douai, 186 pp. 283 ss. On peut croire qu’au XIVe siècle, comme de nos jours, le public en connaissait l’existence, sans bien savoir quelles pouvaient en être l’exacte nature et les dimensions, ce qui mettait le poète à l’aise pour en parler comme le fit. Famars. Il faut noter que la tradition est gardée jusqu’à présent à Bavai d’un souterrain entre cette ville et Famars.
A parler de tels monuments Aubert Lemire s’est ému et il termine la page qu’il consacre à Bavai par une apostrophe toute lyrique : « Bavai, toi qui fus jadis la Rome de la Belgique, … relève donc un peu la tête de tes ruines,si tu le peux ! (1) » Par son Rerum Belgicarum Chronicon, qui date de 1636, nous savons qu’Aubert Lemire est venu visiter Bavai en 1633 et que lors de son passage on mettait au jour, près de la porte de Valenciennes, d’importantes substructions : « … des fondations de thermes ou d’un très vaste palais, des marbres et des pierres de grandes dimensions étaient découverts à Bavai, dans la campagne prochaine, près de la porte de Valenciennes, en 1633, quand je suis allé voir les antiquités romaines de cette localité (2). » Il est possible que ce soit les mêmes substructions que visent les Bollandistes, dans les Acta Sanclorum, en 1643, quand ils parlent de Bavai, à propos des reliques de saint Maur qu’on y avait vénérées : « les fondations de grands édifices sont découvertes ça et là dans l’enceinte de cette ville, comme nous-mêmes, nous l’avons constaté en 1630 et 1633 (3). » Alors que pour Aubert Lemire Bavai avait été la Rome de la Belgique, les Bollandistes nous gardent le témoignage d’une opinion plus réservée : « Bavai est une ville très ancienne du Hainaut et, comme le pensent des savants, le principal poste romain en Nervie (4). » Gilles Boucher, lui aussi, a visité Bavai. Fort de ses constatations, il corrige, dans son Belgium Romanum Ecclesiaslicum et civile, de 1655, une affirmation, non de Jacques de Guyse, comme il le dit, mais de Lucius de Tongres, affirmation reprise par Aubert Lemire, sur les ruines du prétendu cirque : « Jacques de Guyse écrit que ce cirque a la forme d’un navire… Cependant je crois avoir bien remarqué que les murs en sont, non courbes et ovales, mais droits et presque parallèles. Aussi, à mon sens, est-il presque semblable au Cirque Maxime de Rome, bien que plus petit… Mais les habitants n’y reconnaissent pas un cirque, non plus que Jacques de Guyse ; pour celui-ci c’est un palais ; pour eux, un. château ; on l’appelle le Chastelet (5). »
(1) Ouv. cit., pp. 42 ss. «Bavacum, Belgica olim Roma, … paulisper e minis Luis, si las est, faciem attole. » (2) Autberti Mimi rerum Belgicarum Chronicon, Anvers, 1636, p. 129 : n Thermarum aut eerie palatii fundamenta, marmora saxa pmgrandia in agro suburban° ad porlam Valentinianensem, Bavaci, anno 1633, eruebanlur, cum ad lustrandas illius loci antiquitates Romanas excurrissem. (3) Acta Sanclorum, Anvers, 1643, t. I, p. 1051 « Ingentium wdificiorum fundamenta passim in porncerio eruuntur, ul ipsi anno 1630 et 1633 coram adspexirnus. (4) Ibid. : « Est Bavacum vetustissimum Hannonim oppidum et, ut quidam erudili censent, prwcipiza Romanorum in Nerviis statio. » (5) R. P. IEgidii Bucherii Atrebatis… Belgium Romanum ecclesiastic= et civile, liv . XV I, cap. VII, 3, p. 502 : « Guisius… navis ilium (circum) figuram expressisse scribit… Ego lamen lalerales ejus nwros non inflexos et ovales sed rectos et fere parallelos adverlisse videor. Unde circo Romw Maximo fere similem minorem existimavi… Sed circum non agnoscunt inquilini neque Guisius ; palatium hie, castellum, tnago « Chastelet » vocant.
Les ruines d’un aqueduc ont tout particulièrement frappe Boucher : « Rien ne provoque autant l’admiration du spectateur que la vue d’un très grand aqueduc, qui jusqu’à présent est assez bien conservé en de nombreux endroits… C’est un ouvrage tout à fait admirable, vraiment digne des Romains, que nous avons examiné plusieurs fois et longuement avec une grande satisfaction et non moins d’admiration (1). Le carrefour on s’élève Bavai (2) retenait aussi l’attention des curieux, ce carrefour où se rencontrent notamment la voie qui vient de Boulogne et celle que Camille Jullian appelle « la route vitale de l’Europe du Nord », la route « qui va de Cologne à Paris et qui longe la Meuse et la Sambre pour gravir ensuite le seuil du Vermandois et redescendre vers l’Oise ou vers la Somme » (3). « Les mers feront la fin des sept chaussées Brunehault », lisait-on sur l’aiguille heptagonale qui, au XVIII e siècle, se dressait au milieu de la place de Bavai. Au jugement de Camille Jullian, « la tradition des sept chemins de Brunehault à Bavai remonte au moins au XIIIe siècle » (4). Qu’ils soient attribués à Bavo, ou à l’ «archidruide » Brunehaldus, ou à la reine d’Austrasie, Brunehault, peu importe : ces fantaisies se valent ; mais de telles attributions témoignent qu’on reconnaissait aux sept chaussées une haute antiquité. Au bord des chaussées, auprès des mines, sur tout le territoire qui entoure l’agglomération bavaisienne, on peut penser que les trouvailles de sépultures, d’objets anciens de tout genre et de toute nature furent au moins aussi fréquentes dans le passé qu’à présent. Ces lignes d’Aubert Lemire en sont une preuve pour la première moitié du XVIIe siècle : « Dans la ville de Bavai et les environs, écrit-il, un très grand nombre de monnaies, des poteries et d’autres monuments de l’antiquité sont découverts tous les jours (5). » Il nous parle d’une collection de médailles recueillies à Bavai : « De notre temps, Charles de Croy, duc d’Arschot, célébré par Juste Lipse comme le Lucullus de la Belgique, a possédé un remarquable ensemble de monnaies trouvées a Bavai (6).»
(1 ) Ibid. : • Nahil aeque spectatorent in admirationent rapit quam immanis aquaeductus mullis adlute locis satis integer… opus sane admirabile, planeque Rotnanum, quod nos aliquoties diutiusque, magno anunt voluptate nec minore admiration consideravimus. (2) Bavai, où gist mainte chaucie, lit-on dans Li Romans de Baudoin de Sebourc, XX, 302. (3) Histoire de la Gaule, t. II, p. 472. Sur la route Boulogne-Bavai-le Rhin, Cf. Franz CUMONT, Comment la Belgique fut romanisée, dans Annales de la Société royale d’archéologie de Bruxelles, t. XXV 1 I I, 1914, pp. 88 sq. II est remarquable que les seuls textes qui nous parlent de Bavacum soient trois des cinq « documents itinéraires de l’antiquité » (cf. A. GRENIER, Manuel d’archéologie gallo-romaine, II Partie, » Les routes » p. 128). (4) Ouv. cit., t. V, p. 102, n. 2. » Les Nerviens, écrit par ailleurs Camille Jullian, ont de tout temps attiré les curieux et les érudits, surtout à cause des fameuses routes rectilignes qui partaient de Bavai et auxquelles la tradition donna le nom de chaussées Brunehault. Cette tradition ne m’a point paru antérieure à l’an 1000, car je ne trouve pas mention de Brunehaut, reine des Francs, avant un texte de l’Historia Franeoruna d’AIMOIN » (Bulletin archéologique du Comité des Travaux historiques el scientifiques, 1928, p. cxxi). (5) Rerum Belgicarum Annales; p. 41 : » In oppido et agro Bavacensi, plurima quolidie numismata, opera item figulina, aliaque antiquitalis monumenta eruuntur. (6) Ibid.: » Ex numismatibus iti repertis insignem nostra memoria thesattrum ac copiam habuit Carolus Croglus, dux Arschotanus, ut Lacunas Belgicus a Lipsio celebratus « .
Dès 157, dans son Theatrum Orbis Terratum, Abraham Odell, énumérant les principales villes du Hainaut, écrivait : « Il y a … Bauais, laquelle aucuns estiment être ce que Ptolémée a appelé Baganum ou Bavaeum. Autres cuident que c’est ce que César appelle en ses commentaires Belgium. Huberlus Leodius ne croit point que du temps de Jules César ceste ville ayt esté si puissante ; mais que plustot elle ayt esté fleurissante du temps de l’empereur Constantin ; ce qu’il recueille de ce que journellement on y trouve des médailles, esquelles se volt la figure du dit empereur (1).»
(1) On a cité l’édition française, Théâtre de l’Univers contenant les cartes de tout le monde, avec une brève déclaration d’icelles, par Abraham Ortelius, le tout reveu par le mesme autheur, Anvers, 1598.
II. – Pendant le XVIII e et le XIX e siècles.
Des études que le XVIII e et le XIX e siècles nous ont laissées sur Bavai et les monuments de son passé, certaines se distinguent par la précision et l’exactitude des renseignements qu’elles nous donnent.
Telle d’abord celle de Claude Masse. Cet ingénieur militaire avait reçu mission en 1724 de dresser la carte de la frontière des Pays-Bas et de l’Allemagne. Avec la carte de la région de Bavai il leva le plan de la ville auquel il joignit un mémoire daté, du 30 mars 1732 (1). Le mémoire est mal écrit, mal composé ; mais Masse y a consigné ainsi que sur le plan de précieuses observations.
Parmi d’autres découvertes alors récentes, il signale la belle inscription dite de Tibère, trouvée en 1716 et qui est, comme le constatait Camille Jullian, « l’un des très rares monuments de la Gaule mentionnant un fait historique » (2). Elle nous conserve le souvenir d’un passage du futur empereur à Bavai (3).
« … Les restes des aqueducs de Neuf-Mesnil, de Louvignies jusqu’à Bavai, écrit Masse, les vestiges des bains que les ouvriers m’ont assurez d’avoir détruits dans la jardin et prairie des prêtres de l’Oratoire…, les masures des murs du Vieu-Château… et le nombre infini de médailles des empereurs romains, les unes d’or, les autres d’argent, d’autres de cuivre et de bronze, avec des inscriptions latines et grecques… font une preuve incontestable de l’ancienneté de Bavai… les chaussées militaires… sont des preuves de l’importance de cette ville (4). »
(1) Ces documents, qui sont conservés à la bibliothèque du Comité technique du Génie sous le no 191, ne devaient être publics qu’en 1912, par Lucien LEMAIRE, dans les Mémoires de la Société archéologique d’Avesnes, t. X, pp. 79 ss. (2) Ouv. cit., t. VI, p. 467, n. 3. (3) Nous savons par C. Velleius Palerculus que Tibère monta vers la Germanie en 7, 8 et 10 (II, 104 ; 106-107 ; 120 sq.). (4) Ouv. cit., p. 103.
« Outre ce que lon voit visiblement les habitans et ouvriers qui ont été dans les souterrains qui sont sous l’église, sous la place et ailleurs sont des marques de son antiquité, mais lon en a bouché les entrées pour éviter les désordres et dégradations, ils disent qu’il y a de belles chambres bien pavées et les murs peints (sic) (1). »
(1) : Ibid p 113
Au N. O de la ville, Masse, le premier, reconnait les restes d’une enceinte fortifiée de l’époque gallo-romaine (fig. 2 et 3). Il en note les matériaux, en étudie la construction qu’il juge « singulière » (2). Claude Masse avait séjourné à Bavai et il fait état dans son mémoire de ses propres enquêtes
(2) : Ibid p 113
Le comte de Caylus, lui, travaille dans son « cabinet », et, au tome second de son Recueil d’ Antiquités Égyptiennes, Etrusques, Grecques et Romaines publié à Paris en 1756, il nous parle de Bavai à propos d’objets (fig. 4 et 5) et à l’aide de rapports qu’il en a reçus.
Après avoir donné une « idée générale de la position et de l’ancienne splendeur de cette ville …(1), il étudie vingt-quatre pièces diverses, vingt fragments de poterie sigillée et une mosaïque qui avaient été trouvés à Bavai et que reproduisent huit planches bien gravées (2) (fig. 6) Né à Bavai, en 1741, le récollet Jean-Baptiste Lambiez y était revenu à la Révolution. Dans les ouvrages abondants où il parle de sa ville natale,il fait surtout preuve d’imagination. Mais c’est à lui que revient le mérite d’avoir procédé aux premières fouilles intéressantes qui nous soient connues. Pour leur assurer les ressources nécessaires, une souscription avait été autorisée; un periodique en publia les résultats : c’était la Feuille d’or ou annonce des excavations et des curieuses découvertes… dans l’étendue du departement du Nord. Les travaux commencèrent le 1er octobre 1790. Des recherches furent effectuées au N. O. de la ville et des puits furent curés. Il semble bien que dès la fin de novembre les fouilles avaient cessé ; elles ne laissaient pas d’avoir été productives.
Notamment on avait trouvé, dans un puits, au bord de la chaussée d’Utrecht, le trépied dit de Bacchus (fig. 7 et 8). Au livre IX de son Histoire monumentale du Nord des Gaules, appuyée sur les traces marquantes et les vestiges durables des anciennes colonies qui oni illustré les fastes Belgiques, où il traite, avec une belle assurance, de « la fondation de Bavai, la Bacchopole (1176 avant l’ère vulgaire) », Lambiez reproduit cette pièce, qui est fort belle, et la décrit (3).
(1) Ouv. cit., p. 394. (2) Ouv. cit., pl. CXVIII a CXXV. II y a lieu de compter aussi animal accroupi quo represente le cul-de-lampe de la p. « Ce petit morceau, dit de Caylus, a été trouvé l’année dernière à Bavai d’où il m’a té envoyé » (p. v). Semblable objet, en poterie blanche, a été trouvé près de la chaussée d’Utrecht, en mai 1940. (3) Histoire monumentaire du Nord des Gaules…, t. 1, M0ns, pp. 231 ss.
Augustin Carlier, originaire, lui, de Boulogne-sur-Helpe, après avoir été vicaire à Bavai, pendant dix-sept ans, y devint curé en 1775 et le resta quarante-trois ans. II eut tout le temps de se constituer un cabinet d’antiques qui formait un vrai musée. On y pouvait voir plus de deux cents monnaies gauloises, dont dix en or, près de cinq mille monnaies romaines, des vases de toutes sortes, des statuettes, des bronzes à tous usages ; une partie d’hypocauste avait été reconstituée dans le jardin du presbytere, où, par sucroit, en 1808, un bel aqueduc fut decouvert (1).
Comme tant d’autres avant et après elles, les collections d’Augustin Carlier furent perdues pour Bavai (fig. 9). En 1813, J. de Bast publiait à Gand le second supplément à son Recueil d’Antiquités romaines. Il s’y était proposé, entre autres fins, d’étudier l’histoire de Bavai d’après les ruines qui se voyaient dans cette ville et, les découvertes qu’on y avait faites (2). De celles-ci il dresse un consciencieux inventaire. C’est à lui que nous devons la première liste de marques de potiers trouvées a Bavai (3).
(I) Cf. le plan, en 13. (2) Cf. In préface, pp. 3 ss. (3) Ouv cit., pp. 53 ss.
En 1825, une societé se fondait à Valenciennes pour exploiter les champs de fouilles de Famars et de Bavai. Elle vécut deux ans. Deux ans de trop, dirait-on sans hésiter si l’architecte chargé de conduire les travaux n’avait été Antoine Niveleau. Alors que les sociétaires ne pensaient qu’à se partager les objets découverts, lui, pendant les neuf mois que durèrent les fouilles, du 20 novembre 1826 au 30 juin 1827, relevait avec soin notes, croquis et plans (1). Parti du pignon O. N. O. de la maison Bourlard-Durand, sise sur le Warechaix (2), il se glissa sous la courtine N. N. E. de l’enceinte gallo-romaine jusqu’à une centaine de mètres plus à l’O. N. 0. Au S. S. O. du souterrain il remarqua un mur à beau parement. Par la cave de la maison Bourlard-Durand il acccéda d’autre part à un sous-sol gallo-romain. A quel édifice appartenaient donc le sous-sol et le mur à parement ? Les fouilles allaient le lui révéler.
Elles amenèrent en effet la découverte au S. S. O. de la courtine N. N. E. d’un ensemble de constructions anciennes, plus ou moins ruinées. Elles forment équerre (3) ; la partie parallèle à la courtine a 34 mètres de longueur; l’autre 45 ; elles sont larges de 13 m. 50. Ce monument semble avoir comporté sous-sol et rez-de-chaussée, recoupés par une suite de piliers et voûtés (fig. 10).
(1) Ces documents forment les volumes manuscrits n. 604 et 605 de la bibliothèque de Lille. (2) N. 286 du plan cadastral ; cf. le plan, en C. (3) Cf. le plan, en D, D’, D’.
En dépit de ces découvertes, les doctes comme les profanes continueront longtemps encore à parler du « cirque » de Bavai. Tel Lebeau, en 1844, dans les Archives Historiques et littéraires du Nord de la France et du Midi de la Belgique (1) (fig 11). En 1847, il adoptera une autre interprétation, aussi contestable d’ailleurs : « En conférant le travail de Niveleau avec le traité de Vitruve, écrira-t-il alors, il m’a paru hors de doute que le monument élevé à Bavai l’avait été d’après les vues de cet architecte romain et que les ruines étaient celles d’un portique k flue et d’un théâtre contigus (2).» Le premier travail vraiment critique qui parut sur Bavai fut publié en 1873 dans les Mémoires de la Société d’ Agriculture, de Sciences d ‘Arts séant à Douai (3). Il avait pour objet avec «Les voies romaines partant de Bavai au IV siècle », les trois séries d’inscriptions —« monuments de pierres », cachets d’oculistes, marques de potiers, — qui avaient été trouvées dans la capitate nervienne ou s’y rapportaient. L’auteur, Ernest Desjardins, intitulait l’étude des « monuments de pierres » : Monuments épigraphigues provenant de Bavay (4). Cependant l’un d’eux, conservé à Lyon n’a pas été trouvé à Bavai. Il fut élevé par les trois provinces de Gaule au Nervien L. Osidius, qui après avoir exercé toutes les charges dans sa cité, avait été prêtre de Rome et d’Auguste à l’autel du confluent (5). De temps à autre, cependant, des découvertes se produisaient. En 1830, par exemple, on trouve sous trois maisons contigües 6), rue Saint-Maur les restes d’un hypocauste avec cent onze piles. En 1847, c’est le vase dit planétaire ou de Bavai, aujourd’hui au Cabinet des Médailles, que le sieur Bauchart exhume de son jardin, près de la chapelle Bronsin (7). La même année, à l’angle formé par la chaussée de Reims et la route d’Audignies, dans un coin où les trouvailles avaient déjà été nombreuses et notables, on recueille avec divers débris architectoniques et sculpturaux, un groupe mutilé, en grès jaunâtre, qui représente un lion maintenant sous la patte gauche la tête d’un bélier et, en grès également, une tête de jeune femme (8). En 1863, les restes d’un caveau funéraire sont trouvés chez les soseurs de Sainte-Thérèse (9), rue des Soupirs, et une colonne militaire au bord de la chaussée de Reims, « à un kilomètre du centre de Bavai », nous dit l’auteur de cette invention, Lucien Delhaye, dans son livre Bavai et la Contrée qui l’environne (10).
(1) Nouvelle série, 1. V, pp. 1-16 fms. (2) Archives historiques et littéraires …, nouvelle série (3) Deuxième série, L XI, pp. 81 ss. (4 ) ouv cit., pp. 91 ss (5) C. I. L., XIII, 1702 (6) N. 983, 984, 983 du plan cadastral. (7) P. DARCHE, Bullelin archéologique…, 1932-1933: les vases de Bavai p 666, pl XXII (8) Groupe et tête sont reproduits, sous les n° 3980 et 3982, dam le Recueil général des bas-reliefs, statues el bustes de la Gaule romaine, par ESPERANDIEU, t. V, p. 189. Cf. les n. 3979, 39111, 3983 autres pieces trouvées à Bavai. (9) Plus précisément au-dessus des restes de ce caveau funéraire se touchent les parcelles n° 600 (immeuble des Soeurs de Sainte-Thérèse), 607, 610. (10) Douai, 1869, p 38 n°3.
En 1874, la construction de la gare amène la découverte de nombreux objets, dont deux situles en bronze, et la pose d’une voie de raccordement, celle de sept ou huit cercueils de plomb. Au cours de la première moitié du XIX e siècle, avait commencé au S. O. de la ville l’exploitation de sablières. Elle devait faciliter encore le travail des amateurs d’antiquités. « Le nombre de tous les objets trouvés à Bavai est vraiment prodigieux, écrivait L. Delhaye… Toutes ces antiques, qu’on compte par milliers dans chaque genre, se trouvent en ce moment deposées dans les cabinets particuliers de MM. Crapez, maire de Bavai, de Fourmestraul, maire de Gussignies, disséminées dans vingt autres habitations… (1) » Quand elle fut vendue, en 1881, la Collection Crapez comptait notamment huit monnaies gauloises, dont cinq en or, neuf monnaies romaines en or, quatre cachets d’oculiste et, trente-huit statuettes en bronze (2).
III. – De 1906 à 1942
« Depuis des siècles, Bavai, la grande cité des Nerviens, est mise au pillage. ». Ces mots de Franz Cumont, quand ils furent écrits, en 1914 (3), n’étaient plus tout à fait justes. En 1906, M. Maurice Henault, archiviste-bibliothécaire de la ville de Valenciennes, était venu pour la première fois à Bavai. Il avait étudié l’archéologie régionale et procédé à des fouilles préhistoriques et gallo-romaines dans le centre de Famars. Pendant trente ans il allait travailler à Bavai. Il s’était d’abord préoccupé d’empêcher dans toute la mesure du possible la dispersion des antiques trouvées à Bavai. Avec le concours de quelques Bavaisiens, en 1907, il avait fondé un musée. Une chambre louée, rue Jordanez, abritait des collections particulières qui pour lors n’étaient que prêtées. Cependant M. M. Henault. et ses amis sont entrés en relation avec les propriétaires des sablières et les ouvriers qu’ils emploient.
La couche de terre arable, plus ou moins épaisse, qu’il faut enlever pour atteindre le sable recèle en effet des restes d’habitation, des sépultures, des caveaux funéraires (fig. 12 et 13), des puits, des fours de potiers, où la récolte d’objets antiques est abondante. En 1909 les collections quittent la rue Jordanez pour être installées plus au large, place Jehan-Lemaire-de-Belges, dans le presbytère désaffecté, l’ancienne maison d’Augustin Carlier.
(1) Ouv. cit., p. 44, n. 1. (2) Catalogue de la Collection d’Antiquités romaines, gallo-romaines…, délaissée par M. A. Crapez (3) Ouv. cit., p. 79.
Certes, il faut compter avec certaines concurrences, certaines cupidités. Il arrive même que des pièces de grande valeur quittent encore Bavai. La loi portant réglementation des recherches archéologiques et réservant au Pays le droit d’acquerir toute pièce intéressante se fera attendre jusqu’en septembre 1941. Cependant alors qu’en 1913 Espérandieu devait écrire : « La ville de Bavai, dont le musée est d’ailleurs de fondation toute récente, n’a rien conservé, ou à peu près, des antiquités sorties de ses ruines » (1), en septembre 1939, quand elles furent évacuées, les collections de ce musée comptaient 6.544 pièces. Dans un local incommode, la présentation était telle qu’elle satistaisait les connaisseurs et soutenait la curiosité du grand public.
(1) Ouv. cit., t. v, p. 187.
Acquérir une trouvaille ne suffit pas; il importe de noter avec soin toutes les conditions de la découverte. Avec autant de diligence qu’il le peut, M. M. Hénault suit le travail des ouvriers dans les différentes sablières. Chacune de celles-ci devient un chantier de fouilles relativement peu coûteuses, où sans doute les exigences de l’exploitation et les intérêts de l’archéologie ne coincident pas toujours, mais qui ménagent cependant l’occasion de recueillir un ensemble d’observations fort intéressantes. Pour n’en donner qu’une preuve, à droite et à gauche de la route départementale n° 23, qui relie la frontière belge à Cambrai, les sablières se trouvaient sous l’emplacement de nécropoles antiques et Paul Darche, l’un des meilleurs auxiliaires de M. M. Henault, dès 1923, écrivait : « L’exploitation des sablières, se poursuivant du plus loin au plus près de la ville, nous présente de précieuses coupes de terrain qui nous donnent la possibilité de fouiller dans leur ordre chronologique, sauf, parfois, quelques superpositions, une suite ininterrompue de sépultures allant de l’époque de La Tène III jusqu’aux environs du Ve siecle (1) ».
Des travaux de terrassement sont-ils effectués sur un autre point du territoire de Bavai ou des environs, M. M. Henault en profile de même pour procéder aux observations utiles (fig. 14, 15, 16 et 17).
Si l’achat des trouvailles n’absorbe pas entierement les crédits trop modestes dont il dispose, il prend à sa charge, pour travailler plus librement, l’enlévement des terres dans un coin des sablieres ou fouille quelque endroit intéressant. Hanté par le souvenir de Niveleau, M.M. Hénault recherche en particulier, si le monument découvert en 1826 et 1827 se continue vers la courtine S.S.O, puis parrallèlement à elle.
(1) Pro Nervia, t. I, p. 49.
Mais pour guider ces fouilles comme pour en apprécier les résultats, la connaissance exacte des découvertes réalisées dans le passé est indispensable.
M. M. Henault reprend donc pour le compléter et le poursuivre le travail de J. de Bast. Il reste à publier les études dont ces recherches et les fouilles sont l’occasion et les conclusions qui s’en dégagent. M. M. Henault lance en 1923 une revue, Pro Nervia. Il en est pendant onze ans le directeur et le principal rédacteur. En outre des rapports sur les fouilles et plusieurs études de M. M. Henault et de P. Darche ont paru, de 1908 a 1937, dans le Bulletin Archéologique du Comité des Travaux historiques el scientifiques (1). II suffit de relever, dans ces publications, quelques faits pour se former une idée des résultats acquis grâce au travail de M. M. Henault et de ses auxiliaires. En octobre 1928, au delà de l’usine de palans, qui borde la chaussée d’Utrecht, un « atelier préhistorique » était découvert où l’on releva « de belles lames et des grattoirs certainement moustériens » (2). De 1933 à 1935, M. M. Hénault a « pu étudier en partie deux beaux ateliers, l’un dans la sablière Denimal, l’autre dans la sablière Dehon. Ces ateliers dataient tous deux de l’époque moustérienne, mais ont continue à être frequentés, sinon occupés, à des époques postérieurs, surtout à l’époque tardenoisienne.
(1) 1909, pp. 154 sq., M.N. HENAULT : « Note sur une sépulture gallo-romaine découverte à Louvignies, en novembre 1905 ; pl. XVII et XVIII ; cf. pp. 157 sq, HERON DE VILLEFOSSE: « Les récipients de pierre en usage pour les sépultures à incinération »; pl. XIX. — 1911, pp. 221 sq., M. M. H… « Oiseau d’albâtre colorié trouvé dans les sablières de Bavai » le 27 octobre 1910 ; pl. XVI et XVII. — 1914, pp. 49 sq., M. M. H… : « Nécropole antique à Bavai, sur les fouilles de 1911-1912. » — 1922, pp. 15 sq., M. M. H… : « Caveau sépulcral du Ier siècle à Bavai », trouvé fin 1921 et début 1922 et pl. II à V. — 1928-1929, p. 493 ss., P. DARCHE : « Sur un fragment de vase orné du musée de Bavai » (scène de chasse, paysan portant un cucullus). — 1930-1931, pp. 521 sq. : « Les vases d’Albucius et de Cinnamus à Bagacum »; cf. p. 267. — 1932-1933, pp. 665 sq., P. D… : « Les vases de Bavai »; p1. XXII ; cf. p. 95 et 1934-1935, p. 384 ss. — 1934-1935, pp. 475 sq., M. M. H… : « Fouilles et découvertes à Bavai en 1934. ». – Pp. 569 ss., P. D… « Sur un rite funéaire et sur la rectification d’une lecture du Corpus » ; cf. 1932-1933, p. 341 et 1936-1937, p. 83. Cf. 1908, p. CLVIII, S. REINACH, sur la fondation du musée-bibliothèque de Bavai. 1911, pp. XLVvI sq., M. M. H…, sur le développement du musée. — 1912, p. xuv, HERON DE VILLEFOSSE, sur le musée. 1913, pp. LVI sq., le même sur le rapport de M. M. H…, pour 1912 ; p. CXXXVIII, le même sur les fouilles. 1919, pp. XLII sq., M. A. BLANCHET, sur le musee pendant la grande guerre. — 1920, p. CLVI M. M. H…, sur un établissement céramique à Bavai. — 1924, p. xxv, C. JULLIAN, sur Pro Nervia, t. I, 1 et 2. — 1925, pp. Lv sq., M. A. BLANCHET, sur le rapport de M. M. H…, pour 1920, 1921, 1922, 1923 ; p. cxxtv, P. D…, sur les marques de potiers du musée. — 1926, pp. cxxi ss., C. JULLIAN, sur Pro Nervia, t. I, 1-4 et t. II, 1-3. — 1927, pp. 173 sq., M. A. BLANCHET, sur un journal de fouilles de 1925. — 1928-1929, pp. 104 sq., P. sur des marques de potiers, pp. 116 sq., M. M. H…, sur lan carte archéologique des arrondissements d’Avesnes, Cambrai, Valenciennes, pp. 117 sq., M. A. BLANCHET, sur une vue ancienne d’une partie de l’enceinte de Bavai. — 1934-1935, pp. 292 sq., P.. D…, sur un coin intéressant des nécropoles de Bavai, 1936-1937, pp. 82 sq., P. D… : « Les dieux de la semaine sur les vases de Bavai » , pp. 259 sq., M. M. H. sur la voie Bavai-Reims. (2) P. N., t. V, p. 53.
Nombreuses sont, aussi les haches polies, entières ou en fragment, qui ont été recueillies sur le territoire de Bavai comme sur ceux qui l’environnent. Sur l’emplacement de la sabliere Dehon, des grès enormes ont été rencontré; certains d’entre eux dressés et non couchés faisaient penser a des menhirs » (1). En juillet 1921, M. L. Desailly avait publié dans le Bulletin de la Société préhistorique française une étude intitulée : « Les chaussées romaines de Bavai n’ont-elles pas une origine préhistorique ? » où il remarquait que les rares monuments mégalithiques connus dans la région de Bavai se trouvent pour la plupart érigés près des chaussées qui aboutissent à cette ville (2). Pour l’âge du Bronze, M. M. Henault fait état dans Pro Nervia (3), des quarante objets acquis en 1852 à Bavai par le Comte de Robiano et que mentionne Dechelette dans son Manuel d’Archéologie Celtique ou protohistorique (4). De l’époque gauloise les fonds de cabanes et les fours de potiers que M. M. Hénault a fouillés et les multiples objets qu’il a recueillis prouvent que le plateau où s’élève Bavai n’a cessé d’être habité entre l’époque protohistorique et la conquête romaine.
A l’aide des trouvailles particulièrement abondantes de vases et de fragments de poteries, M. M. Henault et P. Darche peuvent étudier l’industrie et le commerce de la céramique, à Bavai, sous la domination romaine. Ils montrent, par exemple, que la lignée des Brariati s’espace entre 86 avant notre ère et la veille de la grande invasion de 276 ; qu’ils écoulaient leurs produits principalement le long des grandes voies qui se dirigent vers le Nord, celles de Bavai à Cologne et de Bavai à Utrecht ; que l’un ou l’autre d’entre eux eut en dehors de Bavai un centre de fabrication (5) (fig. 18).
(1) P. N., t. VII, pp. 10 sq. (2) Cf. P. N., t. V, p. 105. (3) P. N., t. VII, p. 11. (4) Appendice I, n. 582. (5) P. N., t. I, pp. 114 sq. Cf. ibid., t. VI, p. 14, une opinion plus réservee de P. Darche sur les dates extremes de cette « firme » des Brariali.
Ils établissent de même que les potiers de Lezoux Albucius et Cinnamus, de l’époque Adrien-Antonin le Pieux (117-161 ), « avaient à Bagacum des représentants si bien « introduits » dans la clientèle locale qu’ils en étaient arrivés à leur assurer la presque exclusivité » de la vente des vases ornés » (1) A propos des vases « dont les parois figurent en relief les sept dieux planétaires » Camille Jullian écrivait, en 1920, au tome V de son Histoire de la Gaule : « Ces vases n’ont guère été fabriqués qu’en Belgique chez les Tongres ou les Nerviens, et à la fin du IIe siecle au plus tôt; jusqu’ici on n’en connait qu’un petit nombre (2).» Or le 9 décembre 1935, rendant compte à la Section d’archéologie du Comité des Travaux historiques et scientifiques d’un mémoire sur les Vases de Bavai de Paul Darche, M Lantier constatait avec celui-ci que la dispersion des trois vases planétaires et des cent neuf « tessons appartenant a la même catégorie de représentations » est telle qu’elle « parle en faveur de l’hypothèse plaçant à Bavai le centre de fabrication de cette céramique historiée ». « Pour confirmer cette hypothèse séduisante, ajoutait-il, il ne reste qu’à souhaiter la découverte de l’officine dans laquelle on cuisait cette curieuse céramique… La confrontation des monnaies et des marques de potiers étrangers à la région recueillis avec les vases planétaires… permet ( à M. P. Darche) de serrer d’assez près la chronologie de cette poterie qui appartient aux Ier et IIe siecles de notre ère et disparait à l’époque des Antonins (1) (fig. 19, 20 et 21).
Des « sondages », opérés en 1910, 1921, 1922-23, démontrent que les constructions du monument retrouvé par Niveleau s’étendent parallèlement à la courtine S. S. O. sur plus de 110 mètres de longueur (2). M. M. Hénault incline à voir dans ces ruines les restes d’une basilique qui entourait de trois côtés une place, sans doute le forum (3). Au gré de Camille Jullian, particulièrement sévère pour l’oeuvre de Rome dans les Flandres et les Ardennes, Bavai était une « bourgade » (4), une « petite ville » (5). A supposer qu’il eût raison, on imagine l’effet que devait y produire un édifice de pareilles dimensions. Des fragments de poteries et deux sépultures ont permis à M. M. Hénault d’ « affirmer » que cette « basilique » avait été en bonne partie détruite avant le IVe siècle (6). Entre 1911 et 1923, enfin, il a pu fouiller, au Brai Préchon dans la forêt Mormal, quatorze tombes de l’époque carolingienne disposées au milieu de substructions gallo-romaines (7).
Depuis 1936, les recherches, sous la direction du signataire de ces lignes (fig. 22), ont porté principalement sur la « basilique ».
(1) Bulletin archéologique…, 1934-1935, pp. 384 sq. (2) P. N., t. I, pp. 148 sq. Cf. le plan : en E, E’,E », sondages de 1910 ; en F, sondages de 1921 ; vers le point G, sondages de 1922-1923. En outre, M. M. Hénault a procédé à des recherches près de la tour 5, au nord, en 1911 ; près des tours 2 et 3, en 1922 et 1923 ; l’est de la tour 5, en 1928 ; vers le point H, en 1929 ; vers le point I, en 1932 et 1933. Cf. P. N., t. V, pp. 37 sq. ; t. V, pp. 83 ss., et, du même, « A la recherche du Monument », inédit. (3) P. N., t. VI, pp. 67 sq. ; t. VII, p. 19. (4) Histoire de la Gaule, t. VI, p. 460. (5) Ibid., P. 467. (6) P. N., t. I, pp. 161 ss. (7) P. N., t. I, pp. 167 ss.
A l »E. S. E. de celles qu’avait reconnues M. M. Hénault en 1922-23 d’autres substructions furent dégagés, en 1938-39, sur 27 m. 2 (1). A l’aplomb de la paroi intérieure du mur d’enceinte et juxtaposés sur un mur arasé se trouvaient trois fragments d’un bas-relief, restes d’une frise sculptée (fig. 23, 24 et 25). Plusieurs des deux cent vingt objets qui furent recueillis au cours de ces fouilles avaient subi l’action du feu ; certains étaient réduits à l’etat de masse informe de métal. Des lors la Direction des Monuments Historiques était résolue à mettre au jour, sur une longueur de 130 mètres environ à partir du front O. N. O. de l’enceinte, la « basilique » et le « forum ».
(1) Cf. le plan en J.
Le 17 mai 1940 les coups de la guerre, une fois de plus, s’abattaient sur Bavai. Si les ruines gallo-romaines étalent épargnées, des 467 maisons que compte la localité, 140, hélas ! étaient détruites et 87 autres, bien endommagées. Des fouilles devenaient possibles dans les terrains ainsi brutalement déblayés (fig. 26 et 27). En mars et avril 1942, à 180 mètres de la partie O. N. O. de la « basilique », était trouvée une suite de piliers conservés sur une hauteur maximum de 1 m. 90. Elle est coupée par une rue et cependant douze piliers ont pu être mis au jour. Ils ont 1 m. 50 de largeur et, s’élevant à 3 m. 50 l’un de l’autre, ils s’espacent sur une ligne de 70 mètres.
Ils sont formés de lits de pierre blanche et de pierre bleue, en petit appareil, et de lits de tuileaux (fig. 28). Près de ces piliers, l’E. S. E. comme à l’O. N. O., des murs furent aussi découverts (1). De même trois sondages opérés sur l’emplacement présumé de l’aile N. N. E. de la « basilique à l’E. S. E. de la maison Bourlard-Durand, révélaient des substructions et un pan de la muraille d’enceinte renversé (2).
(1) Cf. le plan : en K K’, les piliers ; en L et M, murs ; en N, aqueduc (?). (2)Cf. le plan : en 0 et 0′, substructions ; en 0″, pan de muraille de l’enceinte renversé.
Cependant près de la porte de Valenciennes, entre la route nationale n° 49, de Valenciennes à Maubuge, et la route de grande communication n° 24, de Gussignies à Avesnes, une cité de relogement était aménagée. Les terrassements amenèerent la découverte des restes d’un hypocauste et, de substructions entourant une aire de 90 mètres carrés, encore à fouiller (fig. 29).
***
Dans sa séance du 4 juillet dernier, la XVe Commission du Centre national de la Recherche scientifique, sur un compte rendu de M. Jean Verrier, inspecteur général des Monuments historiques, adoptait toutes les conclusions d’un rapport, daté du 9 juin, de M. René Louis, directeur de la première circonscription archéologique; ainsi se trouvaient decidés : 1) le dégagement des piliers découverts en mars-avril ; 2) la délimitation d’une zone archéologique au N. N. O. de la ville et le classement des terrains de cette zone ; 3) le classement de vestiges qui se trouvent en dehors de cette zone ; 4) la reprise en sous-oeuvre d’une partie de l’enceinte gallo-romaine qui, faute de fondations solides, menace de s’écrouler ; et 5) des fouilles sous l’église, incendiée le 17 mai 1940. A la demande de M. J. Verrier, la Commission approuvait en outre l’établissement d’une zone de protection an sud de la zone archéologique (1). Un nouveau musée a été prévu pour recevoir avec les collections déjà rassemblées les futures acquisitions. Reprenant avec plus de méthode et de science le travail des siècles passés, les recherches des quarante dernières années avaient montré l’importance du centre archéologique de Bavai. Ces mesures intervenaient opportunement pour mettre celui-ci sans plus tarder en valeur.
***
« Les Francs d’abord, puis les Vandales ont détruit Bavacum… Si Bien qu’à Bavai mme aujourd’hui il nous faut chercher Bavacum. » Ainsi parlait Aubert Lemire en 1624 (2).
(1) Cf. le procès-verbal de la séance. (2) Rerum Belgicarum Annales, p. 41 : « Bavacum porro Franci primum vastarunt, deinde Vandali… Adeo quidem ut in ipso Bavaco hodie Bavacum quaeamus.»
Depuis, trois siècles ont passé, durant lesquels les traces de Bavacum ont continué à s’effacer et ses ruines à périr. Le jour cependant semble s’annoncer où, en partie du moins, les vestiges de la capitale de la Nervie auront été retrouvés.
Henri BIEVELET.
BAVAI, janvier 1943.
APPENDICE
Observations sur quelques-unes des figures reproduites ci-dessus
(1) DE CAYLUS ouv, cit., p, 398, écrit : « Ce morceau a été bien jeté (sic), Sa longueur est de six pouces et demi, et la plus grande hauteur, de deux pouces, neuf ligne » Franz Cumont pours dire : « Une série de poignées de commode ou de coffret, decorées de bustes de Cybèle accordée de ses lions, et, d’Attis avec la pomme de pin qui lui est consacrée, ont été mises au jour à Bavai et aux environs et l’aire des trouvailles cornme le style de cet objet d’amneublement ne permettent pas de douter que le chef-lieu de la Nervie ait fourni ces poignées en quantité considérable aux châtelains d’alentour » (Comment la Belgique fut romanisée, dans Anneles de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles, t, XXVI11, 1914, p, 147, cc, ibid., fig, 46).
(2) DE CAYLUS, ouv. Cit pp. 395 ss., écrit : « Les caractères de l’inscription ne peuvent être plus beaux ; ils sont du meilleur temps des Romains… Ce petit monument a encore onze pouces de hauteur, sept de largeur, et trois d’épaisseur ». Le C. I. L., XIII, 3569, propose de lire : « Nervinis [Matribus] ». Ce cippe est maintenant au Cabinet des Médailles. (3) DE CAYLUS, Ouv Cit.) p. 399, écrit : « Cet ouvrage de mosaique, que M. de Luce, alors Intendant de Valenciennes, a fait dessiner avec soin sur les lieux, merite d’être rapporté.Voici ce qu’il écrivit au Ministre dans le temps de la découverte : « Au mois de mai 1751, un particulier de Bavai, en tirant des pierres de quelques fondations anciennes, a trouvé dans son jardin le morceau de mosaique, dont je joins ici le dessein. Il a près de treize pieds de longueur sur un peu plus de huit de large. Les cubes de cette mosaique sont de pierre, et ils ont environ quatre lignes en quarré, et quelques-uns quatre lignes sur sept. Le mastic, ou plutôt le ciment, dans lequel elles sont posées, a plus de cinq pouces d’épaisseur, et il est composé de briques et de pierres, pilées et liées avec de la chaux. Le bleu domine dans les ornemens, ou les guillochages qui forment l’encadrement. Les cartouches qui sont ornés de vases et d’animaux sont traités sur des fonds blancs. Les figures et les animaux sont aussi-bien coloriés que les pierres ont pu le permettre. L’ouvrage même produit assez d’effet, c’est-à-dire qu’il indique du relief. Le morceau étoit très-bien conservé, lorsqu’il a été découvert, mais la pluye l’a dégradé, et les habitants en ont détaché différentes parties et l’on enfin entièrement détruit. » Cf. Adrien Bianchet, Inventaires des mosaiques de la Gaule, 11, p. 107, n. 1156 ; ibid., n. 1154, 1155, 1157, 1158, 1159, 1160, 1161 1162 : autres mosaiques trouvées à Bavai. (4) J.-B. LAMBIEZ, ouv. cit., p 237 : le « trépied… consiste en trois montans de bronze de deux pieds et demi de haut, cancellé en sautoir et surmonté de trois têtes de bacchantes. » (5) J.-B. LAMBIEZ, ibid. : «… figure du Panthère; d’une conservation parfaite… La partie courbe est décorée d’un vase d’argent et de petites vignes. » (6) J.-B. LAMBIEZ, ibid. : «..une des trois têtes des bacchantes, surmontée d’une aigrette en or, et dont In coëffure est décorée de feuilles de petites vignes et de grappes de raisin… » (7) E. DESJARDINS, dans Mémoires de la Société d’agriculture de sciences et d’art séant à Douai, t. XI, 1873, p. 104: « Dimensions : hauteur, 1 m. 28 ; largeur, 0 m. 63 ; apaisseur 0 m. 45… Matière : pierre noire de Bavai. Provenance : Bavai ; collection du curé Carlier, découvert en 1777. Devant cette pierre était une grande urne posée sur un socle cubique. Un dessin executé dans l’inventaire du curé (manuscrit de la bibl. de Douai, n. 1086), nous a conservé cette disposition et nous l’avons reproduite dans notre planche. On a trouvé dans cette urne des ossements, trois lacrymatoires en verre, deux lampes et une monnaie d’Hadrien. Ce monument est aujourd’hui au musée de Douai. » (8) Cf. M. M. HENAULT, Pro Nervia, t. V, pp. 6 sq. (9) Comme les Brariati, Privalus est un fabricant de pelves. Le bord de pelve ici reproduit fut trouvé le 26 février 1940, fouilles Biévelet. Cf. P. DARCHE, Pro Nervia, t. I, pp. 61 ss., où il lit : Biruta ou Brivat et M. M. HENAULT et P. DARCHE) ibid., t. VI, p. 17. (10) Sur l’industrie du bronze à Bavai, cf. M. M. HENAULT, Pro Nervia, t. I, pp. 31 sq. (11) Les 90 piles de carreaux rouges qui portaient la suspensura avaient étée détruites. Mais on apercoit, en file, les traces des implantations de ces piles sur l’aire bétonnée. Les restes du mur qui recoupe cette aire témoignent qu’après avoir cessé d’être un hypocauste, cette construction reçut une nouvelle destination. Des fragments de mosaique de couleur bleue, blanche, rouge, ont été découverts dans les remblais.
Presses Universitaires de France 1944 C.O.L 31.0455 Dépôt légal : 3-1944- N° 10.219. Autorisation N° 23.628
PHOTOS ANCIENNES DU SITE DE BAVAY :
Note sur les fouilles découvertes en 1958
Dans le grand ensemble de monuments publics dont les vestiges s’étalent au Nord-Ouest de l’agglomeration moderne, les fouilles de Bavai en se poursuivant, ont confirmé, voire complété, les données précédemment acquises. Vers les angles Sud-Est et Nord-Est du portique oriental ce sont des données dont plusieurs au moins etaient imprévisibles qu’elles ont fournies.
Au Congres de la Fédération historique et archéologique de Belgique tenu à Tournai en 1949, à propos de l’évidement qui caractérise les murs du portique occidental, plus précisément de son sous-sol, là où ils s’élèvent à flanc de terre, nous avions pu faire état d’un escalier descendant de l’extérieur du portique dans le sous-sol, vers l’angle Nord-Ouest (1). Jusqu’en juillet de cette année 1958, de cet escalier cinq marches étaient visibles en toute petite partie, grâce à une brèche dans le mur formant cage d’escalier. Plusieurs de ces marches sont maintenant complètement dégagées. De même sont dégagés les vestiges du mur avec lequel les constructeurs de l’enceinte condamnèrent l’escalier.
Certains visiteurs s’étonnent de constater que les vastes sous-sols des monuments de l’Ouest avaient, à l’intérieur, le bel appareil de leur maçonnerie complètement couvert d’enduits peints à la fresque. Tout permet de croire qu’à l’extérieur également l’appareil n’était pas apparent. Une sape ouverte sous le front Ouest de l’enceinte nous avait permis de constater, après Maurice Hénault, que l’édifice de plan basilical avait son mur occidental garni d’une couche d’enduit épaisse et qui semblait brune. En septembre et octobre 1957 nous avons dégagé les contreforts qui saillent l’un à l’angle Nord-Ouest (2), l’autre à l’angle Sud-Ouest (3) de cet édifice ; nous y avons trouvé des vestiges d’une couche d’enduit épaisse de 12 cm et portant une couleur rouge sombre.
Une fouille heureuse dans l’aire encadrée par le portique de l’Ouest nous avait appris en 1954 qu’elle recelait en son milieu un massif de fondation haut encore de 2 m. Nous pûmes asset vite en connaitre la largeur ; elle est de 20 m. Quant à la longueur, après l’avoir cherchée en vain du côté Sud, tout au long duquel le massif subsiste cependant, nous croyons l’avoir trouvée du côté Nord. Une sape ouverte à 32 m du sommet de l’angle Nord-Ouest (4) nous a montré un mur parallèle au cote Ouest du massif ; il a plus de 1 m. 6o cm de large. La section de ce mur que nous avons vue se dirige non vers le Sud mais vers le Nord.
A l’autre bout de la zone archéologique, tout au long de la partie Nord de la Rue de Gommeries les vestiges du mur de soutènement et de clôture (5) ont été dégagés aussi complètement que possible ; le visiteur attentif remarquera qu’il est coupé par le canal d’un petit égout dont subsiste, plus à l’Ouest, toute une section.
Vers l’angle Sud-Est les fouilles reprises l’hiver 1957-58 nous avaient appris qu’il existait à l’extérieur du côté Sud du portique oriental une suite de boutiques ; l’une de celle-ci (6) a maintenant ses vestiges dégagés. Ceux du front Sud de l’enceinte toute voisine sont bien visibles sur près de 11 m de longueur, avec le talon et la crête des fondations.
Mais c’est vers l’angle Nord-Est de notre zone archéologique que les fouilles nous ont apporté les résultats les plus intéressants.
Le 3 octobre 1958, l’angle Nord-Est de l’une des boutiques intérieures du portique oriental (7) apparaissait presque à fleur de sol ; nous avions trouvé la veille des vestiges du mur de défense (8) élevé contre le mur oriental de ce portique.
Durant l’été nous avions pu mettre au jour une dizaine de mètres du front Nord de l’enceinte (9) 4 m 50 environ au Sud de ce front, et parallèlement à lui, s’allonge un mur large de 2 in 45 et découvert sur une longueur de quelque 20 m. Jusqu’à présent nous ne lui connaissons, au Sud du portique, rien de symétrique.
Sur ce mur, à une époque qu’il n’est point possible de préciser pour le moment, une construction adventice a été élevée avec des blocs de pierre blanche de remploi. L’un d’eux présente, sur la face Sud, sculpte en bas-relief, un Amour malheureusement mutilé.
Plus mutilés encore les deux monuments épigraphiques dont nous avons trouvé des débris à proximité de ce mur. De l’un d’eux ne subsiste qu’un fragment avec deux lettres et une partie de deux hastes. Et tout au long du mur, 4 m. sous le niveau de la rue et de la place voisine, voici, en une couche épaisse et noire, des cendres. Elles aussi évoquent les dévastations subies au cours de son Histoire par la cité des Nerviens.
Chanoine Henri Bievelet (Extrait des Mémoires du Cercle Archéologique et Historique de Valenciennes Tome IV 1959)
Un Quartier Artisanal et Résidentiel
au Sud Ouest de Bavai
(Extrait de L’Antiquité Classique T XXVIII (1959) fasc 1 Bruxelles 1959)
Dans un sol comme celui de Bavai tout terrassement peut être l’occasion de découvertes archéologiques.
Or jusqu’en 1929 d’importantes sablières furent exploitées au sud-ouest de l’agglomération, de part et d’autre de la route départementale no 23 qui va de Bavai à Cambrai ; ajoutons que l’entreprise Derome dut faire niveler en 1925 une large bande de terrain au sud de la gare de Bavai (1)
Comme l’a relevé le Chanoine Henri Bievelet (2), l’une des préoccupations de son prédécesseur, Maurice Hénault, et l’un de ses mérites furent de consigner dans ses Journaux de fouilles et sur des plans les découvertes dont ces travaux furent l’occasion. Retenu à Valenciennes par sa charge de bibliothécaire de la ville, il venait passer le dimanche à Bavai ; dès son arrivée il allait aux sablières, examinait et fouillait des « poches » dont la coupe grisâtre se détachait sur l’argile du front de taille, prenait des mesures et des croquis (3), interrogeait les ouvriers, essayait d’acquérir pour le musée les pièces qu(ils avaient recueillies. De temps en temps, l’annonce d’une découverte importante l’amenait à Bavai en pleine semaine et parfois il lui était possible d’entreprendre des fouilles plus systématiques.
Sa tache était ingrate, car les exigences d’une exploitation industrielle sont difficilement compatibles avec les travaux délicats de la recherche archéologique. S’il eut la chance d’être compris et aide par les propriétaires des exploitations, il lui fallut compter avec la sottise de certains de leurs employés, avec la cupidité, sinon la malhonnêteté (4) de certains autres.
Les documents où il a consigné les résultats de son méritoire et persévérant labeur et de celui de ses collaborateurs (5) n’ont pas tous été publiés; certains
(1) M. HENAULT, Pro Nervia, 1. 1V, 1928, p. 58 et suiv. (2) H. BIEVELET, Gallia, t. I, 1943, 2, L’exploration archéologique de Bavai, p. 175 et suiv. (3) Dans ses descriptions M. Hénault ne donne généralement que les profondeur et largeur des coupes qu’il a vues, si bien qu’il est difficile d’imaginer la surface horizontale des cavités qu’il décrit. (4) Cf., par exemple, dans la Revue du Nord, t. XXXVIII, 1956, H. BIEVELET, Caveaux funéraires ou celliers ?, p. 284 et suiv. (5) Il faut citer, entre autres, Paul Darche, Ernest Gondry, Albert Houet.
sont perdus ; quant aux plans à grande échelle où sont indiquées les positions des trouvailles décrites et numérotées dans les Journaux de fouilles, ils sontbréstés inédits.
Le Chanoine Bievelet nous a demandé de combler cette dernière lacune qu’ont déplorée un jour ou l’autre tous ceux qui ont étudié les comptes rendus de Pro Nervia. Mais l’étude des plans et documents a montré que le problème était assez complexe et qu’il y avait lieu de procéder par étapes.
Dans cette partie sud-ouest du terroir bavaisien des tombes voisinaient avec des des vestiges d’habitat et de diverses activités : avant de servir de cimetière, elle avait d’abord été une zone résidentielle. Le plan que nous présentons ici donne l’emplacement des seuls vestiges de cette première période; nous nous réservons de faire un travail analogue pour les autres trouvailles.
Cette zone occupait des pentes toutes proches du plateau où les Bavaisiens ont élevé leur grand ensemble de monuments publics (plan 1) : l’aile méridionale du portique occidental est à quelque 400 m, de la pointe que la sablière Stoclet-Lenglet a poussée vers l’est.
Si l’on observe, d’une part, que les sablières exploitées au sud et au sud-est de l’agglomération bavaisienne ont de moindres dimensions que celles du sud-ouest et, d’autre part, qu’en dehors des sablières les terrains qui ont été explorés, nous ne disons pas fouillés, sont rares et peu étendus, il faut convenir que l’occupation du sol dans les environs immédiats de la ville moderne, sur lesquels ne manquait pas de déborder la ville antique, reste assez mal connue.
Cette occupation du sol, au sud-ouest, le plan 2 nous le montre, a laissé des vestiges aussi nombreux que variés . Encore faut-il imaginer toutes les constructions trop légères ou trop superficielles pour avoir laissé des traces et penser aux vestiges qui ont été détruits sans avoir été signalés. Les restes d’habitations en dur, caves, murs, aires décorées de mosaïque ou simplement bétonnées, vestiges de toitures incendiées, voisinent avec des fonds de cabanes, des puits et des installations artisanales, des installations de potiers notamment.
LES INSTALLATIONS ARTISANALES
Les potiers ont laissé de très nombreuses traces de leur industrie : M. Hénault a relevé plus de 27 fours et, s’il faut en croire les ouvriers occupés aux sablières , bien d’autres fours auraient été détruits sans qu’il en pût rien voir.
Au Nord de la route de Bavai à Cambrai, en D 1, neuf fours, 903 et 904 et deux fosses contenant, l’une, de la terre préparée pour le modelage, l’autre, des débris de poterie, étaient groupés.
A proximité de la même route, mais au sud, en E 3, trois fours, 494, 495 et 496, se touchaient presque ; situés près de ces fours, un séchoir, 493, et une fosse contenant des débris de fours et de poterie, étaient probablement des annexes de l’installation dont ils faisaient partie. Une dizaine de mètres plus au sud, trois fours encore : le four 356, dont il ne restait que des tronçons de conduits ; le four 351, dont subsistaient la sole, de 1,30 m. de diamètre, percée de trous débouchant dans deux conduits de fumée; et le foyer pavé de grosses pierres vertes ; le four 320 enfin, aux dispositions particulières : une sole rectangulaire, entourée d’un conduit d’où la chaleur pénétrait dans la chapelle par des tuyaux horizontaux. A ces fours rattachons le four 515, bien qu’il en fût distant d’une vingtaine de mètres.
120 m. plus au sud, en F 2, M. Hénault découvrit en très mauvais état trois fours, 679, puis, s’espaçant sur environ 45 m. en direction du sentier de Louvignies, les fours 628, 606 et 596. Le four 628 se trouvait à peu de distance d’importants vestiges de constructions, avec caves, 627 et 636, d’un puits, 630, d’une aire de terre cuite, 631, d’un depôt de vases, une vingtaine, dont quatre intacts, d’une fosse, 632, remplie de terre prête au modelage.
Au sud du sentier de Louvignies enfin, en H 1, cinq fours, 569, 585, 609 et 918, formaient un ensemble avec les constructions découvertes à proximité et à l’intérieur desquelles une fosse contenait de la terre fictile et une autre, des débris de vase.
Si les potiers étaient nombreux dans ce quartier de Bavai, ils n’étaient point les seuls à y travailler. Un four de verrier, 634, fut mis au jour, en C 1, de justesse, le 23 juillet 1926. D’autre part une petite fosse, 499, située à proximité de la route de Bavai à Cambrai, en E 3, contenait 42 fragments d’os présentant les phases successives de la taille de ce matériau pour la fabrication d’aiguilles, d’épingles, de pions et de boutons ; du silo 404, en I 1, et de la fosse 589, en H 2, on a retiré, outre des pièces finies, des os découpés et des objets en cours de fabrication. Il est donc permis de penser que des Bavaisiens s’adonnaient en ces parages à l’industrie de l’os.
On n’y a pas découvert de four de bronzier ; mais les anneaux et les plaques de bronze, trouvés dans une petite fosse, en bordure également de la route de Bavai à Cambrai, en E 3, constituaient probablement la réserve d’un artisan qui travaillait ce métal.
LES HABITATIONS
L’ensemble artisanal dont nous venons d’énumérer les vestiges suppose une certaine main d’œuvre ; celle-ci logeait, toute ou partie, à proximité de son lieu de travail. D’autres Bavaisiens habitaient sans doute aussi ce quartier, bien exposé et proche du centre de la ville.
De fait on y a retrouvé les restes de toutes sortes d’habitations : fonds de cabane où, comme en J 2, 422, furent recueillies des empreintes de clayonnages, vastes espaces recouverts de débris de tuiles, aires bétonnées, restes de mosaïque et de stucs peints. Les vestiges de murs étaient peu nombreux, si l’on excepte la cave 636 et les cinq caveaux 306, 309, 369, 909 et 911, que le Chanoine Bievelet a étudiés dans la Revue du Nord, t. XXXVIII, 1956, pp. 273 -288. Il faut dire que la partie nord des sablières est toute proche de l’enceinte du Bas Empire et, au moment où celle-ci fut construite, le quartier sud-ouest avait été ravagé par les invasions : ses habitations ruinées fournirent des matériaux ; les destructions semblent bien en effet avoir été systématiques : du caveau 369, assez proche de l’enceinte, il ne restait que quelques pans de murs et, si l’emplacement des murs disparus est bien visible sur une coupe du terrain que nous a laissée M. Hénault, ses notes ne signalaient dans les remblais que des enduits, des pannes calcinées, des débris de tuiles, à l’exclusion de moellons.
LES PUITS
Le grand nombre de puits retrouvés dans les sablières n’est pas l’un des moindres indices de la densité de l’occupation du sol au sud-ouest de Bavai. M. Hénault en a signalé 23 : douze au Nord de la route de Bavai a Cambrai, sept entre cette route et le sentier de Louvignies, quatre plus au sud. Il est vrai qu’il fallait satisfaire non seulement à la consommation domestique mais aussi aux besoins des ateliers de potiers. Les puits traversaient la couche d’argile superficielle et descendaient profondément dans le sable. Les parois étaient généralement formées de moellons équarris, mais non maçonnés, et bien souvent on a retrouve, à la base, la « chaise » en madriers de chêne qui les supportait. Si des squelettes ou des ossements humains ont été recueillis dans certains puits, 298, 299, 717, il semble difficile d’admettre qu’il s’agissait à l’origine de puits funéraires. Dans l’un d’eux, 717, d’ailleurs, on a retrouvé sous les squelettes les restes de trois seaux.
Nous voulions seulement réaliser un dessein de M. Hénault et de son successeur en présentant un plan où seraient indiquées les découvertes faites dans les sablières, les tombes exceptées ; nous avons démontre par surcroit, pensons-nous, qu’il a bien existé au sud-ouest de Bavai un quartier où la population etait dense et l’activité artisanale intense.
R. JOLIN.
M Henault attribuait plusieurs des fours à « l’époque nervienne » (cf. Pro Nervia, t. I, 1923, p. 105, p. 205 et suiv., t. II, 1924, p. 52 et suiv.) Nous ne nous proposions pas ici d’étudier ces découvertes, ni de les dater. Quand cette étude aura été faite, sans doute parlera-t-on pour elles du Ier siècle de notre ère.
Exploration archéologique de Bavai :
dans l’ancien couvent des récollets
Suite publication gratuite diffusée par le centre Régional de Documentation et d’Equipement Pédagogiques de l’Académie de Lille (1960)
Fondé à Bavai en 1664, le couvent des Récollets occupait au sud de l’agglomération, pl. 1, E et F, 6, 7 et 8, un vaste terrain dont le plan dressé par Claude Masse en 1731 (1), pl. 2, nous fait connaitre les limites : c’était au sud-ouest l’enceinte médiévale, au nord ouest la rue de Gommeries, au nord-est celle des Soupirs ; au sud est, la limite passait un peu à l’est de l’impasse à laquelle aboutissait jusqu’en 1959 notre rue des Récollets (2).
(1) Sur Claude Masse, cf. Gallia., t I, 1943, 2, notre article, L’exploration archéologique de Bavai, p. 167. (2) Cf. Lucien DELHAYE, Bavai.., Douai, 1869, pp. 229 et suiv. ; dans Ann. du Cercle archeol. de Mons, t. LXII, 1955) nos Notes sur le couvent des Récollets et l’oratoire de Bavai au XVIII e siècle, pp. 95 et suiv.
Bâtiments et terrain furent aliénés en 1792; le démembrement du bel ensemble qu’ils formaient commença sans tarder (3) et il se poursuit.
La plus ancienne découverte archéologique signalée dans cette portion du territoire bavaisien est celle d’un groupe de mosaïques et de quelques-uns des murs qui l’encadraient, vers l’angle forme par la rue de Gommeries et celle des Soupirs, pl. 3, 1 et 2 ; découverte relativement récente, puisqu’elle remonte seulement pour une part à 1827, pour l’autre à 1846 ou 1848 (4).
Un peu plus à l’est, en 1863, on trouva, en construisant les bâtiments occupés depuis par l’Institution Jeanne d’Arc, les vestiges d’une salle avec niches voûtées en cul de four (pl. 3, 3) (5). Cette salle appartenait peut-être au même ensemble que les mosaïques découvertes à proximité.
(3) Cf. plus bas la découverte faite en 1827 chez un sieur Barbier et le plan cadastral de 1831. (4) Cf. Henri STERN, Recueil général des mosaïques de la Gaule, t. I, Gaule Belgique, 1, 1957, pp. 113, 114 et 115 ; et dans Latomus, t. XV, 1956, nos notes sur Dallages de marbre, enduit peints et mosaïques à Bavai, pp 573 et suiv.
(5) Annales du XXXVI e Congrès de la Fédération arch. et hist. de Belgique, Gand 1956, nos notes sur quelques tombes de bavai P 149.
En 1910, dans le potager qu’il louait plus à l’est encore, pl 3, 4, Ernest Gondry fit « quelques sondages sommaires »; Maurice Hénault a signalé très brièvement, Pro Nervia, II (1925), p. 106, qu’ils livrèrent quelques objets, « provenant, dit-il, dune habitation incendiée dont on retrouva les substructions à 4 m environ de profondeur ».
Les destructions de 1940 et les travaux édilitaires ou de reconstruction en cours depuis 1959 nous ont permis de faire à notre tour dans la partie orientale de l’ancien jardin des Récollets quelques découvertes. Nous avons rendu compte de celle d’une tombe à incinération, pl. 3, 5, en 1956, devant le Congrès archéologique et historique de Gand (6) ; les autres sont l’objet de cette note.
En novembre 1953 et en janvier 1954, puis durant l’hiver de 1956, nous avons ouvert dans cette partie de jardin, momentanément à l’abandon, des tranchées.
(6) Dans les hypocaustes trouvés jusqu’à présent à Bavai et publiés, les pilettes sont faites de briques carrées; mais à la Bibliothèque de Douai, dans le MS 1037 d’Augustin Carlier, inédit f° 91, le dessin de trois pilettes formées de 12 briques rondes, avec ces lignes du collectionneur : « Carreaux ou plutôt ronds en terre cuite rouge faisant partie d’un hypocauste que j’avais placé au jardin de ma maison et qui ont été dispersés pendant que l’instituteur a occupé ce jardin »
Plusieurs de ces tranchées ne nous ont rien décelé; sans doute aurait-il fallu creuser plus profondément ; nous ne le pouvions pas. Par contre, trois tranchées nous ont permis de trouver, l’une, les 5 et 6 janvier 1954, la tombe à incinération que nous venons de mentionner ; la deuxième, pl. 3, 6, une dalle de mortier dont nous parlerons plus loin ; la dernière, en janvier et juin 1956, les vestiges importants d’un hypocauste, pl. 3, 7, fig. 1.
De cet hypocauste, pl. 4 et fig. 1, des murs larges de 60 cm., an mortier jaune et couverts d’un enduit rouge, epais de 2 cm. ou 2,5 cm., encadrent la dalle de base, qui mesure 4,22 m. sur 3,80 Le praefurnium, large de 44 cm., et dont la sole est faite d’éclats de Pierre bleue, s’ouvre presque au milieu du mur sud-est, exactement à 1,65 m. de son extrémité et à 1,69 m. de l’autre. Une douzaine de cm. en avant de cette ouverture et à 48 cm. l’un de l’autre, sous la dalle chauffée, deux massifs de briques de 42 cm. sur 23 portaient un arc en plein ceintre, dont des briques de mêmes dimensions formaient les claveaux ; le claveau inferieur subsistait sur le massif sud-est ; du massif nord-est, il ne restait que la brique de base. Avec ces massifs ainsi disposes, le praefurnium était curieusement discontinu.
Les pilettes étaient faites de 13 carreaux de 18 cm. de côté et épais de 4 cm; Elles s’alignaient en files bien parallèles, à une distance les unes des autres qui variait de 32 à 43 cm. dans le sens N. E.-S. O., de 40 à 44 cm. dans le sens S. E.-N. O. Les deux dernières pilettes vers le nord-ouest étaient juxtaposées. Détail curieux : alors que de la suspensura presque tout avait disparu, chacune des pilettes avait laissé des vestiges plus ou mains hauts ; certaines même entaient encore complètes. II est vrai qu’elles avaient été maçonnées non à la glaise, comme c’est à Bavai l’ordinaire, mais au mortier.
Autre particularité de cet hypocauste : à 12 cm. du mur nord est, contre le mur nord-ouest, sur une longueur de 1,28 m., s’élève un massif large de 53 cm. ; on a maçonné de larges briques rectangulaires entre le premier et le troisième groupe de pilettes juxtaposées, des morceaux de briques entre ces groupes, les larges briques et le mur nord-ouest. Peut-être prévoyait-on sur la suspensura, vers ce coin, une charge anormale ; pour prévenir tout accident, le maçon aurait supprimé un groupe de pilettes afin d’établir un support qui fût continu et relativement large. Aussi bien est-ce en pareil endroit qu’un tel massif gênait le moins la circulation de l’air chaud.
C’est lui qui nous a gardé des vestiges de la suspensura. Epaisse de 8 cm., de 16 si l’on compte avec la couche de mortier les deux lits de larges briques qui la portaient, elle gisait 64 cm. au-dessus de la dalle de base.
Entre le massif et le mur nord-est, on l’a remarqué, un espace de 12 cm. reste libre. De nombreux fragments de boisseaux, larges de 10 cm., se trouvaient vers cet angle ; on peut croire qu’un boisseau formant la base d’une cheminée y était maçonné entre le bord de la suspensura et le mur. D’autres cheminées existaient sans doute vers les autres angles ; aussi bien, on l’a vu, les files de pilettes s’arrêtent-elles à 12 cm. des murs ainsi que les côtés du dispositif qui forment la partie interne du praefurnium.
Ici, comme ailleurs, les Bavaisiens, au cours des siècles, se sont livrés à un sérieux travail de récupération. S’ils ont dédaigné la majeure partie des carreaux de pilettes (7), ils ont enlevé presque tous les matériaux des murs de la pièce chauffée. Les parties basses de ceux-ci subsistaient sur une hauteur maximum de 65 cm. Au sud-ouest, sur une longueur de 1,30 m. et une hauteur de 50 cm., la couche d’enduit rouge fonce qui revêtait la salle contiguë à la salle chauffée subsistait seule : l’enduit avait été assez solide pour résister à la destruction du mur qui le portait, ainsi qu’au remblayage.
Jusqu’en juin 1959, au-delà du carrefour que les rues des Juifs et des Soupirs formaient avec elle, la rue des Récollets aboutissait, on l’a dit, à une impasse (8) ; elle descend maintenant, rectifiée et considérablement élargie, de la grand’place jusqu’au V. 0. 8 (Chemin Vicinal Ordinaire 8), qui deviendra une section de la Nationale 32 et qui borde au sud le rempart. C’est dire qu’il a fallu ouvrir dans celui-ci une brèche qui s’est ajoutée à nos trois portes. Comme le niveau de la grand’place est sensiblement plus haut que celui du V. 0. 8, des déblayages importants s’imposèrent; ils eurent l’avantage de nous révéler quelques vestiges de construction antique.
(7) Il faut préciser que ce mortier était rose, à la différence du mortier des murs, qui était jaune et beaucoup moins solide. (8) C’était du temps des Récollets une allée bordée d’arbres et qui conduisait de l’entrée au cloître et à la chapelle, cf. L. DELHAYE, op. cit.
Les 19 et 20 juin, venaient au jour ceux de deux hypocaustes. Du premier, pl. 3, 8, nous avons vu les restes de quelques pilettes, qui n’étaient probablement plus en place : les carreaux qui les formaient avaient les uns 18 ou 18,5 cm. de cote et 4 cm. d’épaisseur ; les autres 20 ou 20,5 cm. de cote et 4,5 cm. d’épaisseur. Ils avaient été maçonnés à la glaise. Le radier de base avait 6,15 m. de long sur 5,40 m. de large ; il était établi sur une couche d’éclats de pierre bleue poses presque droits a cote les uns des autres et encadres de murs a mortier jaune, larges de 60 cm.
Du second hypocauste, pl. 3, 9, situe plus au sud-ouest, nous n’avons vu la dalle de base que sur une superficie de 2 m. sur 1 m. environs Deux pilettes avaient laisse quelques vestiges : un carreau et un demi-carreau l’une, les traces de son implantation l’autre. Les carreaux mesuraient 18 cm. de côté et 3 cm. d’épaisseur. 5,50 m. plus au nord, se trouvait un amas de briques et de tulles brisées.
Au nord de la pièce chauffée par le premier de ces hypocaustes, avaient existé au moins deux autres pièces. L’une mesurait 5,40 m. de large sur au moires 5,60 rn. de long. Les murs de ces pièces avaient 60 cm. de large le mortier en était jaune. Etaient-elles chauffées elles aussi ? Comment à l’ensemble que formaient ces trois pièces se rattachaient la pièce chauffée par le second hypo-causte et des murs situes un peu plus au nord-ouest et vus seulement sur des longueurs de 60 cm. ? L’état des vestiges, après le passage du bulldozer, et les conditions dans lesquelles nous les examinions ne nous ont pas permis de trouver la réponse à ces questions.
4 m. environ au sud-ouest du second hypocauste (pl. 3, 10), deux murets larges l’un de 38 cm., l’autre de 32, s’élevaient à 90 cm. l’un de l’autre, sur un radier de béton rose ; ils ont été vus sur une hauteur de 1,10 m. Presqu’au bout sud-ouest du radier, était maçonnée, entre les murets, une dalle de pierre bleue, Bien équarrie, haute de 80 cm. et épaisse de 15. Ce dispositif le reste d’une fosse de latrines ? Lui aussi et l’hypocauste voisin se rattachaient-ils aux constructions reports au nord-est ? Encore des questions que l’on ne peut que se poser.
Au nord-est, pl. 3, 11, se montrèrent d’autres vestiges ; ils provenaient d’un bâtiment d’une certaine importance, si l’on en juge par l’un des murs large de 60 cm, mais long de 26,80 m et par deux autres larges de 1,50 m et 1,70 m.
En février de cette année 1960, commençaient les terrassements en vue de la construction d’un groups de maisons, l’ilot A sud, au nord-ouest du nouveau tracé de la rue des Récollets. Ils furent l’occasion, le 10 février, de la découverte de deux dalles de mortier, toutes proches l’une de l’autre. La première a été vue sur 6,95 m. de large et 9,40 m. de long. Elle gît à 1,80 m. sous le trottoir de la rue où elle se prolonge. Epaisse de 5 cm., elle pose sur une sous-couche d’éclats de pierre bleue, épaisse de 10 ou 12 cm.; elle est faite de mortier rougeâtre. Ce sont les vestiges de l’autre dalle que nous avions repérés en 1953, pl. 3, 6. Ils ont étéc visibles, six semaines durant, 1,80 m. environ à l’ouest de la première et 65 cm. plus haut qu’elle. Ils l’étaient en coupe sur une longueur de 6 m. et une largeur de 3,80 m., dans les parois de la tranchée contre lesquels s’élèveraient les murs nord-ouest et nord-est de la cave de L. Moreau. Epaisse de 8 ou 10 cm., cette dalle pose sur une couche d’éclats de pierre bleue. de 13, 14 ou 15 cm., posés eux-mêmes sur la terre vierge.
Le 24 février, plus au nord-est, dans la tranchée où serait construite la cave de l’immeuble réservé aux bureaux de l’Electricité de France, nous trouvions un élément de colonne, haut de 53 cm. et dont le diamètre est de 38 cm. ; ii est de calcaire blanc et tendre ; de nombreux graffites y sont inscrits.
C’est en mai de cette année 1960 que l’entreprise de L. Moreau, commença les terrassements de la maison destinée à M. Dartevelle, au sud-ouest de l’ilot. En préparant les fondations de l’angle ouest, les ouvriers mirent au jour, le 9 mai, l’angle oriental des vestiges d’un hypocauste, pl. 3, 12. De ceux-ci nous ne pûmes voir alors qu’une petite partie, moins du quart. Le 20 juillet seulement, il nous fut permis de reprendre la fouille, pl. 5. La dalle de base mesurait 2,90 m. de long sur 1,68 m. de large : il s’agissait d’un hypocauste de modestes dimensions, le plus petit dont nous ayons trouvé des vestiges.
Le mur sud-ouest et le mur nord-ouest, qui est détruit très profondément dans les parties que nous en avons vues, mesuraient 42 cm. de large ; le mur sud-est, 60 cm. ; le mur nord-est, 50. Au milieu de celui-ci s’ouvrait le praefurnium; large de 42 cm. et dont des briques longues de 44 cm. et larges de 31 constituaient les côtés, fig: 2- et 3. Deux pilettes faites de carreaux de 22 cm. de cote et épais de 3 cm 4 cm., maçonnés à la glaise et juxtaposés de part et d’autre de l’ouverture, prolongeaient le praefurnium à l’intérieur de l’hypocauste. Entre les côtés du praefurnium et les murs nord-ouest et sud-est, deux colonnes de boisseaux juxtaposés sur leur plus grand côté et insérés dans la maçonnerie, sous l’enduit qui la couvrait, avaient existé ; du côté est il en subsistait, lors du dégagement, un des boisseaux de base et, en réserve dans la maçonnerie, comme elle couverte d’enduit, l’ ouverture par laquelle, à partir de l’hypocauste, l’air chaud ou la fumée passait dans la colonne montante, fig. 2 ; les vestiges du côté nord n’avaient rien gardé des boisseaux et l’ouverture n’était plus intacte ; on y remarquait des traces de fumée, fig. 3. A 8 ou 9 cm. de l’angle formé par les murs nord-est et sud-est, les boisseaux de base des deux colonnes étaient toujours en place, juxtaposés par leur petit côté. De semblables colonnes avaient existé vers l’angle sud, deux dans le mur sud-est, une dans le mur sud-ouest et seulement a 27 cm. du sommet de l’angle ; il n’en restait que les ouvertures, fig. 4. Si une autre colonne avait existe dans le mur sud-est, elle n’aurait pas été à égale distance de celles dont nous avons vu des vestiges dans ce mur. Par contre, on peut supposer qu’il existait de pareilles colonnes vers l’angle sud-ouest, dans les murs nord-ouest et sud-ouest. Même si l’on ne tient compte que des colonnes de boisseaux dont nous avons vu des vestiges, on jugera celles-ci trop nombreuses et trop proches les unes des autres pour être toutes de simples cheminées. II semble bien qu’il existait au-dessus de ce petit hypocauste des murs à tubulation discontinuel. Les débris d’enduits peints, blanc crème et gris très pale, ainsi que le fragment de plaque de marbre noir recueillis dans les remblais provenaient selon toute probabilité de la pièce que chauffait cet hypocauste. De la suspensura nous n’avons rien retrouvé.
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Des fouilles occasionnelles comme l’ont étée la plupart de celles dont cette note résumait les résultats ne sont point seulement d’ordinaire assez pénibles, mais souvent elles ne laissent pas d’être décevantes, faute de pouvoir être librement menées et jusqu’au terme. II reste que les renseignements que nous avons maintenant sur l’occupation ancienne du sol dans l’ancien couvent des Récollets ne sont pas négligeables. Les vestiges découverts ne se trouvaient point tous au même niveau. Il existait ici une déclivité assez brusque. Lors de la construction de leur enceinte médiévale, les Bavaisiens, pour élargir la butte qu’elle allait ceinturer, en ont exhaussé les pentes sud ouest; c’est sous une couche de remblais argileux de plus de trois mètres que se trouvaient les vestiges des hypocaustes decouverts en 1959.
Dès après les invasions de la seconde moitié du III e siècle les Bavaisiens s’étaient assuré l’abri d’une sorte de réduit étiré large de 100 mn. et long de 500. Le terrain que devait occupé; au XVIII siècle le couvent des Récollets était en dehors de cette fortification ; avec sa déclivité il lui formait un glacis éfficace. Nous l’avons montré : la tombe à incinération trouvée en 1954 ne doit guère être postérieure à 255.
Mais, a en juger par les résultats des fouilles qui furent, insistons-y, pour la plupart occasionnelles, les Bavaisiens, avant ces invasions, avaientélevé de nombreuses bâtisses sur ces pentes, il est vrai particulièrement bien exposées. La paix romaine leur ménageait le temps de procéder à des reconstructions ou remaniements comme celui dont témoignent les deux dalles de mortier toutes proches l’une de l’autre, vues ou revues en l’annee 1960, et les ressources voulues pour s’assurer le confort des radiers chauffants et le luxe des belles mosaïques.
Comme on le sait, l’architecture privée dans la Gaule Belgique se distingue par le nombre des hypocaustes et des caves ou celliers. C’est un cellier dont les vestiges sont accessibles sous l’Institution Jeanne d’Arc depuis 1865 et, sur moins de 600 m carrés, on a vu en cet ancien couvent des restes de quatre hypocaustes.
Les vestiges décelés sont tous parallèles ou perpendiculaires les uns aux autres et à l’axe de notre ensemble monumental. Il semble bien qu’un quadrillage existait à Bavai et ce n’est jamais sans éprouver quelque admiration qu’on retrouve, au fond d’une tranchée, sur un bout de mur en ruines, avec ses belles exigences, l’ordre romain.
Henri BIEVELET
Les plans de cette note ont été dressés par M. Rene Jolin. Qu’il agrée nos remerciements. Déménagées une fois de plus au cours de l’été 1960 nos collections sont restées depuis inaccessibles et il ne nous a pas été possible d’étudier les objets recueillis dans les différentes fouilles dont il vient d’être questions.
FOUILLES ACTUELLES :
Saviez-vous que l’on a mis au jour récemment un magnifique dallage du Ier siècle sur le Forum antique de Bavay ? En effet, des fouilles y sont encore menées régulièrement pour faire avancer l’état de nos connaissances sur cette période. Prenez le temps de découvrir ce site archéologique majeur !
Vidéo : Plongée au Forum Antique de Bavay
Vidéo : En Immersion les Fouilles programmées à Bavay
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Une extraordinaire découverte en 2021
Courant avril 2021 les archéologues ont découvert une trompe des légions romaines longue de 2.70 mètres. Elle est décorée de motifs moulés avec son embouchure du III ou IV e siècle. Elle est composée de cinq éléments dont le métal est différent selon les sections. C’est une découverte exceptionnelle qui va nécessiter beaucoup d’examens et de recherches afin que l’instrument de musique révèle tous ses secrets.